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Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 13-13.578

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Trading French international (SARL)

Défendeur :

JVC France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Paris, pôle 5 ch. 11, du 18 janv. 2013

18 janvier 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2013), que la société JVC France, distributeur des produits de la marque JVC, a ouvert le 31 décembre 1999 un compte client à la société Trading French international (la société TF Inter), grossiste revendeur de produits électroniques ; que, le 29 avril 2008, la société JVC France a ouvert un compte à la société C Discount, revendeur de produits électroniques sur Internet, alors cliente de la société TF Inter ; que, s'estimant victime d'une rupture de relations commerciales établies et d'actes de concurrence déloyale imputables à la société JVC France, la société TF Inter l'a assignée en responsabilité ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société TF Inter fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par elle du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies alors, selon le moyen : 1°) que celui qui, sans respecter un préavis suffisant, rompt, même partiellement, une relation commerciale établie engage sa responsabilité ; qu'après avoir constaté que la société JVC France traite désormais directement avec la société C Discount, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF Inter, qui jouait le rôle d'intermédiaire, ce dont il résultait que la relation commerciale établie entre la société TF Inter et la société JVC France avait été rompue par cette dernière, au moins partiellement, quant aux commandes passées par la société C Discount, la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de la société JVC France sans violer l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; 2°) qu'en retenant que la société JVC France n'a pas résilié le compte ouvert au nom de la société TF Inter, ni oeuvré pour la rupture de leurs relations, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si en traitant désormais directement avec la société C Discount, là où les commandes de celles-ci transitaient auparavant par la société TF Inter avec laquelle elle s'entendait pour déterminer le volume de commandes à passer au regard de l'évolution du site Internet de la société C Discount, la société JVC n'avait pas, au moins partiellement, rompu brutalement les relations commerciales qui l'unissaient à la société TF Inter, faute pour cette dernière de produits à écouler auprès de celui qui fut son principal client, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ne vise que la situation de rupture d'une relation commerciale et ne saurait être invoqué pour reprocher à un partenaire le contrat signé avec un tiers qui ne saurait traduire une volonté cachée de rupture, l'arrêt relève que la société JVC France, non seulement n'a jamais résilié le compte ouvert dans ses livres par la société TF Inter, mais n'a pas davantage oeuvré dans le sens d'une rupture des relations, justifiant lui avoir consenti en 2008 et 2009, des conditions analogues aux précédentes, que la société TF Inter a acceptées ; qu'ayant par ces énonciations et constatations fait ressortir que les dispositions du texte précité n'étaient pas applicables, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société TF Inter fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société JVC France à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par elle du fait de la perturbation de son réseau de distribution, alors, selon le moyen : 1°) que le détournement de la clientèle d'un partenaire commercial privilégié est un acte de concurrence déloyale ; qu'en écartant tout acte de concurrence déloyale commis par la société JVC France, après avoir pourtant constaté que la société JVC France avait choisi de procéder à une revente directe de ses produits à la société C Discount, ce dont il résultait que la société JVC France avait détourné le principal client de la société TF Inter - avec qui elle est, par ailleurs, en relation d'affaires - dans le seul but d'évincer cette dernière du circuit de distribution et avait ainsi fait preuve de déloyauté à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société TF Inter faisant valoir que la société JVC France avait commis une faute délictuelle en approvisionnant directement la société C Discount, tout en sachant qu'il était le principal client de la société TF Inter, et participant ainsi à la perturbation de son réseau de distribution et à l'annulation de commandes passées par C Discount, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'à supposer même que la société JVC France ait démarché la société C Discount, il ne pourrait en être déduit l'existence d'un acte de concurrence déloyale, la liberté du commerce et de l'industrie permettant à tout commerçant d'attirer une nouvelle clientèle et qu'un tel grief ne pourrait être caractérisé que par des agissements déloyaux, qui ne sont ni établis ni même allégués par la société TF Inter, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.