Cass. com., 11 mars 2014, n° 12-29.820
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ménard
Défendeur :
Schoen distribution 45 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Tiffreau, Corlay, Marlange
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 11 octobre 2012), que Mme Ménard qui exploite un fonds de commerce de café-bar-brasserie-débit de tabac a conclu le 1er mai 2007 avec la société Pitault distribution (la société Pitault) un contrat de fourniture de boissons, autre que la bière, d'une durée de 7 ans et comportant une obligation d'achat de marchandises auprès du fournisseur pour un chiffre d'affaires minimum hors taxes de 38 000 euros par an ; qu'en contrepartie de cet engagement, la société Pitault a mis à disposition de Mme Ménard du mobilier de terrasse ; que Mme Ménard ne s'étant plus approvisionnée auprès de la société Pitault, la société Schoen distribution 45 venant aux droits de cette dernière a demandé la condamnation de Mme Ménard au paiement d'une indemnité de rupture pour non-respect de son engagement de fourniture et d'une certaine somme au titre du remboursement du matériel mis à disposition ;
Attendu que Mme Ménard fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes de la société Schoen distribution 45 alors, selon le moyen : 1°) que l'obligation d'approvisionnement exclusif doit être appréciée concrètement en tenant compte de l'importance de la clause de minimum de chiffre d'affaires à respecter par le distributeur pour le produit en cause au regard de ses ventes réalisées pour ledit produit dans le cadre de son activité ; que la seule stipulation d'une clause permettant une liberté d'approvisionnement du distributeur " à hauteur de 20 % de ses besoins globaux " est insuffisante dès lors que celle-ci apparaît illusoire au regard de l'engagement d'achat minimum souscrit ; qu'en statuant en sens contraire en disant que " cette disposition contractuelle exclu(t) le caractère exclusif du contrat " et que le contrat du 1er mai 2007 devait recevoir plein effet, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 330-2 du Code de commerce ; 2°) que l'obligation d'approvisionnement exclusif doit être appréciée en tenant compte de l'importance de la clause de minimum de chiffre d'affaires à respecter par le distributeur pour le produit en cause au regard de ses ventes réalisées pour ledit produit dans le cadre de son activité ; qu'il a été fait valoir aux conclusions d'appel (point 3.2 a) " (...) Mme Ménard a produit aux débats les chiffres d'affaires qu'elle a réalisés en 2009 et 2010 pour les boissons objet de la convention de fourniture du 1er mai 2007 et qui s'élèvent respectivement à 20 849 euros HT et 1 457 euros HT bien éloignés du chiffre d'affaires minimum annuel de 38 000 euros exigé par la convention ; que s'agissant des chiffres d'affaires réalisés en 2007 et 2008, il ressort des statistiques comparatives établies par la société Schoen distribution 45, que pour l'année 2007, l'établissement Le Rallye a réalisé avec son distributeur un chiffre d'affaires pour les boissons (hors bières objet de la convention de fourniture conclue avec la société Heineken) de 16 148 euros HT ; pour l'année 2008, ce chiffre d'affaires s'est élevé à la somme de 20 395 euros HT ; que ces chiffres sont bien loin du chiffre d'affaires minimum annuel de 38 000 euros HT imposé par la convention de fourniture de boissons ; que ce sont ces chiffres d'affaires " boissons " qui doivent être examinés afin d'apprécier la validité et la portée du contrat de fourniture de boissons et non le chiffre d'affaire global annuel réalisé par Mme Ménard qui englobe toutes les ventes réalisées par son établissement (restauration, tabac, jeux, journaux...) ; (...) qu'il est établi que le chiffre d'affaires " boisson hors bières objet de la convention de fourniture conclue avec la société Heineken " réalisé annuellement par Mme Ménard était largement inférieur au minimum annuel de 38 000 euros HT qui lui était contractuellement imposé ; comment Mme Ménard aurait-elle pu conserver la liberté de s'approvisionner à hauteur de 20 % de ses besoins auprès d'un autre fournisseur " ; qu'en s'abstenant de prendre en compte ces données chiffrées pertinentes et en se contentant d'affirmer que le contrat ne contenait pas d'obligation d'exclusivité " dans la mesure où aucune démonstration chiffrée ne démontre que sa liberté d'achat [de Mme Menard] n'a pu jouer sur les 20 % contractuellement prévus " et que le contrat du 1er mai 2007 devait recevoir plein effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 330-2 du Code de commerce ; 3°) que l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet ; que dans les contrats à titre onéreux l'existence de la cause de l'engagement du contractant s'apprécie au regard de l'équilibre des obligations contractuelles et de la réalité et de l'utilité de la contrepartie à l'engagement consenti ; qu'il a été fait valoir par Mme Ménard que son engagement d'approvisionnement minimum aux termes de la convention du 1er mai 2007 représentant la somme totale de 266 000 euros pour une durée de 7 ans, soit 38 000 euros par année de contrat, rendait dérisoire la contrepartie de la société Pitault distribution, devenue Schoen distribution 45, consistant en la seule mise à disposition d'un mobilier de terrasse d'une valeur déclarée de 6 215,50 euros HT ; qu'en se contentant de dire que le contrat n'était pas dépourvu de cause, par seuls motifs adoptés, que " le contrat contenait des obligations réciproques puisqu'en échange de son approvisionnement en boissons, le revendeur se voyait mettre à disposition du mobilier de terrasse " et " qu'au surplus l'avantage procuré ne s'évalue pas seulement au travers de considérations quantitatives mais également qualitatives ", sans rechercher si l'obligation de la société Schoen distribution 45 présentait une contrepartie réelle à l'engagement d'approvisionnement minimum d'une durée de 7 ans consenti par l'exposante aux termes de la convention du 1er mai 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le moyen, qui ne tire aucune conséquence de l'exclusivité revendiquée, ne peut être accueilli ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé par motifs adoptés que le contrat contenait des obligations réciproques puisqu'en échange de son approvisionnement en boissons, le revendeur se voyait mettre à disposition du mobilier de terrasse et retenu que l'avantage procuré ne s'évaluait pas seulement au travers de considérations quantitatives mais également qualitatives, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu déduire de ces constatations et appréciations souveraines que le contrat n'était pas dépourvu de cause ; d'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.