Cass. com., 11 mars 2014, n° 13-13.304
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Blardoni, Aud'ligne Taxi (Sté)
Défendeur :
Escach, Soto, Rech, Ricard, Teissier, Dechery, Hurlault, Cholon, Riba, Puy, Raynaud, Cabrero, Lhomme, Rouzeau, Association Allo Carcassonne Taxi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Riffault-Silk
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Blanc, Rousseau, SCP Tiffreau, Corlay, Marlange
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 31 janvier 2013), que s'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale de la part de Mme Blardoni, chauffeur de taxi à l'enseigne " Aud'ligne Taxi ", l'association " Allo Carcassonne Taxi " et les quinze membres de cette association ont demandé en référé que soit ordonnée la cessation des pratiques incriminées et que leur soit allouée une provision ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que Mme Blardoni fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à supprimer toutes mentions sur les annuaires papier ou électroniques et sur son site internet présentant son entreprise comme " basée à Carcassonne " ou " taxi à Carcassonne " ou encore " taxi carcassonnais ", ou encore " taxi aéroport " ou " taxi gare " et de l'avoir condamnée à ne plus figurer sous la rubrique géographique " Carcassonne ", le tout sous astreinte, alors, selon le moyen : 1°) que les taxis sont tenus de stationner dans leur commune de rattachement ou dans une commune faisant partie d'un service commun de taxis comprenant leur commune de rattachement et peuvent également stationner dans les communes où ils ont fait l'objet d'une réservation préalable dont les conducteurs doivent apporter la preuve en cas de contrôle; qu'en considérant que la possibilité pour les taxis de stationner dans les communes dans lesquelles ils avaient fait l'objet d'une réservation préalable constituait une exception à la règle soumise à des conditions plus strictes, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-11 du Code des transports ; 2°) que ne constitue pas un trouble manifestement illicite le fait pour un artisan taxi de faire de la publicité sur une commune sur laquelle il ne possède pas d'autorisation de stationnement dès lors que l'annonce ne mentionne pas mensongèrement une autorisation de stationner sur cette commune ; qu'en ayant retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite après avoir constaté que sous la mention " Taxi à Carcassonne ", figurait sur la publicité l'indication des villes exactes dans lesquelles Mme Blardoni disposait d'une licence de stationnement, la cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dit que la possibilité pour les taxis de stationner dans les communes dans lesquelles ils avaient fait l'objet d'une réservation préalable constituait une exception à la règle soumise à des conditions plus strictes ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir exactement énoncé qu'en application des articles L. 3121-1 et L. 3121-11 du Code des transports, les exploitants d'une entreprise de taxi doivent être titulaires d'une licence de stationnement et sont tenus de stationner dans leur commune de rattachement, sauf réservation préalable par la clientèle dont les conducteurs doivent rapporter la preuve en cas de contrôle, et que constituent des actes de concurrence déloyale, générateurs d'un trouble manifestement illicite tous agissements tendant à détourner la clientèle ou à l'induire en erreur, dès lors que sont enfreints les règlements, l'arrêt relève que s'agissant de l'annuaire papier, l'entreprise Aud'Ligne taxi figure à la rubrique Carcassonne, le lieu de son " siège social " à Carcassonne figurant en gros caractères et celui de sa commune de rattachement à Leuc en caractères plus petits et difficilement lisibles, que le moteur de recherche Google fait apparaître l'entreprise comme " Aud'Ligne taxi Carcassonne" ou " Taxi aéroport Carcassonne ", que le site internet de l'entreprise tel que décrit suivant procès-verbal de constat d'huissier de justice est agrémenté de photographies de la cité de Carcassonne et indique en gros caractères " notre compagnie est basée à Carcassonne ", cependant que la mention des lieux de stationnement attachés à la licence de l'entreprise figure en caractères très réduits ; qu'il retient que la publicité ainsi décrite crée manifestement une confusion dans l'esprit du public, voire persuade le client désireux de réserver un taxi que les véhicules de l'entreprise stationnent à Carcassonne et préjudicie donc aux entreprises de taxi de plein exercice à Carcassonne, tenues d'acquitter, pour acquérir une licence de stationnement dans cette ville, des droits beaucoup plus onéreux; qu'ayant par ces énonciations, constations et appréciations fait ressortir que la publicité diffusée par Mme Blardoni était de nature à créer une confusion dans l'esprit du public sur les caractères de la licence dont elle était titulaire, et ce au détriment de ses concurrents, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen : - Attendu que Mme Blardoni fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'association Carcassonne Taxi et aux quinze requérants personnes physiques une provision en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen, que le juge des référés ne peut allouer une provision aux créanciers que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en ayant alloué une provision aux créanciers après avoir constaté qu'aucun document comptable n'avait été produit, la cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que dès lors que le principe même de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, une provision peut être allouée, même si le montant de l'obligation est encore sujet à controverse ; qu'ayant retenu que la publicité litigieuse créait manifestement une confusion dans l'esprit du public et qu'il en résultait un préjudice pour les entreprises de taxis de plein exercice à Carcassonne, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; Et attendu que le dernier grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.