CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 mars 2014, n° 13-01906
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Laboratoires Asepta (SA)
Défendeur :
Laboratoire Garancia (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Chokron, Gaber
Avocats :
Mes Hollier-Larousse, Georges Picot, Thirapounnho
Vu l'appel interjeté le 30 janvier 2013 par la société Les Laboratoires Asepta (SA), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 11 octobre 2013 (n° RG: 11/06231) ; Vu les dernières conclusions de la société appelante, ci-après la société Asepta, signifiées le 26 juillet 2013 ; Vu les dernières conclusions de la société Laboratoire Garancia, ci-après la société Garancia, intimée, signifiées le 20 juin 2013 ; Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 novembre 2013 ;
Sur ce, LA COUR :
Considérant que les sociétés Asepta et Garancia exercent concurremment leur activité dans le domaine de la conception, la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques ;
Que la société Asepta, titulaire de la marque verbale française "Coup d'éclat", déposée le 30 septembre 1987 et dûment renouvelée le 26 octobre 1997 puis le 17 juillet 2007 sous le n° 1 428 907 pour désigner dans la classe 3 les produits cosmétiques , ayant découvert que la société Garancia avait mis sur le marché un sérum pour le visage dénommé Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé en faisant usage du signe "Coup d'éclat" apposé tant sur l'emballage cartonné du produit que sur la fiche destinée à sa promotion, lui a adressé, vainement, le 3 mars 2011, une mise en demeure de cesser de porter atteinte à ses droits de marque, puis a fait établir, le 5 avril 2013, un constat d'huissier de justice, avant d'engager devant le Tribunal de grande instance de Paris, suivant assignation du 15 avril 2011, une instance en contrefaçon de la marque "Coup d'éclat" au fondement des dispositions des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, l'a déboutée de ses demandes au motif que l'utilisation incriminée du signe "Coup d'éclat" n'était pas faite à titre de marque et a pareillement rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Garancia à laquelle il a toutefois alloué une indemnité de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Que les parties maintiennent en cause d'appel leurs prétentions telles que précédemment soutenues devant les premiers juges sauf pour la société appelante d'ajouter que l'atteinte portée au pouvoir distinctif de la marque caractérise en l'espèce un acte de concurrence déloyale qu'il convient de sanctionner ;
Considérant, ceci ayant été rappelé, que les faits de l'espèce sont constants, la société Garancia reconnaissant utiliser le signe "Coup d'éclat" sur la face principale de l'emballage cartonné du produit dénommé Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé ainsi que l'expression "formule magique coup d'éclat" sur la fiche promotionnelle de ce produit laquelle est présentée sur le site Internet www.garancia-beauty.com ;
Considérant que la société Garancia conteste, par contre, que de telles utilisations puissent caractériser des atteintes aux droits de la société Asepta sur la marque "Coup d'éclat" et se réfère à cet égard aux motifs du jugement dont appel dont elle poursuit la confirmation ;
Considérant que la société Asepta persiste quant à elle à soutenir que la contrefaçon est en l'espèce constituée que ce soit par reproduction de la marque (article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle) ou par imitation de la marque (article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle) et récuse le motif selon lequel le signe "Coup d'éclat" ne servirait qu'à donner une information sur l'effet recherché du produit ;
Considérant que les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l'article 5 de la Directive 89/104 CEE du Conseil de l'Union européenne, n'autorisent l'exercice du droit conféré au titulaire de la marque que dans les cas où l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ;
Considérant qu'il s'en infère que seul est susceptible de caractériser une contrefaçon de marque, l'usage d'un signe fait à titre de marque c'est à dire conformément à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ;
Considérant que la cour observe, concernant la reproduction du signe "Coup d'éclat" sur le carton d'emballage du produit, que le signe incriminé est inscrit sur le côté gauche et à mi-hauteur du conditionnement, en lettre minuscules dorées et encadrée de part et d'autre de deux petits losanges dorés ; que non loin, toujours en partie centrale de l'emballage, apparaît la mention sérum aux essences magiques embellisseuses du teint et embaumantes ;
Considérant que sur la même face de l'emballage, en partie supérieure, se présente l'ensemble verbal Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé, dont les composantes sont échelonnées sur quatre étages et inscrites en caractères majuscules gras de couleur blanche, l'ensemble étant encadré de part et d'autre de deux crochets dorés ;
Considérant que figure enfin, en partie inférieure de la face cartonnée, le signe Garancia écrit en caractères majuscules gras de couleur noire ;
Considérant que s'il est couramment fait usage, dans le domaine des produits cosmétiques, de marques distinctes, apposées sur un même emballage, marque ombrelle et sous-marques, force est de constater, en l'espèce, que seules occupent une place prépondérante, de manière à être mises en exergue au plan visuel, les marques Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé et Garancia lesquelles sont en outre dotées, au plan intellectuel, d'un fort pouvoir distinctif au regard du produit concerné, la première à raison de l'évocation de l'univers de la sorcellerie, la seconde à raison de son caractère purement arbitraire ;
Considérant qu'il n'est pas contesté au demeurant que les signes Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé et Garancia ont vocation à identifier et à désigner le produit et à le distinguer des produits provenant d'une autre entreprise ;
Or considérant qu'au regard de ces deux signes tels que précédemment décrits et respectivement positionnés en haut et en bas du conditionnement cartonné, le signe incriminé "Coup d'éclat", fut-il écrit en lettres dorées légèrement obliques et encadré de petits losanges dorés, occupe à l'évidence une place mineure et secondaire, de sorte que le consommateur ne sera pas spontanément enclin à l'associer aux deux signes précités et à lui attribuer la même fonction à savoir la fonction de marque ;
Considérant qu'il s'infère d'une telle circonstance, conjuguée à la présence à proximité du signe attaqué, également à mi-hauteur de l'emballage, de la mention descriptive de la qualité du produit sérum aux essences magiques embellisseuses du teint et embaumantes , que l'expression "Coup d'éclat" ne sera pas perçue par le consommateur comme une indication de l'origine commerciale du produit mais sera appréhendée dans son acception courante et comprise comme désignant une caractéristique du produit à savoir l'effet 'coup d'éclat' promis pas le produit et le teint 'éclatant' qui résulte de son utilisation ;
Considérant que le document publicitaire montre quant à lui un flacon sur lequel sont apposées les mentions suivantes : Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé en partie supérieure, Garancia en partie inférieure, sérum aux essences magiques embellisseuses du teint et embaumantes en partie centrale ;
Considérant que les mentions Philtre Légendaire & Centenaire Retrouvé et Garancia sont reprises sur le formulaire lui-même, la première en partie supérieure du formulaire, la seconde en partie inférieure, en partie centrale est apposée en l'expression "formule magique coup d'éclat" ;
Considérant que le signe "Coup d'éclat" est absent du flacon exposé sur le document publicitaire et ne figure que sur le document lui-même ;
Considérant qu'il découle de cette circonstance, ajoutée au fait que le signe "Coup d'éclat" est précédé de l'expression "formule magique" pour composer l'ensemble "formule magique coup d'éclat", que le consommateur ou l'utilisateur final appréhendera le signe incriminé non pas comme un indicateur de l'origine commerciale du produit mais comme un slogan publicitaire appelé à louer les qualités du produit et les résultats promis par la 'formule magique' dont le produit est issu ;
Considérant que c'est dès lors à raison que la société Garancia fait valoir qu'elle ne fait pas usage du signe "Coup d'éclat" à titre de marque ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'atteinte invoquée à la fonction de la marque n'est pas caractérisée et que les demandes formées au fondement de contrefaçon ne sauraient prospérer ainsi qu'il a été jugé à bon droit par le tribunal ;
Considérant que les développements qui précèdent montrent que l'atteinte au pouvoir distinctif de la marque n'est pas établie pas plus qu'un risque de confusion n'est avéré et que les demandes en concurrence déloyale formées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas fondées ;
Considérant que la demande reconventionnelle pour procédure abusive sera, par confirmation du jugement déféré, rejetée, le droit d'ester en justice dont le droit de former appel est une composante essentielle, n'étant susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas établies à la charge de la société Asepta qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue des droits attachés à sa qualité de titulaire de la marque litigieuse ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande d'indemnité complémentaire formée par la société Garancia au titre des frais irrépétibles ;
Par ces motifs : Confirme le jugement dont appel, Y ajoutant, Déboute de toutes demandes contraires aux motifs de l'arrêt, Condamne la société Asepta aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.