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Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 12-29.434

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Eram (SAS), Exten.s (SARL)

Défendeur :

Fluchos SL (Sté), Bata France distribution (SAS), Béryl (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, Me Bertrand, SCP Delaporte, Briard, Trichet

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 24 mars 20…

24 mars 2011

LA COUR : - Donne acte aux sociétés Eram et Exten.s de leur désistement envers la société Beryl ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Exten.s, titulaire d'un brevet européen EP 1383402, déposé sous brevet français FR 0105702, sur une semelle, dénommée " S.Stens ", extensible transversalement au moyen d'un insert élastique pour s'adapter aux déformations du pied, a concédé en 2002 une licence exclusive d'exploitation de ce brevet à la société Manufacture française des chaussures Eram (la société MFCE), pour la France, l'Union européenne et la Suisse ; qu'estimant que la société Fluchos commercialisait, par l'intermédiaire des sociétés Bata et Beryl, des chaussures en leur attribuant de manière mensongère les caractéristiques de la semelle sous brevet, la société Exten.s et la société MFCE les ont fait assigner au titre d'une concurrence déloyale ; que la société MFCE ayant ultérieurement fait l'objet d'une fusion-absorption au bénéfice de la société Eram, cette dernière a déclaré venir à ses droits ;

Sur le second moyen pris en ses sixième et septième branches : - Attendu que la société Exten.s fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que l'action pour parasitisme ne requiert pas l'existence d'un risque de confusion ; qu'en exigeant de la société Exten.s qu'elle démontre l'existence d'un tel risque entre les deux modèles de semelle en litige, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à affirmer, de manière péremptoire, que la société Exten.s ne démontrerait pas l'importance des investissements dont la société Fluchos a pu bénéficier sans bourse délier, sans prendre en compte le fait par elle constaté que cette société avait déposé un brevet français puis un brevet européen portant sur une semelle extensible transversalement au moyen d'un insert élastique pour s'adapter aux déformations du pied, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait, qu'il n'était pas démontré que la société Fluchos s'était placée dans le sillage de la société Exten.s pour vendre ses semelles, la cour d'appel a, par ces motifs suffisants, et abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la première branche, légalement justifié sa décision au titre des agissements parasitaires ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 31 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour juger irrecevable l'action en concurrence déloyale de la société Eram, déclarant venir aux droits de la société MFCE, l'arrêt retient que le contrat de licence exclusive consenti par la société Exten.s à la société MFCE ne lui a pas été transmis à l'issue de la fusion-absorption réalisée en décembre 2010 et qu'elle est ainsi dépourvue d'intérêt à agir ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le défaut d'intérêt à agir de la société Eram au titre d'une action fondée sur des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005-29-CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ; - Attendu qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ;

Attendu que pour dire qu'aucune publicité déloyale n'était imputable aux sociétés intimées, l'arrêt, après avoir relevé que l'expertise réalisée par le centre technique du cuir établit que la présentation effectuée par la société Fluchos des semelles équipant ses chaussures constitue une présentation fausse du produit, retient qu'il n'est pas démontré que la publicité litigieuse pratiquée sur une petite échelle ait pu affecter le comportement économique des consommateurs de manière substantielle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié le caractère substantiel de l'altération du comportement économique du consommateur au regard de l'incidence de la pratique sur le marché concerné et non sur la décision commerciale du consommateur moyen, a violé les textes susvisés ;

Sur le même moyen pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005-29-CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ; - Attendu que pour dire que le comportement économique des consommateurs n'avait pu être altéré et écarter toute publicité déloyale, l'arrêt relève encore que l'attente des consommateurs est limitée au confort de la chaussure, la souplesse de la semelle étant essentiellement recherchée et retient qu'il n'est pas démontré qu'un nombre significatif de consommateurs aurait décidé d'acheter les chaussures litigieuses au vu de l'étiquette litigieuse dans la croyance erronée que les semelles étaient à bande variable ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère déterminant des fausses indications relatives à la flexibilité de la semelle des chaussures commercialisées par la société Fluchos sur le comportement économique du consommateur moyen dont elle a défini l'attente comme étant en lien avec la souplesse de la semelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Eram et rejeté les demandes formées par la société Exten.s au titre d'une concurrence déloyale fondée sur une publicité déloyale, l'arrêt rendu le 26 septembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.