Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-29.934
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Le Traiteur du Val-de-Cère (Sté)
Défendeur :
Passion gourmande (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Spinosi, SCP Odent, Poulet
LA COUR : - Donne acte à la société Passion gourmande du désistement de son pourvoi incident ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Passion gourmande a, pendant l'année 2007, effectué pour le compte de la société Le Traiteur du Val-de-Cère diverses prestations sans que les parties parviennent à se mettre d'accord sur un contrat organisant leurs relations, lesquelles ont pris fin le 9 janvier 2008 ; que la société Passion gourmande, soutenant qu'elle avait exercé une activité d'agent commercial, a fait assigner la société Le Traiteur du Val-de-Cère en paiement de ses commissions, ainsi que d'une indemnité de rupture ; que la société Le Traiteur du Val-de-Cère a reconnu devoir la somme de 4 172,73 euros au titre des commissions pour le second semestre 2007 et, reprochant à la société Passion gourmande d'avoir eu un comportement déloyal à son égard, a reconventionnellement réclamé des dommages-intérêts ;
Sur le second moyen : - Attendu que la société Le Traiteur du Val-de-Cère fait grief à l'arrêt de condamner la société Passion gourmande à lui payer la somme de 5 000 euros seulement à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que commet un acte de concurrence déloyale l'agent commercial qui, en cours de mandat, représente une entreprise concurrente sans en avertir son mandant ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que la société Passion gourmande ne s'était pas rendue coupable de concurrence déloyale en omettant de l'avertir qu'elle représentait une entreprise concurrente, à défaut de toute manœuvre supplémentaire, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; 2°) que le devoir de loyauté qui pèse sur l'agent commercial l'oblige, même en l'absence de clause de non-concurrence ou d'exclusivité, à ne pas exercer d'activité similaire pour un concurrent, sans en avertir son mandant ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que la société Passion gourmande avait exercé, au profit d'une société concurrente, une activité similaire à celle convenue avec la société Le Traiteur du Val-de-Cère, sans l'en avertir, ce qui l'avait empêchée de prendre les mesures appropriées pour pallier cette concurrence, a ensuite estimé que le préjudice subi par cette dernière ne pouvait résulter d'une diminution de son chiffre d'affaires et donc d'une perte de marge engendrées par une telle activité concurrente, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard des articles L. 134-3, L. 134-4 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que, si la société Passion gourmande a commis une faute grave pour ne pas avoir informé la société Le Traiteur du Val-de-Cère, pour laquelle elle accomplissait une activité d'agent commercial, qu'elle exerçait au profit d'un concurrent une activité en tous points similaire, manquant ainsi à son obligation de loyauté, ce qui justifiait la rupture du contrat d'agent commercial, sans indemnité, il ne peut en revanche lui être reproché un comportement constitutif de concurrence déloyale dès lors que l'activité qu'elle a développée au profit d'un concurrent de son mandant n'a pas été accompagnée de manœuvres destinées à détourner irrégulièrement la clientèle de ce dernier, à entraîner une confusion dans l'esprit de cette clientèle ou à désorganiser son entreprise ; qu'en l'état de ces motifs excluant tout acte de concurrence déloyale de la part de la société Passion gourmande, la cour d'appel a statué à bon droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le préjudice subi par la société Le Traiteur du Val-de-Cère à la suite du manquement, par la société Passion gourmande, à son obligation de loyauté envers elle résultait, non pas de la concurrence ainsi effectuée, mais de la privation de la possibilité de prendre des mesures appropriées pour pallier cette concurrence, c'est souverainement que la cour d'appel a apprécié le montant de l'indemnité propre à en assurer la réparation ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner la société Le Traiteur du Val-de-Cère à payer à la société Passion gourmande une certaine somme en rémunération de ses prestations, l'arrêt retient qu'avant les discussions sur le contrat écrit d'agent commercial, il existait un accord verbal sur la rémunération forfaitaire de l'activité de la société Passion gourmande, qui résulte du préambule du premier projet de protocole d'accord préparé par la société Le Traiteur du Val-de-Cère et soumis par elle en juillet 2007 à la société Passion gourmande, lequel précisait que les parties avaient fixé la rémunération forfaitaire de l'activité de la société Passion gourmande à 84 000 euros pour l'année 2007, payable à hauteur de 4 000 euros par mois de janvier à mars 2007, puis de 8 000 euros par mois d'avril à décembre 2007, cette précision n'ayant pas été modifiée par la société Passion gourmande, au contraire d'autres clauses des annexes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le document intitulé " protocole d'accord ", daté du 20 juin 2007, qui comportait le préambule cité par l'arrêt, avait, selon les conclusions des parties, concordantes sur ce point, été établi par la société Passion gourmande, la cour d'appel, qui en a dénaturé la portée, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société Le Traiteur du Val-de-Cère à payer à la société Passion gourmande une somme de 48 000 euros, l'arrêt rendu le 4 juin 2012, entre les parties, par la Cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Agen, autrement composée.