Livv
Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 23 octobre 2012, n° 11-05247

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Anaf Auto Auction (Sté)

Défendeur :

Mangano (épouse Gallo)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Baizet

Conseillers :

Mme Guigue, M. Ficagna

TGI Lyon, du 30 juin 2011

30 juin 2011

Madame Mangano épouse Gallo a acquis le 17 juin 2009 un véhicule Infinity FX 35, lors d'une vente aux enchères organisée par la maison de ventes aux enchères Anaf Auto Auction (société ANAF).

Estimant avoir été trompée sur le kilométrage réel du véhicule, Madame Gallo, par acte du 20 août 2010, a fait assigner la société ANAF devant le Tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et aux fins d'indemnisation de son préjudice.

La société ANAF a conclu au débouté de la demande.

Par jugement du 30 juin 2011, le Tribunal de grande instance de Lyon a :

- annulé la vente,

- condamné la société ANAF à payer à Madame Gallo les sommes de :

* 21 418,47 euros au titre de la restitution du prix de vente,

* 1 825,27 euros au titre des frais de réparation engagés depuis la vente,

- ordonné à Madame Gallo de restituer le véhicule et de le mettre à la disposition de la société ANAF dès le versement par celle-ci de l'intégralité des sommes mises à sa charge,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société ANAF à payer à Madame Gallo la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société ANAF a relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

- de constater qu'il n'est pas démontré une erreur sur les qualités substantielles de la chose litigieuse, à titre subsidiaire, de constater que l'erreur ne peut en aucun cas être excusable,

- de débouter Madame Gallo de ses demandes,

- de condamner Madame Gallo à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société ANAF soutient :

- que s'agissant d'un véhicule d'importation, (V6 3,5 litres de 280 CH) le compteur était en "miles" comme cela avait été indiqué sur l'affichette de la société Anaf Auto Auction et rappelé expressis verbis par le commissaire-priseur lors de la vente,

- que le véhicule a été exposé plusieurs jours à l'avance et que le compteur porte la mention "MPH", soit miles per hour,

- que les erreurs matérielles postérieures à la vente sont sans incidence,

- que si erreur il y a eu, elle n'est pas substantielle, compte tenu de la qualité du véhicule et de la puissance de son moteur et n'est pas excusable compte tenu des informations communiquées,

- que les demandes relatives à la pose de valve, de pneus suite à crevaison, de balais d'essuie-glace, de liquide, plaquette de freins etc. ne sont pas sérieuses,

- que le véhicule s'est déprécié depuis la vente et que le tribunal aurait dû en tenir compte.

Madame Gallo demande à la cour :

- de confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente,

- de condamner la société ANAF à lui payer :

* 21 418,47 euros en remboursement du prix de vente ;

* les frais de carte grise (mémoire) ;

* 1 175 euros au titre des frais d'assurance ;

* 3 600 euros au titre des frais de gardiennage ;

* 1 931, 20 euros au titre des frais de réparation ;

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- de prononcer l'exécution provisoire de la décision.

Elle soutient :

- que la fiche de synthèse du contrôle technique consultable sur le site internet indiquait "kilométrage inscrit au compteur : 62 283",

- que la fiche descriptive du véhicule accolée sur le pare-brise comportait deux mentions :

"kilomètres compteur : 62 283 km"

"compteur en miles"

- que la facture rappelait expressément que le véhicule était vendu à 62 283 km,

- qu'elle ne s'est aperçue de l'erreur que le lendemain de la livraison du véhicule,

- qu'il ne ressort pas de la bande sonore que le commissaire-priseur ait expressément annoncé 100 275 km qui est pourtant une indication fondamentale,

- que ses demandes indemnitaires sont en lien de causalité avec l'annulation de la vente, notamment en ce qui concerne les frais de gardiennage évalués à 15 euros par jour, que le tribunal a rejetés à tort.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'une erreur,

Madame Gallo indique avoir commis une erreur lors de l'achat du véhicule, pensant avoir acheté un véhicule ayant parcouru 62 283 km et non 62 283 miles.

Aucune des pièces produites ne démontre le contraire.

En conséquence, il convient de considérer que Madame Gallo, dont la bonne foi doit être présumée, a bien commis une erreur.

Il lui appartient toutefois d'établir :

- que son erreur porte sur les qualités substantielles de la chose vendue,

- que son erreur était excusable au vu des circonstances de la vente.

Sur la portée de l'erreur,

Le kilométrage d'un véhicule détermine pour une grande part l'état d'usure du véhicule et sa longévité.

En l'espèce, l'erreur commise portant sur une différence de près de 40 000 km, il convient de constater que l'erreur porte bien sur une qualité substantielle du véhicule, quand bien même il s'agirait d'un véhicule haut de gamme.

Sur la caractère excusable de l'erreur,

Lorsqu'elle est "inexcusable" de la part de celui qui s'en prévaut, l'erreur substantielle n'est pas une cause de nullité.

En l'espèce, Madame Gallo a eu son attention attirée par un encart publié dans la presse annonçant une vente aux enchères le mercredi 17 juin 2009 de 50 véhicules haut de gamme, organisée par la société ANAF, annonçant une exposition des véhicules le mercredi 17 juin de 15 heures à 18 heures et renvoyant sur le site www.anaf.com pour plus d'informations.

Sur ce site, Madame Gallo a pu avoir connaissance des informations suivantes pour le véhicule INFINITY FX35 sur lequel se portait son choix :

" kilométrage inscrit au compteur : 62 283 ".

Il n'est pas précisé que le compteur est en miles (1610 km).

Lors de l'exposition, une affichette était apposée sur le pare-brise mentionnant :

" KM COMPTEUR ( non garanti) .........................62 283 KM "

DESCRIPTIF

REGULATEUR DE VITESSE-INTERIEUR CUIR-GPS-COM(P)TEUR EN MILES-5 portes-AC-ABS-DA-FC-LVE-TOIT OUVRANT

Le contrôle technique effectué par la société Anaf le 16 juin 2009, que Madame Gallo indique avoir pu consulter avant la vente, mentionne également :

" kilométrage inscrit au compteur ....62283. "

Aucune observation n'est portée au procès-verbal de contrôle technique à ce sujet.

Le gardien de la paix Delphine P., poursuivant l'enquête sur le dépôt de plainte pour escroquerie classée sans suite, dans un procès-verbal du 18 janvier 2010, mentionne avoir procédé à l'exploitation de la bande sonore de la vente aux enchères, et déclare avoir constaté :

" que la présentation du véhicule faite par le commissaire-priseur spécifié (...) les caractéristiques du véhicule en vente et précise que le compteur est en miles et non en kilomètres ".

Enfin le tableau de bord du véhicule fait apparaître que le compteur de vitesse comporte deux couronnes, dont l'une est en MPH (miles per Hour) et l'autre en km.

Le compteur " kilométrique " quant à lui ne mentionne pas d'unité de mesure.

Il résulte de ces éléments que Madame Gallo a pu à deux reprises se rendre compte que le véhicule comportait un compteur affichant 62 283 miles :

- lors de l'exposition qui s'est tenue la veille, en comparant les données de l'affichette, qui précisait que le com(p)teur était en miles et l'indication du compteur du véhicule,

- lors de la vente aux enchères, au cours de laquelle le commissaire-priseur a précisé que le compteur était en miles et non en kilomètres.

Dès lors, l'erreur de Madame Gallo n'est pas excusable, au vu de ces deux informations préalables à la vente par lesquelles il lui était facile avec un minimum d'attention d'écarter les quelques ambiguïtés qu'elle a pu relever.

En conséquence, le jugement sera infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'article 700 du Code de procédure civile

Madame Gallo ayant obtenu gain de cause en première instance, l'instance engagée par elle ne peut être qualifiée d'abusive.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau : - Déboute Madame Mangano épouse Gallo de l'ensemble de ses prétentions, - Déboute la société Anaf Auto Auction de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne Madame Mangano épouse Gallo aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par ceux qui en ont fait la demande.