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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 3 mars 2005, n° 03-11240

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Puccio

Défendeur :

Frugere

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bergez

Conseillers :

Mme Chizat, M. Fournier

Avoués :

SCP Liberas-Buvat-Michotey, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Pyne, Plata, Gobaille, SCP Faigl-Angelozzi

T. com. Nice, du 7 mai 2003

7 mai 2003

Faits, procédure, prétentions des parties

Suivant bon de commande du 28 octobre 1999, Monsieur Damien Puccio, gérant de la société Nice Auto, dont l'activité est la vente de véhicules d'occasion, a vendu à Monsieur Philippe Frugere, un véhicule de marque BMW, affichant 91 200 kilomètres au compteur, moyennant le prix de 12 653,27 euro, pièces et main-d'œuvre garantis un an.

Faisant valoir qu'à l'occasion d'un contrôle réalisé par le concessionnaire BMW "Gaam Nouvelle", le 25 mai 2001, il avait appris que le kilométrage de son véhicule était de 204 177 kilomètres, Monsieur Frugere a assigné le 26 octobre 2001 son vendeur devant le Tribunal de commerce de Nice, en annulation de la vente, en paiement de diverses sommes dont le prix d'achat du véhicule.

Par jugement en date du 7 mai 2003, le Tribunal de commerce de Nice a:

- prononcé l'annulation de la vente ;

- condamné Monsieur Puccio à rembourser à Monsieur Frugere les sommes de 12 653,27 euro au titre du prix d'achat du véhicule, 197,42 euro pour frais d'immatriculation.

- dit que Monsieur Frugere devra rendre à Monsieur Puccio, le véhicule en cause, en état de fonctionnement ;

- débouté Monsieur Frugere du sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné Monsieur Puccio au paiement de la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- débouté Monsieur Frugere de ses autres demandes et Monsieur Puccio de toutes ses demandes ;

- condamné Monsieur Puccio aux entiers dépens.

Monsieur Damien Puccio a relevé appel de cette décision, par déclaration de son avoué, en date du 12 juin 2003.

Vu les conclusions de l'appelant, déposées le 24novembre 2003, tendant à la réformation du jugement, au débouté de Monsieur Frugere, et à sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions de l'intimé, déposées le 19 novembre2004, demandant à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris ;

- de recevoir son appel incident et de condamner Monsieur Puccio à lui payer les sommes de :

* 2 227,88 euro au titre de frais de réparation, révision, entretien et dépannage du véhicule ;

* 2 500 euro pour son préjudice moral ;

* 2 500 euro au titre des frais irrépétibles de première instance.

- de dire que les intérêts au taux légal courent à compter du 30 mai 2001, date de la première mise en demeure (article 115.3 du Code civil)

- de condamner l'appelant au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2004 ;

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel ne fait l'objet d'aucune contestation, ni d'aucun moyen susceptible d'être relevé d'office ;

Sur le dol

Attendu qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans les manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Attendu que le dol suppose l'existence de manœuvres dolosives avec intention de vicier le consentement du cocontractant ;

Attendu qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats permettent de constater que :

- le procès-verbal de contrôle technique du véhicule, en date du 23 juillet 1999 mentionnait un kilométrage de 184 131 kms ;

- le véhicule avait été cédé à Monsieur Puccio, par Monsieur Messaoudine Jean-Louis le 19 octobre 1909, le nombre de kilomètres indiqué étant de 91 000 ;

- le bon de commande entre le garagiste et Monsieur Frugere, en date du 28 octobre 1999, mentionnait 91 200 kms kilométrage garanti sur son certificat de garantie du même jour ;

- le procès-verbal de contrôle technique du 8 novembre 1999, ne précise pas le nombre de kilomètres du véhicule, de même que la facture du garage Gaam ayant procédé à des réparations le 16 mai 2000 ;

- sur la facture du garage Gaam, en date du 25 mai 2001, relative au contrôle du kilométrage, figure le chiffre de 204 177 kilomètres, constatation corroborée par l'attestation de Gaam en date du 13 juin 2001 ;

Attendu qu'il apparaît donc qu'entre le 23 juillet 1999 et la vente du véhicule à Monsieur Frugere, le kilométrage est passé de 184 131 kilomètres à 91 200 kilomètres, kilométrage garanti par Monsieur Puccio, garagiste ;

Attendu qu'aucun élément toutefois ne permet d'imputer à ce dernier des manœuvres dolosives destinées à tromper l'acquéreur, d'autant que lors de l'acquisition du véhicule à Monsieur Messaoudine, le compteur affichait 90 000 kilomètres ;

Attendu que le dol, qui ne se présume pas et doit être prouvé, n'est donc pas établi ;

Sur l'erreur

Attendu que selon l'article 1110 du Code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention, que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;

Attendu que le nombre de kilomètres révélé en mai 2001, (204 177) n'est pas contesté par Monsieur Puccio, et est établi par les pièces du dossier ;

Qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence de mention d'un tel kilométrage sur le procès-verbal du contrôle technique du 8 novembre 1999 et sur la facture du 24 octobre 2000, aucune recherche du kilométrage réel n'ayant été effectué ;

Attendu que la différence de kilomètres est loin d'être négligeable, à savoir 112 977 kilomètres ;

Qu'il n'est pas démontré qu'entre le jour de la cession à Monsieur Frugere et le 30 mai 2001, ce dernier ait parcouru autant de kilomètres ;

Qu'en tout état de cause, il est établi qu'antérieurement à la date de cession, le nombre de kilomètres parcouru par le véhicule litigieux, était déjà très élevé (184 131) ;

Attendu que ce kilométrage avait une incidence certaine sur une qualité substantielle de la chose vendue notamment sur l'usure générale des organes mécaniques ;

Que, du fait de la falsification évidente du compteur du véhicule, l'acquéreur a été trompé sur la substance même de la chose acquise, de sorte que son consentement a été vicié ;

Attendu que l'erreur ainsi constatée est une cause de nullité de la vente intervenue le 29 octobre 1999 entre Monsieur Puccio et Monsieur Frugere ;

Attendu qu'en conséquence Monsieur Puccio doit être condamné à rembourser à Monsieur Frugere le prix d'achat du véhicule (12 653,27 euro) l'acquéreur devant, concomitamment, restituer à son vendeur le véhicule en état de fonctionnement ;

Attendu en ce qui concerne les autres demandes formées par Monsieur Frugere, que :

- la somme de 197,42 euro dépensée par Monsieur Frugere, au titre du coût d'immatriculation du véhicule, doit être remboursée par Monsieur Puccio ;

- Monsieur Puccio doit être condamné à payer à Monsieur Frugere la somme de 2 227,88 euro justifiée au dossier, au titre des frais de réparation, révision, entretien, dépannage du véhicule, interventions nécessitées par l'usure d'un véhicule ayant roulé plus de 200 000 kilomètres, alors que l'acquéreur était, au jour de l'achat, dans l'ignorance de cette usure, au vu du kilométrage indiqué sur le bon de commande, et garanti par le vendeur ;

- l'obligation pour Monsieur Frugere d'assurer un véhicule, quel qu'il soit, n'étant pas directement liée à l'erreur de kilométrages, celui-ci ne peut prétendre obtenir la condamnation de Monsieur Puccio au paiement de la somme de 1 641,80 euro au titre du coût de l'assurance et sa demande sera rejetée ;

- le préjudice moral allégué n'est pas établi, et aucune somme ne sera allouée de ce chef ;

Attendu sur les intérêts légaux, que ceux-ci sont dus, dans les conditions suivantes :

* sur la somme de 12 653,27 euro à compter du 30 mai 2001, date de la mise en demeure adressée par l'acquéreur au vendeur, lui réclamant le remboursement du prix d'achat du véhicule ;

* sur les sommes de 197,42 euro et 2 227,88 euro, à compter de l'assignation en justice, du 26 octobre 2001.

Attendu sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, que l'intimé réclame la somme de 2 500 euro au titre de frais irrépétibles de première instance, par voie d'appel incident ;

Que, toutefois, aucun motif d'équité ne justifie de modifier la somme accordée en première instance, soit celle de 800 euro ;

Attendu qu'en revanche, l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à hauteur de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles exposes en appel ;

Par ces motifs : LA COUR, - Statuant publiquement, contradictoirement, - Déclare l'appel recevable ; - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ; - Infirme pour le surplus ; - Statuant à nouveau ; - Déboute l'appelant de l'ensemble de ses demandes ; - Condamne Monsieur Puccio au paiement de la somme de 2 227,28 euro (deux mille deux cents vingt-sept euro et vingt-huit centimes) au titre des frais de réparation, révision, entretien, dépannage du véhicule. - Condamne Monsieur Puccio au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 12 653,27 euro (douze mille six cents cinquante-trois euro et vingt-sept centimes) à compter du 30 mai 2001, et sur les sommes de 197,42 euro (cent quatre-vingt-dix-sept euro et quarante-deux centimes) et 2 227,88 euro (deux mille deux cents vingt-sept euro et quatre-vingt-huit centimes) à compter du 26 octobre 2001. - Condamne l'appelant au paiement de la somme de 1 500 euro (mille cinq cent euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens distraits au profit de la SCP de Saint Ferreol-Touboul, Avoués, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.