CA Versailles, 12e ch., 18 mars 2014, n° 12-07662
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Domino's Pizza France (SAS)
Défendeur :
Speed Rabbit Pizza (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Calot, Orsini
Avocats :
Me Debray, Lucchini, Guttin, Hatte
Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2012, par la société Domino's Pizza France d'un jugement rendu le 3 octobre 2012 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui :
* l'a condamnée à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,
* a débouté les sociétés Domino's Pizza France et Speed Rabbit Pizza de leurs autres demandes à titre de dommages et intérêts,
*a débouté la société Speed Rabbit Pizza de sa demande de publication,
* a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
* a condamné la société Domino's Pizza France aux dépens ;
Vu les dernières écritures en date du 18 décembre 2013, par lesquelles la société Domino's Pizza France, poursuivant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, demande à la cour de:
* dire que les premiers juges ont statué ultra petita en la condamnant en concurrence déloyale pour non-dépôt de ses comptes,
* dire que dans tous les cas, elle ne saurait être condamnée pour des actes de concurrence déloyale pour non-dépôt de compte,
* constater que la société Speed Rabbit Pizza ne démontre en aucune façon qu'elle aurait repris le visuel de la campagne 5 Fromages y compris Reblochon ou celui de sa campagne de janvier 2011,
* dire qu'il ne peut être retenu aucun grief de concurrence déloyale à son encontre,
* constater qu'elle démontre l'imitation du visuel de sa campagne 4 Fromages + Reblochon par la société Speed Rabbit Pizza,
* dire que la société Speed Rabbit Pizza s'est rendue coupable de faits de concurrence et/ou parasitaire à son encontre,
* débouter la société Speed Rabbit Pizza de ses demandes,
* condamner la société Speed Rabbit Pizza au paiement de la somme de 223 351 euro de dommages et intérêts,
* ordonner la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines de son choix, aux frais avancés de la société Speed Rabbit Pizza dans la limite de 6 000 euro HT par insertion,
* condamner la société Speed Rabbit Pizza au paiement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
Vu les dernières écritures en date du 13 décembre 2013, aux termes desquelles la société Speed Rabbit Pizza, formant appel incident, prie la cour de :
*confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Domino's Pizza France pour concurrence déloyale en raison du non-dépôt de ses comptes au greffe du tribunal de commerce,
Le réformant :
* condamner la société Domino's Pizza France au paiement de la somme de 100 000 euro de dommages et intérêts pour concurrence déloyale relative au non-respect des dispositions légales relatives à la publication des comptes sociaux,
* condamner la société Domino's Pizza France au paiement de la somme de 50 000 euro pour concurrence déloyale relative à l'imitation de ses documents commerciaux,
En tout état de cause,
* condamner la société Domino's Pizza France au versement de la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de la procédure ;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* la société Speed Rabbit Pizza exploite directement et en franchise un réseau de 110 points de vente de restauration, vente à emporter, livraison essentiellement de pizzas, sous l'enseigne " Speed Rabbit Pizza ",
* elle a décidé au mois de décembre 2009, de lancer en octobre 2010 une campagne de promotion d'une pizza aux fromages et reblochon, au prix de 6 euro 99,
* la société Domino's Pizza France, créée en 1998, gère un réseau de franchise sur le territoire français représentant 215 points de vente,
* au mois de novembre 2010, la société Domino's Pizza France a lancé une campagne nationale de promotion pour la commercialisation d'une pizza " La 4 fromages + reblochon ",
* elle a fait réaliser, à cette occasion, un visuel à fond dominant pourpre, faisant apparaître l'image d'une pizza entamée, le nom de cette pizza, son prix de 6 euro 99, le chiffre 6 comportant une trace de morsure, la mention en bas à droite " 2 personnes à emporter ",
* ce visuel a été diffusé sur des flyers distribués dans les points de vente, sur des affiches et des posters, a fait l'objet de mailings et a été reproduit sur le site internet de la société Domino's Pizza France,
* au mois de janvier 2011, la société Domino's Pizza France s'est aperçue du lancement par la société Speed Rabbit Pizza d'une campagne publicitaire portant sur une pizza " La cheese 5 fromages " y compris " reblochon " dont le visuel copierait, selon elle, son propre visuel,
* la société Domino's Pizza France a fait procéder à un constat d'huissier le 11 janvier 2011,
* c'est dans ces circonstances, que la société Domino's Pizza France a assigné la société Speed Rabbit Pizza en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Lyon le 18 janvier 2011, afin que soit interdite la poursuite de l'exploitation du visuel litigieux,
* par ordonnance du 28 janvier 2011, il a été fait droit aux demandes de la société Domino's Pizza France, le juge des référés ayant ordonné à la société Speed Rabbit Pizza, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard à compter du 2ème jour de la signification de la décision, de cesser toute campagne publicitaire relative à la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon ",
* le 31 janvier 2011, la société Speed Rabbit Pizza a assigné la société Domino's Pizza France devant le Tribunal de commerce de Nanterre en concurrence déloyale et en paiement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts,
* reconventionnellement, la société Domino's Pizza France a sollicité la condamnation de la société Speed Rabbit Pizza à des dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
* les 4 et 7 février 2011, la société Domino's Pizza France a fait constater par huissiers, d'une part, devant et dans le magasin à l'enseigne Speed Rabbit Pizza de Boulogne-sur-Mer la mise à disposition du public des flyers litigieux, d'autre part, devant les commerces Speed Rabbit Pizza de Thiais, Grenoble et Villejuif la présence des flyers en cause sur les comptoirs de vente et l'emballage des pizzas,
* elle a également fait constater par huissier le 8 février 2011, sur la page Facebook de la société Speed Rabbit Pizza la présence de la photographie du flyer litigieux,
* un autre constat a été dressé le 17 février 2011 à Clermont Ferrand,
* le 16 mars 2011, la société Domino's Pizza France a saisi le président du Tribunal de commerce de Lyon afin de liquidation de l'astreinte,
* par ordonnance du 1er juin 2011, le président du Tribunal de commerce de Lyon a liquidé l'astreinte à la somme de 4 000 euro,
* parallèlement, saisi par la société Speed Rabbit Pizza, le président du Tribunal de commerce de Nanterre, par ordonnance du 12 avril 2011 a condamné la dirigeante de la société Domino's Pizza France à déposer ses comptes annuels sous astreinte provisoire de 100 euro par jour de retard,
* par ordonnance du 12 avril 2012, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a liquidé le montant de l'astreinte à la somme de 21 000 euro tout en prononçant une nouvelle astreinte,
* par arrêt du 20 février 2013, la Cour d'appel de Versailles a confirmé l'ordonnance déférée,
* la dirigeante de la société Domino's Pizza France s'est désistée de son pourvoi en cassation,
* par ordonnance du 16 juillet 2013, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a liquidé de nouveau l'astreinte à hauteur de 10 000 euro,
* c'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement déféré le 3 octobre 2012 ;
Sur le non-dépôt des comptes annuels de la société Domino's Pizza France :
Considérant que la société Domino's Pizza France sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale en raison du non dépôt de ses comptes ;
Qu'elle soutient que le tribunal aurait statué ultra petita en prononçant une telle condamnation dès lors, selon elle, que le non dépôt des comptes n'était visé que dans le cadre de la présentation générale du contexte entre les parties sans que soit caractérisée une quelconque faute, le dispositif des écritures de la société Speed Rabbit Pizza ne visant que l'imitation des documents commerciaux ;
Mais considérant, ainsi que le relève la société Speed Rabbit Pizza, celle-ci a fait état dans ses écritures et lors des plaidoiries, la procédure étant orale devant le tribunal de commerce, d'agissements déloyaux de la société Domino's Pizza France tenant à ses manquements aux obligations légales de dépôt des comptes ;
Que ces éléments ont été débattus contradictoirement entre les parties et soumis à l'appréciation du premier juge, lequel n'a pas statué ultra petita ;
Considérant que la société Speed Rabbit Pizza soutient qu'en ne respectant ni les règles d'un commerce loyal, ni les dispositions légales applicables dans le pays où elle s'implante, la société Domino's Pizza France s'est comportée déloyalement ;
Que rappelant les dispositions de l'article L. 232-23 du Code de commerce qui énoncent que toute société par actions est tenue de déposer, en double exemplaire, au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois qui suit l'approbation des comptes annuels par l'assemblée générale des actionnaires, les comptes annuels, le rapport de gestion et le rapport des commissaires aux comptes, la société Speed Rabbit Pizza fait valoir que la société Domino's Pizza France a cherché à cacher sa situation financière à ses candidats à la franchise et à ses concurrents ;
Qu'elle expose que malgré plusieurs décisions de justice, la société Domino's Pizza France a continué de refuser de publier l'intégralité de ses comptes en dépit d'une ordonnance du 12 avril 2011 rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre la condamnant, sous astreinte, à déposer ses comptes, d'une ordonnance du 12 avril 2012 liquidant l'astreinte, d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles confirmant ladite ordonnance et d'une nouvelle ordonnance rendue le 16 juillet 2013 liquidant à nouveau l'astreinte ;
Considérant que la société Domino's Pizza France réplique qu'aucun grief de concurrence déloyale ne saurait être retenu à son encontre au titre d'un prétendu non-dépôt de ses comptes ;
Qu'elle soutient que la publication ou la non-publication des comptes du franchiseur n'a aucun impact quant au choix du réseau, ne rompt pas l'égalité des chances entre concurrents et ne fausse pas l'équilibre concurrentiel du marché, dès lors, que tout franchiseur remet un document d'information précontractuel au franchisé sur le point de s'engager, qui contient toutes les informations dont celui-ci a besoin, notamment : la liste des franchisés, leurs adresses, les dates de création et de renouvellement des contrats, la liste des entreprises qui ont quitté le réseau durant l'année précédente et les comptes annuels du franchiseur pour les deux derniers exercices ;
Qu'elle ajoute que la société Speed Rabbit Pizza est dans l'incapacité de démontrer un grief ou un préjudice et avoir fait le nécessaire pour que l'intégralité de ses comptes soit publié, à tout le moins le 24 janvier 2013, en complément de ceux déjà versés le 20 janvier 2012 ;
Considérant toutefois, que la société Speed Rabbit Pizza relève pertinemment qu'en s'abstenant de publier ses comptes, la société Domino's Pizza France a empêché les candidats à la franchise d'apprécier les résultats financiers de son réseau et de les comparer avec ceux de la concurrence ;
Que force est de constater que ce comportement fausse le jeu de la concurrence loyale avant même que le candidat à la franchise ait arrêté son choix sur l'un des réseaux existants dans le secteur d'activité concerné, dès lors que ce candidat potentiel ne peut obtenir des informations sur le réseau de franchise qu'en prenant contact avec la société Domino's Pizza France, l'empêchant ainsi de comparer préalablement les résultats financiers des franchiseurs et de leurs réseaux, avant d'arrêter son choix sur éventuel réseau ;
Considérant ainsi que la société Speed Rabbit Pizza est fondée d'une part, à soutenir qu'en s'abstenant de déposer ses comptes sociaux, la société Domino's Pizza France a capté déloyalement des candidats à la franchise et d'autre part, à lui faire grief d'avoir manqué au principe même de la transparence et de la loyauté qui doit régir les rapports commerciaux ;
Considérant qu'il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice commercial pour la société Speed Rabbit Pizza, fût-il seulement moral, de sorte, que confirmant la décision déférée, il sera alloué à cette dernière la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts qui répare son entier préjudice ;
Sur les campagnes publicitaires " 4 fromages + reblochon ", " La cheese 5 fromages y compris Reblochon " :
Considérant que la société Speed Rabbit Pizza prétend que la société Domino's Pizza France, depuis son retour sur le territoire français, s'est efforcée de reprendre les idées de la concurrence et plus particulièrement ses idées, instaurant une politique commerciale agressive à l'égard de ses concurrents, reprenant à son compte les campagnes marketing de ces derniers ;
Qu'elle expose que la société Domino's Pizza France imite sans scrupule la gamme de ses produits et rappelle :
- qu'en avril 2009, elle a lancé une nouvelle pâte aux herbes aromatiques, dénommée Toscalian, immédiatement suivie par la création de la " pizza au lin " par la société Domino's Pizza France en novembre 2009,
- qu'en novembre 2009, la société Domino's Pizza France a repris sa pizza Kebbab Street (crème fraîche, mozzarella, lamelles de veau & volailles, oignons, poivrons, moutarde à l'ancienne), par la Kebaba (sauce tomate, mozzarella, kebab de volailles rôties, oignons, poivrons verts, crème fraîche, origan),
- qu'en juin 2010, elle a développé le concept de la pizza piquante (sauce tomate, mozzarella, oignons, poivrons, boeuf épicé, merguez), et qu'en octobre 2010, la société Domino's Pizza France a sorti la pizza Kipika, (sauce tomate, mozzarella, oignons, piments verts, double boulette de boeuf épicé, merguez), au même concept de piquant en l'associant à la recette de sa pizza historique 'Speed Rabbit',
- qu'en novembre 2010, la société Domino's Pizza France a repris sa recette " Cheese " (sauce tomate, mozzarella-cheddar, chèvre, bleu, reblochon), en commercialisant la pizza " 4 fromages + reblochon " (sauce tomate, mozzarella, fromage de chèvre, emmenthal, fourme d'Ambert),
Que la société Speed Rabbit Pizza soutient encore que la société Domino's Pizza France imite ses documents commerciaux et relève que :
- la société Domino's Pizza France n'utilise dans aucun pays la représentation de jeunes filles pour illustrer sa marque à l'exception de la France pour contrer la figurine " Jessica " qui est son emblème ;
- la société Domino's Pizza France a copié son projet développé avec le groupe Partouche en 2008, tenant à l'intégration du " Poker " à sa carte Speed Rabbit Pizza, en lançant le " Domino's Pizza Tour " ;
Considérant que la société Speed Rabbit Pizza fait valoir que la société Domino's Pizza France s'est appropriée, par des indiscrétions, le concept d'un document publicitaire confidentiel qu'elle avait décidé de mettre en place à la fin de l'année 2010, à l'occasion du lancement de la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon " ;
Qu'elle souligne utiliser de longue date, des couleurs chaudes avec un fond pourpre caractérisant ses documents commerciaux, des lettres en couleurs dégradées du jaune à l'orange, un visuel de pizza qui se lève, rappelant que d'autres intervenants dans le secteur font usage d'un visuel rogné par une morsure ;
Qu'elle prétend que la société Domino's Pizza France aurait eu connaissance en 2010 de ses éléments graphiques sur lesquels elle comptait s'appuyer pour lancer sa campagne de promotion de la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon " pour les reprendre à son compte et prendre l'initiative d'une procédure judiciaire ;
Qu'elle expose que jusqu'au mois d'octobre 2010, elle était la seule à commercialiser une pizza aux fromages et reblochon et que la société Domino's Pizza France ne commercialisait pas, avant cette date, de pizza aux fromages et reblochon et utilisait des prospectus dont la couleur de référence était celle de son enseigne, à savoir le bleu ;
Qu'elle soutient que la société Domino's Pizza France a imité en octobre 2010, ses documents publicitaires à l'occasion du lancement d'une pizza 4 fromages et reblochon en reprenant sur ses prospectus la couleur pourpre associée aux couleurs dégradées de jaune et noire caractérisant la marque Speed Rabbit Pizza ;
Qu'elle affirme que la société Domino's Pizza France, qui a copié son visuel lors du lancement de sa pizza 'La 4 fromages + reblochon', a néanmoins prétendu à des actes de concurrence déloyale, saisissant le président du tribunal de commerce de Lyon afin de lui interdire l'utilisation de son visuel sous astreinte ;
Qu'elle fait enfin valoir que la société Domino's Pizza France a récidivé en plagiant sa campagne lancée le 23 janvier 2011, en reprenant les couleurs rosées du fond, le motif de bulles, la police de caractère, la couleur jaune pour colorer les pommes de terre ;
Qu'elle conclut à l'infirmation du jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande en concurrence déloyale ;
Considérant que la société Domino's Pizza France réplique que certains griefs énoncés à son encontre ne sont pas compris dans le champ de la demande de la société Speed Rabbit Pizza (reprise de recettes, personnification des personnages illustrant les visuels) ;
Que cet argument n'est pas contesté par la société Speed Rabbit Pizza, qui énonce à titre d'illustrations certains griefs, mais précise toutefois que la présente procédure ne concerne que l'imitation d'une part, de son document publicitaire élaboré à l'occasion du lancement de la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon " et d'autre part, de sa campagne publicitaire du début de l'année 2011, rappelant que les autres actes de concurrence déloyale reprochés à la société Domino's Pizza France font l'objet d'une procédure distincte actuellement pendante devant le Tribunal de commerce de Paris ;
Qu'ainsi, le débat devant la cour est seul circonscrit aux actes de concurrence déloyale qui auraient été commis lors des campagnes publicitaires " La cheese 5 fromages y compris Reblochon " et " La 4 fromages + reblochon " lancées respectivement par la société Speed Rabbit Pizza et la société Domino's Pizza France et la campagne menée par cette dernière au mois de janvier 2011 ;
Considérant sur ces points que, s'opposant aux demandes de la Speed Rabbit Pizza, la société Domino's Pizza France soutient au contraire que celle-ci a imité son propre visuel publicitaire diffusé en novembre 2010, rappelant les conditions de sa création au mois de septembre 2010, pour laquelle elle a dépensé la somme de 30 717 euro ;
Qu'elle prétend que la société Speed Rabbit Pizza a commercialisé en janvier 2011, la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon ", en reprenant le visuel précédemment divulgué pour la pizza " 4 fromages + reblochon " ;
Qu'elle ajoute avoir utilisé la couleur pourpre depuis 2008, commercialisé une pizza fromages-reblochon dès octobre 2006, que sa campagne publicitaire diffusée au mois de janvier 2011 n'est aucunement la reprise des visuels de la société Speed Rabbit Pizza, les produits étant différents, les visuels également, les prix l'étant tout autant ;
Considérant que la société Speed Rabbit Pizza verse aux débats un document (pièce 46) intitulé " compte rendu du 14 décembre 2009, réunion annuelle des franchisés " selon lequel il a été d'une part, décidé de lancer aux mois de septembre- octobre 2010, une pizza " Cheese, seul acteur à avoir le reblochon " au prix de 5,99 euro/6,99 euro et d'autre part, a été rappelée la charte graphique en prévoyant d'atténuer le jaune et de travailler des nuances avec des couleurs chaudes (jaune, orange, rouge, pourpre) ;
Que la société Speed Rabbit Pizza soutient que la société Domino's Pizza France aurait eu connaissance de ces informations au début de l'année 2010, pour lancer sa propre campagne de promotion de sa pizza aux fromages et reblochon, au mois de novembre 2010 ;
Mais considérant que cette affirmation n'est nullement étayée, aucun élément du dossier ne permettant de démontrer que la société Domino's Pizza France aurait eu connaissance au cours de l'année 2010 du projet de la société Speed Rabbit Pizza, notamment des éléments graphiques que celle-ci entendait utiliser ;
Qu'au surplus, ainsi que le relève la société Domino's Pizza France, le compte rendu de la réunion n'arrête pas précisément le visuel de la future campagne publicitaire, pas davantage le prix de vente définitif de cette pizza ;
Que la société Domino's Pizza France produit les documents consacrés à la réalisation de sa campagne publicitaire diffusée à la fin du mois de novembre 2010 (facture du photographe, factures de l'agence de communication, facture de l'imprimeur ayant réalisé les dépliants ou les flyers, documents datés des mois de septembre, octobre et novembre 2010) ;
Que par ailleurs, cette société verse aux débats un prospectus (pièce 74) établissant qu'elle avait déjà commercialisé une pizza aux fromages et reblochon en 2006 ;
Considérant dans ces circonstances, au regard des seules pièces produites aux débats par la société Speed Rabbit Pizza, (compte rendu de la réunion du 14 décembre 2009, un courrier du conseil de la société New York Pizza daté du 8 septembre 2009, mail adressé aux franchisés le 13 janvier 2011, faisant seulement état de fuites systématiques vers la concurrence de chaque nouveau produit sans autre précision et sans référence à la pizza " La cheese 5 fromages y compris reblochon ", mais portant sur le produit Pate Pan Solo ) que la société Speed Rabbit Pizza manque à rapporter la preuve, qui lui incombe, de l'obtention par la société Domino's Pizza France d'informations confidentielles ou de l'appropriation d'un document publicitaire dont cette dernière aurait fait usage pour promouvoir le lancement de sa pizza " La 4 fromages + reblochon " en novembre 2010 ;
Qu'elle n'est pas davantage fondée à prétendre que la société Domino's Pizza France se serait appropriée son concept publicitaire au début de l'année 2011, en reprenant les couleurs rosées du fonds du visuel, un motif des bulles, la couleur jaune pour colorer les pommes de terre ;
Qu'en effet, la société Domino's Pizza France justifie avoir déjà utilisé pour ses prospectus et sa documentation commerciale les couleurs pourpre et jaune en 2007 et 2008 (pièces 75, 76, 77), de sorte que la seule présence commune sur les documents publicitaires incriminés de motifs de " bulles " est insuffisante à démontrer une appropriation illicite ;
Considérant que reconventionnellement, la société Domino's Pizza France, qui soutient l'imitation au mois de janvier 2011, par la société Speed Rabbit Pizza du visuel de sa campagne divulguée au mois de novembre 2010, prétend que celle-ci aurait engagé sa responsabilité civile pour concurrence déloyale ;
Considérant que le choix de commercialiser une pizza aux fromages et reblochon n'encourt aucune critique ; qu'au surplus, la société Speed Rabbit Pizza démontre avoir choisi dès le mois de décembre 2009, préalablement au lancement de la pizza par son concurrent, de commercialiser une pizza composé de fromages et de reblochon à la fin de l'année 2010, tout en atténuant sa charte graphique ;
Mais considérant que force est de constater les ressemblances entre les deux prospectus en présence de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, un flyer sur fond à dominante pourpre, la représentation d'une pizza dont une part est en train d'être servie, la même police de caractère au dégradé de jaunes pour les dénominations " La 4 fromages " et " La cheese 5 fromages ", le terme " reblochon " pareillement écrit sur deux lignes " Reblo- Chon " dans un dégradé orange, la même mention du prix en bas à droite de 6 euro 99 en jaune, le chiffre 6 présentant une trace de morsure ;
Que dès lors, la société Speed Rabbit Pizza, qui ne démontre aucunement avoir créé le visuel querellé dans la combinaison adoptée antérieurement à la campagne publicitaire de la société Domino's Pizza France, ne saurait simplement alléguer n'avoir fait que reprendre des éléments utilisés de longue date, les couleurs jaune, orange, rouge associées à un fonds pourpre, le visuel d'une pizza dont une part est levée et le visuel rogné par une morsure couramment utilisé par d'autres intervenants dans le domaine de la vente de pizzas (Pizza Print, Kfc, Pizza Hut) ;
Considérant que la reprise, sans nécessité, de la combinaison des éléments composant le visuel de la société Domino's Pizza France antérieurement diffusé, constitue un comportement déloyal susceptible de caractériser une faute au sens des dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
Considérant par voie de conséquence, qu'infirmant la décision déférée, la société Speed Rabbit Pizza a engagé sa responsabilité ;
Considérant qu'il n'est pas démenti que la société Speed Rabbit Pizza a dès le 1er février 2011, arrêté toute campagne publicitaire afférente à la pizza " La Cheese 5 fromages y compris reblochon " et adressé à l'ensemble de ses franchisés un mail suivi d'un courrier recommandé leur enjoignant de cesser toute publicité et la diffusion des flyers litigieux ;
Que dès lors, le préjudice subi par la société Domino's Pizza France, du fait de la diffusion du visuel litigieux au mois de janvier 2011, sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, cette dernière n'étant pas fondée à prétendre au remboursement d'une somme correspondant à 50 % des investissements réalisés dont il n'est au demeurant pas certain que ceux listés concernent tous le visuel " La 4 fromages + Reblochon " ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la publication du présent arrêt n'est pas nécessaire ;
Considérant que la décision déférée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens ;
Que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que chaque partie succombant partiellement en leurs demandes conservera la charge des dépens par elle exposés au cours de cette procédure ;
Par ces motifs, Statuant par décision contradictoire ; Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de publication, dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau : Condamne la société Domino's Pizza France à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Speed Rabbit Pizza à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, Rejette toutes autres demandes, Laisse à la charge de chacune des parties les dépens exposés en première instance et en appel. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.