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Décisions

Cass. soc., 19 mars 2014, n° 12-35.308

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Heytens Centrale (Sté)

Défendeur :

Saez, Pôle emploi de Bourg-en-Bresse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin (faisant fonction)

Rapporteur :

M. David

Avocat général :

M. Aldigé

Avocats :

Me Foussard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray

Lyon, ch. soc. B, du 8 nov. 2012

8 novembre 2012

LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 12-35.308 et 13-10.236 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 mai 2000, la société CVDH Rhône-Midi, aux droits de laquelle vient la société Heytens France, a conclu avec M. Saez un contrat de gérance-mandat d'un magasin de vente de produits de décoration ; que par lettre du 23 novembre 2006, la société Heytens France a résilié le contrat ; que M. Saez a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 12-35.308 de la société Heytens Centrale : - Attendu que la société Heytens Centrale fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de gérance-mandat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que les négligences professionnelles graves du gérant-mandataire sont de nature à caractériser la faute grave rendant impossible le maintien du contrat de mandat-gérance ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la rupture du contrat ne reposait pas sur une faute grave en se bornant à affirmer que M. Saez disposait d'une très large autonomie pour la gestion commerciale et sociale du magasin et que les griefs exprimés à l'encontre de celui-ci par la société Heytens formulés dans quelques courriers n'étaient pas corroborés par des documents commerciaux et comptables ou par d'autres éléments objectifs, sans s'expliquer, comme elle y était expressément invitée par la société Heytens, sur le point de savoir si le non-respect, par M. Saez, de la procédure conventionnelle d'inventaire ne constituait pas une grave négligence professionnelle de nature à causer un préjudice important à la société Heytens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, L. 146-1 du Code de commerce, L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ; 2°) que la société Heytens faisait valoir, dans ses conclusions, que M. Saez avait lui-même reconnu ne pas appliquer la méthode contractuelle d'inventaire prévue par l'article 7 du contrat de mandat-gérance et ne pas l'avoir enseigné à son personnel, se bornant à transmettre à la société Heytens des chiffres approximatifs et inexacts, susceptibles d'être à l'origine d'un redressement fiscal ; de sorte qu'en décidant que la rupture du contrat de mandat-gérance ne reposait pas même sur une cause réelle et sérieuse, sans répondre, ne serait-ce que de manière implicite, au moyen tiré de l'existence d'un aveu extrajudiciaire, résultant notamment de la pièce adverse n° 29, du non-respect de la procédure contractuelle d'inventaire et, par conséquent, de la fourniture de chiffres approximatifs et inexacts susceptibles de causer un grave préjudice à société Heytens, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que la faute grave est caractérisée lorsque le gérant-mandataire a gravement manqué à son obligation de loyauté, ce manquement empêchant son maintien dans l'entreprise ; de sorte qu'en se bornant à affirmer, par des motifs d'ordre général, que M. Saez disposait d'une très large autonomie pour la gestion commerciale et sociale du magasin et que les griefs exprimés à l'encontre de celui-ci par la société Heytens formulés dans quelques courriers n'étaient pas corroborés par des documents commerciaux et comptables ou par d'autres éléments objectifs pour en déduire que la rupture du contrat de mandat-gérance ne reposait pas sur une faute grave sans se prononcer sur les manipulations dans la comptabilité et la gestion du stock du magasin, ni sur les soustractions de ventes réalisées dans le magasin, qui étaient de nature à caractériser, en elles-mêmes, la faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, L. 146-1 du Code de commerce, L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ; 4°) que les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; de sorte qu'en décidant que la rupture du contrat ne reposait pas sur une faute grave et était même dépourvue de cause réelle et sérieuse sans examiner les griefs relatifs aux manipulations dans la comptabilité et la gestion du stock du magasin et aux soustractions de ventes réalisées dans le magasin dans le calcul du chiffre d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail, L. 146-1 du Code de commerce, L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ;

Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont constaté que les manquements imputés au gérant-mandataire n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 13-10.236 de M. Saez : - Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 781-1 devenu L. 7321-1 du Code du travail ; - Attendu qu'une clause de non-concurrence introduite dans le contrat d'un gérant de succursale n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du gérant et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au gérant une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'illicéité de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que cette illicéité ne repose sur aucune disposition du Code du travail et que le gérant-mandataire n'a pas le statut de salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les règles relatives à la clause de non-concurrence sont applicables aux gérants de succursales, peu important qu'ils n'aient pas la qualité de salariés, la cour d'appel a violé les principe et texte susvisés ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi de la société Heytens Centrale ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'illicéité de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 8 novembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon, autrement composée.