CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 mars 2014, n° 12-12334
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lévy (ès qual.), Sophie & Co (Sté)
Défendeur :
Cinquième Sens (Sté), Parfumerie Jardin de France (Sté), Gan Assurances IARD (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Dutreuilh, Dubernet, Azria, Fromantin, Lacan, Lesénéchal, Silva
La société Sophie & Co, créée en 2007, exerçait sous la marque "Le Monde merveilleux de Sophie " une activité de vente et commercialisation d'articles de mode et de vêtements et tous produits dérivés pour les enfants et les bébés, ainsi que des animations pour enfants.
En vue de la création d'une eau de senteur pour bébés et enfants, appelée " le Bal des fées ", pour les filles, et " la Ronde des elfes ", pour les garçons, la société Sophie & Co a missionné la société Cinquième Sens pour la création d'une note olfactive exclusive et la production de 1 920 flacons d'eau de senteur.
La fabrication et le conditionnement des eaux de senteur ont été sous-traités à la société Parfumerie Jardin de France.
Au mois d'octobre 2007 il est apparu que quelques flacons d'eaux de senteur présentaient un aspect trouble et laiteux. La société Sophie & Co a fait constater cette situation par procès-verbal d'huissier du 22 novembre 2007 et du 21 février 2008.
Le 18 décembre 2007, puis le 8 janvier 2008, Mme Isabelle Ferrand, gérante de la société Cinquième Sens, et M. Guiot, associé de la société Sophie & Co, ont procédé à un contrôle d'une partie des flacons.
Dans le courant du mois de janvier 2008, la société Parfumerie Jardin de France a fait procéder à des études et des analyses par l'institut dermatologique d'Aquitaine sur les six flacons présentant une anomalie. Cet institut a constaté une absence de contamination bactériologique et a conclu " ...il pourrait s'agir d'un phénomène isolé d'origine non connue. Il s'avère donc que le reste de la production est considérée comme valide et propre à la consommation. "
Le 20 mai 2008, la société Cinquième Sens a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société Gan Assurances IARD.
Par ordonnance du 26 juin 2008 le président du Tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande d'expertise présentée par la société Sophie & Co.
Par acte du 3 octobre 2008, la société Sophie & Co a assigné la société Cinquième Sens devant le tribunal de commerce de Paris.
Par actes du 17 février 2009, la société Cinquième Sens a assigné la société Parfumerie Jardin de France en intervention forcée et a appelé en garantie la société Gan Assurances IARD.
Par jugement du 30 mars 2010, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Sophie & Co.
Par jugement du 11 mai 2010, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sophie & Co, et a désigné la société d'exercice libéral à forme anonyme MJA, prise en la personne de Maître Frédérique Lévy, ès-qualités de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- joint les trois procédures ;
- débouté la société MJA, prise en la personne de Maître Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co, de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Cinquième Sens et de la société Parfumerie Jardin de France;
- ordonné l'inscription d'une créance de la société Cinquième Sens de la somme de 18 635,383 euro TTC au passif de la liquidation judiciaire de la société Sophie & Co, somme majorée d'intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2009 au 30 mars 2010 ;
- dit les appels en garantie de la société Cinquième Sens à l'encontre de la société Gan Assurances et de la société Parfumerie Jardin de France sans objet;
- condamné la société MJA, prise en la personne de Maître Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co à payer à :
* la société Cinquième Sens, la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
* la société Parfumerie Jardin de France la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
sommes employées en frais privilégiés de justice,
- débouté respectivement les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société MJA, prise en la personne de Maître Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co aux dépens des instances jointes, sommes employées en frais privilégiés de justice.
Le 3 juillet 2012 par la société MJA, prise en la personne de Maître Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 13 décembre 2012, par lesquelles la société MJA, en la personne de Maître Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co, demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fixé au passif de la liquidation de la société Sophie & Co la somme de 18 635,38 euro au profit de la société Cinquième Sens et condamné le liquidateur, ès qualités, à des sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- constater l'existence d'un vice caché rendant les flacons de parfums impropres à l'usage auquel ils sont destinés ;
En conséquence,
- condamner la société Cinquième Sens à restituer à la société Sophie & Co le prix versé par cette dernière en exécution du contrat intervenu, soit une somme de 13 724,10 euro;
- condamner solidairement les sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France à verser à la société Sophie & Co une somme de 98 763 euro correspondant aux préjudices commercial, financier, économique et moral que cette dernière a subis du fait de l'existence de vices cachés affectant les produits livrés ;
A titre subsidiaire,
- constater le manquement des sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France à leurs obligations d'information et de conseil ;
En conséquence,
- condamner solidairement les sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France à verser à la société Sophie & Co la somme de 112 487,10 euro en réparation des préjudices commercial, financier, économique et moral subis par la société Sophie & Co du fait de leurs manquements ;
En tout état de cause,
- débouter la société Cinquième Sens de l'ensemble de ses demandes,
- condamner solidairement les sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France à verser à la société Sophie & Co une somme de 18 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner les sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 12 décembre 2013, par lesquelles la société Cinquième Sens demande à la cour de :
au visa des articles L. 5131-1 à L. 5131-11 du Code de la santé publique, 1641, 1645, 1646 et 1153 du Code civil, L. 441-3 et R. 622-23 du Code de commerce, 696 et 700 du Code de procédure civile, de la directive n° 76-768 du 27 juillet 1976 modifiée par la directive n° 2005-42-CE du 20 juin 2005,
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MJA de l'ensemble de ses demandes et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Sophie & Co la somme de 18 635,38 euro assortie des intérêts légaux au profit de la société et condamné le liquidateur ès qualités à des sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Statuant à nouveau et à titre reconventionnel,
- condamner la société MJA au paiement de la somme de 20 000 euro au titre du préjudice subi;
A titre subsidiaire,
- constater l'appel en garantie de la société Cinquième Sens à l'encontre de la société Parfumerie Jardin de France et Gan Assurances IARD ;
- condamner la société Gan Assurances IARD, à garantir la société Cinquième Sens de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, y compris l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
- condamner la société Parfumerie Jardin de France, à garantir la société Cinquième Sens de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, y compris l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
En tout état de cause,
- condamner la société MJA ès qualités à verser à la société Cinquième Sens une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société MJA ès qualités aux entiers dépens d'instance.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 janvier 2013, par lesquelles la société Gan Assurances IARD demande à la cour de:
Au visa des dispositions des articles 1315, 1641 et suivants du Code civil et L. 112 - 6 du Code des assurances,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société MJA prise en la personne de Maître Lévy, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co, de l'ensemble de ses demandes ;
En toute hypothèse,
- constater que la société Gan Assurances IARD est bien fondée à faire valoir un refus de garantie ;
En conséquence,
- débouter la société Cinquième Sens ou toute autre partie des demandes formées à l'encontre de la société Gan Assurances IARD et prononcer sa mise hors de cause ;
Subsidiairement,
- constater que la société MJA ès qualités ne justifie nullement du vice qu'elle invoque;
En conséquence,
- débouter la société MJA ès qualités de l'ensemble de ses demandes comme non fondée ;
En toute hypothèse,
- constater que la société MJA ne rapporte nullement la preuve du préjudice qu'elle invoque ;
En conséquence,
- débouter la société MJA de l'intégralité de ses demandes ;
- constater en toute hypothèse qu'au regard des exclusions prévues par la police d'assurance, la garantie de la société Gan Assurances IARD ne saurait être mise en œuvre ;
En conséquence,
- rejeter toute demande de condamnation qui serait dirigée à l'encontre de la compagnie Gan Assurances IARD ;
- condamner la société MJA prise en la personne de Maître Lévy ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co ou toute partie succombante à verser à la société Gan Assurances IARD, la somme de 4 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société MJA prise en la personne de Maître Lévy ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co ou tout succombant aux dépens.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 28 novembre 2012, par lesquelles la société Parfumerie Jardin de France demande à la cour de :
Au visa de l'article 1315 du Code civil,
- confirmer le jugement et débouter purement et simplement le liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co de toutes ses demandes;
- condamner la société Sophie & Co à lui verser la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé, LA COUR :
Sur l'existence d'un vice caché :
Considérant que la Selafa MJA, en la personne de Maître Lévy, ès qualités, expose que les flacons de parfum livrés à la société Sophie & Co étaient affectés d'un vice caché et demande réparation du préjudice subi ; que le liquidateur soutient que les constats d'huissier qu'il a versé aux débats font état des défauts des produits lesquels ont été reconnus par les sociétés Cinquième Sens et Jardinerie Jardin de France à l'époque des faits ; que le défaut du produit en a empêché la commercialisation ; que ce défaut, qui préexistait à la livraison, est occulte car la transformation du produit est intervenue postérieurement à la délivrance ;
Considérant que la société Cinquième Sens conteste l'existence d'un vice caché et soutient que le produit était conforme tant au regard des normes sanitaires en vigueur, qu'à celui du cahier des charges et de la mission qui lui a été donnée par la société Sophie & Co, ce qui est confirmé par le maintien de la commercialisation du produit même durant la procédure devant le tribunal ; qu'elle soutient également que sa mission ne visait que la création d'une odeur et non la fabrication du produit, que la présomption de connaissance des vices pesant sur le vendeur professionnel ne lui est pas applicable, puisque la production et le conditionnement ont été assurés par la société Parfumerie Jardin de France, que les produits répondent à leur finalité, parfumer sans être nocif pour le corps humain ;
Considérant qu'il résulte des procès-verbaux de constat établis à la demande de la société Sophie & Co, les 22 novembre 2007 et 21 février 2008, auxquels sont annexées des photographies, que "plusieurs" flacons d'eaux de senteurs présentaient un aspect trouble, légèrement laiteux et que certains présentaient également un dépôt blanchâtre à la surface du liquide ; que ces constatations sont confirmées par le compte rendu établi le 28 janvier 2008 par la société Parfumerie Jardin de France qui a analysé trois des six flacons présentant un défaut, dont deux présentaient un trouble prononcé sur l'ensemble du jus et le troisième présentait en plus une collerette blanche au sommet du liquide ; que ces éléments prouvent que six flacons sur l'ensemble des produits livrés à la société Sophie & Co présentaient un défaut ;
Considérant que les analyses effectuées ont conclu à l'absence de dangerosité des produits ainsi qu'à leur caractère propre à être utilisé, mais n'ont pas permis d'expliquer l'origine des anomalies, le phénomène observé étant qualifié de réversible ; que cependant ces eaux de toilette sans alcool étant destinées à des enfants ou à des nourrissons, l'anomalie affectant l'apparence du liquide, même si elle était susceptible de disparaître, était de nature à susciter la défiance des acheteurs potentiels rendant les flacons d'eaux de toilette affectés d'un défaut impropre à toute commercialisation ;
Considérant que la société Sophie & Co soutient que les 1 524 flacons de parfums qui lui ont été livrés étaient affectés d'un vice caché, au motif que les parfums pouvaient, à tout instant et de manière inattendue, prendre un aspect laiteux incompatible avec toute commercialisation ;
Considérant toutefois que, bien qu'aucune précision ne soit donnée par la société Sophie & Co ni sur la date de livraison des produits, ni sur la date de commercialisation, ni sur la date exacte à laquelle elle a découvert le vice affectant certains flacons, il apparaît que cette société n'a pas contrôlé les produits qui lui ont été livrés, ni lors de leur livraison, ni ultérieurement ; qu'ainsi les photographies jointes au procès-verbal de constat du 18 mai 2012 montrent que les cartons en stock contenant les flacons n'étaient toujours pas ouverts plus de deux ans après leur livraison ; que les rapports de visite des 18 décembre 2007 et 8 janvier 2008, qui relatent le contrôle visuel auquel ont procédé M. Guiot, pour la société Sophie & Co, et Mme Ferrand, pour la société Cinquième Sens, font apparaître que un carton sur cinq ont été ouverts le 18 décembre 2007, permettant de découvrir 3 flacons non conformes, et que le 8 janvier 2008 les cartons ouverts le 18 décembre 2007 ont été recontrôlés et cinq nouveaux cartons ont été ouverts, sans qu'aucune anomalie ne soit découverte ;
Considérant que ces contrôles au hasard faits par la société Cinquième Sens, en présence de M. Guiot, sont intervenus, après que la société Sophie & Co ait constaté " dès le début de la commercialisation, au mois d'octobre 2007 " que 6 flacons présentaient un défaut ; que ce défaut dont étaient affectés certains flacons était décelable au premier regard, puisque les flacons transparents laissaient immédiatement voir que le parfum était trouble et non translucide ;
Considérant que bien que la société Sophie & Co se soit abstenue de contrôler la conformité de la totalité des parfums, lors de leur livraison et durant toute la période de commercialisation, ce qui ne lui permet pas d'affirmer que le défaut ne s'est révélé qu'après la livraison, il apparaît que le défaut présenté par les parfums n'était pas caché mais visible à l'œil nu et que la société Sophie & Co les a constatés au fur et à mesure qu'elle a ouvert les cartons d'emballage, lors de la commercialisation ; qu'il n'est pas démontré que les flacons qui ne présentaient pas de troubles lors des contrôles aléatoires faits par la société Cinquième Sens en 2007 et 2008 en aient présenté ultérieurement ;
Considérant que la société Sophie & Co démontre que 10 flacons ont présenté un aspect laiteux, mais ne démontre ni qu'elle a dû arrêter la commercialisation de ses eaux de senteur, ni qu'elle a été destinataire de plaintes de clients ou de retour de produits, ni que des jus qui étaient translucides sont devenus ultérieurement laiteux ; qu'au contraire les produits analysés ont été déclarés propres à être commercialisés et l'opalescence constatée pour certains flacons a ultérieurement disparue ; qu'il ne peut donc être considéré que l'ensemble des produits livrés à la société Sophie & Co étaient affectés d'un vice, ni que ce vice était caché ;
Considérant que le défaut dont étaient affectés certaines eaux de senteur constitue un vice apparent dont la société Sophie & Co pouvait s'apercevoir lors de la livraison des produits par un simple contrôle visuel ; que ce défaut affectant une quantité infime des produits n'en a pas empêché la commercialisation ;
Sur l'obligation d'information et de conseil de la société Cinquième Sens :
Considérant que l'appelant demande , à titre subsidiaire, la condamnation de la société Cinquième Sens à la dédommager en raison du manquement par cette dernière à ses obligations information et de conseil, en exposant que le trouble du produit relève d'une caractéristique naturelle affectant un parfum sans paraben et sans produits chimiques permettant une meilleure conservation pour le rendre propre à l'usage des enfants ; que la société Cinquième Sens, qui est une professionnelle de la parfumerie et qui a établi le "cahier des charges conditionnement" qu'elle a imposé à son sous-traitant la société Parfumerie Jardin de France, a omis d'indiquer à la société Sophie & Co la nécessité d'opter pour un flacon opaque, afin d'éviter une visibilité du produit et notamment du phénomène constaté ;
Considérant que la société Cinquième Sens répond que sa mission visait la réalisation d'une note olfactive et qu'il appartenait à la société Sophie & Co, professionnelle des produits pour enfants, de se renseigner, lorsqu'elle a effectué son étude de marché pour la commercialisation du produit, sur les caractéristiques de conditionnement de son produit et d'adapter son packaging aux caractéristiques des eaux de parfum pour enfants ;
Considérant qu'il résulte du courriel en date du 3 avril 2007, adressé par Mme Sophie Bergart à la société Cinquième Sens, ainsi que du " bon pour accord" établi par cette société, que la société Cinquième Sens s'était vu confier par la société Sophie & Co une mission de création d'une note olfactive pour une gamme de produits pour enfants, mais également une mission de " consulting " : recherche de fournisseurs, étude budgétaire, suivi de projet, ainsi qu'une mission de "production" : suivi de production, conditionnement, étiquetage, mise en carton, pour des honoraires d'un montant de 7 500 euro HT ; que le souhait exprimé par la société Sophie & Co était " que vous puissiez centraliser les opérations pour que nous n'ayons qu'un seul et même interlocuteur pour les commandes, livraisons et règlements" ;
Considérant que la mission confiée à la société Cinquième Sens consistait en un conseil technique olfactif ainsi qu'en un suivi de la fabrication du produit jusqu'à sa livraison à la société Sophie & Co, la société cinquième sens faisant l'interface entre la société Sophie & Co et les divers sous-traitants, afin que cette dernière n'ait qu'un seul interlocuteur ; que le choix du flacon contenant l'eau de senteur n'entrait pas dans sa mission, ce choix relevant de la stratégie de positionnement commercial de la société Sophie & Co ; qu'au surplus les causes du trouble constaté sur certains produits étaient imprévisibles et sont demeurées inexpliquées ; qu'il en résulte qu'aucun manquement de la société Cinquième Sens à son obligation d'information et de conseil n'est établi ;
Sur le préjudice de la société Sophie & Co :
Considérant que l'appelante sollicite, sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, la restitution par la société Cinquième Sens de la somme de 13 724,10 euro versée à cette dernière en exécution du contrat ; qu'elle sollicite également, sur le fondement de l'article 1645 du même Code, la condamnation in solidum de la société Cinquième Sens, en sa qualité de vendeur professionnel, et de la société Parfumerie Jardin de France à lui verser la somme de 98 763 euro à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la société Sophie & Co expose qu'elle n'a pu poursuivre la commercialisation des flacons de parfum tant en France, qu'à l'étranger, que 1 920 flacons lui ont été facturés mais que seuls 1 524 lui ont été livrés, compte tenu des défauts constatés, et que le procès-verbal établi par huissier le 18 mai 2012 montre que, deux ans après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, l'essentiel des flacons étaient toujours stockés ;
Considérant que le constat d'huissier du 18 mai 2012 mentionne que 1 006 flacons de parfum " Bal des fées " et "Ronde des elfes" étaient toujours en stock par lot de 6 flacons dans leurs cartons d'emballage ; que cependant, la société Cinquième Sens justifie par la production de deux constats d'huissier en date des 22 octobre 2008 et 18 février 2009, ainsi que par un courrier de Mme Bergart, du 8 avril 2009, que les eaux de conte " Bal des fées " et " Ronde des elfes " étaient commercialisées dans plusieurs points de vente en 2008 et en 2009, à un prix de vente conseillé de 45 euro ; qu'il apparaît que la société Sophie & Co a continué la commercialisation de son parfum, malgré le défaut apparu sur quelques flacons à la fin de l'année 2007 ; qu'il n'est établi aucun lien de causalité entre le faible nombre de vente et le trouble constaté sur quelques flacons ;
Considérant que les échanges de courriels entre Mme Sophie Bergart et Mme Valérie Vannier, sur la période d'octobre à décembre 2007, produits par la société Sophie & Co, montrent qu'un contact avait été pris pour vendre le parfum au Moyen-Orient et qu'un flacon remis dans ce cadre était trouble ; que toutefois aucun élément n'est versé aux débats permettant de connaître la raison pour laquelle le projet n'a pas abouti et il n'est pas démontré que c'est en raison du défaut présenté par ce flacon que la société Sophie & Co a perdu le marché du Moyen-Orient ;
Considérant que, outre que la garantie des vices cachés n'est pas applicable en l'espèce s'agissant de vices apparents, l'opalescence du jus n'ayant affecté qu'une quantité minime des produits livrés, la société Sophie & Co ne peut réclamer le remboursement de la somme de 13 724,10 euro qu'elle a versé à la société Cinquième Sens, alors que cette somme ne représente qu'une partie de sa dette envers la société Cinquième Sens ; que l'appelante peut en revanche obtenir que les produits qui présentaient un aspect laiteux et qui n'ont pu être commercialisés ne lui soient pas facturés ;
Considérant que la société Sophie & Co, qui n'établit ni le nombre exact de produits qui lui ont été livrés, ni le nombre de produits vendus, ni le nombre exact de flacons présentant un défaut, et ne rapporte ni la preuve qu'elle a réglé à la société Cinquième Sens les eaux de senteur non conforme, ni celle de l'existence des préjudices qu'elle invoque, sera déboutée de ses demandes indemnitaires dirigées contre les sociétés Cinquième Sens et Parfumerie Jardin de France ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les appels en garantie formé par la société Cinquième Sens à l'encontre de son assureur, la société Gan Assurances IARD, et de la société Parfumerie Jardin de France, qui sont dès lors sans objet ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Cinquième Sens :
Considérant que la société Cinquième Sens sollicite le paiement de la somme de 18 635,83 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2008 en faisant valoir que les factures du 4 décembre et 18 juillet 2007, qui devaient être réglées réception de la marchandise, ne lui ont pas été réglées ; que par courrier du 25 février 2008 elle a demandé à la société Sophie & Co de lui adresser le règlement de sa facture en date du 4 décembre 2007 ;
Considérant que l'appelante expose que les demandes en paiement de la société Cinquième Sens sont irrecevables par application des dispositions des articles L. 622-7 et L. 122-21 du Code de commerce s'agissant de demandes de condamnation pour des créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective de la société Sophie & Co ;
Considérant que la société Cinquième Sens justifie par la production du courrier recommandé en date du 12 avril 2010 avoir déclaré sa créance à l'encontre de la société Sophie & Co, d'un montant de 45 634,83 euro, auprès du liquidateur ; qu'elle justifie également, par la production des factures du 18 juillet 2007 et du 4 décembre 2007, d'un montant respectif de 2 242,50 euro et de 16 393,33 euro, que la société Sophie & Co reste lui de voir la somme de 18 635,38 euro ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1153 du Code civil les dommages-intérêts résultant du retard dans le paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal et sont dus à compter du jour de la sommation de payer ; que le courrier recommandé du 25 février 2008 qui constitue une réponse à un courrier de M. Guiot et mentionne la facture du 4 décembre 2007 ne constitue pas une telle sommation ;
Considérant que la société Cinquième Sens, qui ne démontre ni la mauvaise foi de la société Sophie & Co, ni que cette dernière ait abusé de son droit d'agir en justice, sera déboutée de ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1153, alinéa 4, et 1382 du Code civil ;
Par ces motifs : Confirme le jugement ; Et y ajoutant : Condamne la Selafa MJA, prise en la personne de maître Frédéric Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co à payer à la société Cinquième Sens la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que ces sommes seront employées en frais privilégiés de justice ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la Selafa MJA, prise en la personne de Maître Frédéric Lévy, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sophie & Co aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.