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Décisions

Cass. com., 25 mars 2014, n° 12-29.675

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Baud, Guérin (ès qual.)

Défendeur :

Ucar location (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Célice, Blancpain, Soltner

T. com. Paris, du 14 févr. 2011

14 février 2011

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Baud et M. Guérin, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Minotaure développement, que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Ucar location ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2012), que le groupe Ucar, qui exerce une activité de location de longue durée de véhicules de tourisme et utilitaires légers ainsi que de location de courte durée chez les concessionnaires automobiles qui fournissent à leurs clients des véhicules de remplacement, a, après avoir acheté les cinquante agences de location de courte durée de véhicules d'un tiers, décidé de créer son propre réseau d'agences spécialisées dans cette activité, sous le régime de la franchise et sous l'enseigne Ucar location ; que le 2 octobre 2003, M. Baud a signé avec la société Ucar location un contrat de réservation le faisant bénéficier d'une option dans la zone de Bayonne, Anglet et Biarritz pendant une période déterminée, en contrepartie d'une somme à imputer sur son droit d'accès ; que le 14 mai 2004, la société Minotaure développement, constituée par M. Baud, a conclu un contrat de franchise d'une durée de cinq ans avec la société Ucar location ; que la société Minotaure développement ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 janvier 2006, son liquidateur judiciaire, M. Guérin, et M. Baud ont fait assigner la société Ucar location en annulation du contrat de franchise, remboursement des sommes versées et paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième, troisième, septième, huitième et neuvième branches : - Attendu que M. Baud et M. Guérin, ès qualités, font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que conformément aux articles L. 330-3 et R. 330-1, 4° du Code de commerce, le document d'information précontractuelle remis par le franchiseur au franchisé doit permettre à ce dernier de s'engager en connaissance de cause et contenir, à cet effet, une présentation de l'état local du marché et des perspectives de développement de celui-ci ; qu'il résulte de ces dispositions que le franchiseur est tenu de remettre au franchisé, préalablement à la conclusion du contrat de franchise, une étude du marché local ; qu'en retenant toutefois, pour débouter M. Baud et M. Guérin de leurs demandes, que " la loi ne met pas à la charge [du franchiseur] une étude du marché local ", la cour d'appel a violé les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; 2°) que le document d'information précontractuelle remis par le franchiseur au franchisé doit contenir, à tout le moins, une présentation complète de l'état du marché local ; qu'une telle présentation suppose a minima qu'une liste exhaustive des concurrents soit dressée ; qu'en retenant que le franchiseur n'avait pas manqué à son obligation d'information précontractuelle tout en constatant cependant que le document mentionnait seulement " la liste des principales enseignes présentes sur la zone ", la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; 3°) que le document d'information précontractuelle remis par le franchiseur au franchisé doit contenir, à tout le moins, une présentation complète de l'état du marché local ; que pour retenir que le franchiseur n'avait pas manqué à son obligation d'information précontractuelle, la cour d'appel a relevé que le document " comportait des informations économiques concernant cette zone " ; qu'en statuant ainsi sans préciser à quelles informations économiques elle se référait de sorte qu'il est impossible d'apprécier si celles-ci suffisaient à satisfaire à l'obligation précontractuelle du franchiseur, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et a privé celle-ci de base légale au regard des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; 4°) que l'inobservation du délai légal de réflexion de vingt jours posé par l'article L.330-3 du Code de commerce fait nécessairement présumer l'existence d'un vice du consentement du franchisé entraînant la nullité du contrat ; qu'il appartenait donc au franchiseur d'établir l'inexistence du vice résultant de l'inobservation du délai ; qu'en retenant néanmoins qu'" il n'est pas établi que ce non-respect du délai (...) ait vicié le consentement de la société Minotaure développement lors de la conclusion du contrat de franchise ", la cour a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 5°) que l'inobservation du délai légal de réflexion de vingt jours imposé par l'article L. 330-3 du Code de commerce entraîne la nullité du contrat de franchise, dès lors que le consentement du franchisé a été vicié ; que l'existence du vice s'apprécie au jour où a été effectué le premier versement au mépris du délai ; que pour conclure à l'absence de vice, la cour d'appel a relevé que " le contrat de franchise n'a été conclu que sept mois après la communication du document pré-contractuel ", tout en ayant constaté préalablement que le document avait été remis " moins de vingt jours avant la signature du protocole de réservation ", date à laquelle le franchisé avait effectué un premier versement ; que la cour d'appel a ainsi statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 6°) que l'inobservation du délai légal de réflexion de vingt jours imposé par l'article L. 330-3 du Code de commerce entraîne la nullité du contrat de franchise, dès lors que le consentement du franchisé a été vicié ; que pour conclure à l'absence de vice, la cour d'appel a relevé que le franchisé avait eu " effectivement le temps de prendre connaissance des éléments figurant dans le document et d'en apprécier toute la portée en procédant aux vérifications nécessaires " ; qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour retenir que le franchisé aurait eu le temps nécessaire pour s'engager en connaissance de cause, tout en mettant à sa charge la réalisation d'une sérieuse étude de marché qui ne pouvait matériellement être effectuée en moins de vingt jours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé à bon droit que, si les articles L. 330-3 et R 330-1 du Code de commerce mettent à la charge du franchiseur la communication d'un état et des perspectives du marché concerné, elles ne lui imposent pas la fourniture d'une étude du marché local, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que le document d'information précontractuelle qui a été remis à M. Baud mentionnait les principales enseignes présentes sur la zone ainsi que des données économiques, et qu'il comportait l'avertissement que l'évolution récente du réseau ne permettait pas la communication de chiffres significatifs pour les agences spécialisées de location, invitant les parties à une prudence particulière dans l'analyse des potentialités du marché ; qu'il relève encore que la société Minotaure développement a eu connaissance à l'occasion de l'établissement de son " business plan ", soit avant la signature du contrat, d'autres données économiques concernant la zone concédée ; qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine, d'où il ressort que la société Minotaure développement avait, avant de signer le contrat de franchise, reçu les informations disponibles lui permettant de s'engager en connaissance de cause, la cour d'appel a pu rejeter la demande d'annulation fondée sur ce motif ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne saurait être déduit du seul manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle que le franchisé n'a pu s'engager en connaissance de cause ; qu'appréciant souverainement les circonstances de la cause, l'arrêt retient que, si le document d'information précontractuelle a été remis le 16 septembre 2003, soit moins de vingt jours avant la signature du protocole signé le 2 octobre 2003, il n'est pas démontré que le consentement de la société Minotaure développement, qui a signé le contrat de franchise sept mois plus tard et a ainsi pu vérifier les informations délivrées dans ce document, ait été altéré ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et s'est placée à juste titre à la date à laquelle le contrat de franchise avait été signé, et qui n'avait donc pas à effectuer la recherche inopérante visée par la sixième branche, a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que M. Baud et M. Guérin, ès qualités, font le même grief à l'arrêt alors : 1°) que le contrat de franchise est conclu dans l'intérêt commun des parties ; qu'il en résulte que les parties sont tenues d'un devoir de coopération en vertu duquel le franchiseur doit conseil et assistance au franchisé dans tous les aspects que revêt l'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, pour retenir que le franchiseur n'avait pas manqué à ses obligations, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'" aucune clause contractuelle ne mettait à la charge de la société Ucar location une obligation d'assistance dans la recherche d'un local " ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, eu égard aux circonstances de l'espèce, la loi n'imposait pas elle-même une telle obligation au franchiseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que le contrat de franchise est conclu dans l'intérêt commun des parties ; qu'il en résulte que les parties sont tenues d'un devoir de coopération en vertu duquel le franchiseur doit conseil et assistance au franchisé dans tous les aspects que revêt l'exécution du contrat ; que pour retenir que le franchiseur n'avait pas manqué à ses obligations, la cour d'appel s'est bornée à relever qu' " en tant qu'entrepreneur indépendant ", le franchisé " porte seu[l] la responsabilité de ses choix dans l'exploitation de son agence " et " ne rapport[ait] la preuve d'aucune faute ou négligence de la société Ucar location (...) dans ses obligations contractuelles " lorsque le franchisé a connu de graves difficultés, sans répondre aux écritures circonstanciées qui soutenaient que le franchiseur avait manqué à son devoir de conseil et d'assistance en raison de l'inertie dont il avait fait preuve face aux sollicitations de son cocontractant, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le contrat n'imposait au franchiseur aucune obligation d'assistance du franchisé dans la recherche d'un local, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par la première branche, a justifié le rejet des reproches formulés à cet égard ;

Et attendu, d'autre part, qu'après avoir énuméré les multiples interventions de la société Ucar location auprès de la société Minotaure développement au cours de l'exécution du contrat et retenu que le franchiseur s'était ainsi acquitté de ses obligations envers le franchisé, l'arrêt ajoute, répondant par là-même aux conclusions prétendument délaissées, que celui-ci, étant un entrepreneur indépendant, est responsable de ses choix dans l'exploitation de son agence et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un manquement contractuel du franchiseur lorsqu'il a connu ses premières difficultés économiques ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que les quatrième, cinquième et sixième branches du premier moyen du pourvoi principal ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel ; Rejette le pourvoi principal.