Cass. com., 25 mars 2014, n° 13-13.707
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SFR (SA), Sureau
Défendeur :
Féridis (SARL), Angé
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Sur la recevabilité du pourvoi n° 13-13.707, relevée d'office : - Attendu que l'arrêt n° 273 inscrit au répertoire général sous le numéro 11-01949 a fait l'objet d'une signification faisant courir le délai d'opposition ouvert à M. Angé, partie défaillante, le 27 mars 2013 ; que la déclaration de pourvoi effectuée le 6 mars 2013 est irrecevable comme prématurée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 octobre 2012), que pour les besoins de l'exploitation de son réseau de radiotéléphonie mobile, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a obtenu de divers propriétaires de parcelles de terre une convention de mise à disposition d'un emplacement destiné à accueillir ses installations de télécommunication ; qu'estimant que ses cocontractants avaient été démarchés en vue d'acquérir les emplacements mis à sa disposition de manière à la fois irrégulière et déloyale, par un ancien salarié, M. Angé, et la société Féridis, la société SFR et Mme Sureau les ont tous deux fait assigner pour voir déclarer nul le contrat conclu avec la société Féridis et obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une concurrence déloyale ou parasitaire ;
Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches : - Attendu que la société SFR et Mme Sureau font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société SFR à l'encontre de la société Féridis et de M. Angé, alors, selon le moyen : 1°) que le seul fait pour un opérateur économique de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise suffit à établir le parasitisme ; qu'en affirmant que le parasitisme économique suppose de profiter du savoir-faire et des investissements d'une entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) constitue du parasitisme le fait de se placer dans le sillage d'une société en tirant profit de sa notoriété ; qu'il n'est pas nécessaire que la société parasitée justifie avoir conçu et développé un concept original dans son domaine d'activité ou qu'elle bénéficie d'un droit exclusif ; qu'en retenant, pour exclure tout parasitisme, " qu'il faut que soit préalablement établie l'existence d'une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants et représentant une valeur économique importante " ou encore que " la société SFR ne bénéficiait d'aucun contrat d'exclusivité avec les propriétaires de ces emplacements ", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en se bornant à affirmer que la société Féridis n'avait pas cherché à se placer dans le sillage de la société SFR, sans vérifier comme elle y avait été invitée, si l'opération d'achat des terrains loués à SFR n'était pas subordonnée au maintien des baux en cours avec SFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les bailleurs de la société SFR ont été déterminés dans leur choix de vendre leurs parcelles par le prix qui leur a été proposé plus que par l'identité de leur acquéreur, ce dont il résultait que la transaction reprochée procédait d'un autre motif que l'usurpation de la notoriété du réseau SFR, et relevé qu'aucune clause d'exclusivité n'était imposée aux propriétaires des parcelles au bénéfice de la société SFR, de sorte que la cession de ces terrains était soumise au jeu de la libre concurrence, peu important que le maintien des baux en cours fût une condition déterminante pour leur acquéreur, la cour d'appel en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, que les actes de parasitisme allégués n'étaient pas caractérisés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu qu'une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ;
Attendu que pour écarter la demande présentée au titre d'une concurrence déloyale, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que l'action en concurrence déloyale suppose l'existence d'un rapport concurrentiel caractérisé le plus souvent pas une clientèle commune et retient qu'il ne peut être sérieusement soutenu que les sociétés en cause interviennent dans le même secteur d'activité, sont en situation de concurrence et s'adressent à la même clientèle ; qu'il ajoute que si la société SFR, opérateur de téléphonie mobile, a comme activité très accessoire la location ou l'achat de parcelles nécessaires pour l'implantation de ses installations, les propriétaires des terrains ne constituent pas sa clientèle habituelle et qu'elle ne peut être confondue avec la société Féridis qui a une activité de marchands de biens et s'adresse à des propriétaires de biens susceptibles d'être négociés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est subordonné à l'existence d'un fait fautif générateur d'un préjudice ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur un démarchage des bailleurs de la société SFR intervenu en méconnaissance de la loyauté voulue par les usages, l'arrêt énonce que l'action en concurrence déloyale ne peut être admise que lorsqu'il apparaît qu'une entreprise a cherché à profiter de manière illégitime de la réputation d'autrui, le risque de confusion trouvant sa source dans une imitation, et retient qu'il n'existe aucun risque de cette nature entre la société SFR, exploitant un réseau de radiotéléphonie, et la société Féridis, marchand de biens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'il ne contient pas, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Déclare irrecevable le pourvoi n° 13-13.707 ; Et sur le pourvoi n° 13-16.763 : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société SFR formée à l'encontre de la société Féridis et de M. Angé au titre d'une concurrence déloyale, l'arrêt n° 273 rendu le 23 octobre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes .