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Décisions

Cass. crim., 4 décembre 1978, n° 77-92.400

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mongin

Rapporteur :

M. Pucheus

Avocat général :

M. Elissalde

Avocat :

Me Lemanissier

Bourges, du 7 juill. 1977

7 juillet 1977

LA COUR : - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale,

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité mensongère ;

" au motif que le demandeur ne pouvait ignorer que la clientèle attache d'ordinaire davantage de prix à un vin issu directement de la propriété, mis en bouteille et élevé par le viticulteur lui-même ; que le prévenu s'était ainsi livré à une publicité mensongère dans le dessein d'égarer la clientèle sur la véritable nature et l'origine du produit vendu ;

" alors que, par ces motifs en réalité purement hypothétiques, la cour n'a nullement caractérisé l'intention frauduleuse du demandeur qui est l'un des éléments constitutifs de l'infraction qui lui était reprochée " ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de celles du jugement qu'il a confirmé sur le principe de la culpabilité que X, propriétaire-viticulteur et négociant en vins, a vendu certaines quantités de vins sous l'appellation " Sancerre " dans des bouteilles dont l'étiquette portait les mentions " X " et ses fils, propriétaire-viticulteur, mise en bouteilles à la propriété " ; qu'il a été établi qu'en réalité une partie de ces vins ne provenait pas de la récolte du prévenu mais qu'il s'agissait de vins d'origines diverses qu'il mettait dans le commerce en sa qualité de négociant ;

Attendu que pour déclarer que X s'était rendu coupable, à raison de ces faits, du délit prévu et réprimé par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, les juges précisent que le prévenu, en réunissant des vins d'origines différentes avec ceux provenant de sa récolte et en les mettant en vente sous un étiquetage mentionnant uniquement sa qualité de propriétaire-viticulteur et une mise en bouteilles à la propriété, a fait une publicité qui était de nature à induire en erreur sur l'origine véritable de ces vins ;

Attendu que par ces motifs qui ne sont nullement hypothétiques et alors, d'ailleurs, que l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 n'exige pas que la publicité qu'il prévoit et réprimé ait été faite de mauvaise foi, l'arrêt attaqué ne saurait encourir le grief allégué au moyen ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 3 et 4 de la loi du 1er août 1905, 8 de la loi du 6 mai 1919, 20 du règlement communautaire 816-70 du 5 mars 1970, 9 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale,

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a retenu la culpabilité du demandeur du chef de manipulation illicite de vin d'appellation d'origine contrôlée et de fabrication de dilution alcoolique sans déclaration ;

" au motif que la culpabilité du prévenu était attachée par les déclarations qu'il avait faites aux fonctionnaires du service de la répression des fraudes et devant le juge d'instruction et qu'il avait rétractées ;

" alors que, d'une part, la règle de la présomption d'innocence posée par l'article 9 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen s'oppose à ce que la déclaration de culpabilité soit exclusivement fondée sur les aveux rétractés de l'inculpé déchargeant ainsi la partie poursuivante de la preuve qui lui incombe ;

" alors que, d'autre part, le prévenu réclamait subsidiairement le bénéfice des circonstances atténuantes, que la cour après avoir admis la culpabilité du demandeur s'est abstenue de se prononcer sur ce chef de conclusion qu'elle a ainsi délaissé " ;

Attendu que les juges du fond, pour déclarer X coupable de falsification de vins et de l'infraction fiscale corrélative de fabrication sans déclaration de dilutions alcooliques, énoncent que les agents du service de la répression des fraudes ont découvert, le 12 janvier 1976, que le prévenu avait acheté, en 1973 et 1974, diverses quantités d'acide tartrique dont il possédait encore un stock à la date précitée ; qu'aussi bien dans ses déclarations consignées au procès-verbal que dans celles qu'il a faites ultérieurement devant le juge d'instruction, X a reconnu qu'il avait utilisé une partie de cet acide au traitement d'environ 300 hectolitres de vins de sancerre alors que l'emploi de ce produit dans les vins de la zone de production à laquelle appartient le département du Cher est interdit par l'article 20 du règlement communautaire n° 816-70 du 5 mai 1970 ; que les précisions qu'il a fournies au cours de ces déclarations réitérées et que les juges exposent et analysent sont telles qu'on ne saurait admettre la rétraction qu'il en a faite par la suite ;

Attendu que par ces énonciations qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation par les juges du fond des éléments de conviction soumis aux débats contradictoires, la cour d'appel, qui n'a aucunement inversé a chargé de la preuve, a donné une base légale à sa décision ; que, d'autre part, les juges n'étaient pas tenus de répondre aux conclusions du prévenu sollicitant subsidiairement le bénéfice des circonstances atténuantes, l'octroi de ce bénéfice constituant, en tous cas, une faculté dont l'exercice est laissé à l'appréciation discrétionnaire des juges ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Mais sur le moyen relevé d'office et pris des dispositions des articles 7 et 9 de la loi du 29 décembre 1977 ; - Vu lesdits articles ; - Attendu qu'une loi nouvelle édictant des pénalités moins sévères doit être appliquée aux faits commis antérieurement et donnant lieu à des poursuites non encore terminées par une décision définitive au moment où la loi nouvelle est entrée en vigueur ; qu'il en est ainsi de la loi du 29 décembre 1977 qui, notamment dans ses articles 7 et 9, a modifié dans un sens moins sévère le régime de certaines amendes fiscales en faisant prédominer leur caractère pénal sur leur caractère indemnitaire ;

Attendu que la cour d'appel, confirmant la décision des premiers juges, a déclaré X coupable de l'infraction fiscale de fabrication sans déclaration de dilutions alcooliques et lui a infligé, outre une amende de 3 000 F entrant dans les précisions de l'article 1791 du Code général des impôts, la pénalité du décuple des droits de consommation fraudes en application des articles 1796 et 1810-3° du même Code ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 29 décembre 1977, la pénalité du décuple prévue à l'article 1796 du Code général des impôts est remplacée par une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois l'élément à partir duquel cette pénalité est calculée ;

Attendu que si l'arrêt attaqué n'encourt aucune censure pour avoir statué comme il l'a fait au jour de la décision, la condamnation au décuple des droits fraudes doit, cependant, être annulée pour permettre à la même cour d'appel un nouvel examen de l'affaire au vu des dispositions moins sévères de la loi ;

Par ces motifs : Annule l'arrêt précité de la Cour d'appel de Bourges du 7 juillet 1977 mais seulement en celles de ses dispositions statuant sur la pénalité du décuple des droits fraudes, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ; et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de l'annulation prononcée : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bourges.