Cass. com., 8 avril 2014, n° 13-10.689
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ferrari SpA (Sté)
Défendeur :
Take-Two Interactive Software INC, Take-Tow Interactive France (SAS), Micromania (SAS), Micromania Group (SAS), Game France (SA), Fnac Paris (Sté), Fnac Direct (SA), Moyrand
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Roger, Sevaux, Mathonnet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2012), que la société Ferrari est titulaire de deux dépôts de modèles internationaux portant l'un sur une automobile et l'autre sur une voiture jouet et désignant la France, ainsi que d'un modèle français de véhicule automobile ; qu'elle utilise, par ailleurs, divers signes, tels le cheval cabré représenté sur son logo ou certains graphismes ; qu'estimant que les sociétés Take Two Interactive Software Inc. et Take Two Interactive France (les sociétés Take Two) éditaient et commercialisaient, auprès des sociétés Micromania, Fnac et Game France (les sociétés distributrices), un jeu vidéo faisant évoluer notamment un véhicule dénommé " Turismo " qui reprendrait les caractéristiques de ses modèles 360 Modena et F 40, la société Ferrari a fait assigner ces sociétés en contrefaçon de ces modèles, tant sur le fondement du Livre I du Code de la propriété intellectuelle, que sur celui de son Livre V, poursuivant également la réparation de ses préjudices pour concurrence déloyale et pour atteinte portée à son image ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Ferrari fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon du véhicule Modena 360 au regard du droit d'auteur, alors, selon le moyen : 1°) que s'agissant de contrefaçon d'œuvres d'art plastiques, la prise en compte de l'impression d'ensemble permet d'apprécier le point de savoir si les ressemblances l'emportent sur les différences ; qu'en l'écartant, par principe, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que les contrefaçons s'apprécient selon les ressemblances et non les différences ; qu'en se bornant à relever des différences entre les deux modèles pour en déduire l'absence de reprise, par les modèles présumés contrefaisants, des caractéristiques essentielles d'un modèle contrefait, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que s'il existait des points communs entre l'avant des véhicules Modena 360 et Turismo, les caractéristiques essentielles du premier tenant à l'agencement des parties latérales, arrière ou même intérieures n'étaient pas reprises, c'est par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se déterminer au vu de l'impression d'ensemble, a retenu qu'en l'absence de reproduction dans la même combinaison des caractéristiques qui contribuaient à conférer un caractère original au modèle Modena 360, aucune atteinte aux droits d'auteur de la société Ferrari n'était constituée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Ferrari fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon du véhicule Modena 360 au regard du droit des modèles déposés, alors, selon le moyen, que, faute d'avoir comparé l'impression d'ensemble produite par le modèle 360 Modena à celle produite par le modèle Turismo, et en déduisant de leurs seules différences qu'elles n'étaient pas semblables, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la forme avant du véhicule Turismo présentait des ressemblances avec le véhicule Modena 360 mais que les formes arrière et latérales comportaient de notables différences, la cour d'appel a retenu que le modèle Turismo, doté d'une physionomie propre, n'était pas susceptible de produire sur l'observateur averti la même impression d'ensemble que le modèle déposé et en a exactement déduit que la contrefaçon n'était pas constituée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Ferrari fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon du véhicule F 40 au regard du droit d'auteur, alors, selon le moyen, que la contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non les différences ; qu'en se bornant à relever des différences entre les deux modèles pour en déduire l'absence de reprise, par le modèle estimé contrefaisant, des caractéristiques essentielles d'un modèle contrefait, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que si les véhicules F 40 et Turismo présentaient tous deux une forme anguleuse, celle-ci était commune à de nombreux véhicules de sport, et que les caractéristiques essentielles du premier, tenant à la forme du capot et des pare-chocs avant, à l'agencement des parties latérales et à la forme du becquet arrière, n'étaient pas reprises, c'est par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée au vu des seules différences, a retenu qu'en l'absence de reproduction dans la même combinaison des caractéristiques qui contribuaient à conférer un caractère original au modèle F 40, aucune atteinte aux droits d'auteur de la société Ferrari n'était constituée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Ferrari fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon du modèle F 40, tant au regard du droit d'auteur qu'au regard du droit des modèles déposés, alors, selon le moyen, que, faute d'avoir comparé l'impression d'ensemble produite par le modèle F 40 à celle produite par le modèle Turismo, et en déduisant de leurs seules différences qu'elles n'étaient pas semblables, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le véhicule Turismo présentait des points communs avec le véhicule F 40 mais que les pare-chocs avant, et les parties arrière et latérales comportaient de notables différences, la cour d'appel a retenu que le modèle Turismo, doté d'une physionomie propre, n'était pas susceptible de produire sur l'observateur averti la même impression d'ensemble que le modèle déposé et en a exactement déduit que la contrefaçon n'était pas constituée ; que le moyen n'est pas fondé ; Et attendu que le sixième moyen, pris en sa première branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande formée au titre de la concurrence déloyale contre les sociétés Take Two et les sociétés distributrices, la cour d'appel a procédé à l'examen de chacun des griefs incriminés, tenant au choix de l'emblème, du nom et de la typographie ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que ces griefs, considérés dans leur ensemble, étaient de nature à engendrer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ou, à tout le moins un détournement de la notoriété des produits de la société Ferrari, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur le cinquième moyen entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du cinquième moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Ferrari au titre de la concurrence déloyale et d'atteinte à l'image, l'arrêt rendu le 21 septembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.