Livv
Décisions

Cass. com., 8 avril 2014, n° 13-11.765

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Musée national des arts asiatiques - Guimet

Défendeur :

Navarra, Galerie Enrico Navarra (SARL), Établissement public Sèvres, Cité de la céramique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, Me Foussard, SCP Gadiou, Chevallier

Paris, pôle 1 ch. 2, du 18 oct. 2012

18 octobre 2012

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le Musée national des arts asiatiques - Guimet (le Musée Guimet) que sur le pourvoi incident relevé par l'établissement public Sèvres - Cité de la céramique (la manufacture de Sèvres) ; - Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident : - Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 410-1, L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce ; - Attendu qu'il résulte de la loi et du décret susvisés que le juge administratif est, hors les matières réservées par nature ou par la loi au juge judiciaire, seul compétent pour statuer sur la responsabilité d'une personne publique lorsque le dommage qui lui est imputé résulte d'une activité de service public à caractère administratif ; que s'il résulte des dispositions combinées des articles L. 410-1, L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce que, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent être l'objet de décisions de l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ce transfert de compétence se limite au seul contentieux ainsi visé, relatif aux décisions rendues par cette Autorité en matière de pratiques anticoncurrentielles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la manufacture de Sèvres a organisé, en partenariat avec l'artiste ChuTeh-Chun et la galerie new-yorkaise Malborough, la fabrication de vases, décorés par l'artiste, qui ont été exposés, du 10 juin au 7 septembre 2009, au musée Guimet puis, pour partie d'entre eux, remis à la galerie Malborough qui les a commercialisés ; que la société Galerie Navarra, qui exploite une galerie à New York, et son dirigeant, M. Navarra, estimant que le musée Guimet et la manufacture de Sèvres, en mettant une partie de leurs moyens au service d'un projet commercial privé, initié par une galerie concurrente, avaient faussé le jeu de la concurrence, les ont fait assigner en réparation de leur préjudice ; que la manufacture de Sèvres et le musée Guimet, excipant de leur nature d'établissements publics exerçant une mission de service public, ont saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance qui avait rejeté l'exception, l'arrêt rappelle que, selon l'article L. 410-1 du Code de commerce, les dispositions relatives à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de délégations de service public, et que, dans la mesure où elles exercent de telles activités et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en cause des prérogatives de puissance publique, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire ; qu'il en déduit qu'il convient de rechercher en l'espèce si les actes présentés comme ayant porté atteinte à une saine et libre concurrence ont concerné l'organisation du service public ou la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, puis retient que tel n'est pas le cas de la production des céramiques en cause, suivie de leur exposition, et de leur offre à la vente ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé sa compétence et violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme l'ordonnance du 1er juillet 2011 du juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris ; Dit les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige ; Renvoie les parties à mieux se pourvoir.