Cass. crim., 1 avril 2014, n° 13-82.696
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Mirguet
Avocat général :
M. Cordier
Avocats :
SCP de Chaisemartin, Courjon
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2013, qui, pour pratiques commerciales trompeuses, l'a condamnée à 10 000 euros, a ordonné une mesure de publication, et prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 213-6 du Code de la consommation, 121-1, 121-2, 121-3, 131-37, 131-38 et 131-39 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société X coupable des faits de pratique commerciale trompeuse reprochés et l'a condamnée, en répression, au paiement d'une amende de 10 000 euros et à la publication à ses frais d'un extrait de la décision dans le journal Paris Normandie ;
"aux motifs qu'en vertu de l'article L. 121-1-2° du Code de la consommation, est réprimée par les sanctions prévues à l'article L. 213-1 toute " allégation fausse ou de nature à induire en erreur, portant sur le prix, le mode de calcul du prix ou son caractère promotionnel, la portée des engagements de l'annonceur " ; que la SAS X fait valoir que sa responsabilité pénale ne serait pas en cause dès lors, d'une part, que les annonces promotionnelles ainsi que le montant des prix résultant de ces annonces seraient imposés par les fabricants ou fournisseurs des produits litigieux, et, d'autre part, qu'il serait matériellement impossible, pour le distributeur, de vérifier de manière fiable, à l'occasion de ces annonces, l'existence et les modalités de commercialisation antérieure de produits de référence ; qu'elle affirme alors n'avoir commis aucun manquement à ses obligations professionnelles, ni n'avoir commis aucun acte de tromperie, absence de fraude qui se manifesterait notamment au travers des cas où la gratuité serait supérieure à celle annoncée ; qu'elle a en outre invoqué le fait que les annonces critiquées n'auraient en réalité pas d'incidence suffisante sur le comportement des consommateurs pour entrer dans le champ de la répression ; que le manquement illicite à l'obligation du distributeur de veiller à l'exactitude des annonces promotionnelles concernant les produits qu'il met en vente est en l'espèce établi par les constatations effectuées lors du contrôle ; que le caractère fictif de la gratuité a été constaté pour une très nette majorité des produits contrôlés ; que pour une partie importante supplémentaire l'annonce de gratuité ne peut pas être considérée comme sincère ou loyale puisque sa réalité est impossible à vérifier, même par le distributeur, en l'absence de produit de référence ; que, certes, la nature des relations entre les fabricants et les fournisseurs et le distributeur, notamment quant à la manière dont les promotions sont décidées et annoncées sans que ce dernier puisse s'y opposer, ne peut être niée ; que les annonces promotionnelles litigieuses étaient inscrites sur l'emballage pour l'ensemble des produits contrôlés ; que, cependant, sa position dans le cadre des relations contractuelles avec les fournisseurs ne peut en aucun cas constituer pour le distributeur une cause exonératoire de responsabilité pénale ou civile ; qu'il appartenait à la SAS X, d'une part, de prendre toutes dispositions dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses fournisseurs pour que les promotions décidées par ceux-ci puissent correspondre à des produits de référence fiables, et, d'autre part, d'intervenir en magasin sur le montant du prix de vente ou sur le mode de présentation du produit pour que seules y soient annoncées les promotions correspondant à une réalité quant au montant de l'avantage de prix et quant au produit de référence ; qu'il est vrai que doivent être prises en compte les difficultés matérielles d'organisation, en magasin, d'un système de vérification des références de produit à l'occasion des annonces promotionnelles ; qu'elles ne sont toutefois pas insurmontables même si elles nécessitent une définition stricte des démarches à accomplir au sein du magasin ; que, par ailleurs, l'infraction poursuivie est constituée même en l'absence d'intention frauduleuse, c'est-à-dire même en l'absence de volonté de tromper ou de causer un préjudice, dès lors qu'est relevé un manquement effectif à l'obligation de veiller à l'exactitude des annonces, manquement de nature à induire le consommateur en erreur ; que la constatation, dans un nombre de cas non négligeable, d'une gratuité supérieure à celle annoncée est d'ailleurs en réalité liée d'une part justement à l'absence de vérification des références de produit au moment des promotions, et d'autre part au fait que pour la quasi-totalité de ces situations le calcul de la gratuité réelle a été faussé - en faveur du distributeur - en l'absence de produit de référence fiable, par une comparaison effectuée avec des produits conditionnés en quantités moindres et donc en principe vendus plus chers à l'unité ; que l'argument selon lequel les annonces promotionnelles de gratuité d'une proportion du produit ou d'une réduction du prix n'auraient pas d'incidence suffisante pour entrer dans le champ de la répression est totalement inopérant, cette incidence significative étant notoire, chiffrable par les professionnels du commerce et fondant leur pratique régulière des promotions. Les éléments constitutifs de l'infraction étant réunis, le jugement déféré sera confirmé sur la culpabilité de la SAS X ; que, par ailleurs, le tribunal a fait une juste appréciation de la nature et de la gravité des faits en prononçant à l'encontre de la SAS X une amende d'un montant de 10 000 euros et la publication de la décision par extraits, et le jugement déféré sera également confirmé sur ces points, sous réserve que les modalités de la publication soient précisées dans le dispositif du présent arrêt ;
"1°) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu'en l'espèce, la société X soutenait que les annonces de gratuité incriminées figuraient sur l'emballage même des produits livrés, avec un packaging et un code barre spécifiques imposés par le fabricant, sans pouvoir être commercialisés par le distributeur autrement qu'en l'état, de sorte qu'il était impossible au distributeur de vérifier la réalité et la cohérence de ces annonces de gratuité ; qu'il résulte en outre des propres constatations de l'arrêt que " les annonces promotionnelles litigieuses étaient inscrites sur l'emballage pour l'ensemble des produits contrôlés " et que compte tenu de la nature des relations entre les fabricants, les fournisseurs et le distributeur, il ne pouvait être nié que les promotions litigieuses étaient décidées et annoncées sans que le distributeur puisse s'y opposer ; que dès lors, en affirmant que l'infraction poursuivie était constituée même en l'absence d'intention frauduleuse, c'est-à-dire même en l'absence de volonté de tromper ou de causer un préjudice, dès lors qu'était relevé un manquement effectif à l'obligation de veiller à l'exactitude des annonces, bien qu'elle eût constaté que les annonces de gratuité litigieuses étaient imposées au distributeur par le fabricant et qu'elles figuraient sur l'emballage même des produits, ce dont il résultait que le distributeur ne pouvait en contrôler l'exactitude, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément moral de l'infraction, en violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 121-1 et L. 121-5 du Code de la consommation ;
"2) alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, en retenant, pour dire constitué le délit de pratiques commerciales trompeuses, qu'il appartenait à la société X, d'une part, de prendre toutes dispositions dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses fournisseurs pour que les promotions décidées par ceux-ci puissent correspondre à des produits de référence fiables, et, d'autre part, d'intervenir en magasin sur le montant du prix de vente ou sur le mode de présentation du produit pour que seules y soient annoncées les promotions correspondant à une réalité quant au montant de l'avantage de prix et quant au produit de référence, tout en constatant que compte tenu de la nature des relations entre les fabricants, les fournisseurs et le distributeur, il ne pouvait être nié que les promotions litigieuses étaient décidées et annoncées sans que le distributeur puisse s'y opposer, que les annonces promotionnelles litigieuses étaient inscrites sur l'emballage pour l'ensemble des produits contrôlés et que pour une partie importante des produits contrôlés, la réalité de l'annonce de gratuité était impossible à vérifier, même par le distributeur, en l'absence de produit de référence du fabricant, ce dont il résultait que le distributeur était placé dans l'incapacité de vérifier l'exactitude des annonces promotionnelles litigieuses, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"3°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que les annonces promotionnelles de gratuité litigieuses étaient unilatéralement décidées et réalisées par le fabricant, qui les apposait sur l'emballage des produits fournis au distributeur, sans que celui-ci puisse s'y opposer ; que dès lors, en imputant le délit de pratiques commerciales trompeuses au distributeur, bien qu'il eût été commis par le fabricant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 121-1 du Code pénal ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de pratiques commerciales trompeuses dont elle a déclaré la prévenue coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.