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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 13 mars 2014, n° 12-04759

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pont Clim (SARL)

Défendeur :

Gateau (Epoux), Domo Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes de Martel, Derniaux

Avocats :

Mes Minault, Wilhelm, Allain, Rivierre, Nuzum, Guez

TGI Chartres, 1re ch., du 11 avr. 2012

11 avril 2012

Alain Gateau a, selon contrat du 22 décembre 2008, chargé la SARL Point Clim de fournir et installer une pompe à chaleur dans sa maison à Denonville, et également souscrit un contrat de prêt destiné à financer ces travaux pour un montant de 14 000 euro auprès de la société Domo Finance. L'installation ne répondant pas aux attentes des époux Gateau, ces derniers ont sollicité en référé et obtenu la désignation d'un expert qui a déposé son rapport le 8 septembre 2011.

Par actes des 3 et 7 novembre 2011, les époux Gateau ont assigné devant le Tribunal de grande instance de Chartres les sociétés Point Clim et Domo Finance en résolution des contrats de vente et de prêt, et réparation des préjudices subis.

Par jugement du 11 avril 2012, rendu après réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur les moyens de pur droit relevés par le tribunal sur la non-conformité du contrat aux dispositions légales sur le démarchage à domicile, le tribunal a :

- débouté Colette Gateau de ses demandes,

- annulé le contrat de vente passé entre la société Point Clim et Alain Gateau,

- annulé le contrat de crédit passé entre la société Domo Finance et Alain Gateau,

- condamné Alain Gateau à payer à Domo Finance la somme de 9 579, 08 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit irrecevable la demande d'Alain Gateau tendant à être garanti de cette somme par Point Clim,

- débouté Domo Finance de ses demandes contre Colette Gateau,

- condamné la société Point Clim à payer à Alain Gateau la somme de 3 000 euro au titre des frais de remise en état,

- condamné la société Point Clim à payer aux époux Gateau la somme de 3 000 euro en réparation de leur préjudice,

- condamné la société Point Clim à payer aux époux Gateau la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Point Clim au paiement des frais d'expertise,

- condamné Alain Gateau au surplus des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Point Clim en a relevé appel et prie la cour, par dernières écritures du 2 décembre 2013, de :

- dire que le contrat de vente est valable,

- lui donner acte qu'elle a rempli ses obligations contractuelles,

- dire que le contrat répond aux exigences des articles L. 121-21 et R. 121-3 du Code de la consommation,

- subsidiairement, en cas d'annulation de la vente,

débouter les époux Gateau de leur demande en paiement des sommes de 14 290 euro au titre du coût des travaux, 3 000 euro au titre de la remise en état et 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

dire que la somme due à Alain Gateau du chef de la remise en état est limitée à 3 000 euro,

- en tout état de cause, condamner les époux Gateau à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, du 11 décembre 2013, la société Domo Finance demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qui concerne le rejet des demandes formées par Colette Gateau,

- constater la régularité des deux contrats,

- condamner Alain Gateau à lui payer la somme de 4 151,50 euro avec intérêts au taux de 6, 74 % l'an à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- débouter Alain Gateau de toutes ses demandes,

- subsidiairement, en cas de résolution des contrats, remettre la société Domo Finance et Alain Gateau dans leur état antérieur à la conclusion du contrat de prêt,

- condamner Alain Gateau à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 4 décembre 2013, les époux Gateau demandent à la cour de :

- prononcer la résolution des deux contrats,

- subsidiairement, prononcer la résolution du contrat de la société Point Clim à raison de la violation des articles L. 121-21 et R. 121-3 et suivants du Code de la consommation, ainsi que celle du crédit subséquent,

- en tout état de cause,

condamner la société Point Clim à payer à Alain Gateau la somme de 14 290 euro au titre du coût des travaux,

condamner la société Point Clim à payer aux époux Gateau la somme de 3 000 euro au titre des travaux de remise en état,

dire que Point Clim pourra reprendre possession de l'installation après complet règlement de la somme de 14 290 euro et de celle de 3 000 euro,

condamner la société Point Clim à payer aux époux Gateau la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts,

confirmer la condamnation de la société Point Clim au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et y ajouter la somme complémentaire au même titre de 3 000 euro,

condamner la société Point Clim aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et le coût des actes d'exécution forcée, avec recouvrement direct.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2013.

Sur quoi LA COUR :

Sur le rejet des demandes formulées par Colette Gateau :

Cette dernière, n'ayant pas été partie aux contrats, a justement été déboutée de ses demandes tendant à la résolution des contrats de vente et de prêt.

Sur la régularité du contrat de fourniture et pose de la PAC et de ses accessoires :

Le tribunal a, après avoir recueilli les explications des parties sur le moyen soulevé d'office tiré de la violation des articles L. 121-21 et R. 121-3 du Code de la consommation, annulé le contrat. La société Point Clim observe sur ce point que ces textes édictant une nullité relative, leur méconnaissance ne peut être opposée qu'à la demande de la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger, et qu'il est de droit constant que c'est en violation de l'objet du litige que le juge relève d'office les irrégularités de forme qu'il découvre dans les contrats de consommation.

Il résulte de l'article L. 141-1 du Code de la consommation que le juge peut relever d'office les éventuelles irrégularités d'un contrat soumis aux dispositions du Code de la consommation. Le grief tiré par Point Clim du fait que les premiers juges n'avaient pas le pouvoir de le faire est donc mal fondé. En revanche, la nullité sanctionnant les irrégularités du contrat de fourniture et pose de l'installation litigieuse, telles que détaillées par le jugement déféré, qui ne sont pas sérieusement contestées par Point Clim, n'est en effet que relative, en sorte que Point Clim et Domo Finance relèvent à juste titre qu'en acceptant l'exécution des travaux, et en les réglant sans aucune réserve, Alain Gateau a définitivement renoncé à s'en prévaloir. D'ailleurs ces irrégularités n'ont pas été invoquées spontanément par ce dernier, et, en cause d'appel, ce moyen n'est soulevé qu'à titre subsidiaire, ce qui démontre bien que l'essentiel du litige consiste non dans les conditions de souscription du contrat, mais dans son exécution.

Le jugement sera donc infirmé en ce que l'annulation du contrat de fourniture et pose de la PAC et de ses accessoires a été prononcée pour violation des prescriptions des articles L. 121-21 et R. 121-3 du Code de la consommation.

Sur l'exécution du contrat de fourniture et pose de la PAC :

Il résulte des écritures de Point Clim, elle-même, que le contrat avait bel et bien pour objet le remplacement d'une installation de chauffage central au fioul traditionnelle par un système de chauffage dépendant d'une pompe à chaleur air/air. Or, selon les constatations non discutées de l'expert, le système de chauffage proposé par Point Clim et retenu par les époux Gateau ne pouvait pas chauffer la totalité des volumes constituant l'habitation puisque les locaux non principaux et les circulations ne disposaient plus d'aucun équipement de chauffage, et que le dispositif mis en place par Point Clim n'avait pas la puissance suffisante, l'expert précisant à cet égard sans être contredit qu'il ne s'agissait que d'une installation de chauffage partiel fondamentalement différente de l'installation précédente par radiateurs à eau chaude, qui, de par sa conception (dispositif de chauffage concernant exclusivement les pièces de vie) ne permettait pas d'obtenir une température de chauffage uniforme dans l'habitation, et qui de surcroît était sous-dimensionnée par rapport aux propres calculs de cette entreprise, ce qui n'était pas décelable par les clients.

A cet égard, Point Clim ne peut se prévaloir de la lettre du contrat, qui détaille l'équipement à fournir qu'elle a bel et bien installé et dont il n'est pas allégué qu'il ne fonctionnait pas. En effet, elle a toujours admis, dans ses écritures tant devant le tribunal que devant la cour, que l'objet du contrat était le remplacement de l'installation traditionnelle existante hors service par un système utilisant de l'énergie renouvelable, qui a donc bien été fourni comme devant assurer la totalité des besoins en chauffage de l'habitation. Elle objecte tout aussi vainement avoir mis en garde Alain Gateau sur l'inadaptation du système proposé, en attirant son attention sur la nécessité de mettre en place une PAC d'une conception différente (air/eau haute température) et d'un coût nettement supérieur, puisqu'elle ne fournit aucune pièce le démontrant, et qu'au contraire il est rapporté par l'expert que les époux Gateau ont visité un pavillon chauffé par le dispositif qui leur était proposé à l'initiative du démarcheur de Point Clim, ce qui ne peut se concevoir que dans le cadre d'une démarche commerciale tendant à les assurer de l'efficacité du procédé qui a finalement fait l'objet du contrat.

Il est ainsi établi que l'installation fournie était impropre à l'usage convenu entre les parties, et que Point Clim a, en sa qualité d'installateur professionnel, gravement manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard d'Alain Gateau en lui vendant en toute connaissance de cause un équipement de chauffage inadapté à ses besoins. Le contrat de pose et de fourniture de la PAC et de ses accessoires doit donc être résolu sur le fondement de l'article 1184 du Code civil justement invoqué à titre principal par Alain Gateau.

Les parties devant être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, Point Clim sera condamnée à restituer intégralement à Alain Gateau le prix payé, soit la somme de 14 290 euro, et à supporter les frais de dépose et remise en état tels qu'évalués, sans contestation, par l'expert, à la somme de 3 000 euro. Il n'y a pas lieu de subordonner la restitution du matériel au paiement effectif de ces sommes par Point Clim et Alain Gateau sera débouté de sa demande sur ce point.

Le trouble de jouissance lié à l'absence de chauffage suffisant a été justement évalué par le tribunal et le jugement sera confirmé sur la somme de 3 000 euro allouée à ce titre aux deux époux Gateau.

Sur la résolution du contrat de prêt :

La résolution du contrat principal de vente et pose de la PAC et de ses annexes entraînant celle du contrat de prêt qui en était l'accessoire en application de l'article L. 311-22 ancien devenu l'article L. 311-32 du Code de la consommation, Alain Gateau doit restituer à Domo Finance le montant du capital prêté, soit 14 000 euro. Or il résulte des écritures de Domo Finance que la somme de 17 441,68 euro a été versée par Alain Gateau, de sorte que Domo Finance sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 4 151,50 euro, étant observé que la cour n'est saisie d'aucune demande de restitution du trop versé par Alain Gateau.

Sur les autres demandes :

La résolution de la vente étant prononcée aux torts de Point Clim, les dépens de première instance et d'appel seront mis à sa charge, le jugement étant par ailleurs confirmé sur la charge des frais d'expertise et l'indemnité de procédure mise à la charge de Point Clim.

Les dépens d'appel seront également supportés par Point Clim, l'équité commandant en outre qu'elle contribue aux frais de procédure exposés par les époux Gateau devant la cour à hauteur de la somme complémentaire de 1 200 euro. Les frais d'exécution forcée font partie des dépens.

Aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Domo Finance.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirmant partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau sur l'entier litige, Prononce la résolution du contrat de fourniture et pose de la PAC et de ses accessoires et celle du contrat de prêt, Condamne en conséquence la société Point Clim a restituer à Alain Gateau la somme de 14 290 euro, et à lui payer la somme de 3 000 euro au titre du coût de dépose et remise en état, Condamne la société Point Clim à payer aux époux Gateau la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance, Déboute la société Domo Finance de ses demandes et constate que le capital prêté lui a d'ores et déjà été restitué, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Point Clim à payer à Alain Gateau la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de l'instance devant le tribunal et la somme complémentaire de 1 200 euro au même titre dans le cadre de l'instance devant la cour, Rejette toute autre demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Point Clim aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'appel, avec recouvrement direct.