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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 24 février 2014, n° 10-04905

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maison de la Clé (SARL), Guyot (ès qual.)

Défendeur :

Achouri

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Francke

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

Avocats :

Selarl Dauphin-Mihajlovic, Mes Barberye, Kanedanian, Brasseur

TI Grenoble, du 28 oct. 2010

28 octobre 2010

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame Fatiha Achouri a accepté, le 28 juillet 2008, le devis établi par la société la Maison de la Clé concernant le remplacement de sa porte d'entrée, par l'installation d'un bloc-porte blindée avec kit phonique, moyennant le prix de 4 100,00 euro et a versé un chèque d'acompte de 1 300 euro.

Les travaux ont été réalisés le 1er octobre 2008.

Invoquant des problèmes d'ouverture/fermeture de la serrure outre une mauvaise isolation phonique, madame Achouri a, suivant acte d'huissier du 17 avril 2009, fait citer la société la Maison de la Clé devant le Tribunal d'instance de Grenoble en nullité du contrat ou à défaut en résolution judiciaire outre condamnation à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 28 octobre 2010, le Tribunal d'instance de Grenoble a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire:

- constaté la validité du contrat conclu le 28 juillet 2008,

- prononcé sa résolution judiciaire aux torts de la société la Maison de la Clé,

- ordonné à Madame Achouri de restituer à la société la Maison de la Clé le dispositif installé,

- condamné la société la Maison de la Clé à payer à Madame Achouri les sommes de:

- 4 100 euro en remboursement du prix outre intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2009, date de mise en demeure et capitalisation,

- 4 669,40 euro de dommages intérêts,

- 800 euro d'indemnité de procédure.

Suivant déclaration en date du 19 novembre 2010, la société la Maison de la Clé a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance juridictionnelle en date du 17 mai 2011, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise avec désignation de monsieur Jean-Paul Jarrin en qualité d'expert.

Celui-ci, ses opérations accomplies, a déposé son rapport le 2 février 2012.

Par ordonnance juridictionnelle du 31 janvier 2012, le conseiller de la mise en état a débouté Madame Achouri de sa demande de radiation de l'affaire au motif que les causes du jugement déféré avaient été satisfaites par l'appelante.

La société la Maison de la Clé a été mise en liquidation judiciaire par décision du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 26 novembre 2013.

Au dernier état de leurs écritures en date du 19 décembre 2013, la société La Maison de la Clé et Maître Christian Guyot, liquidateur judiciaire de celle-ci et intervenant volontaire, demandent de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le contrat de vente valide,

- le réformer pour le surplus et :

- à titre principal: débouter Madame Achouri de l'ensemble de ses prétentions,

- subsidiairement : réduire les condamnations à de plus justes proportions,

- en tout état de cause : condamner Madame Achouri à payer à la société la Maison de la Clé une indemnité de procédure de 3 000 euro.

Ils font valoir que :

- les conditions de l'article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ne sont pas remplies concernant le démarchage allégué,

- la société a correctement exécuté ses obligations conformément au contrat,

- les personnes ayant attesté le défaut d'isolation phonique ont tendance à l'exagération,

- une solution technique, validée par l'expert, a été proposée à Madame Achouri qui l'a refusée,

- les dommages intérêts alloués ont été surévalués.

Par conclusions récapitulatives en date du 20 août 2012, Madame Achouri sollicite, outre le rejet de l'ensemble des prétentions adverses, de :

- confirmer le jugement déféré sauf à retenir à titre principal la violation de la réglementation sur le démarchage à domicile,

- recevant son appel incident, lui allouer à titre complémentaire des dommages intérêts de 2 500 euro,

- en tout état de cause, condamner son adversaire à lui payer la somme de 2 500 euro au titre de ses frais irrépétibles.

Elle expose que :

- le contrat a été passé suite à un démarchage à domicile,

- le contrat ne comprend pas les mentions impératives et doit donc être annulé,

- elle a commandé un kit spécial d'insolation lequel est totalement inopérant,

- au niveau sécurité, le produit est également défaillant du fait du blocage de la serrure,

- l'expert a relevé de nombreux défauts quant aux normes et aux règles de l'art,

- son préjudice a été insuffisamment réparé.

La clôture de la procédure est intervenue le 14 janvier 2014.

Le 22 janvier 2014, Madame Achouri a communiqué 2 pièces numérotées 25 et 26 et conclut au rabat de l'ordonnance de clôture pour les rendre recevables.

Par écritures du 27 janvier 2014, les appelants s'y opposent.

Sur ce :

1/ Sur la demande en rabat de l'ordonnance de clôture :

Attendu que par application des dispositions de l'article 784 du Code de procédure civile et Madame Achouri ne justifiant pas d'une cause grave permettant le rabat de la clôture, sa demande de ce chef sera rejetée pour faire respecter le principe du contradictoire ;

Attendu dès lors, qu'il convient d'écarter des débats les pièces 25 et 26 de Madame Achouri ;

2/ Sur la demande en nullité du contrat :

Attendu que Madame Achouri prétend à la nullité du contrat à raison du non-respect des conditions relatives au démarchage à domicile ;

Que le démarchage est une pratique commerciale encadrée par la loi afin de protéger le consommateur lorsque le contrat a été signé soit au domicile de l'acquéreur même si celui-ci a demandé au vendeur de se déplacer à son domicile, soit lors de réunions pratiquées hors des lieux de vente habituels, soit sur son lieu de travail soit à l'occasion de voyages publicitaires ;

Attendu toutefois que le déplacement du professionnel au domicile d'un consommateur, pour l'étude des lieux et la prise des mesures nécessaires pour l'établissement d'un devis remis ultérieurement, ne constitue pas un démarchage au sens de l'article L. 121-21 du Code de la consommation en ce que le professionnel n'a pas profité de sa présence au domicile du consommateur pour l'inciter à s'engager immédiatement ;

Qu'en l'espèce, il ressort de l'attestation de Madame Delloula Achouri, que la société la Maison de la Clé s'est déplacée au domicile de Madame Achouri sur sa demande expresse ;

Que le témoin explique que dans un premier temps, la société la Maison de la Clé a procédé au relevé des métrés puis ultérieurement a transmis le 9 juillet 2808 à Madame Achouri un devis que celle-ci a par la suite accepté, en le renvoyant signé le 28 juillet suivant ;

Attendu que c'est à juste titre, que le tribunal a estimé que le contrat n'étant pas signé au domicile de Madame Achouri à l'occasion du déplacement du professionnel, les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation n'étaient pas remplies et a déclaré valable le contrat du 28 juillet 2008 conclu entre la société la Maison de la Clé et Madame Achouri ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

3/ Sur la demande en résolution du contrat :

Attendu qu'aux termes de l'article 1184 du Code civil, " la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts " ;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que :

- le bloc-porte est conforme au devis en ce qui concerne les points litigieux à savoir, le bâti tubulaire 3 faces 20/10e, le kit d'isolation phonique comprenant les joints périphériques, lequel néanmoins compte tenu de son faible prix ne peut avoir des performances maximum, outre l'aileron fixé du côté extérieur et la béquille mobile du côté intérieur,

- lorsque la porte est en position fermée, l'ouvrant de la porte, dans le plan vertical, ne plaque pas uniformément contre l'huisserie,

- il existe une différence de 3 mm entre le bas mesuré à 3 mm et le haut de la porte mesuré à 6 mm,

- après avoir positionné derrière la porte fermée une lampe, une lumière est légèrement visible entre le seuil et l'ouvrant de la porte malgré la présence du joint fixé sur le seuil mécanique,

- porte fermée, un bruit de conversation est audible sans pour autant qu'il soit compréhensible ;

Que l'expert conclut que par rapport aux règles de l'art, l'isolation acoustique du bloc-porte n'est pas satisfaisante et estime que c'est l'adaptation à l'existant qui pose problème du fait d'une part, du manque d'étanchéité du joint du seuil et, d'autre part, de la transmission des sons par le cadre périphérique ;

Que l'expert rappelle que dans tous les cas de mise en œuvre d'une porte blindée, il est indispensable en terme de sécurité de poser l'huisserie correspondante à l'ouvrant de la porte ;

Attendu qu'il est ainsi établi que la pose du bâti tubulaire sur un autre cadre n'assure donc ni la sécurité ni l'isolation phonique du bloc-porte lequel aurait dû être fixé directement au mur ce qui aurait évité les interstices constatés ;

Attendu dès lors, que la société la Maison de la Clé qui s'est engagée à installer au domicile de Madame Achouri une porte blindée avec kit d'insolation phonique, a failli à ses obligations contractuelles, le bloc-porte litigieux ne remplissant pas les 2 fonctions ayant déterminé la conclusion du contrat à savoir la sécurité et l'isolation phonique ;

Attendu que l'expert a préconisé pour remédier à ces dysfonctionnements, de remplir l'intérieur du volume formé par le profil du bâti métallique sur l'ancien cadre avec de la mousse polyuréthane, ce travail devant être exécuté avec un soin extrême pour combler tous les vides ;

Que néanmoins, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, il ne peut être reproché à Madame Achouri de refuser une prestation non comprise au contrat, laquelle de surcroît s'apparente à une tentative de restauration hasardeuse alors que le problème initial de défaut de pose du cadre sur le mur ne sera toujours pas résolu ;

Attendu par voie de conséquence, que c'est à bon droit que la tribunal a ordonné la résolution judiciaire du contrat conclu le 28 juillet 2008, la restitution par Madame Achouri du bloc-porte à charge pour la société venderesse de lui restituer la prix de vente et d'indemniser ses préjudices ;

4/ Sur les dommages intérêts dus à Madame Achouri en réparation de ses préjudices :

Attendu que Madame Achouri prétend à l'indemnisation de :

- son préjudice de jouissance à hauteur de 1 500 euro,

- son préjudice matériel à hauteur de 3 169,40 euro puisque son ancienne porte n'a pas été conservée et qu'il va falloir la remplacer,

- la prolongation de son préjudice de jouissance durant les années d'expertise à hauteur de 2 000 euro ;

Attendu que le tribunal a condamné la société la Maison de la Clé à payer à Madame Achouri la somme globale de 4 669,40 euro de dommages intérêts ce qui correspond à la prise en charge de ses deux premiers chefs de demande ;

Que l'indemnisation du préjudice de jouissance pour la somme de 1 500 euro depuis la pose de la porte litigieuse en octobre 2008 est suffisante sans qu'il soit besoin de la majorer ;

Que le préjudice matériel ressortant de la nécessité de remplacer l'ancienne porte non conservée a été à juste titre indemnisé ;

Attendu dès lors, que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;

5/ Sur les mesures accessoires :

Attendu que la société la Maison de la Clé succombant, son liquidateur judiciaire es qualités sera condamné à payer à Madame Achouri une indemnité de procédure supplémentaire en cause d'appel ;

Attendu enfin pour les mêmes raisons, qu'il supportera les dépens de la procédure d'appel qui comprennent les frais d'expertise et ce avec distraction au profit de la Selarl Dauphin & Mihajlovic.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Rejette la demande en rabat de l'ordonnance de clôture, Ecarte des débats les pièces 25 et 26 de Madame Fatiha Achouri, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant : Condamne Maître Christian Guyot en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Maison de la Clé à payer à Madame Fatiha Achouri la somme supplémentaire de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel, Condamne Maître Christian Guyot en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Maison de la Clé aux dépens de la procédure d'appel qui comprennent les frais d'expertise et ce avec distraction au profit de la Selarl Dauphin & Mihajlovic.