Cass. crim., 23 janvier 1979, n° 78-91.033
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Malaval
Rapporteur :
M. Monzein
Avocat général :
M. Elissalde
Avocat :
Me Delvolvé
LA COUR : - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44, 45 et 46 de la loi du 27 décembre 1973, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action de la chambre syndicale des industries de la conserve ;
" aux motifs qu'un syndicat professionnel a qualité pour poursuivre les auteurs d'une infraction qui porte préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de ses membres, que rien n'indique d'ailleurs dans l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 que ce texte ait pour seul objet la défense des consommateurs et qu'en raison de la généralité de ses termes, il s'applique aussi bien aux relations et intérêts des producteurs et commerçants entre eux ;
" alors que la législation réprimant la publicité mensongère a pour unique objet la défense des consommateurs et non la protection directe ou indirecte de l'intérêt collectif de telle ou telle profession ; que d'ailleurs, l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973 réserve l'action civile aux associations agréées ayant pour objet explicite la défense des consommateurs et indépendants de toutes formes d'activités professionnelles ; que l'article 45 n'a accordé le droit de se porter partie civile aux autres personnes qu'en matière d'infractions à l'ordonnance du 30 juin 1945 ; qu'ainsi, l'action civile de la chambre syndicale des industries de la conserve était manifestement irrecevable " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'André X et Mireille Y ont été cités directement devant le tribunal correctionnel à l'initiative de la chambre syndicale de la conserve du chef de publicité de nature à induire en erreur ;
Attendu que les juges du fond, pour déclarer recevable l'action civile et, par voie de conséquence, la poursuite valablement engagée, relèvent que la chambre syndicale de la conserve compte parmi ses membres des fabricants de conserves de foie gras, dont elle a pour mission de défendre les intérêts professionnels et que, du fait des agissements délictueux des prévenus, un préjudice a été porte à l'intérêt collectif de cette profession ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, justifié sur ce point sa décision ;
Attendu, en effet, que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 prohibant et réprimant la publicité de nature à induire en erreur constitue l'une des dispositions spécialement édictées dans le chapitre III du titre III de cette loi en vue de " l'amélioration des conditions de la concurrence " ; que dès lors, la violation de l'interdiction ainsi sanctionnée constitue, en elle-même, une atteinte aux conditions normales de la concurrence de nature à porter préjudice à l'ensemble de la profession qui respecte les obligations légales ; que par suite, l'action civile, qui n'est pas réservée aux seules associations de défense des intérêts des consommateurs visés par l'article 46 de la loi précitée, peut être exercée par un syndicat, conformément à l'article 11 du livre III du Code du travail, lorsque, comme en l'espèce, est constatée une atteinte à l'intérêt collectif de la profession intéressée ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 44-1 de la loi du 23 décembre 1973, de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné André X et Mireille Y pour publicité mensongère ;
" aux motifs propres et ceux des premiers juges que les prévenus avaient fondé l'association française des producteurs et détaillants de foie gras, qui, pour remplir son objet, avait elle-même créé le centre national et international d'information et de promotion du foie gras, avec un stand d'exposition et d'information dénommé " le temple du foie gras " où se pratiquaient aussi des ventes directes, à vrai dire très peu importantes ; que les prévenus inspirèrent divers articles dans les journaux New York, Tunis, France-Soir, Centre-Presse ; qu'ils adressèrent aux conserveurs traditionnels de foie gras une circulaire avec la mention " organe officiel " de l'association précitée ; qu'un article du journal centre-presse avait pour conclusion apparente que le centre susvisé comportait un contrôle particulier que, dans un reportage radio, demoiselle Y s'était qualifiée attachée à un organisme national et d'expert professionnel en foie gras, titre qu'elle a reconnu comme étant excessif ; que les faits ci-dessus rapportés qui portent sur les qualités ou aptitudes des revendeurs et promoteurs ne sont pas exacts ; que cette publicité employait des termes équivoques sur le caractère représentatif de l'association et qu'elle était fondée sur des données équivoques, erronées et mensongères, de nature à induire en erreur ;
" alors, d'une part, qu'un article écrit par un journaliste, sous sa responsabilité, en dehors de toute publicité rédactionnelle et donnant des informations sur l'activité d'une personne, fut-ce à partir d'éléments fournis par cette dernière, ne constitue pas un moyen de publicité entrant dans le champ d'application de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 ;
" alors, d'autre part, que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 réprime uniquement la publicité mensongère effectuée par des fabricants, revendeurs, promoteurs ou prestataires qui se livrent à des actes de commerce ; que n'entre pas dans cette catégorie, une association ayant exclusivement un but non lucratif, comme elle le soulignait dans ses conclusions et se bornant à permettre, dans de faibles proportions, la vente directe de produits de ses adhérents, sans se livrer elle-même à des actes de commerce ;
" alors, en outre, à défaut de relater avec précision les allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur qu'elle punit, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification retenue ;
" alors, enfin, qu'il s'évince des propres constatations de l'arrêt que la circulaire du centre, qui se bornait à rendre compte de son activité, était bien l'organe de l'association dont le centre était l'émanation ; qu'il résulte sans ambiguïté des termes de l'article du journal Centre-Presse qu'il ne faisait pas état d'un contrôle, mais de normes rigoureuses que les adhérents de l'association s'engageaient à respecter ; que par ailleurs, la cour ayant elle-même admis que le qualificatif " national " figurant dans la dénomination du centre n'était pas répréhensible, il ne pouvait être reproché à Mireille Y de se déclarer attachée à un organisme national, et que, enfin, sa qualité de goûteuse professionnelle n'était pas de nature à induire le public en erreur " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit qui leur était reproché, l'arrêt et le jugement, dont il adopte les motifs non contraires, énoncent que André X et Mireille Y ont fondé " l'association française des producteurs et détaillants de foies gras " qui a elle-même crée le centre national et international d'information et de promotion du foie gras qui possède un stand d'exposition et d'information où se pratiquent parfois des ventes directes ;
Attendu que les juges du fond relèvent en outre que les prévenus ont organisé, par la voie de la presse, par la radiotélévision et par la diffusion de circulaires une " campagne publicitaire " présentant faussement leur association comme un organisme officiel corporatif capable d'accréditer les seules conserves de foie gras de qualité après dégustation par Mireille Y, abusivement qualifiée de " seule goûteuse professionnelle " ; la vente étant assurée par leurs adhérents ou par eux-mêmes dans leur stand public ;
Attendu que par ces énonciations et constatations, qui relèvent tous les éléments constitutifs du délit de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel a, sans insuffisance, donné une base légale à sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.