CJUE, 1re ch., 30 avril 2014, n° C-238/12 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FLSmidth & Co. A/S
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Tizzano
Avocat général :
M. Mengozzi
Juges :
MM. Borg Barthet, Levits, Rodin, Mme Berger (rapporteur)
Avocat :
Me Dittmer
LA COUR (première chambre),
1 Par son pourvoi, FLSmidth & Co. A/S (ci-après "FLSmidth") demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne FLSmidth/Commission (T-65-06, EU:T:2012:103, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision C(2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 - Sacs industriels) (ci-après la "décision litigieuse"), ou, à titre subsidiaire, à l'annulation ou à la réduction de l'amende qui lui a été infligée.
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
2 FLSmidth est la société mère d'un groupe de sociétés exerçant dans les domaines de l'ingénierie, des activités minières et de la construction. L'une de ces sociétés est FLS Plast A/S (ci-après "FLS Plast"), qui est elle-même l'ancienne société mère de Trioplast Wittenheim SA (anciennement Silvallac SA, ci-après "Trioplast Wittenheim"), productrice de sacs industriels, de films et de gaines en plastique à Wittenheim (France).
3 Au cours du mois de décembre 1990, FLS Plast a acquis 60 % des actions de Trioplast Wittenheim. Les 40 % restants ont été acquis par FLS Plast au mois de décembre 1991. La partie venderesse était Cellulose du Pin, société française, membre du groupe détenu par Compagnie de Saint-Gobain SA.
4 À son tour, FLS Plast a vendu Trioplast Wittenheim, au cours de l'année 1999, à Trioplanex France SA, filiale française de Trioplast Industrier AB (ci-après "Trioplast Industrier"), la société mère du groupe Trioplast. Ce transfert a pris effet le 1er janvier 1999.
5 Au mois de novembre 2001, British Polythene Industries a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence d'une entente, dans laquelle FLS Plast aurait été impliquée, dans le secteur des sacs industriels en plastique.
6 Après avoir procédé à des vérifications, pendant l'année 2002, dans les locaux, notamment, de Trioplast Wittenheim, la Commission a adressé, au cours des années 2002 et 2003, aux sociétés concernées, au nombre desquelles figurait cette dernière société, des demandes de renseignements. Par une lettre du 19 décembre 2002, complétée par une lettre du 16 janvier 2003, Trioplast Wittenheim a indiqué vouloir coopérer à l'enquête de la Commission, dans le cadre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la "communication sur la clémence").
7 Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision litigieuse, à l'article 1er, paragraphe 1, sous h), de laquelle elle a mentionné que FLSmidth et FLS Plast avaient, du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999, enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertés dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l'attribution de quotas de vente, l'allocation de clients, d'affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d'offres et l'échange d'informations individualisées.
8 À l'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision litigieuse, la Commission a infligé à Trioplast Wittenheim une amende de 17,85 millions d'euros, en tenant compte d'une réduction de 30 % accordée en application de la communication sur la clémence. Sur ce montant, FLSmidth et FLS Plast ont été tenues pour solidairement responsables à hauteur de 15,30 millions d'euros et Trioplast Industrier a été tenue pour responsable à hauteur de 7,73 millions d'euros.
L'arrêt attaqué
9 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2006, FLSmidth a introduit un recours contre la décision litigieuse. Celui-ci tendait à l'annulation de cette décision en tant qu'elle la concernait ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende dont elle était tenue pour solidairement responsable.
10 À l'appui de son recours, la requérante invoquait deux moyens. Son premier moyen, soulevé à titre principal, était tiré d'une violation de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), en raison de l'imputation à FLSmidth de la responsabilité de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim. Le second moyen était invoqué au soutien de la demande de FLSmidth présentée à titre subsidiaire. FLSmidth estimait que la Commission avait commis une erreur de droit en la rendant responsable du paiement de l'amende infligée, pour un montant excessif, disproportionné, arbitraire et discriminatoire.
11 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse pour autant et dans la mesure où celle-ci tenait FLSmidth pour responsable de l'infraction durant la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991. Par conséquent, il a réduit le montant au paiement duquel FLSmidth avait été tenue pour solidairement responsable en vertu de l'article 2, sous f), de la décision litigieuse à 14,45 millions d'euros. Il a rejeté le recours pour le surplus.
Les conclusions des parties
12 FLSmidth demande à la Cour:
- d'annuler l'arrêt attaqué;
- à titre principal, d'annuler la décision litigieuse, dans la mesure où elle la concerne, ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende dont elle est tenue pour responsable en vertu de la décision litigieuse;
- de condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission demande à la Cour:
- de rejeter le pourvoi;
- à titre subsidiaire, de rejeter le recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse;
- de condamner FLSmidth à lui rembourser les dépens qu'elle a exposés.
Sur le pourvoi
14 À l'appui de ses conclusions, FLSmidth invoque six moyens, les troisième à sixième moyens étant invoqués au soutien des conclusions formulées à titre subsidiaire.
15 FLSmidth demande à la Cour de statuer elle-même, après avoir annulé l'arrêt attaqué, sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision litigieuse.
Sur le premier moyen, tiré de ce que le Tribunal a appliqué le critère juridique erroné relatif à la responsabilité de la société mère et n'a pas tiré de manière correcte les conséquences juridiques des éléments de preuve produits
Argumentation des parties
16 Selon FLSmidth, le Tribunal a commis une erreur en acceptant, aux points 20 à 40 de l'arrêt attaqué, le critère juridique appliqué par la Commission, pour conclure qu'elle n'avait pas renversé la présomption de responsabilité de l'infraction en cause, découlant de la participation de 100 % qu'elle détenait indirectement dans Trioplast Wittenheim.
17 FLSmidth fait valoir, à cet égard, que la présomption de responsabilité appliquée par le Tribunal viole la règle de la présomption d'innocence. En effet, l'application de cette présomption de responsabilité faite par le Tribunal rendrait celle-ci, en substance, irréfragable. L'arrêt attaqué violerait donc l'article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la "CEDH"), et l'article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la "Charte"). En tout état de cause, FLSmidth aurait effectivement apporté des éléments de preuve susceptibles de renverser ladite présomption.
18 La Commission soulève une exception d'irrecevabilité de ce moyen, au motif que celui-ci n'aurait pas été invoqué devant le Tribunal. En outre, ledit moyen aurait un caractère purement abstrait. FLSmidth n'indiquerait pas les points de l'arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal aurait commis l'erreur invoquée. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que la présomption en cause est compatible avec la CEDH et la Charte. Par ailleurs, la Commission ajoute qu'elle a pu se fonder sur d'autres indices, afin de démontrer l'exercice, par FLSmidth, d'une influence déterminante sur Trioplast Wittenheim.
19 Dans sa réplique, FLSmidth considère que son moyen n'est pas nouveau, mais qu'il constitue un développement de son argumentation de première instance. Elle ajoute qu'elle a indiqué de manière précise, aux points 18 à 24 du pourvoi, l'élément critiqué de l'arrêt attaqué ainsi que l'argumentation qu'elle avance.
20 La Commission, dans sa duplique, conteste ces dernières affirmations.
Appréciation de la Cour
- Sur la recevabilité
21 En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen, il convient de rappeler, en premier lieu, que FLSmidth n'a pas fait valoir, dans sa requête de première instance, que la Commission aurait violé les articles 48 de la Charte et 6, paragraphe 2, de la CEDH en lui imputant la responsabilité de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim.
22 Toutefois, il y a lieu de constater que FLSmidth, au point 81 de cette requête, avait bien invoqué, outre plusieurs autres arguments visant à démontrer que la Commission n'aurait pas dû lui imputer cette responsabilité, que "[t]oute autre conclusion impliquerait qu'une présomption d'imputabilité résultant d'une participation à hauteur de 100 % dans une sous-filiale constitue une présomption irréfragable de facto". Or, ce faisant, FLSmidth a contesté, ne serait-ce que très succinctement, la légalité des critères retenus par la Commission pour lui imputer la responsabilité de l'infraction en cause. Dans ces conditions, la précision apportée par FLSmidth dans sa requête devant la Cour, selon laquelle ces critères seraient illégaux, notamment en ce qu'ils violeraient les articles 48 de la Charte et 6, paragraphe 2, de la CEDH, constitue un développement de son argumentation présentée devant le Tribunal, qui est, dès lors, recevable au stade du pourvoi.
23 S'agissant, en second lieu, du caractère prétendument abstrait du premier moyen et du fait que FLSmidth n'indiquerait pas les points de l'arrêt attaqué qui seraient entachés d'une erreur, il suffit de constater que le reproche que FLSmidth fait au Tribunal ressort, de façon suffisamment concrète, des points 17 à 24 du pourvoi et que, au point 18 de ce dernier, cette société a expressément critiqué les points 20 à 40 de l'arrêt attaqué.
24 Par conséquent, le premier moyen soulevé par FLSmidth est recevable.
- Sur le fond
25 S'agissant, tout d'abord, de la prétendue illégalité de la présomption, appliquée dans le droit de l'Union en matière de concurrence, d'exercice effectif, par une société détenant directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une autre société, d'une influence déterminante sur cette dernière société, il y a lieu de rappeler que cette présomption résulte d'une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt Dow Chemical/Commission, C-179-12 P, EU:C:2013:605, point 56 et jurisprudence citée) et qu'elle ne constitue aucunement une violation des droits conférés par les articles 48 de la Charte et 6, paragraphe 2, de la CEDH.
26 Contrairement aux allégations de la requérante, c'est donc sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal, aux points 22 et suivants de l'arrêt attaqué, a rappelé les principes découlant de la jurisprudence de la Cour, relatifs aux conditions dans lesquelles une société mère d'un groupe de sociétés, telle que FLSmidth, peut être tenue pour solidairement responsable d'agissements anticoncurrentiels imputés à une société appartenant à ce même groupe, à savoir, en l'espèce, à Trioplast Wittenheim.
27 Ainsi, c'est également à bon droit que le Tribunal a notamment considéré, au point 23 de l'arrêt attaqué, que, sur la base de cette jurisprudence, la Commission pouvait présumer que FLSmidth avait exercé, ne serait-ce qu'indirectement, une influence déterminante sur le comportement de Trioplast Wittenheim entre le 31 décembre 1991 et le 19 janvier 1999, étant donné la participation de 100 % que FLSmidth avait détenue dans FLS Plast et celle, également de 100 %, que cette dernière société avait détenue dans Trioplast Wittenheim.
28 En ce qui concerne, ensuite, l'argument selon lequel l'application concrète de cette présomption, faite par la Commission et confirmée par le Tribunal, aurait rendu celle-ci irréfragable, il suffit de rappeler que le fait qu'il soit difficile d'apporter la preuve contraire nécessaire pour renverser une présomption n'implique pas, en lui-même, que celle-ci soit en fait irréfragable (voir, notamment, arrêt ENI/Commission, C-508-11 P, EU:C:2013:289, point 68 et jurisprudence citée).
29 Enfin, en ce qui concerne l'affirmation selon laquelle FLSmidth aurait effectivement apporté des éléments de preuve susceptibles de renverser la présomption en cause, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a jugé à cet égard, au point 31 de l'arrêt attaqué, que FLSmidth n'avait avancé aucun argument concret permettant de réfuter cette présomption. Plus concrètement, en réponse à une allégation de FLSmidth relative au mode d'organisation décentralisée du groupe concerné, le Tribunal a jugé qu'un tel mode d'organisation ne s'oppose pas nécessairement à ce que la société mère influe sur la politique commerciale de sa filiale, par exemple en se tenant informée de l'évolution des activités de sa filiale, par la transmission de rapports réguliers.
30 En outre, s'agissant du fait que M. T., un membre du conseil d'administration de FLSmidth, cumulait, entre les années 1994 et 1999, des fonctions de responsabilité au sein des conseils d'administration des deux sociétés concernées, le Tribunal a jugé, au point 32 de l'arrêt attaqué, sans commettre d'erreur, qu'il démontrait que les directions de ces deux sociétés étaient imbriquées et que Trioplast Wittenheim ne pouvait se comporter de façon autonome par rapport à sa société mère. De surcroît, comme le Tribunal l'a également souligné, l'exercice de la fonction de membre d'un conseil d'administration d'une société entraîne, par sa nature même, une responsabilité légale pour l'ensemble des activités de cette société, y compris pour son comportement sur le marché, et la thèse soutenue par FLSmidth, selon laquelle cette fonction ne serait que purement formelle, reviendrait à vider celle-ci de sa substance légale.
31 Dans ces conditions, il convient dès lors de constater que, en faisant valoir qu'elle a effectivement apporté des éléments de preuve susceptibles de renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante sur Trioplast Wittenheim, FLSmidth se borne à demander en réalité à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve fournis, sans toutefois soutenir que le Tribunal aurait dénaturés ces faits et éléments. Or, une telle appréciation ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir en ce sens, notamment, arrêts General Motors/Commission, C-551-03 P, EU:C:2006:229, points 51 et 52, ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C-352-09 P, EU:C:2011:191, points 179 et 180). Cet argument est, dès lors, irrecevable.
32 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme en partie non fondé et en partie irrecevable.
Sur le deuxième moyen, tiré d'une absence de contrôle de l'obligation de motivation incombant à la Commission
Argumentation des parties
33 FLSmidth fait valoir que, devant le Tribunal, elle avait invoqué un défaut de motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne l'exercice, par elle-même, d'une influence déterminante sur Trioplast Wittenheim, ainsi que le fait que la Commission avait omis de répondre à plusieurs arguments avancés dans sa réponse à la communication des griefs et dans la requête de première instance. Son argumentation aurait été davantage détaillée à l'audience.
34 Plus concrètement, FLSmidth avait fait valoir, notamment, qu'elle était une pure société holding et qu'elle n'était pas impliquée dans le fonctionnement quotidien de ses sous-filiales, que M. T., bien qu'étant officiellement membre du conseil d'administration de Trioplast Wittenheim, n'exerçait pas d'influence sur la manière dont celle-ci se comportait sur le marché et ignorait le comportement illégal de cette société, que le groupe concerné avait appliqué un principe de décentralisation de la gestion, qu'elle avait procédé non pas à un contrôle des questions opérationnelles, mais uniquement à un suivi des questions financières, que Trioplast Wittenheim ne devait pas lui rendre compte directement, que cette société présentant peu d'intérêt en raison d'une absence de rentabilité, elle avait très rapidement eu l'intention de la vendre, et que Trioplast Wittenheim avait exercé ses activités illégales avant et après son acquisition par FLSmidth, ce qui démontrait que cette société avait agi d'une manière autonome sur le marché.
35 En revanche, selon FLSmidth, alors que la Commission, aux considérants 734 à 739 de la décision litigieuse, ne traite que de la position de M. T. et bien que la question ait été portée devant le Tribunal, l'arrêt attaqué, notamment à ses points 31 et 32, ne comporte aucune appréciation de la question de savoir si la Commission s'est conformée à son obligation de motivation.
36 La Commission soulève une exception d'irrecevabilité de ce moyen. FLSmidth n'aurait pas soulevé de défaut de motivation de la décision litigieuse dans sa requête de première instance. Pour autant que ce moyen viserait en réalité à contester l'appréciation de certains éléments de fait par le Tribunal, il serait irrecevable au motif que FLSmidth n'a pas invoqué l'existence d'une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal.
37 À titre subsidiaire, la Commission estime qu'il ressort clairement de l'arrêt attaqué que le Tribunal s'est livré à un examen des motifs exposés dans la décision litigieuse en expliquant les raisons pour lesquelles FLSmidth avait exercé une influence déterminante sur Trioplast Wittenheim, et qu'il en résulte que le Tribunal a jugé que la motivation de la décision litigieuse était suffisante à cet égard, même si l'arrêt ne l'a pas mentionné expressément.
38 Dans sa réplique, FLSmidth considère que son moyen constitue un développement d'une argumentation invoquée en première instance, ce que la Commission conteste dans sa duplique.
Appréciation de la Cour
39 Par ce moyen, FLSmidth reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en n'ayant pas analysé le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision litigieuse. Pour étayer sa thèse selon laquelle elle avait déjà soulevé, devant le Tribunal, un tel moyen, FLSmidth, dans son pourvoi, fait référence aux points 93, 109, 121 et 122 de sa requête de première instance et affirme qu'elle avait, dans ces points, invoqué un défaut de motivation de cette décision.
40 À cet égard, il suffit néanmoins de constater que, auxdits points de la requête de première instance, FLSmidth s'est limitée à relever que la Commission n'avait pas indiqué les raisons pour lesquelles, d'une part, aucune responsabilité n'avait été imputée à certaines autres entreprises et, d'autre part, une responsabilité avait été retenue en ce qui la concerne pour la période allant du mois de décembre 1990 au mois de décembre 1991, et que la Commission n'avait pas non plus abordé l'argument, avancé par FLSmidth, tiré de ce que cette dernière n'avait pas eu connaissance des infractions en cause. En revanche, elle n'avait fait valoir ni à ces points ni à d'autres points de sa requête de première instance que la décision litigieuse était, en raison de ce fait, entachée d'un vice de motivation. Au contraire, les observations présentées par FLSmidth tendaient à contester l'appréciation des faits effectuée par la Commission, ce qui ressort d'ailleurs expressément, s'agissant du point 109 de cette requête, du libellé même de cette dernière.
41 En outre, s'agissant de l'argumentation selon laquelle elle a "davantage détaillé" ces arguments lors de l'audience devant le Tribunal, FLSmidth ne soutient pas que l'introduction d'un moyen nouveau, à ce stade, aurait été recevable en dépit des dispositions de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, en vertu desquelles la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Elle ne soutient pas non plus avoir invoqué de tels éléments lors de l'audience.
42 Il s'ensuit que, par le présent moyen, FLSmidth invoque une argumentation nouvelle, consistant à contester le caractère adéquat de la motivation, tant de la décision litigieuse que de l'arrêt attaqué, quant à l'imputation de la responsabilité de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim à FLSmidth. Il s'ensuit que ledit argument doit être considéré comme irrecevable, dès lors que, dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (voir, notamment, arrêt Dow Chemical/Commission, EU:C:2013:605, point 82 et jurisprudence citée).
43 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du pourvoi comme irrecevable.
Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des principes de proportionnalité et de légalité
Argumentation des parties
44 Par son troisième moyen, soulevé au soutien de ses conclusions formulées à titre subsidiaire, FLSmidth fait valoir que le Tribunal a écarté de manière erronée les arguments par lesquels elle avait contesté la proportionnalité et la légalité du montant de l'amende qui lui a été infligée. En effet, l'application par la Commission des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l'article 65 paragraphe 5 du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les "lignes directrices"), prévoyant une augmentation du montant de l'amende de 10 % par année de participation de Trioplast Wittenheim à l'entente en cause, aurait abouti à un résultat global sans rapport raisonnable avec la durée de détention du capital de cette dernière société. Le Tribunal se serait essentiellement borné, aux points 43 à 46 de l'arrêt attaqué, à réitérer la méthode de calcul adoptée par la Commission et n'aurait pas procédé à un examen indépendant.
45 À cet égard, le Tribunal aurait considéré que l'amende infligée n'était pas disproportionnée eu égard à cette durée, en conséquence d'une "approche individuelle", laquelle n'aurait toutefois pas été appliquée de manière cohérente en ce qui concerne le montant de départ. En effet, ce montant, selon FLSmidth, n'aurait pas dû être fixé au même niveau que celui retenu pour Trioplast Wittenheim. La méthode choisie par la Commission aurait un caractère arbitraire et ne saurait justifier le fait que FLSmidth soit responsable pour plus de 80 % de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim, alors qu'elle n'avait constitué une entité économique avec cette dernière société que pendant 35 % de la période d'infraction. Le résultat obtenu serait également excessif, disproportionné et discriminatoire. De surcroît, le Tribunal ne fournirait pas, à cet égard, une motivation suffisante, en se bornant à constater, au point 45 de l'arrêt attaqué, que FLSmidth n'avait avancé aucun argument contestant la méthode de calcul adoptée par la Commission.
46 En outre, ce serait à tort que le Tribunal a considéré, au point 55 de l'arrêt attaqué, que, notamment, une absence de connaissance du comportement illégal de Trioplast Wittenheim ne saurait constituer une circonstance atténuante étant donné que le fondement de la responsabilité résidait dans le fait que FLSmidth et Trioplast Wittenheim formaient une seule unité économique. Or, ce raisonnement ne correspondrait pas à l'approche prétendument individualisée choisie par la Commission.
47 Par ailleurs, selon FLSmidth, le caractère disproportionné de la responsabilité qui lui a été imputée a été renforcé par le fait que le Tribunal a réduit la responsabilité de Trioplast Industrier, seule autre société mère tenue pour responsable du comportement de Trioplast Wittenheim, en ramenant l'amende infligée de 7,73 millions d'euros à 2,73 millions d'euros dans son arrêt Trioplast Industrier/Commission (T-40-06, EU:T:2010:388). En effet, Trioplast Wittenheim se trouvant en liquidation, cet arrêt aurait pour conséquence de mettre cette réduction à la charge effective de FLSmidth, bien que cette dernière n'ait pas été partie à la procédure ayant donné lieu à cet arrêt.
48 Selon la Commission, l'argument tiré d'une violation du principe de légalité n'est nullement précisé. De plus, cet argument, qui n'aurait pas été invoqué devant le Tribunal, serait irrecevable. Par ailleurs, selon la Commission, l'argumentation soulevée par FLSmidth à cet égard porte sur la décision litigieuse et n'a pas été présentée comme étant dirigée contre l'arrêt attaqué. Elle serait, dès lors, irrecevable.
49 S'agissant de l'examen, par le Tribunal, du montant de l'amende infligée, celui-ci ne constituerait qu'un "contrôle". Par ailleurs, le Tribunal aurait suffisamment motivé, au point 45 de l'arrêt attaqué, l'acceptation de la méthode appliquée par la Commission pour le calcul de cette amende. Par ailleurs, il n'existerait aucun principe juridique selon lequel le montant final de l'amende infligée au destinataire d'une décision constatant une infraction devrait être proportionnel à la durée de la responsabilité de ce destinataire dans la participation à l'infraction.
50 En outre, l'exigence d'une prise en compte de possibles circonstances atténuantes concernerait une entreprise prise dans son ensemble, au moment où l'infraction a été commise, et non les parties constitutives de celle-ci.
51 Par ailleurs, selon la Commission, le fait que l'amende infligée à Trioplast Industrier a été réduite dans le cadre d'une procédure intentée par celle-ci et à laquelle FLSmidth n'a pas été partie est sans rapport avec le présent pourvoi.
52 Dans sa réplique, FLSmidth précise que son argument tiré d'une violation du principe de légalité n'est pas nouveau. En effet, en première instance, elle aurait invoqué le principe "d'absence de caractère arbitraire", ce qui correspondrait à l'argument soulevé dans le cadre du pourvoi. En tout état de cause, cet argument constituerait, tout au plus, le développement d'une argumentation soulevée devant le Tribunal.
Appréciation de la Cour
- Sur la recevabilité de certains arguments
53 En ce qui concerne, en premier lieu, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission à l'encontre de l'argument tiré de l'illégalité de l'amende infligée à FLSmidth, au motif que celui-ci serait nouveau, il convient de constater que cette dernière avait invoqué, devant le Tribunal, le caractère "arbitraire" de l'amende qui lui avait été infligée, ainsi qu'il ressort des points 99 et suivants de la requête de première instance. Or, il ressort des développements figurant à ces points de ladite requête ainsi que de l'argumentation avancée par FLSmidth à l'appui du troisième moyen du pourvoi que l'argument tiré d'une prétendue violation du principe de légalité, s'agissant de l'amende qui lui a été infligée, et celui tiré du caractère arbitraire de celle-ci sont, en substance, identiques. Par conséquent, cet argument n'est pas nouveau et il est, dès lors, recevable au stade du pourvoi.
54 En second lieu, s'agissant de l'argumentation de la Commission selon laquelle les arguments de FLSmidth portent sur la décision litigieuse, n'ont pas été présentés comme étant dirigés contre l'arrêt et sont, dès lors, irrecevables, il y a lieu de relever que le Tribunal, en ce qui concerne le calcul de l'amende infligée à FLSmidth et pour autant que ce calcul fasse l'objet du pourvoi, a entériné la méthode appliquée par la Commission dans le contexte en cause. Par conséquent, si FLSmidth, dans son pourvoi, ne fait pas toujours une distinction nette entre les arguments visant à contester la décision litigieuse et ceux tendant à critiquer l'arrêt attaqué, cette absence de clarté ne saurait toutefois entraîner l'irrecevabilité du moyen fondé sur ces arguments, dans la mesure où ceux-ci peuvent aisément être compris comme se rapportant à l'arrêt attaqué. Lesdits arguments permettent donc à la Cour d'effectuer un contrôle de cet arrêt au regard du moyen tiré d'une violation des principes de proportionnalité et de légalité.
55 Le troisième moyen doit, par conséquent, être considéré comme recevable.
- Sur le fond
56 En ce qui concerne, en premier lieu, l'argument tiré de ce que le Tribunal n'a pas effectué un contrôle "indépendant" de l'amende infligée à FLSmidth, il convient de rappeler que le Tribunal, conformément à l'article 261 TFUE et à l'article 31 du règlement n° 1-2003, dispose d'une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les amendes fixées par la Commission. Le Tribunal est dès lors habilité, au-delà du simple contrôle de la légalité de ces amendes, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l'amende ou l'astreinte infligée (voir arrêt E.ON Energie/Commission, C-89-11 P, EU:C:2012:738, points 123 et 124 ainsi que jurisprudence citée).
57 Toutefois, s'agissant de la question de savoir si le Tribunal, dans l'arrêt attaqué, a omis de faire usage de sa compétence de pleine juridiction et n'a pas procédé à un contrôle indépendant de l'amende infligée, il convient de relever que le Tribunal a, d'une part, mentionné, au point 44 de l'arrêt attaqué, le calcul effectué par la Commission aux fins de fixer l'amende infligée, notamment, à FLSmidth et à Trioplast Industrier. Il a notamment rappelé à cet égard que ces dernières sociétés s'étaient vu infliger le même montant de départ que celui imposé à la filiale avec laquelle elles avaient constitué une entité économique, à savoir Trioplast Wittenheim, et que ces montants avaient été augmentés, en vertu du point 1, B, troisième tiret, des lignes directrices, de 10 % par an, en fonction de la durée pendant laquelle la société mère en question avait contrôlé sa filiale. D'autre part, le Tribunal a constaté que, sur cette base, chaque destinataire de la décision litigieuse s'était vu infliger une sanction qui lui était propre et dont le montant ne correspondait pas nécessairement à celui de l'amende infligée à la filiale, ajusté au prorata de la période de contrôle.
58 En outre, au point 45 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté, à cet égard, que FLSmidth "n'a[vait] avancé aucun argument permettant de considérer que la méthode de calcul, en tant que telle, reposerait sur une erreur fondamentale ou serait contraire aux principes consacrés par la jurisprudence", pour en conclure, au point 46 de cet arrêt, que l'argument soulevé par FLSmidth selon lequel l'amende qui lui avait été infligée devait refléter de façon strictement proportionnelle le fait que Trioplast Wittenheim ne lui avait appartenu que pendant 8 ans sur la période d'infraction de 20 ans devait être rejeté.
59 Si ces considérations, prises isolément, peuvent être interprétées en ce sens qu'elles constituent une simple réitération du raisonnement de la Commission et de la méthode de calcul suivie par celle-ci, il y a lieu de constater que, aux points 43 à 46 de l'arrêt attaqué, le Tribunal n'a fait qu'entériner, en substance, l'appréciation portée par la Commission sur un élément précis du calcul de cette amende, à savoir l'incidence sur le montant de ladite amende de la durée de la période pendant laquelle FLSmidth avait contrôlé Trioplast Wittenheim. Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre FLSmidth, les considérations développées auxdits points ne constituent pas les seuls passages de cet arrêt consacrés au contrôle de l'amende infligée à FLSmidth.
60 En effet, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, de manière détaillée, plusieurs autres éléments pertinents aux fins de la détermination du montant de l'amende infligée. En particulier, aux points 53 et suivants de cet arrêt, le Tribunal a également examiné la pertinence de possibles circonstances atténuantes et, aux points 69 et suivants de celui-ci, le niveau du montant de départ pour le calcul de cette amende. Il ressort ainsi de l'ensemble de ces points que le Tribunal s'est livré à une analyse indépendante et complète de l'amende infligée à FLSmidth, bien qu'il ait entériné, à certains égards, l'appréciation effectuée par la Commission ainsi que le résultat auquel celle-ci était parvenue.
61 Par conséquent, cet argument doit être rejeté, tout comme celui tiré de ce que le Tribunal n'aurait pas, dans ce contexte, motivé à suffisance de droit sa décision, étant donné que les points 43 à 46 de l'arrêt attaqué et, en particulier, le point 45 de celui-ci, ne constituent, contrairement à ce que soutient FLSmidth, qu'une faible partie de la motivation retenue par le Tribunal, laquelle doit toutefois être appréciée dans son ensemble.
62 S'agissant, en deuxième lieu, de l'argument tiré de ce que l'amende infligée est disproportionnée, il y a lieu de constater que FLSmidth, par son argumentation, ne parvient pas à démontrer que cette amende aurait ce caractère.
63 En effet, il convient de préciser, à cet égard, que le Tribunal est, certes, tenu de veiller à ce que le calcul du montant d'une amende infligée à une entreprise pour son implication dans une infraction aux règles de concurrence de l'Union tienne dûment compte de la durée de cette infraction et de la participation à celle-ci. Toutefois, la durée d'une infraction n'est ni le seul élément ni nécessairement l'élément le plus important dont la Commission et/ou le Tribunal doivent tenir compte aux fins du calcul de cette amende.
64 Aussi, en l'espèce, les amendes infligées à FLSmidth et aux autres sociétés impliquées dans l'entente en cause n'ont pas été calculées uniquement en fonction des durées respectives de l'implication de ces sociétés. En particulier, s'agissant de FLSmidth, le montant de l'amende infligée n'aurait pas dû être strictement proportionnel, non plus que, en principe, "raisonnablement" proportionnel, à la durée de la participation de FLSmidth à l'infraction en cause, pour autant qu'il reflète de manière adéquate la gravité de l'infraction commise.
65 Or, en ce qui concerne la gravité de l'infraction, il convient de rappeler que cette dernière consistait en la participation à un ensemble d'accords et de pratiques concertés concernant six États membres et qu'elle portait sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l'attribution de quotas de vente, l'allocation de clients, d'affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d'offres ainsi que l'échange d'informations individualisées. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission a qualifié cette infraction, à juste titre, de "très grave" au considérant 765 de la décision litigieuse. Cette qualification n'a pas été remise en cause par FLSmidth dans son pourvoi.
66 Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le Tribunal, lorsqu'il a fixé le montant au paiement duquel FLSmidth a été tenue pour solidairement responsable, au titre de l'article 2, sous f), de la décision litigieuse, à 14,45 millions d'euros, soit à un montant nettement inférieur au montant minimal de 20 millions d'euros généralement envisagé par la Commission comme montant de départ pour le calcul des amendes pour les infractions "très graves" et prévu au point 1, A, troisième tiret, des lignes directrices, ait porté l'amende infligée, dans le cadre de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, à un montant disproportionné.
67 Pour autant que FLSmidth, au lieu d'invoquer une violation du principe de proportionnalité, ne demande, par cette argumentation, qu'une nouvelle appréciation du montant au paiement duquel elle a été tenue pour solidairement responsable, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, il n'appartient pas à cette dernière, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l'Union (voir, notamment, arrêt Quinn Barlo e.a./Commission, C-70-12 P, EU:C:2013:351, point 57 et jurisprudence citée).
68 Par conséquent, cet argument doit également être rejeté.
69 En ce qui concerne, en troisième lieu, l'argument tiré de ce que la constatation, figurant au point 55 de l'arrêt attaqué, selon laquelle le fait que FLSmidth n'a pas eu connaissance du comportement illégal de Trioplast Wittenheim ne saurait constituer une circonstance atténuante, étant donné que le fondement de la responsabilité se trouvait dans le fait que FLSmidth et Trioplast Wittenheim formaient une seule unité économique, serait en contradiction avec l'approche individualisée choisie par la Commission, cet argument ne saurait non plus prospérer.
70 S'il est vrai, à cet égard, que la constatation, figurant au point 44 de l'arrêt attaqué, selon laquelle les sociétés mères des filiales ayant participé à l'entente en cause se seraient vu attribuer le même montant de départ, qui aurait été, notamment, ajusté en fonction de circonstances atténuantes ou aggravantes propres à chaque société mère, ne s'applique pas à FLSmidth, qui n'a pas bénéficié d'une réduction pour circonstances atténuantes, il n'en demeure pas moins que le Tribunal n'aurait, en tout état de cause, pas pu réduire le montant au paiement duquel FLSmidth avait été tenue pour solidairement responsable, au motif que cette dernière n'avait pas eu connaissance du comportement illégal de Trioplast Wittenheim.
71 En effet, la responsabilité d'une société mère pour une infraction aux règles de concurrence de l'Union, commise directement par l'une de ses filiales, reposant, selon une jurisprudence constante, sur le fait que ces sociétés ont fait partie d'une seule entité économique pendant la durée de l'infraction (voir en ce sens, notamment, arrêt Kendrion/Commission, C-50-12 P, EU:C:2013:771, points 47 et 55 et jurisprudence citée), l'exigence d'une prise en compte de possibles circonstances atténuantes s'applique à l'entreprise prise dans son ensemble, au moment où l'infraction a été commise, et non aux parties constitutives de celle-ci. Cet argument est donc également non fondé et il doit, par conséquent, être écarté.
72 S'agissant, en quatrième lieu, de l'argument tiré de ce que le caractère prétendument disproportionné de la responsabilité imputée à FLSmidth a été renforcé par le fait que le Tribunal a, dans l'arrêt Trioplast Industrier/Commission (EU:T:2010:388), réduit la responsabilité de Trioplast Industrier, seule autre société mère tenue pour responsable du comportement de Trioplast Wittenheim, si FLSmidth précise que cette dernière société se trouve en liquidation, ce qui aurait pour conséquence de lui imposer de prendre en charge le montant de cette réduction bien qu'elle n'ait pas été partie à la procédure ayant donné lieu à cet arrêt, il convient de constater que cette circonstance ne saurait entacher l'arrêt attaqué d'une erreur de droit. À cet égard, il suffit de rappeler que la condamnation solidaire de plusieurs sociétés au paiement d'une amende unique a précisément pour but d'assurer ce paiement même dans l'hypothèse où l'une d'entre elles ne serait pas en mesure de s'en acquitter.
73 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également ce dernier argument et, partant, le troisième moyen du pourvoi dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, tiré d'une omission de remédier à l'inégalité de traitement résultant de la réduction de 30 % du montant de base de l'amende accordée à Trioplast Industrier
Argumentation des parties
74 FLSmidth soutient que le Tribunal a erronément qualifié d'illégale l'attribution à Trioplast Industrier de la réduction de 30 % du montant de base de l'amende accordée à Trioplast Wittenheim au titre de la clémence, et qu'il ne pouvait, dès lors, considérer que l'octroi de la réduction correspondante à FLSmidth, pour les mêmes motifs, équivaudrait à la faire bénéficier d'une illégalité commise en faveur de Trioplast Industrier.
75 Le Tribunal aurait en effet accepté cette réduction, accordée en vertu de la communication sur la clémence, dans son arrêt Trioplast Industrier/Commission (EU:T:2010:388). L'imputation d'une responsabilité à la requérante ainsi qu'à Trioplast Industrier aurait été fondée sur l'approche collective du principe d'unité économique unique. L'application, par la Commission, de cette approche jusque dans l'appréciation de la clémence ne pourrait être contraire au droit de l'Union. Le fait de remédier à la violation du principe d'égalité de traitement en accordant à FLSmidth la même réduction que celle octroyée à Trioplast Industrier serait également conforme à ladite approche.
76 Selon FLSmidth, à supposer même que la réduction accordée à Trioplast Industrier soit illégale, le Tribunal ne pouvait, pour ce motif, refuser de remédier à la discrimination qu'il avait identifiée, à juste titre, au point 94 de l'arrêt attaqué.
77 En outre, l'approche de la Commission, consistant à lui refuser une telle réduction de 30 % en raison du fait qu'elle n'était pas la société mère de Trioplast Wittenheim à l'époque où cette dernière a coopéré avec la Commission et où l'amende a été infligée, serait erronée. Dans l'hypothèse où FLSmidth devrait supporter le poids de ses liens avec l'unité économique unique, elle devrait également pouvoir en bénéficier.
78 Par ailleurs, FLSmidth souligne que, en l'espèce, la réduction de 30 % considérée comme illégale par le Tribunal et accordée à Trioplast Industrier a, à la suite de la liquidation de Trioplast Wittenheim, directement augmenté le montant qu'elle devra finalement acquitter. En tout état de cause, les amendes infligées aux deux sociétés mères, qui violeraient le principe d'égalité de traitement et auxquelles le Tribunal aurait dû remédier, seraient manifestement disproportionnées.
79 La Commission considère que le Tribunal, bien qu'il ait à bon droit considéré que FLSmidth n'était pas fondée à bénéficier de la réduction en cause, a adopté cette position pour des motifs erronés. Cette réduction aurait été accordée à Trioplast Wittenheim et étendue à bon droit à Trioplast Industrier, qui était la société mère de Trioplast Wittenheim au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission, ce moment étant le seul qui soit pertinent à cet égard. Toutefois, à l'époque où cette coopération a eu lieu, FLSmidth ne constituait plus, selon la Commission, une entreprise avec Trioplast Wittenheim, en tant que société mère de celle-ci. La constatation, par le Tribunal, de l'existence d'un traitement discriminatoire accordé à FLSmidth par rapport à celui dont a bénéficié Trioplast Industrier serait donc erronée.
80 La Commission invite par conséquent la Cour à annuler les points 92 à 97 de l'arrêt attaqué et à y substituer une autre motivation.
Appréciation de la Cour
81 En ce qui concerne le quatrième moyen du pourvoi, il convient de rappeler que, aux points 92 à 97 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que FLSmidth n'était pas en droit de bénéficier e d'une réduction de 30 % du montant de base de l'amende, identique à celle accordée à Trioplast Wittenheim. Ainsi, en premier lieu, le Tribunal a jugé au point 93 dudit arrêt qu'"il ne ressort[ait] ni de la décision [litigieuse] ni des écrits produits devant le Tribunal que [Trioplast Industrier] ait fourni des informations justifiant une réduction de 30 % au titre de la coopération", et que "[l]a Commission lui a[vait] néanmoins octroyé une telle réduction". En second lieu, le Tribunal a rappelé, au point 95 de cet arrêt, que "nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d'autrui" et a conclu, au point suivant, que FLSmidth "ne saurait se prévaloir du fait que la Commission a[vait] étendu, à tort, le bénéfice de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim à Trioplast Industrier, afin de bénéficier de la même illégalité".
82 Or, si c'est à bon droit que le Tribunal a reconnu que FLSmidth ne pouvait obtenir la réduction du montant de l'amende requise, le raisonnement suivi par celui-ci ne saurait toutefois être retenu.
83 Ainsi que l'a souligné la Commission, seule une entreprise ayant coopéré avec cette institution sur la base de la communication sur la clémence peut se voir accorder, au titre de cette communication, une réduction de l'amende qui, sans cette coopération, aurait été infligée. Cette réduction ne saurait être étendue à une société qui, pendant une partie de la durée de l'infraction en cause, avait fait partie de l'unité économique constituée par une entreprise, mais qui n'en faisait plus partie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission.
84 En effet, une interprétation contraire, telle que celle soutenue par FLSmidth, impliquerait généralement que, dans les cas de succession d'entreprises, une société ayant initialement participé à une infraction, en tant que société mère d'une filiale directement impliquée dans celle-ci, et transférant cette filiale à une autre entreprise, bénéficierait, le cas échéant, d'une réduction d'amende accordée à cette dernière entreprise au titre de la coopération de celle-ci avec la Commission, bien que ladite société n'ait ni contribué elle-même à la découverte de l'infraction en cause ni exercé une influence déterminante, au moment de cette coopération, sur son ancienne filiale.
85 Par conséquent, eu égard à l'objectif visé par la communication sur la clémence, consistant à promouvoir la découverte de comportements contraires au droit de concurrence de l'Union, et en vue de garantir une application effective de ce droit, rien ne justifie l'extension d'une réduction d'amende accordée à une entreprise au titre de sa coopération avec la Commission à une entreprise qui, tout en ayant contrôlé, dans le passé, le secteur d'activité impliqué dans l'infraction en cause, n'a pas elle-même contribué à la découverte de celle-ci.
86 En l'occurrence, il y a lieu de rappeler que, au moment où Trioplast Wittenheim a coopéré avec la Commission, à savoir à partir de décembre 2002, cette société ne formait plus une entreprise avec FLSmidth. Il s'ensuit que cette dernière ne saurait bénéficier d'une extension de la réduction de 30 % du montant de base de l'amende, accordée à l'entreprise formée par Trioplast Wittenheim et sa société mère Trioplast Industrier.
87 Dans ces conditions, est par ailleurs sans pertinence la question de savoir si la réduction de 30 % du montant de base de l'amende accordée à Trioplast Industrier l'a été à bon droit, dès lors que, en tout état de cause, cette réduction n'aurait pu être étendue à FLSmidth au titre de l'égalité de traitement, étant donné que cette dernière société ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de Trioplast Industrier. Pour cette même raison, le montant au paiement duquel FLSmidth a été tenue pour solidairement responsable, contrairement à ce que cette société soutient, ne saurait non plus être considéré comme disproportionné au seul motif qu'il n'a pas été réduit de 30 %.
88 S'agissant, enfin, de l'argument invoqué par FLSmidth, selon lequel, en l'espèce, la réduction de 30 % du montant de base de l'amende accordée à Trioplast Industrier aurait, à la suite de la liquidation de Trioplast Wittenheim, directement augmenté le montant devant finalement être payé par FLSmidth, il y a lieu de le rejeter par le même motif que celui exposé au point 72 du présent arrêt.
89 Pour ces motifs, qu'il convient de substituer à ceux figurant aux points 92 à 97 de l'arrêt attaqué, il y a lieu d'écarter également le quatrième moyen du pourvoi.
Sur le cinquième moyen, tiré d'une application erronée de la communication sur la clémence et d'une violation du principe d'égalité de traitement
Argumentation des parties
90 Par son cinquième moyen, FLSmidth soutient que, d'une part, le Tribunal, en confirmant la décision litigieuse, lui a refusé à tort une réduction de 10 % de l'amende sur la base de la communication sur la clémence, au motif qu'elle n'avait pas contesté les faits allégués dans la communication des griefs, et que, d'autre part, le Tribunal s'est ainsi livré à une violation du principe d'égalité de traitement, dès lors que Bonar Technical Fabrics NV (ci-après "Bonar"), et non elle-même, s'était vu accorder une telle réduction dans la décision litigieuse, alors que cette société avait adopté la même position que la sienne, lors de la procédure administrative.
91 Selon FLSmidth, l'arrêt attaqué ne répond pas aux arguments qu'elle a tirés de la jurisprudence et ne se prononce ni sur la question de la valeur de sa non-contestation des faits ni sur les circonstances particulières de l'espèce. Le Tribunal ne se serait pas non plus prononcé sur la question de savoir si le fait de ne pas lui avoir accordé une réduction de l'amende infligée constituait une violation du principe d'égalité de traitement.
92 FLSmidth ajoute, à cet égard, que, si elle avait contesté la circonstance que les faits présentés dans la communication des griefs révélaient l'existence d'une influence déterminante, elle n'avait pas contesté la matérialité de ces faits. Par ailleurs, s'agissant de ses deux collaborateurs, MM. G. et H., qui auraient assisté aux réunions organisées par l'entente en cause, alors qu'elle aurait affirmé avoir ignoré la participation de Trioplast Wittenheim à cette entente, FLSmith fait observer que ces employés avaient entretenu un lien avec FLS Plast et non avec elle. Enfin, dans l'hypothèse où la Commission soulignerait qu'elle avait contesté un certain nombre de faits imputés à Trioplast Wittenheim, elle renverrait, à cet effet, à la réponse de FLS Plast à la communication des griefs et non à sa propre réponse.
93 La Commission conteste la recevabilité de ce moyen en ce qu'il tend à obtenir un réexamen, sur le fond, de son appréciation de la valeur des déclarations faites par FLSmidth pendant l'enquête et de son analyse, en ce qui concerne le fond, de sa décision d'accorder à Bonar une réduction de 10 % de l'amende infligée, sans toutefois que FLSmidth ait invoqué, de façon précise, une dénaturation des faits qu'aurait commise le Tribunal.
94 Ainsi que le Tribunal l'aurait rappelé à bon droit au point 84 de l'arrêt attaqué, la Commission jouirait d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises, et elle ne saurait, dans le cadre de cette appréciation, méconnaître le principe d'égalité de traitement.
95 Selon la Commission, le Tribunal a rejeté, à tout le moins implicitement, l'argumentation tirée de l'existence d'un traitement discriminatoire. À titre subsidiaire, la Commission soutient que, dès lors qu'il a été établi que FLSmidth n'avait pas renoncé à contester les faits ni apporté une aide suffisante à la Commission, à supposer même que l'aide fournie par Bonar soit réputée comparable à celle de FLSmidth, cet argument serait inopérant. En effet, une entreprise ne saurait, en se prévalant du principe d'égalité de traitement, bénéficier d'un avantage qui a été procuré illégalement à un tiers.
96 En ce qui concerne la coopération apportée par Bonar, celle-ci aurait été plus approfondie et cette entreprise aurait admis certains faits clés qui auraient facilité, pour la Commission, la tâche de prouver certains éléments factuels de l'infraction en cause.
97 Dans sa réplique, FLSmidth souligne que le présent moyen est recevable, la Cour étant en mesure de statuer sur ce point sans devoir procéder à des appréciations factuelles supplémentaires. La Commission, dans sa duplique, conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
98 Par son cinquième moyen, FLSmidth soutient, d'une part, qu'elle n'avait pas contesté la matérialité des faits constatés par la Commission dans la communication des griefs, ce qui aurait facilité, pour la Commission, la tâche de prouver l'infraction en cause, et, d'autre part, que le Tribunal aurait dû réduire de 10 % le montant au paiement duquel elle a été tenue solidairement responsable. À tout le moins, l'arrêt attaqué ne serait pas suffisamment motivé sur ce point.
99 À cet égard, il convient de rappeler, tout d'abord, que le Tribunal, au point 97 de l'arrêt attaqué, a constaté que la Commission avait estimé, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui est le sien, que cette absence de contestation de la matérialité des faits par FLSmidth ne l'avait pas aidée à établir l'existence d'une violation de l'article 81 CE. Par ailleurs, le Tribunal, au même point de cet arrêt, a jugé que cette société n'avait avancé aucun argument permettant d'établir que sa coopération avait facilité la tâche de la Commission.
100 Pour remettre en cause cette appréciation factuelle au stade du pourvoi, FLSmidth, selon une jurisprudence constante, aurait dû invoquer une dénaturation, par le Tribunal, des faits ou des éléments de preuve, ce qu'elle n'a pas fait. À supposer même que FLSmidth, par ses arguments, ait implicitement invoqué une dénaturation de faits ou des éléments de preuve par le Tribunal, ce qui ne semble cependant pas être le cas, il y a lieu de constater que ces arguments ne sont pas de nature à démontrer que le Tribunal s'est livré à une dénaturation des faits ou éléments de preuve, si bien que lesdits arguments doivent également être considérés comme non fondés.
101 Aussi, en tant que le présent moyen tend à ce que soit opéré un contrôle, par la Cour, de l'appréciation des faits effectuée par le Tribunal, il doit être rejeté comme irrecevable.
102 Ensuite, en ce qui concerne l'argumentation de FLSmidth, selon laquelle le Tribunal aurait violé le principe d'égalité de traitement, il convient de renvoyer aux considérations figurant aux points 99 à 101 du présent arrêt. En effet, pour pouvoir comparer le comportement de FLSmidth, d'une part, et celui de Bonar, d'autre part, il serait nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits qui étaient en cause devant le Tribunal, laquelle n'incombe à la Cour, saisie d'un pourvoi, que dans le cas d'une dénaturation, par le Tribunal, des faits ou éléments de preuve. Or, une telle dénaturation n'a été ni invoquée ni démontrée par FLSmidth. Dès lors, cette argumentation doit également être rejetée comme irrecevable.
103 Enfin, en ce qui concerne le défaut de motivation invoqué par FLSmidth, il ressort clairement du point 97 de l'arrêt attaqué que le Tribunal, en tenant compte de la large marge d'appréciation dont dispose la Commission pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises, a considéré insuffisants les éléments avancés par FLSmidth devant lui pour établir que sa prétendue non-contestation de la matérialité des faits avait aidé cette institution à établir l'existence de l'infraction en cause (voir, notamment, arrêt SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, EU:C:2007:277, point 88). Si ce raisonnement du Tribunal est, certes, très succinct, il est néanmoins suffisant pour permettre à FLSmidth de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté l'argument correspondant, soulevé par cette dernière, et à la Cour d'effectuer son contrôle juridictionnel. Un défaut de motivation de l'arrêt attaqué ne saurait donc être constaté. Par conséquent, cet argument est non fondé.
104 Dans ces conditions, il convient de rejeter également le cinquième moyen comme irrecevable et en partie non fondé.
Sur le sixième moyen, tiré d'une violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable
Argumentation des parties
105 FLSmidth soutient que le Tribunal, en ne se prononçant pas dans un délai raisonnable, a violé l'article 47 de la Charte et l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, et qu'il y a lieu de remédier à cette violation en atténuant la responsabilité qui lui a été imputée.
106 FLSmidth rappelle que, en l'espèce, la durée du contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal a excédé six années, le recours en annulation ayant été introduit le 24 février 2006 et l'arrêt attaqué ayant été rendu le 6 mars 2012. En outre, à cette durée correspondraient de longues périodes d'inactivité du Tribunal. FLSmidth aurait été informée le 5 mars 2007 du fait que la procédure écrite avait été clôturée, mais l'audition ne se serait tenue que le 22 juin 2011, soit quatre ans et quatre mois plus tard. En outre, après cette audition, le Tribunal aurait pris plus de huit mois pour rendre son arrêt.
107 FLSmidth considère qu'un délai de traitement aussi long ne saurait être justifié. Le Tribunal aurait été en mesure de rendre, le 13 septembre 2010, un arrêt dans l'affaire presque identique (arrêt Trioplast Industrier/Commission (EU:T:2010:388). De possibles problèmes d'attribution des affaires au sein du Tribunal ne sauraient jouer au détriment des justiciables. Dans ces conditions, FLSmidth considère qu'une réduction de 50 % de la responsabilité qui lui a été imputée constituerait une réparation utile et raisonnable de la violation de l'article 47 de la Charte.
108 La Commission soulève, en premier lieu, une exception d'irrecevabilité de ce moyen. En effet, le remède approprié à une procédure ayant eu une durée excessive devant le Tribunal consisterait en une action en indemnité.
109 En deuxième lieu, la Commission conteste le fait qu'une violation prima facie de l'article 47 de la Charte et de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH puisse être établie uniquement au regard de la durée de la procédure.
110 En troisième lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, la durée de la procédure judiciaire a été, selon la Commission, raisonnable. Presque tous les faits invoqués à l'appui de la décision litigieuse auraient été contestés lors du procès et auraient dû être vérifiés. En outre, pas moins de quinze sociétés auraient introduit des recours en annulation contre cette décision, dans six langues de procédure différentes. Par ailleurs, dans la mesure où certaines de ces affaires auraient concerné des sociétés mères et leurs filiales, certaines mesures d'organisation auraient été prises pour permettre, dans la mesure du possible, d'examiner et de trancher ces affaires ensemble.
Appréciation de la Cour
111 Ainsi qu'il ressort de l'article 58, premier alinéa, du statut de la Cour et de la jurisprudence de cette dernière, la Cour est compétente, dans le cadre d'un pourvoi, pour contrôler le point de savoir si des irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ont été commises par le Tribunal (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, C-385-07 P, EU:C:2009:456, point 176).
112 En ce qui concerne la violation l'article 47 de la Charte, invoquée par FLSmidth, il convient de rappeler que, en vertu du deuxième alinéa de cette disposition, "[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi". Ainsi que la Cour l'a jugé à maintes reprises, cet article est afférent au principe de protection juridictionnelle effective (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, EU:C:2009:456, point 179 et jurisprudence citée).
113 À ce titre, un tel droit, dont l'existence avait été affirmée avant l'entrée en vigueur de la Charte en tant que principe général du droit de l'Union, est applicable dans le cadre d'un recours juridictionnel contre une décision de la Commission (voir, notamment, arrêt Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, EU:C:2009:456, point 178 et jurisprudence citée).
114 Il convient également de rappeler que, selon la Cour européenne des droits de l'homme, le dépassement d'un délai de jugement raisonnable, en tant qu'irrégularité de procédure constitutive de la violation d'un droit fondamental, doit ouvrir à la partie concernée un recours effectif lui offrant un redressement approprié (voir Cour eur. D. H., arrêt Kudla c. Pologne du 26 octobre 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000-XI, § 156 et 157).
115 Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, compte tenu de la nécessité de faire respecter les règles de concurrence du droit de l'Union, la Cour ne saurait permettre, au seul motif de la méconnaissance d'un délai de jugement raisonnable, à une partie requérante de remettre en question le montant d'une amende qui lui a été infligée, alors que l'ensemble des moyens dirigés contre les constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu'elle sanctionne ont été rejetés (voir, notamment, arrêt Groupe Gascogne/Commission, C-58-12 P, EU:C:2013:770, point 78 et jurisprudence citée).
116 En effet, la Cour a également jugé qu'une violation, par une juridiction de l'Union, de son obligation, résultant de l'article 47, deuxième alinéa, de la Charte, de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif. Il s'ensuit qu'une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d'un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d'un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même (voir, notamment, arrêt Groupe Gascogne/Commission, C-58-12 P, EU:C:2013:770, points 83 et 84).
117 Il appartient donc au Tribunal, en statuant dans une formation différente de celle qui a eu à connaître du litige ayant donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée, d'apprécier tant la matérialité du dommage invoqué que le lien de causalité de celui-ci avec la durée excessive de la procédure juridictionnelle litigieuse en procédant à un examen des éléments de preuve fournis à cet effet (voir, notamment, arrêt Groupe Gascogne/Commission, EU:C:2013:770, points 88 et 90).
118 Cela étant, force est de constater que la durée de la procédure devant le Tribunal, qui s'est élevée à plus de six ans, ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres à l'affaire ayant donné lieu au présent litige.
119 Il s'avère, notamment, que la période comprise entre la fin de la procédure écrite, avec le dépôt, au mois de février 2007, du mémoire en duplique de la Commission, et l'ouverture, au cours du mois de juin 2011, de la procédure orale a duré environ quatre ans et quatre mois. La longueur de cette période ne saurait s'expliquer par les circonstances de l'affaire, qu'il s'agisse de la complexité du litige, du comportement des parties ou encore de la survenance d'incidents procéduraux.
120 S'agissant de la complexité du litige, il ressort de l'examen du recours introduit par FLSmidth, tel qu'il est résumé aux points 9 et 10 du présent arrêt, que, tout en exigeant un examen approfondi, les moyens invoqués ne présentaient pas un degré de difficulté particulièrement élevé. Même s'il est vrai qu'une quinzaine de destinataires de la décision litigieuse ont introduit des recours en annulation à l'encontre de celle-ci devant le Tribunal, cette circonstance n'a pu empêcher cette juridiction de faire la synthèse du dossier et de préparer la procédure orale dans un laps de temps inférieur à quatre ans et quatre mois.
121 En ce qui concerne le comportement des parties, rien dans le dossier n'indique que FLSmidth ait contribué, par son comportement, à un ralentissement du traitement de l'affaire.
122 Enfin, il ne ressort pas du dossier que la procédure ait été interrompue ou retardée par la survenance d'incidents procéduraux susceptibles de justifier sa longueur.
123 Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient de constater que la procédure suivie devant le Tribunal a violé l'article 47, deuxième alinéa, de la Charte en ce qu'elle a méconnu les exigences liées au respect d'un délai de jugement raisonnable, ce qui constitue une violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, C-352-98 P, EU:C:2000:361, point 42).
124 Il résulte toutefois des considérations exposées aux points 115 à 117 du présent arrêt que le sixième moyen doit être rejeté.
125 Il s'ensuit que, aucun des moyens invoqués par FLSmidth au soutien de son pourvoi n'ayant été accueilli, ce dernier doit être rejeté.
Sur les dépens
126 En vertu de l'article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
127 Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de FLSmidth et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, LA COUR (première chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) FLSmidth & Co. A/S est condamnée aux dépens.