CA Nancy, 2e ch. civ., 13 décembre 2012, n° 11-03162
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
HB Auto Avenir (SARL)
Défendeur :
Minafra
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Madame Claude-Mizrahi
Conseillers :
Monsieur Martin, Madame Guiot-Mlynarczyk
Avocats :
SCP Barbara Vasseur, Mes Boulanger, Merlinge
EXPOSE DU LITIGE
Le 12 novembre 2010, la SARL HB Auto Avenir a vendu à Madame Véronique Minafra un véhicule d'occasion Renault Mégane immatriculé 7845RT55 pour le prix de 4 990 euros. Ce véhicule avait été mis en circulation pour la première fois le 22 novembre 2004 et présentait un kilomètrage de 84 162 kilomètres lors de sa cession à Madame Minafra.
Madame Véronique Minafra a, dès janvier 2011, demandé à la SARL HB Auto Avenir de reprendre certains défauts, puis elle lui a demandé de lui en rembourser le coût à hauteur de 1 677,98 euros. Mais aucun accord amiable n'a pu intervenir entre les parties.
Par acte d'huissier du 1er avril 2011, Madame Véronique Minafra a fait assigner la SARL HB Auto Avenir devant le juge de proximité d'Epinal afin de la voir condamner, en exécution de la garantie légale et contractuelle, à lui payer les sommes de 1 677,98 euros en remboursement du coût des réparations, de 105,91 euros en remboursement du coût de contrôle du véhicule et de remplacement d'une lampe, de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En cours d'instance, Madame Véronique Minafra a modifié ses demandes : elle a sollicité la résolution de la vente, la restitution du prix de 4 990 euros, le remboursement de deux factures de 105,91 euros et de 182,55 euros et la condamnation de la SARL HB Auto Avenir à lui payer les sommes supplémentaires de 262,50 euros correspondant au coût d'établissement de la carte grise du véhicule, de 700 euros à titre de dommages et intérêts pour les tracas occasionnés par cette affaire et pour la résistance abusive opposée par le vendeur, de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL HB Auto Avenir a conclu à l'incompétence matérielle du juge de proximité et, subsidiairement, au rejet des demandes de Madame Véronique Minafra.
Le juge de proximité a fait droit à l'exception d'incompétence et s'est dessaisi au profit du Tribunal d'instance d'Epinal.
Par jugement rendu le 24 novembre 2011, le Tribunal d'instance d'Epinal a prononcé la résolution de la vente, il a condamné la SARL HB Auto Avenir à restituer à Madame Véronique Minafra la somme de 4 990 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, il a dit que le vendeur devait récupérer le véhicule à ses frais, il a condamné la SARL HB Auto Avenir à payer à Madame Véronique Minafra les sommes de 257,05 euros au titre des dépenses de contrôle, de 262,50 euros au titre des frais d'établissement de carte grise et de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les autres demandes étant rejetées et le tout étant assorti de l'exécution provisoire.
Le tribunal a motivé sa décision en faisant application des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation en considérant que la plupart des dysfonctionnements dénoncés par Madame Véronique Minafra étaient présumés exister au moment de la vente et que la SARL HB Auto Avenir en devait garantie, mais qu'eu égard à leur gravité, la résolution de la vente devait être prononcée.
La SARL HB Auto Avenir a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 16 décembre 2011. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Madame Véronique Minafra de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes de 1 000 euros pour les frais de première instance et de 1 000 euros pour les frais d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de son appel, la SARL HB Auto Avenir expose :
- que la courroie de transmission a bien été changée par elle au moment de la vente, ainsi que l'a admis le premier juge,
- que juste avant la vente, le 10 novembre 2010, un contrôle technique du véhicule a été réalisé, au terme duquel un seul défaut a été relevé ('angles, ripages AV, ripage excessif'), alors que si les défauts allégués par Madame Véronique Minafra (lève-vitres, essuie-glace, démarreur, feux de recul) avaient existé, ils auraient été relevés lors de ce contrôle technique,
- qu'en outre, si les défauts allégués par Madame Véronique Minafra avaient existé au moment de la vente, elle n'aurait pas attendu deux mois pour les dénoncer,
- que l'ancienne propriétaire du véhicule atteste que les dysfonctionnements dénoncés par Madame Véronique Minafra n'existaient pas lorsqu'elle a revendu ce véhicule au garage Reuchet de Neufchâteau,
- que les demandes de réparations formées par Madame Véronique Minafra ne s'élèvent qu'à 603,52 euros, ce qui est loin de représenter 40 % du prix du véhicule comme l'a indiqué le premier juge pour justifier la résolution de la vente.
Madame Véronique Minafra conclut à la confirmation de la décision du premier juge dans toute la mesure utile, mais à l'infirmation des chefs du jugement rejetant partiellement ses demandes. Elle demande à nouveau que la SARL HB Auto Avenir soit condamnée à lui rembourser les sommes de 182,55 et de 105,91 euros et à lui payer les sommes de 700 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- qu'elle a rapidement constaté que son véhicule présentait les vices suivants : des essuie-glaces automatiques défectueux, une infiltration d'eau au niveau de la fenêtre de la porte avant-droite, la défectuosité du démarreur, des feux de recul inexistants, la défectuosité du mécanisme du lève-vitre droit, un dysfonctionnement au niveau de la climatisation,
- qu'en application de l'article L. 211-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité apparus dans les six mois de la délivrance du bien sont présumés avoir existé lors de la vente,
- que les coûts de réparation des défauts constatés représentent plus de 2 000 euros, soit 40 % de la valeur d'achat du véhicule,
- que les défauts constatés n'ont pas été constatés lors du contrôle technique parce que ce type de contrôle ne porte que sur la sécurité et la fiabilité du véhicule et non sur l'ensemble des pièces,
- que les défauts qu'elle dénonce ne peuvent avoir été produits par l'usure normale puisqu'elle les a découverts dès les premières semaines d'utilisation du véhicule,
- que, s'agissant du changement de la courroie de distribution, l'attestation versée par le mécanicien qui prétend l'avoir changée avant la vente n'est pas crédible, car elle provient d'un préposé de l'appelante, de même que n'est pas probante la facture du kit de distribution produite aux débats,
- que l'annulation de la vente implique de remettre les parties dans l'état antérieur à la vente, d'où le maintien de ses demandes de remboursement des dépenses qu'elle a dû effectuer pour le véhicule litigieux.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières écritures déposées le 10 juillet 2012 par la SARL HB Auto Avenir et le 24 septembre 2012 par Madame Véronique Minafra,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 octobre 2012.
Sur la garantie légale de conformité
L'article L. 211-7 du Code de la consommation dispose que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En l'espèce, par lettre recommandée avec AR en date du 14 janvier 2011, Madame Véronique Minafra a demandé à la SARL HB Auto Avenir de prendre en charge la réparation des désordres suivants :
- démarreur défectueux,
- infiltrations d'eau au niveau des fenêtres des portières avant,
- dysfonctionnement des feux de recul,
- anomalie dans le fonctionnement des essuie-glaces automatiques signalée par l'ordinateur de bord.
Elle justifie également avoir alerté le garage sur l'existence de ces désordres par plusieurs courriels avant même l'envoi de cette lettre recommandée. Mais tant ces courriels que la lettre recommandée sont restés sans réponse.
Le 1er avril 2011, Madame Véronique Minafra a fait assigner la SARL HB Auto Avenir devant le juge de proximité en sollicitant, outre les réparations précitées, celle du lève-vitre droit.
Pour tenter de combattre la présomption de l'article L. 211-7, la SARL HB Auto Avenir se borne à produire la photocopie d'un procès-verbal de contrôle technique établi le 12 novembre 2010 ne mentionnant qu'un seul défaut à corriger (un problème de ripage AV excessif). Cette seule pièce est toutefois insuffisante pour combattre la présomption légale. En effet, le contrôle technique ne porte pas sur toutes les pièces du véhicule, mais uniquement sur un certain nombre de points réglementaires et la SARL HB Auto Avenir ne démontre pas que les désordres dénoncés par sa cliente portent sur les points vérifiés lors du contrôle technique.
Enfin, dans ses conclusions remises le 14 avril 2011 au juge de proximité, Madame Véronique Minafra s'est plainte également d'un problème de climatisation. Toutefois, à cette date, elle circulait avec le véhicule depuis cinq mois et avait parcouru plus de 3 400 kilomètres. Si le dysfonctionnement du lève-vitre côté passager peut passer inaperçu de novembre à mars, c'est-à-dire pendant la période hivernale, le dysfonctionnement total du système de climatisation sur une période aussi longue et en ayant parcouru une distance aussi significative n'apparaît en revanche pas crédible. La SARL HB Auto Avenir est donc fondée à soutenir que les circonstances de l'espèce prouvent que la climatisation n'était pas hors service lors de la délivrance du véhicule.
Par conséquent, seule la réparation des défauts suivants, dénoncés par Madame Véronique Minafra au cours des six mois ayant suivi l'acquisition de son véhicule Renault Mégane, doit être mise à la charge de la SARL HB Auto Avenir :
- défectuosité des essuie-glaces automatiques,
- infiltration d'eau au niveau de la fenêtre de la porte avant-droite,
- défectuosité du démarreur,
- inexistence des feux de recul,
- défectuosité du mécanisme du lève-vitre droit.
Madame Véronique Minafra produit des factures et devis qui permettent d'évaluer ces réparations à la somme de 1 677,98 euros. Cette évaluation, établie par un concessionnaire Renault au vu du véhicule litigieux, doit être préférée à celle qui a été établie de façon abstraite, sans disposer du véhicule, par la SARL " Vosges Occas " à la demande de la SARL HB Auto Avenir.
Suivant l'article L. 211-9 du Code de la consommation, en cas de défaut de conformité, l'acheteur a le choix entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acquéreur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut ; il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acquéreur. Par ailleurs, l'article L. 211-10 donne la faculté à l'acquéreur de rendre la chose et se faire restituer le prix ou de garder le bien et se faire rendre une partie du prix, " si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles " (alinéa 1er) ou " si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche " (alinéa 2), étant précisé à l'alinéa 3 que la résolution du contrat ne pourra être prononcée si le défaut de conformité est mineur.
En l'espèce, les défauts litigieux, auxquels il peut être remédié par des travaux d'un montant de 1 677,98 euros TTC, soit l'équivalent du tiers du prix du véhicule, ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résolution de la vente.
Aussi la décision du premier juge prononçant la résolution de la vente sera-t-elle infirmée. Madame Véronique Minafra conservera le véhicule et la SARL HB Auto Avenir sera condamnée à lui rembourser le prix des réparations, soit la somme de 1 677,98 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011, date de l'assignation.
Le véhicule n'étant pas restitué, Madame Véronique Minafra sera déboutée de sa demande de remboursement des frais de carte grise.
Madame Véronique Minafra sollicite également le remboursement d'une facture de 105,91 euros afférente au " remplacement d'une lampe de projecteur " et d'une facture de 182,55 euros portant sur divers contrôles effectués sur le véhicule (airbag, calculateurs, câblage ...) sans démontrer leur lien avec les défauts de conformité du véhicule. Ces chefs de demande seront donc rejetés et le jugement déféré sera également infirmé à cet égard.
Sur les dommages et intérêts sollicités
Il ressort des pièces de la procédure que Madame Véronique Minafra a alerté la SARL HB Auto Avenir dès le mois de janvier 2011, via des courriels et une lettre recommandée, sur les différents désordres qui affectaient son véhicule, sans obtenir aucune réponse. Elle a donc dû faire procéder elle-même aux réparations et engager une action en justice.
L'absence de dialogue opposée par la SARL HB Auto Avenir à sa cliente et les tracas que cette attitude a causés à cette dernière sont constitutifs d'un préjudice que cette société sera condamnée à indemniser à hauteur de 500 euros. Le jugement déféré sera infirmé à cet égard.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La SARL HB Auto Avenir, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable que cette société soit condamnée à payer à Madame Minafra la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de celle qui lui a déjà été accordée en première instance.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare l'appel recevable, Infirme partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu à résolution de la vente, Condamne la SARL HB Auto Avenir à payer à Madame Véronique Minafra la somme de mille six cent soixante-dix-sept euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (1 677,98 euro) en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011, au titre des réparations mécaniques, Condamne la SARL HB Auto Avenir à payer à Madame Véronique Minafra la somme de cinq cents euros (500 euro) à titre de dommages et intérêts pour les tracas occasionnés par cette affaire, Déboute Madame Véronique Minafra du surplus de ses demandes de remboursement de factures, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Y ajoutant, Déboute la SARL HB Auto Avenir de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL HB Auto Avenir à payer à Madame Véronique Minafra la somme de mille euros (1 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL HB Auto Avenir aux dépens et autorise Maître Merlinge, Avocat, à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.