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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 25 avril 2014, n° 12-03755

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Trochon

Défendeur :

Fontenoy Groupe Immobilier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Potée

Conseillers :

Mmes Contal, Clément

Avocats :

Mes Clerc, Hervé, Musereau, Rochefort

TGI Saintes, du 14 sept. 2012

14 septembre 2012

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un mandat de vente signé le 8 février 2011, Mme Trochon a confié à la SARL Fontenoy Groupe immobilier la vente de son bien immobilier situé <adresse>, moyennant le prix de 270 000 euro net vendeur et 18 900 euro de rémunération du mandataire.

Mme Trochon s'est rétractée le 21 février 2011 au moyen du formulaire de rétractation.

Sur assignation de la SARL Fontenoy en nullité de la rétractation, le Tribunal de grande instance de Saintes, a, par jugement du 14 septembre 2012 condamné Mme Trochon à payer à la SARL Fontenoy la somme de 18 900 euro au titre de la clause pénale prévue au mandat, outre une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme Trochon a régulièrement relevé appel du jugement le 24 octobre 2012.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 avril 2013, Mme Trochon sollicite l'infirmation du jugement en faisant principalement valoir :

- qu'elle a été démarchée par téléphone puis à domicile par l'agence Fontenoy, suite à la mise en vente de son bien dans d'autres agences ;

- que le mandat signé dans ces conditions doit respecter impérativement les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation sur le démarchage à domicile ;

- que le mandat fait expressément référence à ces dispositions et y est donc soumis ;

- qu'il aurait dû être établi en autant d'exemplaires que de parties au moment de sa conclusion et comporter les mentions prescrites par les dispositions susvisées ;

- que tel n'a pas été le cas puisqu'aucun contrat n'a été remis à Mme Trochon le jour de sa signature ;

- que le contrat adressé par voie postale à Mme Trochon n'est pas le même que celui qui a été signé le 8 février 2011 ;

- que le contrat remis le 8 février 2011, non signé par Mme Trochon, est nul ;

- qu'il en est de même du mandat adressé par voie postale, non signé de la SARL Fontenoy ;

- que Mme Trochon a pu renvoyer le formulaire de rétractation dès réception du mandat, le délai de 7 jours n'ayant pas commencé à courir le 8 février 2011 ;

- qu'il appartient à celui qui sollicite l'exécution du contrat d'en établir la régularité ; que la SARL Fontenoy est dans l'impossibilité de justifier avoir remis le 8 février 2011 un contrat régulier de nature à engager Mme Fontenoy ;

- qu'au surplus, il s'agissait d'un mandat exclusif, dit " semi-exclusif ", soumis à l'exigence du double exemplaire et à sa remise immédiate de l'un d'eux.

Compte tenu de la mauvaise foi de la SARL Fontenoy et des tracas que lui a causé le litige, Mme Trochon sollicite une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts ainsi que 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 mars 2013, la SARL Fontenoy conclut à la confirmation du jugement sauf à assortir la condamnation des intérêts à compter du 18 février 2011 et sollicite une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que le mandat, que Mme Trochon a signé à l'agence le 8 février 2011 ne relève pas du démarchage à domicile et n'était pas soumis aux dispositions du Code de la consommation, qu'il est valable, et que du fait de la vente du bien par une autre agence alors qu'il s'agissait d'un mandat exclusif, elle est bien fondée à obtenir paiement de la clause pénale prévue au contrat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'application des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation

Les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile sont applicables également aux opérations pour lesquelles les parties ont entendu les y soumettre par une manifestation de volonté non équivoque, laquelle peut notamment découler de la mention dans le contrat des dispositions du Code de la consommation, de la faculté de rétractation et de la présence d'un formulaire détachable permettant l'exercice de ce droit.

En l'espèce, il ressort de l'assignation même, délivrée à la requête de l'agence Fontenoy devant le Tribunal de grande instance de Saintes que le mandat contenait un formulaire détachable de rétractation, joint à l'assignation, l'agence se prévalant alors seulement de l'exercice de ce droit hors délai.

Il en résulte que le mandat adressé pour signature à Mme Trochon par courrier daté du 15 février 2011 et envoyé le 16 février 2011 selon le cachet de la poste, faisant référence aux dispositions du Code de la consommation et contenant un formulaire de rétractation, dont a d'ailleurs usé Mme Trochon, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sur le démarchage à domicile, peu important le fait que Mme Trochon se soit ou non déplacée à l'agence le 8 février 2011, étant néanmoins observé qu'une telle hypothèse est contredite par l'envoi ultérieur du mandat pour signature.

Il est constaté d'une part que le mandat signé de Mme Trochon le 8 février 2011 est nul pour ne pas lui avoir été remis le jour même ainsi que l'exige l'article L. 121-23 du Code de la consommation et au surplus l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 prévoyant la remise immédiate d'un des exemplaires du mandat comportant une clause d'exclusivité, ce qui était le cas en l'espèce, et d'autre part que le mandat envoyé le 16 février n'était pas celui signé le 8 février puisqu'il était rédigé par un scripteur différent et qu'il n'était pas signé de Mme Trochon, qu'il était au surplus antidaté au 8 février 2011. Dès lors, ce mandat doit également être déclaré nul.

De manière surabondante, Mme Trochon invoque à bon droit la violation par la SARL Fontenoy Groupe Immobilier du respect du délai de rétractation de 7 jours, pour avoir informé Mme Trochon dès le 12 février 2011 qu'elle avait trouvé un acquéreur, soit 4 jours après la signature du premier mandat déclaré nul et avant l'envoi par voie postale du second mandat.

Il convient en conséquence de constater la nullité des deux mandats, de réformer le jugement et de débouter la SARL Fontenoy de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme Trochon, âgée de 79 ans lors des faits et qui justifie de sa vulnérabilité au moyen d'un certificat médical, a subi, du fait de l'attitude fautive de la SARL Fontenoy se manifestant tant dans l'établissement du lien contractuel que dans la réclamation immédiate du paiement de sa commission par courrier du 18 février 2011, un préjudice moral dont la SARL Fontenoy doit réparation à hauteur de 1 000 euro.

Il est en outre inéquitable de laisser à la charge de Mme Trochon les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance et en appel et pour lesquels il lui sera alloué une somme de 3 000 euro.

Par ces motifs : Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau : Déboute la SARL Fontenoy Groupe Immobilier de ses demandes ; Condamne la SARL Fontenoy Groupe Immobilier à verser à Mme Trochon : - la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts ; - la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Fontenoy Groupe Immobilier aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.