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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 15 mai 2014, n° 2012-06498

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association Cerafel, Fraileg (SARL), Prim'Santerre (SARL), Fédération nationale des producteurs d'endives, Soleil du Nord (SARL), Celfnord, Association des producteurs d'endives de France, Section nationale de l'endive, Fédération du commerce de l'endive, France Endives (SCA), Sica Cap'Endives (Sté), Marché de Phalempin (SCA), Primacoop (SCA), Sipema (Sté), Valois-Fruits (Sté), Groupe Perle du Nord (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

Mes Bonaldi-Nut, Cressard, Fourgoux, Djavadi, Redon, Bouviala, Morrier, Ledoux, Pasquesoone, Selarl Pellerin-de Maria-Guerre

CA Paris n° 2012-06498

15 mai 2014

Le 12 avril 2007, des opérations de visites et de saisies ont été effectuées par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (la DGCCRF) dans les locaux du Comité économique agricole de la région du Nord (ci-après, le "Celfnord"), de la Fédération nationale des producteurs d'endives (ci-après la "FNPE") et de la section nationale endive (ci-après, la "SNE"), après autorisation par ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Arras en date du 3 avril 2007 (cotes 101 à 111), prise sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, aux fins de rechercher les preuves de pratiques anticoncurrentielles présumées dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives.

A la suite de ces investigations, le ministre chargé de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi a saisi, par courrier du 11 juillet 2008, enregistré le 18 juillet 2008 sous le numéro 08-0080F, le Conseil de la concurrence, devenu depuis l'Autorité de la concurrence, de la situation de la concurrence dans le secteur de la production et de la commercialisation d'endives. Selon la saisine, l'enquête aurait mis en évidence l'existence d'ententes entre les différents acteurs du secteur sur le prix des endives.

La cour renvoie aux développements non critiqués de la décision de l'Autorité (la Décision) sur les conditions de production de ces légumes, sur les principales caractéristiques économiques du secteur en cause ainsi que sur son organisation (paragraphes 3 à 34), sauf à rappeler que la standardisation de la production d'endives permet une disponibilité régulière du produit tout au long de l'année. Pour autant, la profession continue à s'organiser selon des campagnes structurées par le calendrier de développement des racines. Une campagne commence le 1er septembre d'une année et se termine le 31 août de l'année suivante.

La production endivière française se gère dans le temps, chaque jour de production étant programmé pour un forçage généralisé en 21 jours. Si la durée constante du cycle de production de l'endive sur trois semaines permet d'augmenter la prévisibilité de la production et donc de l'offre, il n'en demeure pas moins que la maîtrise de la production est soumise à une contrainte majeure liée, comme pour la plupart des légumes, au caractère périssable des endives.

Les producteurs d'endives ("endiviers") membres d'une organisation de producteurs ("OP"), personne morale reconnue par les Etats membres de l'Union, doivent obligatoirement vendre leur production par l'intermédiaire de l'OP à laquelle ils appartiennent en application de la règle dite de l'apport réel. Les OP imposent notamment à leurs membres une obligation de commercialisation de leurs produits sur la base d'un certain nombre de règles communes. Les conditions de revente des endives s'effectuent le plus souvent à une échelle au moins nationale par l'intermédiaire des bureaux commerciaux des OP, structures juridiquement indépendantes, chargés de l'écoulement des produits apportés par les OP, principalement auprès des centrales d'achat de la grande distribution.

L'organisation du secteur repose non seulement sur les producteurs et les organisations de production (OP) mais également sur les associations d'organisations de producteurs (ci-après les "AOP"), les comités économiques agricoles, Interfel qui est l'interprofession des fruits et légumes au niveau national et le Viniflhor, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui participe à l'élaboration de la réglementation et met en œuvre les soutiens nationaux et européens destinés aux filières dont il a la charge (paragraphe 18 de la Décision).

Il suffit de mentionner, à ce stade, qu'afin de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs vis-à-vis des partenaires en aval, les instances françaises et européennes ont en effet promu, dans des conditions qui feront ci-après l'objet de plus ample développements, la concentration de l'offre agricole par la création d'OP et de comités économiques agricoles.

A la date de la Décision déférée, en mars 2012, le secteur de l'endive était regroupé autour de douze OP qui rassemblaient 75 % des producteurs, d'une part, et de 20 % de producteurs dits "indépendants" ou opérant en "extension des règles" en vertu d'un arrêté du ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche, du 24 juin 2009 portant extension des règles édictées par l'Association des producteurs d'endives de France (APEF).

Ainsi que le constate la Décision (paragraphe 25), l'offre d'endives est largement structurée autour des OP :

- 3 OP représentent 56 % de l'offre organisée soit 41 % de l'offre nationale;

- 4 OP représentent 66 % de l'offre organisée soit 49 % de l'offre nationale;

- 5 OP représentent 75 % de l'offre organisée soit 65 % de l'offre nationale.

Dans le "bassin Nord" de la France, il existait, à la date de la Décision, une dizaine d'OP opérant dans le secteur des endives (SICA Cap'Endives, SARL Fraileg, SCA France Endive, SCA Marché de Phalempin, SARL Nord Alliance, SARL Prim'Santerre, SCA Primacoop, SCA Sipema, SARL Soleil du Nord, Union des coopératives agricoles Valois-Fruits).

De leur côté, les producteurs indépendants vendent en règle générale directement leurs endives, soit auprès des bureaux commerciaux des OP, soit auprès des négociants et/ou de grossistes. En effet, certains producteurs ont fait le choix de demeurer indépendants, afin de conserver une autonomie de décision, de ne pas supporter certains coûts liés à la mutualisation des produits (logistique) ainsi qu'à la gestion d'une OP. A l'époque des faits en cause dans la présente affaire, une grande partie des producteurs indépendants était toutefois regroupée au sein de l'Association des Producteurs Vendeurs d'Endives (APVE) qui représentait leurs intérêts au sein du comité économique agricole Celfnord.

La possibilité de constituer des AOP a également été consacrée par le droit communautaire. Alors qu'à l'origine, ces organismes disposaient de compétences limitées, des règlements communautaires ont étendu leurs compétences à celles prévues au bénéfice des OP, en leur permettant d'exercer toute activité d'une organisation de producteur même lorsque les produits concernés continuent à être commercialisés par ses membres.

En droit interne, conformément aux dispositions du décret n° 2000-1053 du 24 octobre 2000 relatif à l'organisation économique dans le secteur des fruits et légumes, les comités économiques agricoles agréés sont considérés comme des AOP ;

Dans le ressort géographique d'un comité économique agricole, les pouvoirs publics peuvent étendre l'application des règles édictées par le comité à l'ensemble des producteurs concernés par la procédure de l'extension des règles. Cette procédure repose sur le principe selon lequel l'action des comités économiques agricoles profite à l'ensemble des producteurs. Pour certains fruits et légumes, les producteurs non adhérents d'une OP doivent respecter les règles étendues et participer financièrement au titre de la gestion et de l'intervention technique et économique. Seuls les producteurs pratiquant la vente directe aux consommateurs sont exclus des obligations liées à l'extension des règles en cause.

Par ailleurs, les principales OP endivières ont mis en place des bureaux commerciaux, qui constituent des structures juridiquement indépendantes chargées de la commercialisation des produits apportés par leurs membres. L'OP et le bureau commercial sont liés par un contrat de commission. Les bureaux commerciaux vendent en priorité les endives de l'OP à laquelle ils sont liés par contrat mais peuvent acheter des endives auprès de producteurs indépendants notamment pour satisfaire des commandes importantes.

Les négociants-grossistes, autres intermédiaires, achètent des endives auprès de bureaux commerciaux ou de producteurs indépendants et les revendent aux grandes enseignes, aux centrales d'achat ou à des détaillants.

Enfin, il est également rappelé que la grande distribution concentre 74 % du chiffre d'affaires des fruits et légumes au stade du détail. Les cinq premières enseignes détiennent à elles seules la moitié de la distribution des fruits et légumes. La demande de la grande distribution se manifeste en premier lieu par les achats directs des centrales qui ont augmenté de 70 % entre 1997 et 2006.

La cour renvoie également aux développements de la Décision (paragraphes 35 à 67) sur les principales caractéristiques des parties en cause sauf à rappeler, en synthèse que les entités concernées sont des OP ou AOP de commercialisation ou de gouvernance.

Le Celfnord est un syndicat professionnel, créé le 21 mars 1967. Un arrêté du 30 juin 1998 prévoit : "Le syndicat dénommé Comité économique fruits et légumes du bassin Nord de la France est agréé en qualité de comité économique agricole dans le secteur des fruits et légumes. (...) La circonscription territoriale de ce comité comprend les départements suivants : Aisne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Somme et Seine-Maritime". Au sens du règlement n° 2200-96 précité, le Celfnord est considéré comme une AOP. Le Celfnord est organisé en "sections régionales produits" dont une est consacrée aux endives.

La section régionale endive (ci-après la "SRE") du Celfnord réunit les OP qui ont l'obligation d'adhérer au comité économique agricole régional, ainsi que des producteurs indépendants regroupés au sein de l'association des producteurs-vendeurs d'endives (ci-après l'"APVE").

Le Celfnord représente les intérêts économiques de la production, de la transformation, du négoce et de la distribution d'endives dans le nord de la France. D'après ses statuts, il a pour objet principal de coordonner les travaux et d'harmoniser les initiatives des OP de fruits et légumes en ce qui concerne les disciplines de production, de conditionnement, de prix, de mise en marché et de commercialisation, d'une part, et d'assumer la représentation des OP auprès des pouvoirs publics, des organisations professionnelles et interprofessionnelles dans le rôle défini par les articles L. 552-1-2, L. 553-1, L. 554-1-2 du Code rural, d'autre part. Il n'a donc pas vocation à se substituer aux syndicats d'exploitants agricoles à vocation générale et spécialisée aux fins de défense des intérêts de leurs membres. Depuis l'adoption de l'ordonnance n° 2010-459 du 6 mai 2010 modifiant les livres Ier, V et VI du Code rural, qui s'est traduite par la disparition des comités économiques agricoles au profit d'organisations nationales par produit, le Celfnord n'a plus d'activités significatives. Il a en particulier perdu sa représentativité institutionnelle au profit d'une AOP nationale propre au secteur des endives.

L'association des producteurs d'endives de France (APEF) a été constituée le 28 août 2008 à l'initiative d'OP reconnues dans le cadre des règlements n° 1182-2007 et n° 1580-2007 précités.

Un arrêté du ministre de l'Agriculture et de la Pêche en date du 12 décembre 2008 a reconnu l'APEF en qualité d'AOP de gouvernance dans le secteur des endives. L'arrêté ministériel précise que "l'association est reconnue, sur une zone de reconnaissance constituée des départements sur lesquels ses organisations de producteurs membres opèrent pour le produit endive".

A l'époque de sa création, l'APEF a engagé une restructuration de l'ensemble des services techniques et administratifs propres à la filière endivière qui ont été regroupés dans deux sections autonomes : la "Section information, promotion, études et recherches" (SIPER) à laquelle l'ensemble des membres de l'association doivent obligatoirement adhérer et participer et la "Section organisation et maîtrise de l'offre et du marché (SOMO) à laquelle l'adhésion et la participation sont volontaires et qui a pour mission, entre autres, de définir et de piloter des stratégies d'adaptation de l'offre à la demande, de prévenir les situations de crise et d'y faire face, de gérer en commun certaines actions relatives aux plans opérationnels et de mener des actions promotionnelles ponctuelles.

L'Association des producteurs vendeurs d'endives (APVE) a été créée le 19 avril 1994 pour représenter les intérêts de producteurs indépendants du bassin du nord de la France. Le président de l'APVE est membre du conseil d'administration de la SRE du Celfnord.

Le Cerafel, anciennement Comité économique régional agricole de fruits et légumes de Bretagne, a été créé en 1965 sous la forme d'une association loi 1901. Il est depuis le début de l'année 2008 une AOP multi-produits. Il regroupe huit OP et représente près de 2 500 exploitations en fruits et légumes frais, horticulture et plants de pommes de terre.

A l'instar du Celfnord, le Cerafel est également organisé en sections régionales produits qui ont pour rôle de proposer et d'élaborer des actions propres à chaque produit. En 2010, la section régionale endive du Cerafel représentait un volume global de production de 7 946 tonnes.

La section nationale endives (ci-après la "SNE") est une association loi 1901 créée le 19 juin 1998 par le Celfnord, le Cerafel et la Fédération Nationale des Producteurs d'Endives. Avant que l'APEF ne soit mise en place en 2008 et que ses membres ne décident sa dissolution, la SNE avait en charge la gestion politique, comptable et financière des actions collectives, et avait notamment compétence pour représenter la profession dans le cadre des actions conjoncturelles de gestion de marché.

En raison de l'importance du bassin nord de la France pour la production d'endives, la SNE était hébergée par le Celfnord. Le président et le directeur du Celfnord étaient également président et directeur de la SNE.

La SNE se réunissait une fois par an lors d'une assemblée générale rassemblant les différents acteurs économiques de la filière : OP, syndicats et comités économiques agricoles. En dehors de ce cadre formel, la SNE organisait également une fois par an un séminaire avec les professionnels du secteur consacré à la production et à la commercialisation des endives (ci-après les "séminaires endive"). L'objectif principal de ces séminaires était de dresser le bilan de la campagne écoulée, d'en tirer les principaux enseignements et de faire des propositions pour la ou les campagne(s) suivante(s).

Conformément au règlement intérieur de la SNE, les membres de cette dernière se réunissaient régulièrement pour déterminer les grandes orientations des campagnes à venir. Des réunions téléphoniques régulières poursuivaient cet objectif. Les décisions au niveau régional étaient prises par la SRE, qui se réunissait en moyenne tous les deux mois.

La Fédération nationale des producteurs d'endives (FNPE) est un syndicat agricole qui défend les intérêts de la profession endivière française. Jusqu'en 2007, il s'agissait d'une union de syndicats. En 2007, le syndicalisme endivier s'est réorganisé. Les syndicats départementaux ont fusionné pour réunir tous les producteurs au sein d'une même structure : la FNPE. Vingt-six producteurs d'endives sont membres du conseil d'administration de cette dernière. La FNPE est adhérente à la FNPL (Fédération nationale des producteurs de légumes), elle-même affiliée à la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) en tant qu'association spécialisée. Au cours de la dernière assemblée générale de la FNPE, qui s'est tenue le 22 décembre 2011, il a été acté le changement de dénomination de la FNPE devenue l'Union des endiviers de France (UEF).

La Fédération du commerce de l'endive (ci-après la "FCE") est une association loi 1901 constituée le 9 décembre 2004, dont l'objet est précisé à l'article 2 de ses statuts : "défendre les intérêts des entreprises exerçant le commerce d'expédition des endives, représenter les entreprises exerçant le commerce d'expédition d'endives auprès des pouvoirs publics et des autres organisations professionnelles concernées ; organiser les échanges d'information entre ses membres ; concevoir et mettre en œuvre, seule ou en concentration avec d'autres organisations, directement ou indirectement, toute action conforme à la réglementation nationale en vigueur et dont le but est de promouvoir le produit endive, de favoriser sa bonne valorisation, de favoriser le développement de ses ventes".

Elle est composée de personnes représentant des entreprises (OP, commerce de gros, expéditeurs, producteurs vendeurs) exerçant le commerce d'endives. La FCE joue un rôle actif dans la commercialisation des endives, d'une part, et dans l'organisation des échanges d'informations sur le marché et sur les promotions, d'autre part. L'ensemble des membres de la FCE représente environ 80 % du marché national de l'endive au stade de la commercialisation.

Concernant ensuite les OP, il est rappelé :

- que Cap'Endives dont la dénomination sociale exacte est "SICA Cambrésis Artois Picardie Endives-SICA Cap Endives", est une société anonyme constituée en 1983 dont le siège social se trouve à Marcoing dans le département du Nord a pour activité le ramassage, le conditionnement et la commercialisation des endives produites par ses associés producteurs ;

- que Fraileg, société à responsabilité limitée (SARL) constituée en 1997 dont le siège social est établi à Vendhuile dans le département de l'Aisne, a pour objet de définir et d'organiser les modalités de commercialisation des fruits et légumes entre ses associés producteurs et leurs clients ainsi que d'en assurer la mise en marché ;

- que France Endives est une société coopérative agricole (SCA) dont le siège social se trouve à Boursies dans le département du Nord qui a pour objet, depuis le commencement de l'exploitation au 1er décembre 1999, d'effectuer la collecte, le stockage, la conservation, le conditionnement, la transformation et la vente des légumes, pommes de terre et fruits produits par ses associés producteurs ;

- que la société Marché de Phalempin, immatriculée en 1999 au registre du commerce et des sociétés du Tribunal de commerce de Lille, est une SCA dont le siège social se trouve à Phalempin, dans le département du Nord. La coopérative a pour objet la collecte, le stockage, la conservation, le conditionnement, la transformation et la vente des productions de ses associés producteurs (fruits, légumes, fleurs et produits horticoles) ;

- que la SARL Nord Alliance est une organisation de producteurs constituée en décembre 1999, établie à Cambrai dans le département du Nord, et qui a pour objet la collecte, le stockage, la conservation, le conditionnement, la transformation et la vente des productions de ses associés producteurs, à savoir principalement des choux fleurs et des endives;

- que la SARL Prim'Santerre constituée en 1997 dont le siège social est établi à Laucourt dans le département de la Somme, a pour objet le négoce de gros et de détail de tous produits agricoles et alimentaires, fruits, légumes et leurs dérivés ainsi que le conditionnement des produits de ses associés producteurs ;

- que la société Primacoop, SCA dont le siège social est situé à Soyécourt dans le département de la Somme, a pour objet principal d'effectuer le stockage, le conditionnement, la transformation et la commercialisation des produits provenant des exploitations de ses sociétaires qui sont exclusivement des producteurs d'endives, la commercialisation de cette production étant effectuée par un bureau de vente, la SARL Santerleg, à laquelle Primacoop a délégué toute son activité commerciale ;

- que la SCA du marais Audomarois-SCA Sipema est établie à Saint-Omer dans le département du Pas-de-Calais et a pour objet, entre autres, la production, le stockage, le transport, le conditionnement, la transformation, la distribution, la vente des fruits, légumes et fleurs de ses associés coopérateurs ;

- que la SARL Soleil du Nord, qui est établie à Marquion dans le département du Pas-de-Calais, a pour objet la commercialisation pour le compte de ses associés producteurs, en qualité de mandataire, de tous fruits et légumes produits par ces derniers, par l'intermédiaire de son bureau de vente la société par actions simplifiée (SAS) Endelis.

- que l'union de coopératives agricoles Valois-Fruits, également dénommée "Endives du Valois", est une SCA dont le siège social se trouve à La Fierté-Milon dans le département de l'Aisne. Elle a pour objet l'aide à la culture, la collecte, le transport, le stockage, la transformation, le conditionnement et la vente des productions de ses associés producteurs.

Les OP citées ont toutes été membres du Celfnord, étant précisé c'est la Section Régionale Endives (SRE) du Celfnord qui réunissait plus spécialement les producteurs d'endives, qui avaient l'obligation d'y adhérer.

Enfin, la SAS Groupe Perle du Nord, a été créée le 1er juillet 2004 par six OP (France Endives, Cap'Endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Sipema et Valois-Fruits) à la suite d'un audit du secteur endivier en 2004 qui a mis en évidence la nécessité de développer la valeur ajoutée des endives commercialisées sous la marque Perle du Nord. La création de la SAS Groupe Perle du Nord a permis à cette dernière d'acquérir la propriété de la marque Perle du Nord auprès du Celfnord. La SAS Groupe Perle du Nord a constitué la première étape d'un processus dont l'objectif final est la mise en place d'une véritable entreprise vendant, sous une marque commune, la production de l'ensemble de ses membres ce qui implique que lui soit transférée la propriété de la production de chaque OP associée.

Par arrêté en date du 12 décembre 2008, la société a été reconnue en tant qu'AOP dans le secteur des fruits et légumes. Le 9 juillet 2009, elle a adopté de nouveaux statuts et modifié son règlement intérieur pour devenir SAS Groupe Perle du Nord. Le 3 septembre 2009, elle a constitué la SASU Perle du Nord qui a pour mission d'assurer la commercialisation des produits du groupe. Le 12 novembre 2009, la société Groupe Perte du Nord et la SASU Perle du Nord ont conclu un ensemble de contrats organisant le nouveau schéma de distribution des endives Perle du Nord. Enfin, le 1er décembre 2009, la nouvelle organisation avec transfert de propriété est devenue effective.

En ce qui concerne les pratiques constatées, les pièces du dossier et les déclarations recueillies au cours de l'instruction ont révélé l'existence, depuis au moins 1998, de pratiques concernant : le maintien d'un prix de vente à la production pour l'ensemble des variétés d'endives en cause (1), des concertations sur les quantités d'endives mises sur le marché (2), la mise en place d'un système d'échanges d'informations baptisé lnfocl@r comme outil de contrôle de prix (3) et des menaces et sanctions à l'encontre des producteurs qui ne respectent pas la politique tarifaire (4).

Sur la base de ces constations, par lettre du 12 octobre 2010, le grief suivant a été notifié par les services d'instruction de l'Autorité :

"A l'APVE (Association des producteurs vendeurs d'endives) ;

A l'APEF (Association des producteurs d'endives de France) ;

Au Celfnord (Comité économique fruits et légumes du Nord de la France) ;

Au Cerafel (Comité économique régional agricole fruits et légumes) ;

A la FNPE (Fédération nationale des producteurs d'endives) ;

A la FCE (Fédération du commerce de l'endive) ;

A Cap'Endives (Organisation de producteurs);

A Fraileg (Organisation de producteurs) ;

A France Endive (Organisation de producteurs);

A Nord Alliance (Organisation de producteurs) ;

A Phalempin (Organisation de producteurs),

A Primacoop (Organisation de producteurs) ;

A Prim'Santerre (Organisation de producteurs) ;

A la SAS Groupe Perle du Nord (Association d'organisation de producteurs) ;

A Soleil du Nord (Organisation de producteurs) ;

A Sipema (Organisation de producteurs) ;

A la SNE (Section nationale endive) ;

A Valois-Fruits (Organisation de producteurs),

d'avoir participé à une entente complexe et continue sur le marché français de l'endive consistant en une concertation sur les prix et les offres promotionnelles, en un échange régulier d'informations stratégiques servant à mettre en place une police des prix ainsi que des mesures de dénaturations obligatoires. Ces pratiques, qui ont eu pour objet d'imposer sur le marché français de l'endive un mode d'organisation se substituant au libre jeu de la concurrence, par une collusion généralisée entre les producteurs, sont prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce et par l'article 101 du Traité.

Elles ont été mises en œuvre s'agissant de :

- du Celfnord, des OP membres du Celfnord, de l'APVE et de la FNPE depuis au moins 1995,

- de la Section nationale endive et du Cerafel depuis 1998,

- de la SAS Groupe Perle du Nord et de la FCE depuis 2005,

- de l'APEF depuis 2008,

et n'ont toujours pas cessé".

C'est dans ces conditions que, par décision n° 12-D-08, l'Autorité a décidé :

"Article 1er : il est établi que l'APEF, l'APVE, le Celfnord, le Cerafel, la FCE, la FNPE, la SNE, la SAS Groupe Perle du Nord et les organisations de producteurs Cap'Endives, Fraileg, France Endives, Marché de Phalempin, Nord Alliance, Primacoop, Prim'Santerre, Soleil du Nord, Sipema et Valois-Fruits, ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du Traité CE, devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE, et de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il est enjoint à l'association des producteurs d'endives de France (APEF) ou tout autre organisme responsable du système d'échanges d'informations dénommé Infocl@r auquel les producteurs d'endives déclarent les volumes et les prix de vente de leur production de modifier le système afin qu'il se limite :

- à enregistrer des données passées, anonymes et suffisamment agrégées pour exclure toute identification des opérateurs ;

- à diffuser des informations en matière de coûts ou de prix sous forme de mercuriales ou d'indices statistiques.

Toute utilisation du système en vue d'assurer un contrôle des prix et du volume des produits vendus est proscrite.

L'APEF devra rendre compte à l'Autorité, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, de l'exécution des mesures prescrites.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de prononcer une sanction à l'égard de la société Nord Alliance.

Article 4 : Pour l'infraction visée à l'article 1er, sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* à l'association des producteurs d'endives de France (APEF) une sanction de 50 000 euros ;

* à l'association des producteurs-vendeurs d'endives (APVE) une sanction de 5 000 euros ;

* au Comité économique agricole de la région du Nord (Celfnord) une sanction de 100 000 euros ;

* au Comité économique agricole régional fruits et légumes de la région Bretagne (Cerafel) une sanction de 75 000 euros ;

* à la Fédération du commerce de l'endive (FCE) une sanction de 5 000 euros;

* à la Fédération nationale des producteurs d'endives (FNPE) une sanction de 80 000 euros :

* à la section nationale endives (SNE) une sanction de 5 000 euros ;

* à la SICA Cap'Endives une sanction de 103 800 euros :

* à la SARL Fraileg une sanction de 83 000 euros ;

* à la SCA France Endives une sanction de 587 430 euros ;

* à la SCA Marché de Phalempin une sanction de 1 186 930 euros ;

* à la SCA Primacoop une sanction de 891 900 euros ;

* à la SARL Prim'Santerre une sanction de 127 000 euros;

* à la SAS Groupe Perle du Nord une sanction de 5 730 euros ;

* à la SARL Soleil du Nord une sanction de 72 000 euros ;

* à la SCA Sipema une sone-ion de 251 700 euros ;

* à la SCA union de coopératives agricoles Valois-Fruits une sanction de 341 100 euros.

Article 5 : Les sociétés et organismes visés à l'article 1er feront publier le texte figurant au paragraphe 754 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions du journal " la Voix du Nord " et de la revue agricole " Le syndicat agricole ", édition Nord-Pas-de-Calais. Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : "Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-D-08 du 6 mars 1012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation d'endives ". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 1er mai 2012."

LA COUR,

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réfonnation déposé le 6 avril 2012 au greffe de la cour par la FNPE désormais dénommée l'Union des Endiviers ;

Vu l'exposé des moyens déposé le 9 mai 2012 à l'appui du recours et le mémoire en réplique déposé le 16 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 6 avril 2012 au greffe de la cour par l'APEF, le Celfnord, la FCE et la SNE ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 9 mai 2012 à l'appui du recours soutenu par le mémoire récapitulatif déposé le 16 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 6 avril 2012 au greffe de la cour par la SAS Groupe Perle du Nord et les organisations de producteurs Cap'Endives, France Endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Sipema et Valois-Fruits;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 9 mai 2012 à l'appui du recours soutenu par le mémoire récapitulatif déposé le 16 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 6 avril 2012 au greffe de la cour par la société Fraileg et la société Prim'Santerre ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 9 mai 2012 à l'appui du recours soutenu par le mémoire récapitulatif et en réponse déposé le 16 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 6 avril 2012 au greffe de la cour par le Cerafel ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 4 mai 2012 à l'appui du recours et le mémoire récapitulatif déposé le 14 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 18 avril20l2 au greffe de la cour par la société Soleil du Nord;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 31 mai 2012 à l'appui du recours ;

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence déposées au greffe de la cour le 31 octobre 2012 ;

Vu les observations du ministre de l'Economie et des Finances du 29 octobre 2012 ;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 21 novembre 2013, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence et le représentant du ministre de l'Economie et des Finances ainsi que le Ministère public ;

SUR CE

Sur la prescription

Considérant que le Celfnord, l'APEF, la SNE et la FCE maintiennent que les faits antérieurs au 19 mars 2002 sont prescrits en application des dispositions de l'article L. 464-7 du Code de commerce ;

Considérant, cependant, que l'Autorité ayant finalement retenu l'existence d'une infraction continue, ce qui est également contesté par les requérantes, il n'y a pas lieu de procéder dès à présent à une analyse de ce moyen, qui ne peut, en cet état, se dissocier du débat de fond ;

Sur la procédure

En ce qui concerne la durée de la procédure :

Considérant que le délai raisonnable prescrit par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de l'affaire et que la sanction qui s'attache à la violation par l'Autorité de la concurrence de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi, sous réserve, toutefois, que le délai écoulé durant la phase d'instruction, en ce compris la phase non contradictoire, devant l'Autorité n'ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre ;

Considérant que Fraileg et Prim'Santerre ainsi que l'APEF, la SNE et la FCE soutiennent que la Décision déférée encourt l'annulation au motif que la durée excessive de la procédure et l'ancienneté des faits en cause ont précisément porté une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à leurs droits de la défense en raison de l'impossibilité matérielle de rassembler des éléments à décharge plusieurs années après les pratiques ;

Mais considérant que, dans des développements auxquels la cour se réfère expressément (paragraphes 292 à 298), l'Autorité a constaté à suffisance de droit que, contrairement à ce qui est à nouveau soutenu devant la cour, la durée de la procédure n'apparaît pas déraisonnable ;

Considérant, en effet, que si, dans les conditions qui ont été précédemment rappelées, des investigations des services de la DGCCRF ou du procureur de la République compétent ont été conduites antérieurement à la saisine de l'Autorité intervenue le 11 juillet 2008, ce n'est qu'à compter de la date de cette saisine qu'a débuté la procédure conduite par l'Autorité dont la durée est susceptible d'appeler des appréciations au regard des exigences précitées de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble des comportements en cause, de leur durée et de leur nature ainsi que du nombre d'entreprises et d'associations impliquées dans leur mise en œuvre, la durée de la procédure depuis l'ouverture de la phase préliminaire d'enquête et d'instruction le 11 juillet 2008 jusqu'au renvoi de l'affaire qui a été examinée lors de la séance du 15 novembre 2011, ainsi limitée à un peu plus de trois ans, n'apparaît nullement déraisonnable ;

Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que les requérantes se bornent à affirmer que la durée de la procédure a été excessive, sans pour autant invoquer de circonstances précises de nature à démontrer concrètement en quoi il aurait été porté une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à leurs droits de la défense ou entrainé la déperdition des preuves bien définies qui leur auraient permis de renverser les charges pesant sur elles ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

En ce qui concerne l'impartialité de la procédure :

Considérant que sous couvert d'une critique de l'attitude des services d'instruction qui auraient manqué à leur devoir d'impartialité et à leur obligation d'instruction à charge et à décharge, en refusant de prendre en compte certaines caractéristiques de leur comportement et de l'implication des services de l'Etat dans la mise en œuvre des pratiques, le Celfnord, l'APEF et la FCE qui n'ont à aucun stade de la procédure contradictoire devant l'Autorité été privées de la possibilité de faire valoir leurs arguments en défense, critiquent, en réalité la pertinence des motifs de la Décision déférée, ce qui relève du fond du débat ;

Que le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire :

Considérant que les organisations condamnées demandent à la cour de prononcer l'annulation de la Décision en raison de la violation du principe du contradictoire résultant de la citation de deux arrêts de la Cour de cassation ainsi que d'un arrêt de la Cour de justice rendus après la séance de l'Autorité qui s'est tenue le 15 novembre 2011 ;

Considérant que, dans ses observations, l'Autorité expose que de telles mentions sont sans emport sur la légalité de la Décision, dès lors :

- d'une part, que "les deux premières références utilisées dans un souci de s'appuyer sur la jurisprudence la plus récente, (...) ne sont en effet que la reprise fidèles de jurisprudences constantes de l'Union" portant sur les termes "susceptibles d'affecter" le commerce entre Etats membres et, d'autre part, sur la notion d'infraction complexe et continue ;

- d'autre part, que la troisième décision de justice est invoquée conjointement avec des arrêts de cette cour "pour rappeler la distinction non moins constante entre les notions de restriction par objet et de restriction par effet (...)"(soulignements effectué par l'ADLC dans ses observations) ;

Considérant que, dans leurs écritures déposées devant la cour, la plupart des requérantes font elles-mêmes référence aux arrêts cités dans la Décision et ne critiquent pas sérieusement les explications avancées par l'Autorité sur leur citation, tout au plus, comme illustration d'une "jurisprudence constante", qualificatif qu'elles ne remettent pas en cause, ce qui, au cas d'espèce, suffit à établir l'absence d'incidence de l'irrégularité alléguée sur l'exercice concret des droits de la défense;

Que le moyen sera rejeté ;

En ce qui concerne la précision du grief notifié :

Considérant que la société Fraileg et la société Prim'Santerre prétendent que le grief qui leur a été notifié était rédigé dans des termes imprécis et sans indication de la qualité - société indépendante ou membre d'une organisation professionnelle - au titre de laquelle elles étaient mises en cause, ce qui ne leur a pas permis de se défendre de manière efficace ;

Mais considérant que le libellé même de la notification des griefs concernant ces deux requérantes suffit à établir qu'elles ont été précisément et suffisamment informées des pratiques reprochées, dans des conditions qui leur ont permis de préparer utilement leur défense, ce que tant la Décision déférée que les moyens développés au soutien du recours démontrent à suffisance de droit ;

Considérant, en réalité, que sous couvert d'une critique de la formulation du grief, les requérantes critiquent la pertinence des motifs de la Décision déférée, ce qui relève du fond du débat ;

Que le moyen est dépourvu de portée ;

En ce qui concerne le respect du secret du délibéré :

Considérant que les requérantes demandent à la cour d'annuler la décision entreprise au motif qu'elle aurait été adoptée en violation des dispositions de l'article 448 du Code de procédure civile, en raison, tant d'une diffusion d'un communiqué de presse relatif à la Décision avant la publication de celle-ci, le 6 mars 2012 que de l'information par avance de la presse du contenu de celle-ci ;

Mais considérant que, concernant le communiqué incriminé, il ressort des explications fournies et des justifications données par l'Autorité dans ses observations déposées devant la cour (annexe 1) que ce communiqué n'a été mis en ligne sur le site Internet de l'Autorité que le 6 mars 2012, postérieurement au délibéré du collège, à la signature de la décision par le président de séance et à son envoi par courriel aux conseils des parties à la date du 6 mars 2012, et que la date, en effet erronée, du 5 mars 2012 qui est critiquée par les parties trouve son origine dans une erreur purement matérielle de saisie informatique ;

Considérant que, concernant l'article du journal Le Monde mis en avant par les entreprises sanctionnées, il suffit de constater que l'édition papier de ce quotidien du 7 mars 2012 n'a été rendue disponible à la vente au grand public que le 6 mars 2012 à partir de 13 heures, soit postérieurement au délibéré du collège et à l'envoi par courriel de la décision aux conseils des parties ;

Considérant que ces éléments et circonstances suffisent à établir que la Décision n'a pas été adoptée en violation du secret des délibérations du collège ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le régime juridique général du secteur agricole considéré au regard du droit de la concurrence

Considérant qu'au regard des contestations soulevées par les requérantes, il convient de rappeler avec précision les conditions d'application des règles de concurrence de l'Union et du droit interne au secteur agricole pendant toute durée de la période visée par les griefs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du TFUE, la politique agricole commune (PAC) poursuit les objectifs suivants :

(a) accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre ;

(b) assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du niveau individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;

(c) stabiliser les marchés,

(d) garantir la sécurité des approvisionnements,

(e) assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

Que l'article 40 du TFUE dispose que "en vue d'atteindre les objectifs prévus à l'article 39, il est établi une organisation commune des marchés agricoles (...) [Elle] peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs fixés à l'article 39, notamment des réglementations de prix [...]. Une politique commune éventuelle des prix doit être fondée sur des critères communs et sur des méthodes de calcul uniformes";

Que l'article 42 du TFUE énonce que "les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et à la commercialisation des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévues à l'article 42, paragraphe 2, compte tenu des objectifs énoncés à l'article 39 " ;

Que, dans ce cadre, la primauté des objectifs de la politique agricole commune a été rappelée de manière constante par la jurisprudence communautaire :

" 59 A cet égard, il convient de rappeler que l'établissement d'un régime de concurrence non faussée n'est pas le seul objectif mentionné à l'article 3 du traité, lequel prévoit aussi notamment, l'instauration d'une politique agricole commune.

60 Les auteurs du traité, conscients de ce que la poursuite simultanée de ces deux objectifs pouvait se révéler difficile à certains moments et dans certaines circonstances, ont prévu à l'article 42, premier alinéa, du traité :

"Les dispositions du chapitre relatives aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévues à l'article 43, paragraphes 2 et 3, compte tenu des objectifs énoncés à l'article 39. "

61 Sont ainsi reconnus tout à la fois la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et le pouvoir du Conseil de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole. " (CJCE Allemagne/Conseil C-280-93) ;

Considérant que le règlement (CE) n° 1184-2006 du Conseil du 24 juillet 2006 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles qui a procédé à la codification du règlement n° 26-62 du Conseil du 4 avril 1962 modifié portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles énonce :

- dans son considérant (2) : "Il résulte de l'article 36 du traité que l'application à la production et au commerce des produits agricoles des règles de concurrence prévues dans le traité constitue l'un des éléments de la politique agricole commune. Les dispositions du présent règlement devront, dès lors, être complétées compte tenu du développement de cette politique".

- dans son considérant (3) : "Les règles de concurrence relatives aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 81 du traité, ainsi qu'à l'exploitation abusive des positions dominantes, doivent être appliquées à la production et au commerce des produits agricoles, dans la mesure ou leur application n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles et ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la politique agricole commune".

- dans son considérant (4) : "Il convient d'accorder une attention particulière à la situation des associations d'exploitants agricoles dans la mesure où elles ont notamment pour objet la production ou le commerce en commun de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes, à moins qu'une telle action commune n'exclue la concurrence ou ne mette en péril la réalisation des objectifs de l'article 33 du traité."

- dans son considérant (5) : "En vue tant d'éviter de compromettre le développement d'une politique agricole commune que d'assurer la sécurité juridique et le traitement non discriminatoire des entreprises intéressées, la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour de justice, doit avoir compétence exclusive pour constater que les conditions prévues aux deux considérants précédents sont remplies en ce qui concerne les accords, décisions et pratiques visés à l'article 81 du traité";

Que le règlement (CE) n° 1184-2006 du Conseil du 24 juillet 2006 dispose ensuite :

- en son article premier bis :

"Les articles 81 à 86 du traité et leurs modalités d'application s'appliquent, sous réserve des dispositions de l'article 2 du présent règlement, à l'ensemble des accords, décisions et pratiques visés à l'article 81, paragraphe 1, et à l'article 82 du traité se rapportant à la production ou au commerce des produits visés à l'article 1.

- en son article 2 :

"1. L'article 81, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 1er bis du présent règlement qui font parties intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité.

Il ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul Etat membre, dans la mesure où sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 33 du traité sont mis en péril.

2. Après avoir consulté les Etats membres et entendu les entreprises ou associations d'entreprises intéressées, ainsi que toute autre personne physique ou morale dont l'audition lui parait nécessaire, la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour de justice, a compétence exclusive pour constater, par une décision qui est publiée, pour quels accords, décisions et pratiques les conditions prévues au paragraphe 1 sont remplies.

La Commission procède à cette constatation soit d'office, soit sur demande d'une autorité compétente d'un Etat membre ou d'une entreprise ou association d'entreprises intéressée."

Considérant que le règlement n° 1184-2006 institue ainsi une exemption au titre du régime dérogatoire propre au secteur agricole dans trois cas, dans lesquels l'article 101 TFUE est en effet inapplicable :

- les accords qui font partie intégrante d'une organisation nationale des marchés ;

- les accords qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité ;

- les accords entre exploitants agricoles, associations d'exploitants agricoles ou association de ces associations ressortissant à un seul Etat membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du TFUE sont mis en péril ;

Considérant qu'ainsi que le relève l'Autorité (paragraphe 247 de la Décision), la portée pratique de la première hypothèse, relative aux organisations nationales de marché, est relativement limitée au cas d'espèce dès lors que la quasi-totalité des produits agricoles est désormais couverte par le règlement n° 1234-2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur, dit règlement "OCM unique", l'endive étant, notamment, couverte par une organisation commune des marchés ; qu'il suffit, sur ce point, de renvoyer au rappel de la réglementation opérée dans les développements de la Décision consacrés au droit de l'Union dont il ressort :

- que le secteur des fruits et légumes frais relève d'une organisation commune de marché (OCM) depuis 1972, année où est entré en vigueur le règlement (CE) n° 1035-72 ;

- que l'OCM fruits et légumes a fait l'objet d'une refonte majeure par le règlement (CE) n° 2200-96 du Conseil du 28 octobre 1996 et que cette OCM fruits et légumes a par la suite été modifiée par le règlement (CE) n° 1433-2003, puis par le règlement n° 1182-2007 du Conseil, et ses dispositions ont été codifiées par le règlement (CE) n° 361-2008 dans le règlement (CE) n° 1234-2007 dit règlement "OCM unique" qui regroupe désormais les différentes organisations communes de marché préexistantes ;

- que ce règlement reprend, en son article 175, le principe de l'applicabilité des règles de concurrence aux produits agricoles entrant dans son champ d'application, sous réserve des exceptions prévues par l'article 176, lequel est rédigé dans les mêmes termes que l'article 2 du règlement n° 1184-2006 précité ;

- qu'en application de l'article 176, paragraphe 2, du règlement OCM unique et de l'article 2 du règlement n° 1184-2006, la Commission possède la compétence exclusive pour constater, par voie de décision, quels sont les accords et pratiques "nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité (devenu article 39 TFUE) ";

Considérant qu'il résulte de ce rappel des textes applicables dans le domaine de la politique agricole commune que les règles de concurrence relatives notamment aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 101 du TFUE ainsi que les régles de concurrence prévues par l'article L. 420-1 du Code de commerce ne s'appliquent à la production et au commerce des produits agricoles, secteur dont la spécificité est expressément reconnue, que dans la mesure où leur application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la PAC et n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles dont les mécanismes de régulation sont, comme cela sera exposé dans les développements qui vont suivre, dérogatoires au droit commun de la concurrence ;

En ce qui concerne le marché pertinent et en ce qui concerne la qualification des pratiques opérée par l'Autorité :

Considérant que le grief notifié aux requérantes leur reproche d'avoir participé à une entente complexe et continue sur le marché français de l'endive consistant en une concertation sur les prix et les offres promotionnelles, en un échange régulier d'informations stratégiques servant à mettre en place une police des prix ainsi que des mesures de dénaturations obligatoires, pratiques qui ont eu pour objet d'imposer sur le marché français de l'endive un mode d'organisation se substituant au libre jeu de la concurrence, par une collusion généralisée entre les producteurs, sont prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce et par l'article 101 du Traité ; qu'il suffit de rappeler :

- qu'en vertu de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ;

- que l'article L. 420-1 du Code de commerce prévoit une interdiction similaire puisqu'il prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

Considérant que la cour relève, à titre liminaire, que quelles soient leurs contestations sur le bien-fondé du grief, les requérantes :

- ne contestent pas que le commerce entre Etats membres est susceptible d'être affecté de manière sensible par les pratiques reprochées et que, dès lors, celles-ci doivent être qualifiées au regard de l'article 101 du TFUE ;

- ne critiquent pas non plus les appréciations de l'Autorité (paragraphes 331 à 337 de la Décision) selon lesquelles le secteur pertinent aux fins de la présente affaire peut être considéré comme étant celui de la production et de la commercialisation des endives, toutes catégories confondues en ce compris la variété "Carmine", destinées à être livrées à l'état frais aux consommateurs, dans une zone correspondant au moins au territoire français ;

Considérant que, pour procéder à la qualification des pratiques et retenir que le grief notifié aux parties était fondé, il est rappelé que l'Autorité ;

- en premier lieu, a analysé (paragraphes 352 à 390 de la Décision) la nature des pratiques reprochées aux requérantes - soit l'existence des pratiques, l'objectif unique des pratiques, le mode opératoire commun aux pratiques - en concluant que l'ensemble des pratiques mises en œuvre par les organismes et entreprises en cause présentent un lien de complémentarité indéniable, en ce sens que chacune d'entre elles visait à la maîtrise du prix de vente de l'endive au stade de la production et de la commercialisation et que ces pratiques constituent ainsi conformément aux principes de la jurisprudence communautaire une infraction unique, complexe et continue ;

- en second lieu, a analysé l'objet, estimé anticoncurrentiel, des pratiques ;

Considérant que l'Autorité, avant de conclure que les organismes et entreprises en cause ont adopté différents comportements constitués pour partie d'accords et pour partie de pratiques concertées au sens de la jurisprudence communautaire, énonce notamment, sur l'existence des pratiques (1) :

"352 Il ressort des éléments exposés aux paragraphes 74 à 144 de la présente décision que les organismes et entreprises en cause se sont entendus dans le but de fixer en commun un prix minimum de vente à la production des endives, y compris celles commercialisées sous les marques Perle du Nord et Carmine, à l'égard des acheteurs situés en aval. Cette entente passait aussi par la coordination des offres promotionnelles des producteurs d'endives dans le temps afin de conforter les prix minima et d'en assurer la pérennité dans le temps. Pour compléter ce système d'entente, les organisations professionnelles ont, sous couvert des missions et compétences confiées en vertu des règles applicables au secteur agricole, également conclu des conventions de gestion de l'offre portant sur des dénaturations forcées, c'est-à-dire des destructions de production afin d'assurer le maintien du prix des endives artificiellement fixés en commun. Les OP ont également concouru à ce système d'entente un procédant à des échanges d'information confidentielles par détournement de l'outil Infocl@r.

353. Enfin, les organisations professionnelles, en particulier le Celfnord et l'APEF, ont effectué un suivi de la mise en œuvre de cet ensemble d'accords et de pratiques concernées par le biais du système d'échanges d'informations lnfocl@r. Ces différentes initiatives se sont accompagnées de pressions et de menaces de sanction à l'encontre des OP du bassin Nord-Pas-de-Calais/Picardie qui ne respectaient pas les prix minima ou refusaient d'appliquer les dénaturations obligatoires.

354. Ces différentes pratiques ont été conclues entre les OP membres du Celfnord et étendues aux producteurs indépendants en vertu du principe de l'extension des règles. Les producteurs indépendants étaient, de leur côté, informés des pratiques auxquelles se livraient les OP membres de la SRE de Celfnord puisqu'un représentant de l'APVE participait aux réunions de la SRE et était tenu informé des décisions prises."(...)

366. (...), les organisations agricoles et syndicales ont en réalité servi de lieu de rencontre ainsi que de support logistique aux pratiques, dans laquelle chacun a joué un rôle plus ou moins actif et prépondérant ainsi qu'il sera détaillé ci-après aux paragraphes 476 à 521 ci-dessous. La tenue de ces réunions dans leur cadre statutaire a servi à dissimuler, sous une apparente licéité, le véritable objet pour lequel étaient conviés, en toute connaissance de cause, les producteurs d'endives mis en cause dans la présente affaire."

Considérant sur l'objectif unique des pratiques (2), que pour décider que ces pratiques concrétisent, de manière ininterrompue à partir du 27 janvier 1998, la manifestation de la volonté commune des OP et des organismes en cause de mettre en place un plan global visant à restreindre la concurrence par les prix sur le marché français de l'endive constitutif d'une infraction unique et continue, l'Autorité affirme notamment :

- que les pratiques en cause constituent un ensemble d'accords et de pratiques concertées mises en œuvre par l'ensemble des acteurs du marché de la production et de la commercialisation d'endives en France ;

- que l'ensemble des dispositifs mis en place (fixation de prix minima, convention de gestion de l'offre, encadrement des offres promotionnelles, dénaturations obligatoires, bourse d'échanges, systèmes d'échanges d'informations sensibles...) doivent être considérés, en raison de leur objet identique, comme faisant partie d'un plan global ; que les producteurs d'endives organisés en OP ou indépendants, par le truchement des organisations et syndicats professionnels qui les représentent, à savoir le Celfnord, le Cerafel, la SNE, l'APEF, l'APVE, la FNPE et la FCE, ont poursuivi cet objectif visant, in fine, à réduire l'intensité concurrentielle sur le marché de l'endive au stade de la production et de la commercialisation ;

- que l'identité d'objet de l'ensemble des pratiques inscrites dans une stratégie globale ressort d'un fax du 23 août 2006 envoyé par le président de la SRE (paragraphe 372 de la Décision) ;

- que le dossier d'instruction fait apparaître que la profession elle-même décrit, à de nombreuses reprises, en termes de "plans de gestion du marché" ou "plan global" l'ensemble des dispositifs et outils de gestion mis en place ;

- qu'un "bureau des présidents" a eu pour mission de mettre en œuvre un plan de gestion conjoncturel du marché de l'endive et de l'adapter aux conditions du marché dans le cadre des paramètres décidés par la SN ou la SR Endive, mission dont le contenu montre "le degré de précision atteint par le plan de gestion du marché de l'endive au cours de la campagne 2006-2007, lequel ne laissait pas de place à la concurrence"

- que depuis au moins 1998, les comités économiques agricoles et les syndicats ont agi avec les producteurs d'endives pour mettre en place des outils de fixation de prix (prix minima, prix pivot, prix cliquet) ainsi que des outils de contrôle de prix au motif que le cours de l'endive était " trop bas " quel que soit le mode de détermination du prix de vente à la production (vente au cadran, bourse d'échanges, vente directe aux bureaux commerciaux, etc.) ;

- que l'entente avait ainsi pour unique objectif " la défense de la rémunération des producteurs " par la fixation de prix minima soutenus, si nécessaire, par des mécanismes de contrôle à la production tels les dénaturations obligatoires et que dans la mesure où une pleine concurrence par les prix aurait remis en cause cet objectif, les producteurs se sont entendus sur ces prix et qu'ils ont opté pour une coordination de leur politique tarifaire et commerciale tout au long de la période examinée ;

- qu'en outre, la maîtrise des prix impliquait nécessairement celle de l'ensemble des offres promotionnelles, ce qui explique que les acteurs de la filière mise en cause s'accordaient sur un planning des promotions pour éviter de faire chuter les cours de l'endive,

- que ces éléments démontrent que la pratique en cause ne constitue pas une pluralité de comportements isolés et dépourvus de liens entre eux, mais un système organisé et élaboré, ayant pour but d'organiser une cohérence des pratiques aux différents niveaux de la filière ;

- que la présente affaire ne vise donc pas des pratiques anticoncurrentielles autonomes et que l'échange d'informations, y compris dans le cadre d'lnfocl@r, la fixation de prix minima, la fixation de cours pivot ou la coordination des offres promotionnelles, les dénaturations obligatoires trouvent leur place dans un ensemble plus vaste qui constitue un mécanisme complexe et traduit une politique concertée de gestion du marché de l'endive ;

Considérant, enfin, sur ce qu'elle qualifie de mode opératoire commun aux pratiques (3), la Décision affirme, notamment :

- que l'entente aurait reposé sur un ensemble de contacts réguliers entre les producteurs d'endives et les organismes professionnels auxquels ils sont tenus d'adhérer comme en témoignent les comptes-rendus des réunions du conseil d'administration du Celfnord, les fax et comptes-rendus résultant de nombreuses réunions de la SNE et enfin tout particulièrement les réunions nombreuses et régulières de la SRE ;

- que les participants aux réunions nationales et régionales étaient identiques, s'agissant tant des organisations syndicales dont les membres participaient au niveau national à la concertation et dont au moins un représentant était toujours présent au sein de la concertation au niveau régional que des OP des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, les producteurs indépendants au travers de l'APVE et les producteurs bretons via le Cerafel, tous invités à participer aux réunions nationales et régionales et en tout état de cause tenus informés des décisions prises lorsqu'ils n'étaient pas présents ;

- qu'au cours des réunions téléphoniques et/ou physiques, les discussions ont porté sur les éléments nécessaires à la détermination du prix de l'endive au stade de la production : prix hebdomadaire grâce aux différents mécanismes mis en place décrits plus haut, maintien des écarts de prix entre les endives vendues sous les marques Perle du Nord et Carmine par rapport aux autres catégories d'endives, offres promotionnelles aux acheteurs intermédiaires. Les décisions ont donc porté sur un ensemble cohérent de paramètres du prix de l'endive ;

- qu'en outre, la pérennité de l'entente aurait reposé, et reposerait encore au jour de la séance du collège, sur l'existence d'un système sophistiqué d'échanges d'informations indispensable pour coordonner au jour le jour les politiques tarifaires des OP mises en cause et que si l'outil Infocl@r est, en principe, un système d'échanges d'informations instantané et gratuit, normalement utilisé pour obtenir des données agrégées, l'instruction a permis d'établir que cet outil a, en réalité, servi à surveiller le respect des pratiques collusives entre les producteurs d'endives ;

- qu'en l'espèce, le système Infocl@r permettait aux producteurs de déterminer, lorsqu'ils constataient une baisse de leurs ventes, si cette baisse était due à une crise momentanée qui affectait l'ensemble de la demande ou s'ils pouvaient suspecter une déviation unilatérale de la part de l'un ou de plusieurs d'entre eux, et qu'en pratique, la transmission des données individualisées et non anonymes, comme celles échangées dans le cadre d'lnfocl@r, permet d'identifier les producteurs déviants, de cibler sur eux les punitions et d'accroître la crédibilité des représailles dans l'optique de garantir le respect des prix minima ;

- que le dossier attesterait que des menaces et des sanctions ont été discutées, actées et communiquées à l'ensemble des producteurs, les sanctions ayant principalement été prises à l'initiative de la SRE du Celfnord, puis d'un bureau des présidents (cote 649) constitué, entre autres, pour fixer des sanctions permettant de garantir que tous les producteurs adhèrent à l'équilibre artificiel et collusif ;

Considérant que la Décision conclut, sur la base de ces éléments, que l'ensemble des pratiques mises en œuvre par les organismes et entreprises en cause présentent un lien de complémentarité indéniable, en ce sens que chacune d'entre elles visait à la maîtrise du prix de vente de l'endive au stade de la production et de !a commercialisation ;

Considérant que concernant la qualification de l'objet des pratiques au regard de chacune de leurs composantes, soit la fixation collective des prix minima, les concertations portant sur les quantités d'endives mises sur le marché et les échanges d'information relatives aux prix à laquelle l'Autorité a procédé en deuxième lieu, l'Autorité a conclu que les décisions prises par la SNE, la SRE du Celfnord, le Cerafel ne figurent pas parmi les pratiques autorisées par les règles générales de l'OCM et le Code rural et que ces organismes sont sortis des limites de leur mission lorsqu'ils ont prêté leur concours à la conclusion et à la mise en œuvre de l'ensemble des pratiques précitées qui contreviennent ainsi aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant, en premier lieu, sur les pratiques de fixation collective de prix minimum relevées par l'Autorité dans le cadre de l'analyse de l'objet des pratiques, que l'Autorité a décidé que la fixation collective de prix minima n'entre pas dans le champ des activités spécifiquement autorisées par l'OCM unique et des dispositions du droit interne au niveau de la régularisation des prix en affirmant : "En définitive, depuis 1962, les pratiques des producteurs considérées comme licites au regard du droit de la concurrence se limitent, au sein de leurs organes représentatifs, à l'élaboration de normes communes de commercialisation, de normes de qualité, à la mise en place d'organisations de producteurs autorisés à réguler l'offre et la mise sur le marché des produits ou à orienter la production vers certains débouchés." (Paragraphe 417 de la Décision);

Considérant, en deuxième lieu, sur les concertations portant sur les quantités d'endives mises sur le marché, que la Décision retient les producteurs d'endives et les organismes collectifs auxquels ils appartiennent ont, entre 1998 et 2007, détruit des endives en salles de forçage, avant leur conditionnement, avant même leur mise en vente dans le but de limiter les volumes d'endives sur le marché pour soutenir les mécanismes de fixation collective du prix de ces produits et que ces pratiques, qui s'inscrivent dans la même entente complexe et continue décrite aux paragraphes 352 à 391 ci-dessus, contreviennent aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ;

Que la Décision affirme qu'il a pu être établi que ces dénaturations obligatoires ont été pratiquées pendant plus de trois campagnes de commercialisation, notamment au cours des campagnes 2002-2003, en 2005-2006 et 2006-2007 et que ces dénaturations ne visaient pas les quantités d'endives invendues à un éventuel prix de retrait conformément aux arrêtés ministériels successifs portant extension des règles édictées par le Celfnord et que les producteurs d'endives ont depuis au moins 1998 et pendant plus de trois campagnes de commercialisation, jusqu'en 2007, détruit des endives en salles de forçage, avant leur conditionnement, avant même leur mise en vente dans le but de limiter le volume d'endives sur le marché pour éviter une chute des cours et soutenir le prix minimum à la production de l'endive, alors que la destruction d'endives en salles de forçage, avant leur conditionnement, ne correspond pas à la définition communautaire du retrait du marché ;

Considérant, en troisième lieu, sur les échanges d'informations relatifs aux prix, que la Décision estime que les échanges d'informations entre les mis en cause, notamment au travers du système lnfocl@r, qui s'inscrivent dans la même entente complexe et continue décrite aux paragraphes 352 à 391 ci-dessus, constituent une restriction de la concurrence de par leur objet même et sont contraires aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant que pour caractériser les échanges d'information relatifs aux prix, l'Autorité a conclu que les décisions prises par la SNE, la SRE du Celfnord, le Cerafel ne figurent pas parmi les pratiques autorisées par les règles générales de l'OCM et le Code rural et que ces organismes sont sortis des limites de leur mission lorsqu'ils ont prêté leur concours à la conclusion et à la mise en œuvre de l'ensemble des pratiques précitées qui contreviennent ainsi aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce; que la Décision mentionne :

- que le dossier d'instruction montrerait, par ailleurs, que les informations échangées entre les OP et les organismes professionnels portaient bien sur des prix échangés en temps réel et que l'outil lnfocl@r a servi à mettre en place une police des prix ;

- que la possession de données stratégiques des producteurs a permis au Celfnord de mettre en place un système de surveillance des écarts et anomalies éventuels entre les prix minima fixés collectivement et ceux ensuite déclarés par chaque producteur sur lnfocl@r, et ce en violation de l'obligation faite de ne pas communiquer des données qui ne seraient pas anonymes et agrégées ;

- que le dossier confirmerait que le système Infocl@r ne garantissait pas, contrairement aux dispositions de l'article 4, paragraphe 3, de la charte Infocl@r et aux dires des parties, l'anonymat des opérateurs : d'une part les opérateurs d'lnfocl@r sont censés ne pouvoir consulter que leurs propres données et des statistiques agrégées non nominatives, et, d'autre part, le Celfnord n'était censé accéder qu'aux données agrégées non nominatives et qu'ainsi, en réalité, la confidentialité et l'anonymat des données relatives aux prix n'ont pas été assurés ;

- qu'lnfocl@r aurait, en réalité, été utilisé pour effectuer des contrôles des prix minima fixés collectivement et permettre la vérification de leur respect par les producteurs. Par ailleurs, ainsi qu'il ressort des constatations décrites notamment aux paragraphes 89, 110 et 119, les références lnfocl@r ont elles mêmes servi à déterminer les prix minima.

Ainsi, le Celfnord a adressé à l'OP Cap'Endives un courrier en date du 8 février 2002, soit très peu de temps après la mise en place d'Infocl@r, dans lequel il est écrit : "Nous profitons également de la présente pour vous adresser le bilan du contrôle effectué en semaine 5 sur les prix pratiqués au regard des décisions de la section nationale ou l'ensemble des OP s'étaient engagées à ne pas vendre d'endives de catégorie 1 Perle du Nord en dessous de 1,50 € " ;

- que ce système aurait permis aux producteurs de déterminer, lorsqu'ils constataient une baisse de leurs ventes, si cette baisse était due à une crise momentanée qui a affecté l'ensemble de la demande, ou à détecter une éventuelle déviation unilatérale. En pratique, des données individualisées, comme celles échangées dans le cadre d'Infocl@r ont donc permis d'identifier les producteurs déviants, dans l'éventualité de cibler sur eux les punitions et d'accroître ainsi la crédibilité des représailles quand bien même de telles actions ne se sont pas concrétisées.

- que les échanges d'informations via le système lnfocl@r mis en cause dans le cas d'espèce auraient joué et joueraient donc un rôle de premier plan dans le fonctionnement de l'entente en fournissant aux OP, au Celfnord et désormais à l'APEF, la capacité de détecter les éventuelles déviations des autres opérateurs par rapport à la ligne d'action commune concernant les prix minimum ;

Considérant, enfin, que tant sur la durée des pratiques que sur la participation individuelle des mises en cause à l'entente, la cour renvoie purement et simplement aux développements de la Décision (paragraphes 453 à 549) au terme desquels l'Autorité a conclu, en dernier lieu, qu'au regard des éléments du dossier :

- d'une part, qu'il est établi que l'entente a pris place sur une période remontant au moins au 27 janvier 1998 et que certaines pratiques constitutives de l'entente complexe et continue n'ont toujours pas cessé au jour de la décision, soit une durée des pratiques en cause démontrée à suffisance de droit pour une période de 14 ans et 1 mois;

- d'autre part, qu'il y a lieu de considérer qu'ont été réunis à l'encontre des OP Cap'Endives, Fraileg, France Endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Prim'Santerre, Nord Alliance, Sipema, Soleil du nord et Valois-Fruits, des indices graves, précis et concordants permettant de caractériser leur participation individuelle aux pratiques contraires aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce;

Sur le bien-fondé du grief

Considérant que les requérantes soutiennent qu'elles n'ont pas enfreint les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, soulignant que l'Autorité n'a pas pris en compte le régime juridique particulier du secteur agricole dans lequel elles interviennent, alors que les pratiques qui leur sont imputées relèvent seulement de l'exercice des missions et des compétences qui leur sont attribuées en leur qualité d'organisations professionnelles ;

Qu'elles font plus spécialement valoir, à cet égard, que les différents comportements incriminés visant à défendre un prix minimum à la production, soit, en réalité, un prix de retrait licite en l'état des textes applicables pendant la période considérée destiné à assurer une gestion optimale de l'offre, sont licites au regard de leur mission de régularisation des prix ;

Que les mises en cause soutiennent encore que les dénaturations obligatoires relevaient purement et simplement des missions de prévention et de gestion des crises confiées au Celfnord qui les imposait en application de la législation de l'Union ainsi que du droit interne ;

Que les requérantes affirment, enfin, que l'Autorité n'a pas procédé à une correcte appréciation du fonctionnement d'Infocl@r, système licite d'échange d'informations qui n'a pas été utilisé à des fins anticoncurrentielles et, au surplus, dont les modalités de fonctionnement sont exclusives de toute forme de police des prix auprès de opérateurs ;

Considérant que si l'appréciation du bien-fondé du grief notifié aux parties, qui vise une entente complexe et continue, commande, en principe, la démarche de l'Autorité qui, dans un premier temps, consiste à examiner la nature des pratiques considérées puis, dans un second temps, à analyser l'objet de celles-ci, force est cependant de constater, qu'au cas d'espèce, de 1995 à 2010, pendant toute la période visée par le grief, tant les règlements OCM que des dispositions de droit interne ont, pour les besoins de la réalisation des objectifs fixés par la politique agricole commune, attribué aux organismes collectifs mis en cause des missions particulières s'inscrivant dans un cadre dérogatoire au droit de la concurrence et que, pour les besoins de l'accomplissement de ces missions, les organisations professionnelles du secteur considéré ont mis en place un système d'échange d'informations dans un cadre réglementaire fixé par les pouvoirs publics ;

Considérant, dès lors, qu'il convient de vérifier, au préalable, si l'Autorité a démontré que les organismes mis en cause étaient sortis des limites de leurs missions légales et que, partant, ainsi qu'elle l'affirme, chacune des composantes des pratiques reprochées aux parties revêtaient, en soi, un objet anticoncurrentiel ;

En ce qui concerne les missions légales des organisations mises en cause et en ce qui concerne la mise en place du système Infocl@r :

Considérant qu'il est rappelé que la loi n° 62-933 du 8 août 1962 disposait :

- en son article 14, que les groupements de producteurs pouvaient édicter des règles destinées à organiser et discipliner la production et la mise en marché et à régulariser les cours, notamment par la fixation éventuelle d'un prix de retrait ;

- en son article 15, que, dans le but d'organiser et de discipliner la production et la mise en marché, les groupements de producteurs reconnus pouvaient se regrouper pour constituer, dans une région donnée, un comité économique agricole, tel le Cerafel, comité économique agricole de la Région Bretagne, et le Celfnord, comité économique agricole de la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie, avec une section endive ;

Qu'il est constant que ces comités devaient faire l'objet d'un agrément, assorti de diverses obligations, des services du ministre de l'Agriculture et que l'Etat était représenté au sein de ces comités par un délégué ministériel ;

Que, conformément à l'article 28 du décret n° 62-1376 du 22 novembre 1962 les comités économiques agréés se sont regroupés au sein d'une fédération, l'AFCOFEL qui assurait la coordination des activités de gestion des marchés des divers comités qui, en application de l'article 16 de ce décret, pouvaient obtenir l'extension des règles dès lors qu'ils étaient considérés comme représentatifs, la possibilité de fixer un prix de retrait figurant parmi les règles étendues ;

Que c'est dans ces circonstances qu'un système légal d'indemnisation des retraits a été mis en place dès 1962 pour certains fruits et légumes avec un financement par le FORMA (Fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles) puis par le FEOGA (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole);

Considérant que c'est dans ce contexte qu'a été mise en place la réglementation de l'Organisation Commune de Marchés (OCM), qui concerne toute la période visée par la notification de griefs, soit de 1995 à 2010 ;

Considérant tout d'abord, que le règlement (CE) n° 1035-72 du 18 mai 1972 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes dont le considérant 12 énonçait " qu'en vue de stabiliser les cours, il est souhaitable que ces organisations puissent intervenir sur le marché, en particulier en appliquant un prix de retrait en dessous duquel les produits de leurs adhérents sont retirés de la vente ", comportait plusieurs "volets d'action" constitués par la définition de normes communes, par la constitution d'organisations de producteurs (OP) et d'associations de producteurs (AOP) ainsi que par un mécanisme des retraits-régime des interventions avec la fixation de prix de référence et de prix de retrait ;

Que le règlement (CE) n° 1035-72 du 18 mai 1972 disposait :

- dans son article 13 que les OP avaient notamment pour mission de " promouvoir la concentration de l'offre et la régularisation des prix au stade de la production pour un ou plusieurs des produits visés à l'article 1er (dont l'endive)" ;

- dans son article 15, que " les organisations de producteurs ou les associations de ces organisations peuvent fixer un prix de retrait en dessous duquel les organisations de producteurs ne mettent pas en vente les produits apportés par leurs adhérents ", étant précisé que l'endive ne figurant pas dans la liste des produits énumérés à l'annexe II, les OP pouvaient fixer un prix de retrait sans bénéficier du régime de subventions communautaires associé à ce prix de retrait ;

- dans son article 16, que les OP étaient autorisées à régulariser les prix à la production dans la mesure où le règlement instaure un " régime des prix et des interventions " qui autorisait le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, pour des produits figurant à l'annexe II, à fixer annuellement avant le début de la campagne de commercialisation un prix de base et un prix d'achat ;

Considérant qu'en vertu du régime institué par ce règlement, les AOP reconnues pour la mise en œuvre des retraits - soit les comités économiques précités - jouissaient ainsi de la prérogative légale de fixer un prix de retrait pour toutes les organisations membres en ce qui concerne les légumes, dont les endives ;

Considérant, ensuite, que le règlement (CE) n° 2200-96 du Conseil du 28 octobre 1996, qui a abrogé le règlement (CE) n° 1035-72 du 18 mai 1972, a fixé à la nouvelle OCM plusieurs objectifs visant notamment :

- à garantir la stabilité des prix ;

- à renforcer la position des producteurs dans un marché caractérisé par une demande de plus en plus concentrée et structurée ;

- à obtenir une meilleure adaptation de l'offre à la demande en termes de volumes d'approvisionnement mais également de qualité ;

- à modifier le système de retraits ;

Que ce règlement énonce ainsi :

- dans son considérant 7 :

" Les organisations de producteurs représentent les éléments de base de l'organisation commune des marchés dont elles assument à leur niveau, le fonctionnement décentralisé : que face à une demande sans cesse plus concentrée, le regroupement de l'offre au sein de ces organisations apparait plus que jamais comme une nécessité économique pour renforcer la production des producteurs sur le marché."

- dans son considérant 16 :

" en vue de stabiliser les cours, il est souhaitable que les organisations de producteurs puissent intervenir sur le marché, en particulier en décidant de ne pas mettre en vente certaine quantité de produits, à certaines périodes; que ces opérations de retrait ne peut être envisagées comme un débouché de substitution au marché ; que, dès lors, leur financement communautaire ne doit, d'une part, être assuré que pour un pourcentage déterminé de la production et doit, d'autre part, limiter une indemnité communautaire réduite (...)'' ;

Que ce règlement, qui a mis un terme au régime de prix et interventions, n'a toutefois pas mis fin à la mission de régularisation des prix à la production confiée aux OP ; que ce texte dispose, en effet :

- en son article 11, sous b), que les OP ont pour mission "d'assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande notamment en qualité et en quantité ; de promouvoir la concentration de l'offre et la mise en marché de la production des membres ; de réduire les coûts de production et de régulariser les prix à la production ";

- en son article 15, paragraphe 3, que " L'utilisation du fonds opérationnel pour le financement des opérations de retrait de marché n'est possible que si un programme opérationnel a été approuvé par les autorités nationales compétentes. Elle peut prendre l'une ou plusieurs des formes suivantes :

a) paiement d'une compensation de retrait pour les produits ne figurant pas à l'annexe II qui répondent aux normes en vigueur si de telles normes ont été arrêtées en application de l'article 2" (lequel se réfère à la liste des produits de l'annexe I soumis à une normalisation, dont l'endive fait partie);

- en son article 18 que les retraits ne peuvent être rendus obligatoires que pour "une période maximale de trois campagnes de commercialisation" ;

- en son article 23, que les OP ou leurs associations "peuvent ne pas mettre en vente les produits apportés par les associés, à concurrence des volumes et pendant les périodes qu'elles jugent opportuns " ;

Considérant que l'aménagement du plafonnement des retraits et leur financement par des programmes opérationnels, n'a pas pour autant mis un terme à la possibilité pour les OP de mettre en place un prix de retrait ;

Que l'annexe III du règlement énumérait une liste limitative des règles appliquées par les OP qui pouvaient être étendues aux producteurs non membres en vertu de l'article 18 paragraphe 1, notamment des règles de connaissance de la production (déclarations d'intention de mise en culture), des règles de production (respect du choix des semences) ainsi que des règles de commercialisation (respect des dates prévues pour le début de la récolte, respect des critères minimaux de qualité et de calibre);

Que cette annexe définissait également le type de règles qui pouvaient faire l'objet d'une extension jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement " OCM unique " modifié, notamment les règles relatives aux retraits lesquelles définissaient les périodes de retraits, les prix de retraits, ainsi que leurs destinations ;

Que l'exécution de ce règlement a été assurée au moyen d'une circulaire du ministre de l'Agriculture n° DPE/SPM/ C 98-4026 dont l'article 4 énonce : " le fonds opérationnel a pour objet de financer uniquement : dans le cas des organisations de producteurs reconnues ou de leurs associations, le programme opérationnel et éventuellement le retrait des produits de la liste de l'annexe 1 de la circulaire (...) " ;

Que le règlement (CE) n° 659-97 de la Commission du 16 avril 1997 portant modalités d'application du règlement n° 2200-96 précité du Conseil en ce qui concerne le régime des interventions dans le secteur des fruits et légumes puis le règlement n° 103-2004 de la Commission du 21 janvier 2004 qui lui a succédé précisaient que chaque opération de retrait devait être notifiée aux autorités de contrôle pour leur permettre de planifier cette opération ;

Considérant, enfin, que le règlement 1182-2007 du 26 septembre 2007 fixait à l'OCM fruits et légumes plusieurs objectifs dont, notamment, celui de renforcer la position des producteurs sur le marché en regroupant l'offre et que ce règlement continue de permettre des mécanismes d'intervention qui ont été légèrement modifiés; qu'ainsi ce règlement énonce :

- dans son considérant 10 : " les organisations de producteurs sont les principaux acteurs du régime des fruits et légumes dont elles assurent, à leur niveau, le fonctionnement décentralisé. Face à une demande sans cesse plus concentrée, le regroupement de l'offre au sein de ces organisations reste une nécessité économique afin de renforcer la position des producteurs sur le marché " ;

- dans son considérant 21, que "la production de fruits et légumes est imprévisible et les produits sont périssables. La présence d'excédents, même s'ils ne sont pas significatifs, peut significativement perturber le marché. Plusieurs régimes de retrait du marché ont été mis en œuvre, moins ils se sont révélés difficiles à gérer. Il convient donc d'introduire des mesures supplémentaires de gestion des crises, dont l'application sera aussi aisée que possible " ;

Que, l'article 3 de ce règlement, dont les dispositions ont, par la suite, été intégrées dans le règlement (CE) du Conseil n° 1234-2007 du 22 octobre 2007 dit règlement "OCM unique" ou "OCM unique" (article 122) précise que les OP ont toujours les mêmes missions ;

Que les OP "ont un but précis qui peut notamment englober ou, dans le cas du secteur des fruits et légumes, qui englobe un des objectifs suivants :

i) assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité :

ii) concentrer l'offre et mettre sur le marché la production de ses membres :

iii) optimiser les coûts de production et régulariser les prix à la production " (soulignements ajoutés);

Que l'article 5 du règlement 1182-2007 prévoit par ailleurs la possibilité de mettre en place des AOP, aptes à "exercer toute activité d'une organisation de producteurs " et que l'article 34.2 du règlement d'application 1580-2007 dispose qu'"une association d'organisations de producteurs peut être reconnue (...) et exercer les activités d'une organisation de producteurs, même lorsque les produits concernés continuent à être commercialisés par ses membres " ;

Qu'enfin, l'article 103 du règlement prévoit la possibilité pour les organisations de producteurs de mettre en place des retraits - destruction après récoltes - mais également de procéder à des récoltes en vert destruction avant toute commercialisation - la mise en œuvre de ces mécanismes doit cependant s'inscrire dans le cadre d'une politique de prévention et de gestion des crises afin d'éviter et de régler celles-ci, étant précisé que tous les retraits doivent désormais être financés dans le cadre des mesures de gestion de crises contenues dans les programmes opérationnels ;

Que le règlement d'exécution n° 543-2011 du 7 juin 2011 dont les articles 75 et 85 définissent successivement les "produits retirés du marché", les produits "retirés" et les "produits non mis en vente" ainsi que la "non-récolte" n'a pas remis en question la pratique des prix de retrait ainsi que la possibilité de prendre des mesures de dénaturation ;

Considérant que, s'agissant du droit interne, diverses dispositions du Code rural ont repris les principes affirmés par les règlements OCM ; qu'il suffit de rappeler :

- que l'article L. 551-1 du Code rural et de la pêche maritime, abrogé par l'ordonnance n° 2010-459 du 6 mai 2010 modifiant le Code rural et de la pêche maritime, fixait aux organisations de producteurs pour objectif le soin d'éditer des règles destinées notamment à "maîtriser durablement la valorisation de leur production, de renforcer l'organisation commerciale des producteurs, d'organiser et de pérenniser la production sur un territoire déterminé", et, à cette fin, d'adopter des règles destinées à "adapter la production à la demande des marchés, en quantité et en qualité, en respectant des cahiers des charges et en établissant des relations contractuelles avec leurs partenaires de la filière ; instaurer une transparence des transactions et régulariser les cours notamment par la fixation éventuelle d'un prix de retrait. (...) " (soulignement ajouté);

- que l'article L. 552-1 du Code rural et de la pêche maritime, également abrogé par l'ordonnance n° 2010-459 précitée, prévoyait qu'afin " d'harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et d'appliquer des règles communes de mise en marché, les organismes reconnus énumérés à l'article précédent (les organisations de producteurs) (...) peuvent se regrouper pour constituer, dans une région déterminée et pour un même secteur de produits tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 551-1 ... ) un comité économique agricole. Les comités économiques agricoles édictent des règles communes à leurs membres" (soulignement ajouté) ;

Considérant qu'il est ainsi constant que les règlements OCM et les dispositions précitées du Code rural qui ont été applicables au secteur considéré des fruits et légumes pendant la quasi-totalité de la période visée par la notification des griefs ont, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) et pour les besoins de la réalisation des objectifs de cette politique, tendant notamment à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole et à stabiliser les marchés, confié aux OP et aux AOP des missions s'inscrivant dans le cadre de règles dérogatoires au droit de la concurrence, notamment en ce qui concerne la régularisation des prix dans une optique de gestion de l'offre;

Considérant que l'OCM unique a également institué un régime dérogatoire au droit de la concurrence en permettant aux producteurs de se regrouper au sein d'AOP de gouvernance au sein desquelles ils disposent du droit de se concerter;

Qu'en effet, les dispositions précitées de l'article 5 du règlement 1182-2007 ont permis à des organisations de producteurs (OP) de se regrouper au sein de structures (AOP dites de gouvernance) qui n'ont pas la charge de la commercialisation de fruits et légumes, pour exercer les activités des OP - notamment la régularisation des prix à la production ;

Qu'il suffit de rappeler, à ce stade, qu'à la suite de ce règlement, et alors qu'existaient des sections nationales produits hébergées dans les comités économiques, le décret du 18 octobre 2008 a précisé les conditions de reconnaissance des associations d'organisations de producteurs et notamment celles qui permettent de devenir association nationale ou de gouvernance ;

Que, selon les indications des services du ministère de l'Agriculture, ces AOP ont pour principales fonctions d'organiser un échange d'informations entre ses membres, notamment sur les volumes et sur les prix passés et de diffuser des préconisations en matière de calendrier de production, de variétés, de volumes, de prix objectif ;

Considérant qu'ainsi que le Conseil de la concurrence l'a lui-même relevé dans un avis n° 08-A-07 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes (paragraphe 35) une concertation entre entités qui restent des concurrents sur le marché final est ainsi licite, le Conseil a explicitement mentionné que "ces informations peuvent en effet faciliter une meilleure adaptation de l'offre des OP ou AOP de commercialisation, en termes de volumes et de prix, à la demande";

Considérant, à ce stade, qu'il doit être rappelé, que, dans cet avis répondant à une demande de consultation du ministre de l'Agriculture qui avait exprimé le souhait de promouvoir un nouveau schéma d'organisation destiné, dans un contexte marqué par les spécificités économiques du secteur des fruits et légumes - donc celui des endives - confronté à de nombreuses crises, à renforcer la position des producteurs en assurant la promotion d'un nouveau schéma d'organisation reposant sur la concentration de l'offre par les AOP "de commercialisation" et sur une certaine concertation entre acteurs réalisée par des AOP "de gouvernance" ;

Qu'à l'occasion de cette demande d'avis, le Conseil avait lui-même également souligné au préalable les objectifs de lutte contre la volatilité des prix due au caractère aléatoire de l'offre et à sa rigidité poursuivis par l'OCM, en rappelant les données objectives suivantes qui sont spécialement mises en exergue par les requérantes en ce qui concerne les endives :

" 1. Une offre aléatoire et non stockable

30. Les fruits et légumes ont pour la plupart un caractère éminemment périssable (...). Ce fait a deux conséquences, exposées dans le rapport du CAE mentionné précédemment : " d'une part, à court terme l'offre est plus inélastique que dans d'autres secteurs puisqu'elle ne peut être lissée par la gestion des stocks. D'autre part, le " problème du hold-up ", c'est-à-dire le risque d'expropriation des investissements spécifiques, se pose en des termes particulièrement aigus. Le producteur n'a en effet que très peu de temps pour trouver un acheteur alternatif lorsque la grande surface refuse la livraison. " Le premier aspect entraîne une forte volatilité des prix, qui pèse sur les agriculteurs, notamment en créant d'importants problèmes de trésorerie.

31. L'offre, comme la demande, fluctuent en fonction des conditions climatiques. La première, de manière évidente, est sujette au gel, aux précipitations, aux vents. La seconde également, bien que dans une moindre mesure, car les consommations de fruits et légumes dépendent des conditions météorologiques : à titre d'exemple, la demande d'endives augmente avec le froid, car les consommateurs privilégient alors la consommation du produit cuit qui nécessite plus d'endives que si on les mange crues.

32. Les aléas de la production de fruits et légumes sont donc principalement dus au fait que l'offre est dans une large mesure, incertaine car soumise aux aléas extérieurs (climatiques, sanitaires ...) et parvenant à maturité durant un intervalle de temps bref. En outre, pour la plupart des produits, elle est très peu stockable, et d'une durée moyenne de production (depuis le choix de la production jusqu'à sa vente) relativement élevée, ce qui empêche les producteurs de pouvoir mettre en place une gestion par les stocks permettant de lisser les prix ;

Considérant qu'au-delà de l'institution par l'OCM unique de règles dérogatoires au droit de la concurrence, il est également constant qu'un service particulier d'échange d'informations dépendant du ministère de l'Agriculture, le service des nouvelles des marchés (SNM), avait d'ores et déjà été chargé d'assurer la transparence des marchés des produits agricoles et alimentaires par la connaissance des prix et l'analyse de la conjoncture afin, au moyen d'échanges d'informations sur les volumes et sur les prix, de permettre aux OP et aux AOP dont elles sont membres, de défendre les prix à la production dans leurs négociations quotidiennes avec la grande distribution ;

Que ce système, mis en place dans le secteur endivier sous le nom le "flash SNM de 11 H", reposait sur l'établissement et la diffusion, quotidiennement, à tous les stades de commercialisation, de la production à la distribution, de cotations, payantes et établies sur la base de déclarations volontaires ;

Que la SNE a néanmoins estimé que ce " flash " ne reflétait pas l'état du marché mais constituait uniquement une "synthèse des intentions de ventes ou d'achats des Opérateurs amont ou aval exprimées entre 8h30 et 10h00 ; sa publication se doit d'être reportée vers 16h30 au plus tôt, c'est-à-dire quand la majorité des transactions est réalisée ou confirmée " ;

Que c'est dans un tel contexte qu'afin de disposer d'informations plus précises et plus tôt dans la journée, les opérateurs du secteur ont, par décision du conseil d'administration du Celfnord du 11 mars 1999 puis du 8 juin 1999, mis en place un système de déclaration des ventes obligatoire, quotidien et gratuit, baptisé "lnfocl@r", qui est destiné à leur permettre d'obtenir automatiquement et en temps réel des données concernant l'ensemble des ventes d'endives réalisées par les OP;

Considérant que d'une manière générale, il ne peut être utilement contesté que ce système d'échange d'informations est, en soi, nécessaire à la réalisation des missions de programmation et d'adaptation de la production à la demande et de régularisation des prix qui étaient confiées au Celfnord puis à l'APEF en vertu des dispositions précitées de l'OCM unique et du Code rural et notamment de l'article L. 551-1 du Code rural qui leur permettaient "d'édicter des règles destinées à instaurer la transparence des transactions et régulariser les cours" ;

Que le système Infocl@r a d'ailleurs été expressément autorisé par l'article 4 du décret n° 2000-1053 du 24 octobre 2000 relatif à l'organisation économique dans le secteur des fruits et légumes qui dispose : " (...) le comité économique agricole peut rendre obligatoire pour toutes les organisations adhérentes et les producteurs conventionnés, la transmission de données relatives aux volumes commercialisés et aux volumes commercialisés et aux prix pratiqués, lors d'une période écoulée (...)" (soulignement ajouté);

Considérant que, s'agissant du fonctionnement de ce système, après avoir été saisie sur l'outil informatique de l'OP concernée, chaque vente est introduite dans un ordinateur dédié à Infocl@r dénommé " PC de communication " qui transmet lui-même les données à la base de données Infocl@r qui récupère le contenu des informations soumises par les OP à intervalles réguliers et, qu'au même moment, la synthèse des enregistrements des données soumises par les OP pour les transactions antérieures est saisie dans cet ordinateur ;

Que, par surcroît, il est constant que les données lnfocl@r étaient régulièrement transmises au SNM du ministère de l'Agriculture, à sa demande, afin de lui permettre de vérifier la fiabilité de ses propres informations ;

Qu'il est constant, au surplus, que lors de l'assemblée générale du Celfnord du 27 juin 2001 a été adoptée une charte d'utilisation Infocl@r présentée comme devant permettre "'d'améliorer la connaissance de l'offre et d'éviter la formation de prix irrationnels fondés sur des rumeurs spéculatives, sa régulation et son adaptation à la demande";

Que cette charte comportait une série de stipulations destinées à garantir que les conditions dans lesquelles était organisée la transmission des informations ne portent pas atteinte à l'anonymat, à la confidentialité et à l'inviolabilité du dispositif ;

Qu'enfin, en juillet 2004, le Celfnord a mis en place un conseil commercial de l'endive (CCE) dont la mission était, notamment, d'organiser l'information du marché par la mise en place d'un "commercial " qui devait, selon le président de la SNE, "aller un peu plus loin que la seule comparaison des prix payés aux producteurs ", la Décision relevant que le dossier témoigne plus largement d'une volonté d'améliorer cet outil afin d'augmenter la transmission d'informations avec la mise en place de réunions quotidiennes et hebdomadaires destinées à permettre d'évaluer " la situation du marché ", entre autres sujets comprenant les items suivants : " établir des prévisions à un mois, décisions suivies des actions de campagne, autres points selon l'ODJ [ordre du jour], bilan continu des contrôles (...)" ;

En ce qui concerne l'objet des pratiques

Considérant, tout d'abord, sur les pratiques de fixation collective de prix minimum, que le Celfnord et les OP précisent que les pratiques incriminées par la notification de griefs qui s'inscrivaient dans le cadre des missions légalement consacrées de stabilisation des cours et de régularisation des prix, consistaient seulement en la diffusion d'un seuil indicatif de prix à la production ou de référence, dépourvue de caractère obligatoire et en tout cas non assortie de sanctions, non de 1995 à 2010, mais pendant des périodes limitées de crise ou de tension, fin 2005-2007 et particulièrement en 2006, en cas d'enrayement des prix à la baisse et de menace d'effondrement des cours menaçant le revenu des producteurs afin de défendre un prix minimum de marché face à la grande distribution ;

Que les requérantes affirment qu'il en va de même en ce qui concerne la "bourse aux échanges" ou les "prix cliquet", qui s'intègrent dans le même mécanisme et qui n'ont été mis en œuvre que pendant quelques mois;

Que d'autres requérantes affirment qu'elles se sont bornées, en application de la réglementation en vigueur, à mettre en place sous la dénomination de "prix de retrait", de "cours pivot" ou de "prix de "dégagement" un même mécanisme, licite, de prix de retrait;

Qu'en tout état de cause, les OP affirment qu'il ne peut leur être reproché d'avoir procédé à une fixation collective des prix pendant près de 14 ans, spécialement dans la mesure où elles ont toujours pratiqué des prix différents et qu'à tout le moins, à supposer que certaines pratiques aient été critiquables, la Décision aurait alors dû distinguer clairement ces pratiques de celles dont la licéité n'était pas contestable ;

Considérant qu'ainsi que le soutient le Celfnord, les documents et pièces mis en exergue par la Décision ne permettent pas de confirmer le reproche fait aux requérantes d'une diffusion régulière et ininterrompue d'une consigne de prix minimum concernant les endives entre 2001 et 2007 ou qu'à tout le moins la signification de ces éléments doit être relativisée dès lors, en effet :

- non seulement que la grande majorité des éléments de preuve cités se rapportent en réalité à la période d'août-septembre 2006 ou, parfois, d'avril ou juin 2006 mais qu'ils font seulement état de discussions et de projets ;

- que les seuls documents correspondant à des périodes autres que l'été 2006 sont constitués par un plan d'actions conjoncturelles d'octobre 2001 qui ne comporte que des propositions d'actions et que les documents de 2002 et 2003 n'ont pas stricto sensu trait au prix minimum ;

Considérant, au surplus, que les seuls documents énumérés dans la Décision (paragraphe 80 de la Décision) concernant la période de trois semaines du 23 août 2006 au 15 septembre 2006 ne permettent pas de confirmer les conclusions de la Décision en ce qu'elle retient que " tout au long de cette période, un prix minimum a été arrêté chaque semaine par le bureau des présidents au cours de réunions téléphoniques" ;

Considérant que, s'agissant spécialement de la "fixation hebdomadaire de pivot entre cours septembre 2002 et juillet 2007" qui est mentionnée dans la Décision (paragraphe 85), le Celfnord ne peut être utilement contredit, lorsqu'il affirme :

- en se référant aux "récapitulatifs généraux", non seulement, que ces cours n'ont été mis en œuvre que pendant sept ou huit semaines en 2003 et 11 semaines en 2004;

- que des prix pivot entre 2002 et 2007 ne sont pas démontrés à partir d'un procès-verbal de l'AG du Celfnord de 2007, dès lors que ce document n'évoque le cours pivot que parmi les exemples de "règles de mise en marché" pouvant "si besoin est" être arrêtées par le conseil d'administration et présentées au ministre de l'Agriculture dans le cadre de la procédure d'extension;

Considérant que le Celfnord est également fondé à soutenir que, dans le cadre d'une analyse portant sur l'existence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur en cause, la mise en place ponctuelle, le 29 novembre 2005, à l'initiative de la section régionale de l'endive (SRE) du Celfnord, d'une bourse aux échanges destinée, selon le compte rendu des décisions prises par la SRE le 29 novembre 2005, à "permettre de fluidifier les échanges ou les transferts", doit également être minimisée, à tout le moins relativisée, dès lors que ce système n'a en effet fonctionné que du mois de novembre 2005 au mois de février 2006 et que, par surcroît, dans un contexte de crise conjoncturelle avérée, il n'a concerné qu'un volume très limité de denrées, soit 140 tonnes par rapport aux 1 500 tonnes apportées ;

Considérant que tel est également le cas de la mise en place, en 2007, d'un "cadran bourse" qui n'a fonctionné que trois mois et qui, en définitive, n'a porté que sur un volume réduit de transactions, soit 5 % des offres ;

Considérant que concernant les pratiques initiées par la SOMO, section autonome de l'APEF, sur la base d'une clause de son règlement intitulé "les 9 points clés des engagements de la SOMO" - et qui auraient été poursuivies par l'APEF à compter d'août 2008 consistant, selon l'Autorité, à mettre en place des prix minimum sous couvert de prix de retrait, le Celfnord est également en droit d'opposer à l'Autorité que ce document a été élaboré en application des dispositions de l'article L. 551-1 du Code rural, alors en vigueur, qui permettait aux AOP de mettre en place des règles tendant "à instaurer une transparence des transactions et à régulariser les cours, notamment par la fixation éventuelle d'un prix de retrait", et selon l'interprétation, alors donnée à ces dispositions et que rien ne permet de contredire, que le prix de retrait incluait nécessairement la fixation d'un prix minimum ;

Que, par surcroît, les pratiques en question n'ont été mises en place que pendant quelques semaines, jusqu'à la cessation des actions de la SMO en janvier 2009 et qu'elles n'ont porté que sur des quantités non significatives d'endives, soit 5 % des volumes au cours de la période considérée ;

Considérant qu'au-delà de la durée des pratiques dénoncées de fixation collective de prix minimum, il est rappelé que pour parvenir à la conclusion que cette pratique, y compris sous la forme, indiquée par les requérantes, de "seuils indicatifs" ou de simples recommandations de prix, n'entrait pas dans le champ des activités spécifiquement autorisées par l'OCM unique et les dispositions du droit interne, l'Autorité affirme :

- que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du Code rural qui conférait aux organisations de producteurs la mission d'adopter des règles destinées à régulariser les cours, notamment par la fixation éventuelle d'un prix de retrait, ont été abrogées par l'ordonnance du 6 mai 2010 précitée, dans la mesure où elles s'avéraient incompatibles avec le droit de l'Union européenne (paragraphe 407 de la Décision);

- que la fixation d'un prix minimum ne figurait pas parmi les règles auxquelles renvoyait l'annexe III du règlement (CE) n° 2200-96 qui énumérait une liste limitative des règles appliquées par les OP qui pouvaient être étendues aux producteurs non membres en vertu de l'article 18 paragraphe 1, de ce texte (paragraphe 412 de la Décision);

- que le règlement n° 1182-2007- article 122 c du règlement n° 1234-2007 modifié par le règlement n° 361-2008 - limite les outils de gestion des crises aux seuls membres d'une OP qui continue d'avoir pour mission de " régulariser les prix à la production " dans ce contexte (paragraphe 414 de la Décision);

Considérant, cependant, que l'analyse proprement dite de l'Autorité sur la portée exacte des termes "régulariser les prix à la production" résultant de ce règlement qui, sur ce point, ne comporte pas de modification par rapport au précédent règlement de 1996 se réfère à l'avis précité du 7 mai 2008 du Conseil de la concurrence (point 56 de l'avis reproduit au paragraphe 416 de la Décision) qui est ainsi libellé :

"[s]i l'objectif de régularisation des prix doit pouvoir justifier la diffusion de mercuriales rendant compte de l'évolution du marché, la diffusion de prix recommandés, voire obligatoires, est une pratique dont les effets anticoncurrentiels sont incontestables. De telles pratiques pourraient outrepasser la dérogation au droit de la concurrence édictée aux articles 3 et 5 du règlement n° 1182-2007 selon laquelle les OP et AOP peuvent " régulariser les prix à la production ". En effet, les termes employés ne sont pas "fixer les prix à la production" (la version anglaise du règlement utilise " estabilising producer prices " et la Commission européenne, consultée en 2006 par le ministère de l'Agriculture sur un projet de décret relatif aux dispositions particulières applicables aux organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, avait souhaité qu'apparaisse de manière explicite le fait que les pratiques autorisées aux OP ne devaient pas aboutir à un accord collectif sur les prix. Les AOP pouvant exercer les mêmes activités que les OP, cette limite leur parait, en toute logique, applicable également. Dès lors, le Conseil perçoit dans la disposition en question la volonté de donner aux producteurs les moyens de lutter contre la forte variabilité des prix issue des spécificités économiques du secteur et il lui semble que la politique de régularisation des prix à la production confiée aux AOP doit utiliser d'autres instruments qu'une fixation collective des prix, en utilisant non seulement des leviers collectifs concernant les volumes et la qualité, mais aussi des informations sur les marchés permettant aux différentes entités chargées de la vente de mieux réagir à l'évolution de ceux-ci, ou encore en utilisant les outils évoqués ci-après sous 1). En tout état de cause, seule la Cour de justice des Communautés européennes pourrait " définitivement " donner la juste interprétation entre la position de la Commission proscrivant tout "accord collectif" sur les prix à la production et celle disposition du règlement n° 1182-2007 autorisant leur "régularisation" par une association ayant nécessairement un caractère collectif".

Considérant qu'il est vrai que, dans le paragraphe 4 de cet avis, le Conseil avait, à titre liminaire, rappelé que, lorsqu'il est consulté en application de l'article L. 462-1 du Code de commerce, il ne peut se prononcer que sur des questions de concurrence d'ordre général et qu'il ne lui appartient pas, dans ce cadre, de statuer sur le point de savoir si telle ou telle pratique est ou serait contraire aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, et 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne, ni sur la possibilité d'une exemption sur le fondement de l'article L. 420-4,I,2° du Code de commerce et que seule une saisine contentieuse menée selon une procédure contradictoire serait de nature à conduire une appréciation de la licéité de la pratique considérée;

Considérant, cependant, que les organisations sanctionnées sont en droit d'opposer à l'Autorité que l'analyse particulièrement nuancée, formulée dans cet avis, des dispositions dérogatoires au droit de la concurrence concernant la régularisation des prix, n'excluaient pas alors formellement l'interprétation de ces dispositions dont elles se prévalent au soutien de leur recours et qu'à tout le moins, il n'est pas fait état, dans ce domaine, de décisions de la Cour de justice de l'Union;

Considérant, en outre, que si les dispositions de l'article L. 551-1 du Code rural qui fixait pour objectif aux organisations de producteurs (OP) la mission d'adopter des règles destinées à régulariser les cours, notamment par " la fixation éventuelle d'un prix de retrait " ont été abrogées par ordonnance du 6 mai 2010 au motif que, selon les indications alors données par le ministre de l'Agriculture rappelées dans la Décision, elles n'étaient pas conformes au droit communautaire, il n'en demeure pas moins que ces dispositions étaient encore en vigueur lors de la constatation des pratiques sanctionnées par l'Autorité ;

Que tel était également le cas des dispositions précitées de l'article L. 552-1 du Code rural et de la pêche maritime qui permettaient aux organisations de producteurs de se regrouper pour constituer un comité économique agricole afin " d'harmoniser les disciplines (...) de prix ", étant observé que l'abrogation de ces dispositions n'est intervenue qu'à dater de mai 2011, postérieurement à la notification des griefs ;

Considérant que, concernant spécialement les pratiques de cours pivot reprochés aux organisations mises en cause, il a été rappelé par ailleurs que l'arrêté du 29 mars 2005, pour les campagnes 2005, 2006 et 2007, portant extension des règles édictées par le Celfnord imposait à ses membres "l'obligation de respecter, à certaines périodes, les prix de retrait appliques par le comité économique" et que cette autorisation expresse d'application de prix de retrait n'a finalement été supprimée que par un arrêté du 24 juin 2009 portant extension des règles édictées par l'APEF ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'Autorité dans ses observations déposées devant la cour, l'indication selon laquelle l'obligation de respecter, à certaines périodes, les prix de retrait appliqués par le comité économique s'imposait en vertu du premier arrêté cité" dans la limite des règlements communautaires" ne peut, en l'état des difficultés d'interprétation de la réglementation OCM sur l'étendue exacte et les limites de la mission de "régularisation des prix" assignée aux organismes mis en cause dans le cadre du régime dérogatoire au droit de la concurrence découlant de l'application des règles de la politique agricole commune, suffire à établir que la diffusion de consignes de prix minimum était, en toutes circonstances, nécessairement et définitivement prohibée ;

Considérant, à cet égard, qu'aucun élément du dossier ne permet de contredire les explications des requérantes sur la mise en place des pratiques incriminées dans un contexte caractérisé, sinon par une "crise grave et durable" depuis la campagne de production de l'endive 2002/2003 mais, à tout le moins de sérieuses et persistantes difficultés procédant de prix à la production dont le bas niveau n'était pas de nature à assurer au profit des producteurs d'endives un "revenu équitable", objectif qui est précisément assigné à la politique agricole commune par l'article 39 du Traité ;

Considérant que comme le soutiennent les requérantes, la coordination dans le temps des offres promotionnelles entre bien également dans le cadre de la mission légale du Celfnord et des AOP telle l'APEF tendant, en vertu de la réglementation OCM applicable et des dispositions précitées du Code rural, à assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et qualité et à harmoniser les disciplines de production, de commercialisation et d'appliquer des règles communes de mise en marché ;

Que, par surcroît, rien ne permet de contredire les requérantes lorsqu'elles opposent à l'Autorité, qu'au plan économique, cette coordination a été mise en œuvre à la demande des distributeurs, dont la puissance de négociation est avérée, dans le cadre des offres promotionnelles d'un volume impliquant nécessairement un regroupement de l'offre ;

Considérant, au demeurant, que l'Autorité n'était pas en droit d'opposer aux organismes poursuivis qu'ils n'ignoraient pas l'illicéité des pratiques reprochées en ce qui concerne la fixation de prix minimum en se référant exclusivement à un courriel, isolé, et dont la date est par surcroît postérieure de près de huit ans au début de la période du début des pratiques visée par l'Autorité d'un représentant de la FNPE du 31 août 2006 (paragraphe 419 de la Décision) ;

Considérant, en effet, que ce document ne peut constituer la preuve que l'ensemble des organismes mis en cause avait eu conscience du fait qu'il aurait été illicite de défendre, via l'AOP, un prix de marché face à la grande distribution lorsque cela était nécessaire ; que ce courriel constitue seulement une réponse à un précédent courriel daté du même jour et qui, comme le soutiennent les OP, montre que son but était de pouvoir faire connaître le prix à défendre aux producteurs indépendants, c'est-à-dire en dehors de l'AOP - "le réfléchis à un moyen de faire connaître aux opérateurs indépendants le prix à défendre" - et qui conclut au fait que cela est illicite, comme cela lui avait été indiqué par la DGCCRF;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que des pratiques de fixation collective de prix minimum dénoncées à l'encontre des parties comme sortant des missions légales et contrevenant de ce fait aux dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ne sont pas indiscutablement établies;

Considérant, ensuite, sur les concertations portant sur les quantités d'endives mises sur le marché, que le Celfnord explique que, comme le règlement OCM dans le secteur des fruits et légume l'y invitait, c'est dans la perspective d'une stabilisation des cours face à leur effondrement progressif à un niveau menaçant la rémunération du producteur qu'il a mis en œuvre des mesures de prévention et de gestion des crises telles que les conventions de gestion de l'offre ou des mesures de dénaturations volontaires et parfois obligatoires ;

Considérant qu'il n'est, ni contesté, ni contestable que, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent, les mesures de gestion de l'offre et de dénaturation mises en place par le Celfnord entraient en effet dans ses missions légales tendant, en application de la réglementation OCM et des dispositions précitées du Code rural, à assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et qualité, et à harmoniser les disciplines de production ;

Considérant, par surcroît, que l'adhésion au système du retrait a été rendue obligatoire dans certains cas par des arrêtés d'extension du ministre chargé de l'Economie et, notamment par un arrêté du 29 mars 2005 portant extension des règles édictées par le Comité économique agricole légumes et fruits du bassin du nord de la France dont l'article 1,5° intitulé "Application du prix de retrait" prévoyait :

"Obligation de respecter, à certaines périodes, les prix de retrait appliqués par le comité économique, dans la limite des dispositions des règlements communautaires et compte tenu, éventuellement, des coefficients d'adaptation d'emballage pour les produits conditionnés.

Obligation de retirer du marché les produits qui n'ont pas pu être vendus à un prix au moins égal au prix de retrait, compte tenu, éventuellement, des coefficients mentionnés ci-dessus.

Obligation de respecter les modalités d'intervention de marché appliquées par le comité économique en ce qui concerne les périodes d'intervention et la destination des invendus." (Soulignement ajouté);

Considérant, sur la notion de crise conjoncturelle, qui conditionne ces dénaturations, que l'article L. 611-4 du Code rural dispose : "La situation de crise affectant ceux des produits figurant sur la liste prévue à l'article L. 441-2-1 du Code de commerce est constituée lorsque le prix de cession de ces produits par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes, à l'exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé.

Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'Economie et du ministre chargé de l'Agriculture précise, en fonction des différents produits concernés, les modalités d'application du présent article, notamment les modalités de détermination des prix anormalement bas et la durée pendant laquelle ces prix doivent être constatés pour que la crise soit constituée";

Qu'un arrêté du 24 mai 2005 modifié fixant les modalités d'application de l'article L. 611-4 du Code rural énumère ainsi, dans son article 4, les critères permettant de définir une situation de crise conjoncturelle à partir d'un calcul opéré par le service des nouvelles des marchés (SNM) permettant d'établir une moyenne des indicateurs de marché permettant de déterminer l'existence d'une pratique de prix anormalement bas au sens des dispositions précitées de l'article L. 611-4 du Code rural :

"Pour que la situation de crise conjoncturelle soit constituée, l'indicateur de marché devra être situé en dessous du niveau prévu à l'article 3 pendant un nombre de jours ouvrés consécutifs au moins égal à celui défini pour chaque produit à l'annexe 1. La sortie de crise intervient après trois jours ouvrés consécutifs au cours desquels l'indicateur de marché est situé au-dessus du seuil décrit à l'article 3.

La situation de crise conjoncturelle est constatée par avis publié sur le site Internet du SNM, de même que la sortie de crise" ;

Considérant, sur les modalités de mise en œuvre des mesures de dénaturations obligatoires critiquées par l'Autorité, tout d'abord, que s'agissant des endives sur lesquelles ont porté ces mesures, qui selon la Décision ne seraient pas des denrées "soumises à la vente" au sens de la réglementation en vigueur, ni le dossier, ni les observations présentées par l'Autorité au soutien des recours ne permettent de contredire les explications techniques des parties aux termes desquelles :

- les produits ayant fait l'objet de retrait ont bien été proposés à la vente et constituent ainsi des invendus au sens de la réglementation ;

- les retraits mis en œuvre dans les salles de forçage n'avaient lieu qu'en phase finale de forçage, au cours de laquelle les commandes ont été passées et que, celles-ci étant connues, "le chicon est cassé, l'endive est épluchée, triée, pesée et conditionnée, en général le matin pour départ l'après-midi";

Considérant, ensuite, que le Celfnord est également en droit de faire valoir que, contrairement à ce qui est reproché par la Décision aux organismes en cause, une notification des mesures de retrait aux autorités de contrôle est régulièrement intervenue;

Qu'au-delà même des arrêtés d'extension précités, il est constant que les représentants de l'Oniflohr étaient régulièrement informés des opérations de dénaturations obligatoires ou, le cas échéant, de dédit en cas de non-dénaturation ;

Considérant, enfin, que, concernant le nombre de saisons concernées, ni le dossier, ni les observations de l'Autorité présentées devant la cour ne permettent non plus d'invalider les explications du Celfnord dont il résulte :

- que, conformément aux dispositions de l'article 18 et de l'article 23 du règlement CE n° 2200-96, les arrêtés d'extension du 31 janvier 2002 et du 29 mars 2005 ne concernaient chacun, que trois campagnes ;

- que la période concernée par les dénaturations correspond à une crise grave, ainsi que l'atteste le bilan de campagne publié par le SNM qui relate que "la moyenne des prix pratiqués en production est la plus basse enregistrée en valeur constante de ces dix dernières campagnes";

Considérant, au surplus, qu'alors que les dénaturations qui ont été mises en place par le Celfnord ont été réalisées dans un cadre réglementaire, il ne ressort pas du dossier et il n'est en tout cas pas allégué qu'à un moment quelconque les autorités de contrôle ont reproché aux organismes en cause le non-respect de la réglementation, essentiellement à caractère agricole, en matière de dénaturations, tant en ce qui concerne la détermination des produits invendus que sur l'existence ou non d'une crise conjoncturelle au sens de la réglementation applicable pendant les périodes au cours desquelles sont intervenues les dénaturations ou, à tout le moins, que ces autorités ont fait part de réserves sur l'interprétation de la réglementation en cause par les requérantes ;

Considérant que les développements de la Décision ne permettent pas ainsi de conclure avec certitude que le Celfnord serait sorti des limites des missions qui lui étaient légalement attribuées en matière de dénaturations, peu important, à cet égard, la teneur des déclarations, seulement ponctuelles et à tout le moins très ambiguës, de certains représentants des organismes sanctionnés sur la qualification de ces opérations qui est mise en exergue par la Décision ;

Considérant, enfin, sur l'échange illicite d'informations relatives aux prix imputé aux requérantes, que l'utilisation d'lnfocl@r ne peut, en soi, être incriminée, dès lors qu'il s'agit d'un système légal d'échange d'informations et d'analyse du marché consacré par le décret du 24 octobre 2000 qui évoquait explicitement la transmission de données relatives aux "prix pratiqués", et dont la mise en place est, à l'évidence rendue nécessaire par l'exécution des missions légales précitées de Celfnord puis de l'APEF et plus généralement, par la légitime préoccupation d'un suivi fiable du marché des endives ;

Que, dans ses observations déposées le 17 janvier 2011 (annexe 34 cote 5748), le ministre de l'Agriculture avait d'ailleurs confirmé que "les échanges d'informations à travers l'outil lnfocl@r relèvent des prérogatives des AOP de gouvernance";

Considérant, sur les modalités techniques du fonctionnement d'lnfocl@r, critiquées par l'Autorité, qu'il est vrai, concernant tout d'abord la transmission de données "en temps réel" que la charte d'utilisation d'lnfocl@r stipule en effet qu'est mis en place un outil informatique permettant de connaître "en temps réel'' l'évolution des quantités vendues et des prix pratiqués par les Opérateurs ", le principe étant de "donner une information synthétique et lisible sur le marché (prix, volumes, stocks) très rapide et proche du temps réel " (article 1) et que cet outil vise à " créer une base de données en temps réel " et évoque la nécessité de connaître "en temps réel" l'évolution des quantités vendues et des prix pratiqués par les opérateurs (article 2) ;

Considérant, cependant, que force est de constater que l'article 3-1 de cette charte stipule aussi que les opérateurs sont " tenus de transférer leurs données dans les délais les plus proches de l'acte de vente au plus tard avant minuit les ventes du jour" (soulignement ajouté) ce qui atténue la portée de la transmission en temps réel qui est critiquée par l'Autorité et surtout, qu'aucun élément tiré du dossier d'instruction ne permet de contredire les explications techniques avancées notamment par le Celfnord et l'APEF sur le fait, non seulement que ces délais de communication étaient, de toute façon, rarement respectés en pratique, mais encore que ce système permettait seulement de "donner une information anonyme par segment de conditionnement synthétique et globale a posteriori à J + 1 après les ventes" (certificat d'utilisation lnfocl@r : pièce n° 46 de Celfnord et l'APEF) ;

Considérant, ensuite, sur le défaut de confidentialité des échanges au sein d'lnfocl@r, qu'il a été rappelé que la charte d'utilisation Infocl@r comporte diverses stipulations destinées à garantir que les conditions dans lesquelles était organisée la transmission des informations, par ailleurs transmises ensuite aux services du ministère de l'Agriculture, ne portent pas atteinte à l'anonymat, à la confidentialité et à l'inviolabilité du dispositif ;

Considérant que si l'Autorité oppose aux requérantes un compte-rendu d'une réunion du conseil d'administration de la SRE du 30 août 2006 (paragraphe 198 de la Décision), rien ne permet cependant de remettre en cause les explications fournies en réponse par le Celfnord et l'APEF dont il ressort :

- que l'objet du premier paragraphe du compte rendu était de prévoir qu'à l'avenir les synthèses de contrôle seraient diffusées même auprès des OP n'ayant pas communiqué leurs données à Infocl@r de sorte que ce compte rendu ne démontre pas la divulgation d'informations confidentielles ;

- que le "déverrouillage" de certains Code clients auquel il est fait allusion n'avait pas pour but de donner accès aux données individuelles des autres organisations de producteurs et qu'il s'agissait seulement de permettre de connaître l'identité des clients auxquels la production avait été vendue, afin d'établir a posteriori des statistiques globales commerciales par client ;

- que la détection des "anomalies" dans les tableaux récapitulatifs n'avait pas pour but d'identifier les "dépassements" de prix minimum mais de relever, en vue de leur correction, les erreurs d'entrée des données ;

- que, lorsque de telles erreurs étaient avérées, il était normal que le Celfnord en soit averti par le responsable d'Infocl@r et qu'il ait exceptionnellement accès aux données nominatives concernant ces anomalies ;

Considérant qu'il ne peut ainsi être utilement soutenu que les échanges d'information qui sont intervenus concrètement entre les mis en cause au travers du système d'information lnfocl@r constituaient une restriction de concurrence par leur objet même ;

Considérant que le dépassement de la mission légale de régularisation des prix dévolue aux organismes en cause n'étant pas établi, il n'est a fortiori pas non plus démontré que, par suite d'un échange régulier d'informations stratégiques, le système lnfocl@r aurait été détourné de son objet à des fins anticoncurrentielles, afin de mettre en place une police des prix ;

Considérant, en effet, sur la mise en place reprochée aux parties d'un système de contrôle et de sanctions, que les parties ont donné des explications alternatives, précises et circonstanciées, sur la teneur d'une série de documents ou sur l'interprétation qui devait en être donnée dans le contexte dans lequel ils s'inscrivent dont, ni le dossier, ni les observations l'Autorité ne permettent d'écarter la pertinence, ce qui ne permet pas ainsi de confirmer avec certitude l'existence de sanctions ou de menaces de sanctions en relation avec des prix minimum;

Qu'en particulier le Celfnord expose, notamment, sur les termes employés dans les documents retenus à charge (paragraphes 214 à 232 et 387 à 390 de la Décision) ainsi que sur le contexte dans lequel ils sont intervenus :

- qu'une première série de documents (paragraphes 215, 216, 227, 228, 229, 232 de la Décision) révèle seulement, en effet, des velléités ou de simples propositions, ponctuelles et individuelles, de mise en place d'un contrôle de prix et ne se traduit pas par une "police des prix" ;

- que d'autres documents (notamment paragraphes 205, 206, 207, 208, 219, 220, 223, 224, 225, 226, 230, 231) sont en réalité relatifs à des modalités de participation au système Infocl@r ou à des pratiques, étrangères à une police des prix directement couvertes par la réglementation en vigueur ou par des arrêtés d'extension;

- qu'enfin, d'autres documents (paragraphes 2) 8, 221, 231) concernent seulement les spécificités des produits obéissant à un cahier des charges, en particulier les endives Carmine ou Perle du Nord ;

Que, de même la FNPE explique, sans être utilement contredite :

- que les comptes rendus de réunions téléphoniques relatent seulement des opinions émises par des participants concernant l'opportunité d'actions syndicales ;

- qu'une note de travail qui lui est opposée concerne seulement la préparation d'une réunion téléphonique avec l'annonce d'options;

- qu'un compte rendu du conseil d'administration de la FNPE du 13 avril 2006 évoquant des sanctions financières fait état de voeux ou "d'attentes" qui n'ont pas été suivis d'effet, par surcroit dans un contexte consistant à défendre les revenus des producteurs;

Considérant qu'en l'état des textes et de la jurisprudence communautaire applicables pendant la période visée par la notification des griefs, il n'est pas ainsi indiscutablement démontré que les organisations mises en cause sont sorties des limites des missions légales qui, dans le cadre général de la politique agricole commune, leur sont attribuées par la réglementation OCM ainsi que par les dispositions du droit interne afin d'opérer une gestion adéquate de l'offre des légumes en cause, au moyen, tant d'une régularisation des prix dont, à ce jour, les limites au regard des règles du droit de la concurrence n'apparaissent pas fixées de manière incontestable, que de la mise sur le marché des quantités d'endives ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, qu'au vu de l'analyse de l'objet des pratiques, le grief qui a été notifié aux requérantes sur leur mise en œuvre qui aurait eu pour objet d'imposer, de 1995 à 2010, sur le marché français de l'endive un mode d'organisation se substituant au libre jeu de la concurrence par une collusion généralisée entre les producteurs ne peut être tenu pour établi ;

Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour constate que les requérantes sont, fondées à soutenir, par surcroît, qu'au-delà même de la spécificité du secteur considéré de la commercialisation de produits agricoles et des conditions dans lesquelles elles ont, en tout état de cause, accompli leurs missions légales, le dossier ne permettrait pas de leur imputer des pratiques s'inscrivant dans une même entente complexe, unique et continue dont les principaux critères ne sont pas réunis en l'espèce ;

Sur l'existence d'une infraction complexe et continue

Considérant que la plupart les mises en cause maintiennent que les pratiques dénoncées à leur encontre ne peuvent recevoir la qualification d'entente complexe et continue, faute de répondre aux critères imposés par la jurisprudence communautaire, d'interprétation stricte, tant en ce qui concerne l'absence de plan global, s'agissant de pratiques distinctes, ainsi que du défaut de démonstration, pendant toute la durée de celles-ci, de la poursuite d'un objectif commun à ces pratiques ainsi que d'un lien de complémentarité entre elles ;

Considérant qu'au regard des contestations soulevées par les parties, il convient, à titre liminaire, au-delà de l'exposé auquel l'Autorité a procédé (paragraphes 341 à 348 de la Décision), de rappeler de manière précise les principes ressortant d'une jurisprudence communautaire constante qui sont applicables à une entente complexe et continue et qui sont habituellement rappelés ;

Considérant, sur la notion d'infraction complexe, constituée d'accords et de pratiques concertées, qu'il est constant :

- que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a indiqué dans un arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administracion del Estado (C-238-05, Rec. p. 1-11 125, point 32) que : " (...) si (l'article 101, paragraphe 1, du TFUE] distingue la notion de "pratique concertée" de celle "d'accords entre entreprises" ou de " décisions d'associations d'entreprises", c'est dans le dessein d'appréhender, sous les interdictions de cette disposition différentes formes de coordination et de collusion entre entreprises (...) ;

- qu'il est de jurisprudence constante que, "pour qu'il y ait accord, au sens de l'article (81) du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée" (arrêt de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 112, et du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. 11-931, point 715);

- qu'un accord est établi dès lors que les parties en cause adhèrent à un plan commun, qui limite ou est susceptible de limiter leur comportement commercial respectif sur le marché et qu'il n'est pas nécessaire qu'un tel accord soit établi par écrit ou respecte un formalisme particulier; qu'il n'est pas obligatoire non plus que des sanctions contractuelles ou des mesures de contrainte soient prévues ;

- que la Cour de justice a jugé que la notion de "pratique concertée" vise quant à elle "une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (...). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché" (arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 26, 173 et 174);

- que les juridictions de l'Union ont admis que lorsqu'étaient en cause des comportements pouvant être qualifiés, pour partie, d'accord et, pour partie, de pratique concertée, ceux-ci pouvaient être considérés, dans certaines conditions, comme constituant l'expression d'une infraction unique et complexe (arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 114);

- qu'une entente peut donc être à la fois un accord et une pratique concertée sans que l'autorité de concurrence ait à qualifier l'infraction exclusivement au regard de l'une ou de l'autre de ces formes de comportement illicite;

Considérant qu'il est également acquis qu'aux termes d'une jurisprudence constante de l'Union, un comportement qui se manifeste par plusieurs décisions poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d'infraction unique et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre ; qu'ainsi :

- la Cour de justice a jugé "qu'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu'un ou plusieurs éléments de cette série d'actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolement une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s'inscrivent dans un ''plan d'ensemble", en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, la Commission est en droit d'imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l'infraction considérée dans son ensemble" (arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, point 258) ;

- qu'une entreprise qui a participé à une infraction par des comportements qui lui étaient propres et qui visaient à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble, peut être tenue pour responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction; que tel est le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 83); que le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite de l'objectif commun n'élimine pas l'identité d'objet anticoncurrentiel et, partant, d'infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de cet objectif commun (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 4123);

- que le Tribunal a précisé que : " la notion d'objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans le marché concerné par l'infraction (...). Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements en tant qu'infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s'ils présentent un lien de complémentarité en ce sens que chacun d'entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribue, par le biais d'une interaction, à la réalisation de l'ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d'un plan global visant un objectif unique" (arrêt du 28 avril 2010, Amman & Sohne GmbH & Co KG, T-446-05, points 89 et s. ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF AG/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, points 179 à 181);

- qu'en vertu de la jurisprudence de l'Union, la suspension d'une entente anticoncurrentielle sur une période déterminée n'empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d'infraction complexe, unique et continue dès lors qu'après son interruption, l'entente a été reprise selon les mêmes modalités (arrêts du Tribunal du 19 mai 2010, IMI e.a/Commission, T-18-05, du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, point 178, et du 20 mars 2002, Dansk Roindustri/Commission, précité, points 41 à 56).

Considérant qu'au regard des principes qui viennent d'être rappelés, les requérantes sont fondées à soutenir que le dossier ne permet pas de démontrer que les pratiques s'inscrivaient dans une même entente complexe, unique et continue, laquelle, pour être caractérisée, implique ainsi que l'exige la jurisprudence communautaire précitée la poursuite d'un objectif anticoncurrentiel unique pendant toute la durée des pratiques dénoncées dont le lien de complémentarité doit, par ailleurs, être établi ;

Considérant, en effet, que, dans le paragraphe de la Décision intitulé " Sur l'objectif unique des pratiques ", l'Autorité relève que les pratiques mises en œuvre tendaient, à la fois, à "la réduction de l'intensité concurrentielle sur le marché de l'endive au stade de la production et de la commercialisation" (paragraphe 371 de la Décision) et à "la défense de la rémunération des producteurs" (paragraphe 376 de la Décision);

Considérant, à cet égard, que si l'Autorité a estimé, au stade ultérieur de l'analyse de l'exemption des pratiques (paragraphes 551 et 552 de la Décision), que les organismes poursuivis n'étaient pas recevables à se prévaloir de la justification des pratiques au titre du régime spécifique au secteur agricole en application de l'article 2 du règlement 1184-2006, faute de saisine et de décision de la Commission, force est néanmoins de constater que la défense des revenus des producteurs constitue, avec l'emploi optimum de la main d'œuvre agricole et la stabilisation des marchés, un des objectifs essentiels assignés par le Traité à la PAC ;

Considérant, en outre, que les seuls documents dont le contenu est décrit dans la Décision aux paragraphes 372 et 374 - notamment fax du 23 août 2006 et compte-rendu d'une mission confiée en juin 2006 au "bureau des présidents" - ne pourraient suffire à établir, pour la période visée par les griefs, qui a débuté en 1995, une complémentarité des pratiques ressortant d'un "plan global" ou d'une "stratégie globale" mis en œuvre par les mis en cause, peu important, à l'évidence, l'emploi par différents représentants des organismes en cause, dans l'exercice quotidien de leur activité, des termes de "plan de gestion" ;

Considérant que les contacts réguliers entre les producteurs d'endives et les organismes professionnels ou les échanges et réunions qui sont cités dans la Décision (paragraphes 382 et suivants de la Décision) ne pourraient pas non plus permettre de caractériser un mode opératoire commun, dès lors que les missions mêmes de ces organismes professionnels auxquels les parties étaient tenues d'adhérer impliquaient nécessairement de tels échanges ;

Que, par surcroît, les requérantes sont fondées à opposer à l'Autorité que ce qu'elle qualifie dans la Décision (paragraphes 389 et 390 de la Décision) de "répartition des rôles dans l'entente aux différents stades du marché entre le Celfnord, la FNPE et le FCE" dans ses développements consacrés au mode opératoire commun ne se dissocie pas réellement de l'exercice des missions légales ou statutaires de ces organisations, soit l'expression de revendications par le syndicat, un travail en relation avec ses membres du Celfnord et en ce qui concerne le FCE, une gestion des rapports avec les commerciaux ;

Considérant que, concernant spécialement le fonctionnement du système Infocl@r, présenté par l'Autorité dans son l'analyse du mode opératoire commun aux pratiques comme ayant permis d'assurer la pérennité de l'entente en servant à surveiller le respect des pratiques collusives entre les producteurs d'endives (paragraphes 385 et 386 de la Décision) et concernant la mise en œuvre de sanctions, il suffit de renvoyer aux développements qui précèdent dont il résulte, d'une part, qu'il n'était pas démontré que le système Infocl@r, système d'échange d'information reconnu licite par les pouvoirs publics, a été détourné de son usage et, d'autre part, que la mise en place d'une police de prix n'était pas démontrée ;

Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour constate que les requérantes sont également en droit de soutenir que le dossier ne permet pas non plus de conclure que les pratiques avaient été mises en œuvre de manière continue depuis 1995 ou, à tout le moins, ainsi que l'a finalement décidé l'Autorité, depuis 1998 ;

Considérant qu'il est rappelé que la Décision, qui a conclu que les pratiques concrétisent, ''de manière ininterrompue à partir du 27 janvier 1998 la manifestation de la volonté commune des OP et des organismes en cause de mettre en place un plan global visant à restreindre la concurrence par les prix sur le marché français de l'endive constitutif d'une infraction unique et continue" (paragraphe 381 de la Décision soulignement ajouté) relève, par ailleurs, (paragraphe 280) :

- que "la continuité [de la même pratique complexe et continue] est notamment illustrée par la diffusion régulière de comptes rendus de réunions tenues à intervalles régulier, dont les premières preuves suffisantes datent de janvier 1998, et ce nonobstant la variation de l'intensité de la concertation dans le temps" (paragraphe 280)

- qu'il importe peu que certains des éléments des pratiques reprochées (...) aient pu cesser d'avoir un effet attaché à leur contenu propre, dès lors que d'autres éléments de mise en œuvre du plan global se sont succédés sans présenter d'interruption significative" ;

Considérant que, concernant l'appréciation de la continuité des pratiques, la Décision :

- présente des éléments établissant l'existence de pratiques entre janvier et mai 1998 (paragraphe 361 de la Décision) ;

- fait état de 15 réunions entre 2001 et 2007 ;

- souligne que la SNE s'est réunie trois fois entre le 17 et le 25 mars 2003;

- indique que la SOMO a été en vigueur du 28 août 2008 au 14 octobre 2011 et fait référence à des réunions portant sur la coordination des offres promotionnelles qui se seraient tenues les 30 et 31 mai 2000, 30 et 31 mai 2002, 5 et 6 juin 2003 et le 13 février 2006 ;

Mais considérant que les requérantes sont fondées à objecter que la volonté commune de mettre en place de manière ininterrompue à partir du 27 janvier 1998 un plan global qui leur est imputée, se heurte :

- au fait qu'entre novembre 2003 et octobre 2004, il existe des "périodes de vide";

- au fait que le seul élément tendant à établir l'existence d'une pratique entre mai 1998 et 2001 consiste dans la tenue du "séminaire endives" de mai 2000, manifestation professionnelle collective qui ne peut, en soi, se rattacher, à des pratiques anticoncurrentielles ;

- au fait qu'à partir de 2007, seuls les statuts de la SOMO sont censés établir l'existence de pratiques ;

Considérant qu'au-delà des constatations opérées dans les développements qui précèdent dont il ressort qu'il n'est pas démontré que les organismes en cause ont dépassé leurs missions légales, la continuité des pratiques ne pourrait en tout état de cause, même en retenant l'hypothèse d'un tel dépassement, être exclusivement illustrée, comme l'Autorité l'indique, par "la diffusion régulière de comptes rendus de réunions tenues à intervalles réguliers", dès lors, qu'à tout le moins, la plupart des activités des requérantes ne poursuivaient pas un objet anticoncurrentiel ;

Considérant, enfin, que ni le système d'informations lnfocl@r dont le fonctionnement n'est, en soi, pas intrinsèquement anticoncurrentiel, ni les conventions de gestion de l'offre, dont la régularité ne souffre pas de discussions au regard des règles de concurrence, ne peuvent pas non plus servir à démontrer une continuité des pratiques anticoncurrentielles depuis 1998 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief d'entente complexe et continu imputé aux requérantes ne peut être retenu et que ces dernières doivent, en conséquence, être mises hors de cause ;

Sur la situation de la société Soleil du Nord

Considérant que si la société Soleil du Nord a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée prononcée par un jugement du Tribunal de commerce d'Arras du 12 décembre 2012 et que la présente procédure est ainsi, en l'état, interrompue en ce qui la concerne, il n'en demeure pas moins que cette société, alors in bonis et régulièrement représentée par son gérant, avait, dans les délais légalement requis, régulièrement déposé le 31 mai 2012 un exposé des moyens aux termes duquel elle sollicitait l'annulation de la Décision de l'ADLC, de sorte que la procédure collective ouverte depuis cette date ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué à son égard ;

Sur les demandes de publication formulées par certaines requérantes

Considérant que rien ne justifiant la publication de l'arrêt à intervenir qui est sollicitée par l'Union des Endiviers, anciennement dénommée FNPE, l'APEF, le Celfnord, la FCE et la SNE, par la SAS Groupe Perle du Nord et les organisations de producteurs Cap'Endives, France Endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Sipema et Valois-Fruits ainsi que par la société Soleil du Nord, ces requérantes seront déboutées de leur demande ;

Sur les demandes de remboursement formulées par certaines requérantes et sur les dépens

Considérant que le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution de l'ensemble des sommes versées par les requérantes au titre de l'exécution de la Décision réformée par la cour, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des requérantes tendant à cette restitution ;

Considérant qu'il convient de laisser à la charge du Trésor public les dépens exposés par les requérantes, qui comprendront, s'il y a lieu, sur justificatifs, les frais exposés en raison de la publication de la décision de l'Autorité de la concurrence ;

Par ces motifs, Réforme en toutes ses dispositions la décision n° 12-D-08 rendue le 6 mars 2012 par l'Autorité de la concurrence, Et, statuant à nouveau, dit qu'il n'est pas établi que : - l'association des producteurs d'endives de France (APEF), - l'association des producteurs-vendeurs d'endives (APVE), - le Comité économique agricole de la région du Nord (Celfnord), - le Comité économique agricole régional fruits et légumes de la région Bretagne (Cerafel), - la Fédération du commerce de l'endive (FCE), - l'Union des Endiviers, anciennement dénommée Fédération nationale des producteurs d'endives (FNPE), - la section nationale endives (SNE), - la SICA Cap'Endives, - la SARL Fraileg, - la SCA France Endives, - la SCA Marché de Phalempin, - la SCA Primacoop, - la SARL Prim'Santerre, - la SAS Groupe Perle du Nord, - la SARL Soleil du Nord, - la SCA Sipema, - la SCA union de coopératives agricoles Valois-Fruits, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Déboute les requérantes concernées de leur demande de publication du présent arrêt, Laisse à la charge du Trésor public les dépens qui comprendront, s'il y a lieu, sur justificatifs, les frais exposés par les requérantes en raison de la publication de la décision n° 12-D-08 de l'Autorité de la concurrence, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la Cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie.