CA Limoges, ch. civ., 6 mai 2014, n° 13-01130
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Prim'style (SAS)
Défendeur :
Esprit Maison de Famille (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baluze (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Pugnet, Soury
Avocats :
Mes Chabaud, Debernard-Dauriac, Dechelette-Roy
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat du 2 mai 2012, la société Esprit maison de famille (le franchisé) est devenu le franchisé de la société Prim'style (le franchiseur), ce contrat comportant une clause d'exclusivité sur un territoire déterminé.
Soutenant que le franchiseur ne respectait pas cette clause d'exclusivité, le franchisé l'a assigné devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Limoges pour faire cesser le trouble résultant de cette situation.
Par ordonnance du 26 juillet 2013, le juge des référés a accueilli la demande du franchisé, sauf en ce qui concerne le magasin Gamm vert et condamné le franchiseur au paiement d'une provision de 25 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice.
Le franchiseur a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Le franchiseur conclut au rejet des demandes de son franchisé en soutenant l'existence de contestations sérieuses et réclame sa condamnation à lui payer une somme de 19 079,78 euros HT correspondant à ses créances résultant du contrat de franchise. Subsidiairement, il oppose la compensation de la provision mise à sa charge avec sa propre créance de 44 079,78 euros HT au titre de marchandises et redevances impayées.
Le franchisé conclut à la confirmation de l'ordonnance de référé.
Par conclusions d'incident du 18 février 2014, le franchiseur demande d'écarter des débats le constat d'huissier du 22 novembre 2013 produit par le franchisé en pièce n° 19 qui est illisible et qui n'a pas été établi de manière contradictoire.
La cour d'appel a autorisé les parties à produire une note en délibéré.
MOTIFS
Sur la recevabilité du procès-verbal de constat dressé le 22 novembre 2013 par Me Rascol, Huissier de justice (pièce n° 19).
Attendu qu'au soutien de son incident tendant à voir écarter ce procès-verbal de débats, le franchiseur soutient que l'exemplaire qui lui a été communiqué est illisible et qu'il n'a pas été établi de manière contradictoire.
Mais attendu que seules les photographies annexées à ce procès-verbal de constat sont inexploitables ; que ces photographies ne font qu'expliciter les constatations écrites du procès-verbal qui sont quant à elles parfaitement lisibles.
Et attendu que la constatation d'un fait par un huissier de justice n'a pas à être établie contradictoirement mais qu'elle doit seulement être soumise à la libre discussion des parties comme cela a été le cas en l'espèce ;
Que la demande du franchiseur tendant à voir écarter des débats le procès-verbal de constat du 22 novembre 2013 sera rejetée.
Sur la recevabilité du procès-verbal de constat dressé par Maître Biard, huissier de justice, le 19 novembre 2013 (pièce n° 21).
Attendu que cette pièce, communiquée par le franchisé tardivement le jour de l'audience, sera écartée des débats.
Sur le fond
Attendu qu'en vertu du contrat de franchise du 2 mai 2012, le franchisé s'est vu concéder le droit d'utilisation, à titre d'enseigne, de la marque "Comptoir de famille" et le droit d'utilisation du système du franchiseur comprenant le savoir-faire, les méthodes mises au point par celui-ci ainsi que la distribution des produits et des services sur un territoire exclusif couvrant la ville de Limoges, à l'exclusion du magasin " Hémisphère Sud " <adresse> pour un chiffre d'achat annuel maximum réalisé avec Prim'style de 30 000 euros HT (annexe 1.8 du contrat) ; que dans cette zone d'exclusivité, le franchiseur s'interdit, pendant la durée du contrat, d'autoriser l'ouverture d'autres points de vente sous l'enseigne Comptoir de famille, hors accord préalable du franchisé (article 1.8 du contrat) ; que le franchiseur garantit à son franchisé l'usage paisible de la marque et de l'enseigne et s'engage à prendre toutes mesures nécessaires afin de les défendre (article 4.2 du contrat).
Attendu que le franchisé reproche à son franchiseur le non-respect des dispositions contractuelles précitées en soutenant que celui-ci permet, dans la zone d'exclusivité, la vente de ses produits dans des magasins concurrents, à savoir :
- le magasin Gamm vert,
- le magasin Sup Déco,
- le magasin Hémisphère Sud.
Attendu que l'ordonnance déférée, qui a écarté la réclamation du franchisé au titre du magasin Gamm vert après avoir retenu que celui-ci était situé en dehors de la zone contractuelle d'exclusivité, n'est pas critiqué de ce chef.
Attendu qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé le 5 juin 2013 par Me Rascol, Huissier de justice ainsi que d'articles de presse que le magasin Sup Déco a apposé sur sa vitrine des affiches comportant le logo de la marque " Comptoir de famille " et annonçant un déstockage à compter du 26 mars 2013 jusqu'à épuisement du stock ; que cette annonce était toujours présente sur une vitrine de ce magasin le 22 novembre 2013 ainsi que l'a constaté le même huissier à cette date.
Attendu que pour soutenir l'absence de violation de la clause d'exclusivité, le franchiseur soutient que celle-ci doit être interprétée comme lui interdisant d'autoriser l'ouverture de nouveaux magasins et que cette clause ne peut donc concerner le magasin Sup Déco qui préexistait à la conclusion du contrat de franchise.
Mais attendu que, répondant à la plainte de son franchisé par courrier du 21 février 2013, le franchiseur n'a pas soutenu cette interprétation, expliquant au contraire qu'il avait informé le magasin Sup Déco le 5 juin 2012 de la cessation de son approvisionnement en produits "Comptoir de famille" après le 31 décembre 2012, ce dont il résulte qu'il considérait que la clause du contrat de franchise lui interdisait de maintenir un magasin concurrent à celui de son franchisé dans la zone d'exclusivité, hormis le magasin " Hémisphère Sud " qui bénéficiait d'une clause particulière.
Attendu que le franchiseur justifie que la cessation de l'approvisionnement du magasin Sup Déco soit différée au 31 décembre 2012 en expliquant qu'une période de transition d'un minimum de six mois s'impose à compter de la fermeture du compte de ce client multimarques.
Mais attendu que cette contrainte était connue du franchiseur lorsqu'il a signé le contrat de franchise du 2 mai 2012 mais qu'il n'a été inséré aucune clause particulière pour en tenir compte, si bien que le franchisé est fondé à soutenir que la concurrence du magasin Sup Déco devait cesser dès la signature de ce contrat.
Attendu qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la poursuite de la concurrence du magasin Sup Déco après la signature du contrat de franchise constituait un trouble manifestement illicite que le franchisé était fondé à voir cesser en demandant à son franchiseur de prendre toute mesure en ce sens à l'égard de ce magasin, conformément à l'article 4.2 du contrat.
Et attendu qu'en vertu de l'annexe 1.8 du contrat de franchise, la concurrence du magasin " Hémisphère Sud " <adresse> n'est admise que dans la limite d'un chiffre d'achat annuel maximum réalisé avec Prim'style de 30 000 euros HT ; que le franchisé est fondé à vérifier que cette restriction a bien été respectée en réclamant à son franchiseur de justifier du montant des commandes passées par ce magasin en 2012 et 2013, étant observé que cet établissement a été mis en liquidation judiciaire le 26 juin 2013.
Et attendu que la concurrence illicite du magasin Sup Déco a causé un préjudice commercial au franchisé dont celui-ci rapporte la preuve par des pièces comptables ; que la provision d'un montant de 25 000 euros allouée par le premier juge au franchisé à valoir sur la réparation de son préjudice sera confirmée, sans qu'il y ait lieu de procéder à une compensation avec la créance alléguée du franchiseur d'un montant de 44 079,78 euros HT au titre de marchandises et redevances impayées, le compte à faire entre les parties suscitant des difficultés excédant les pouvoirs de la juridiction des référés.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Ecarte des débats la pièce n° 21 communiquée par Société Esprit Maison de Famille ; Confirme l'ordonnance rendue le 26 juillet 2013 par le juge des référés du tribunal de commerce de Limoges ; Condamne la société Prim'style à payer à la société Esprit maison de famille une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Prim'style aux dépens et Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.