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Décisions

Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-16.943

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Maisons Pierre (SAS)

Défendeur :

Constructions traditionnelles du Val de Loire (SAS), Fousse constructions (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen, Thiriez

Paris, pôle 5, ch. 4, 27 févr. 2013

27 février 2013

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Maisons Pierre, spécialisée dans la construction de maisons individuelles, a fait assigner en paiement de dommages-intérêts la société Fousse constructions, société holding, et sa filiale, la société Constructions traditionnelles Val de Loire (la société CTVL) qui construit et commercialise des maisons individuelles sur le même secteur géographique qu'elle, en leur reprochant un comportement parasitaire à son égard pour avoir copié servilement la documentation technique et commerciale qu'elle avait élaborée ;

Attendu que pour rejeter ses demandes, l'arrêt, après avoir constaté qu'à la suite du recrutement, en juillet 2008, de M. Collin qui avait travaillé de 1997 à 2003 pour la société Maisons Pierre, la société CTVL et la société Fousse constructions avaient modifié leur documentation au profit, soit d'une copie servile soit d'une version très proche de celle de la société Maisons Pierre, retient que toutefois "l'argumentaire téléphonique", qui n'est qu'un questionnaire commercial destiné à susciter l'intérêt du prospect et à le décider à rencontrer le commercial, ne fait pas appel à des connaissances techniques spécifiques, peu important à cet égard les investissements financiers que la société Maisons Pierre a pu consentir pour le constituer, que les fiches de travail répondent toutes aux mêmes impératifs pratiques, techniques et parfois réglementaires de constitution et de suivi du dossier du prospect puis du client et se retrouvent utilisées, peut-être sous forme différente mais avec le même contenu, par les constructeurs qui sont soumis aux mêmes contraintes et ont besoin des mêmes informations puisqu'ils ont la même activité, et ne relèvent pas d'un effort organisationnel particulier, qu'ainsi, l'argumentaire et les supports de vente, banals, ne peuvent être considérés comme le résultat d'un travail intellectuel spécifique destiné à favoriser les ventes, de sorte que la copie puis l'utilisation qu'ont pu en faire les sociétés CTVL et Fousse constructions ne peuvent être constitutifs de concurrence parasitaire ; que l'arrêt ajoute que, pour ce qui est de l'appropriation du logo de la société Maisons Pierre, il s'agit d'une maison stylisée, ce qui est banal pour une société de construction, et, si les couleurs sont les mêmes, étant disposées différemment, elles ne peuvent donner lieu à confusion ; qu'il relève encore que, s'agissant de la reprise de la dénomination des maisons de la gamme "première pierre", si la société CTVL a, depuis 2009, repris à son compte le système de "nommage", constitué de deux nombres faisant référence au nombre de chambres et à la superficie, utilisé par la société Maisons Pierre depuis 2008, il n'est pas établi que les clients éventuels associent le nom d'une maison à la prise de décision de contracter avec un constructeur plutôt qu'un autre, de sorte que cette reprise ne crée pas de risque de confusion ; qu'il retient enfin qu'il en est de même du système de parrainage consistant à remettre des bons pour récompenser d'anciens clients de présenter de nouveaux clients au constructeur, le fait que la société CTVL reproduise exactement les bons de la société Maisons Pierre ne risquant pas de produire de confusion dans l'esprit de l'ancien client qui sait parfaitement avec quel constructeur il a contracté ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si, en reprenant de manière servile ou quasi servile, l'intégralité des supports de vente développés par la société Maisons Pierre, les sociétés Fousse constructions et CTVL n'avaient pas tiré profit, sans rien dépenser, des investissements financiers et humains consentis par la société Maisons Pierre et de la notoriété de cette dernière, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette les demandes formées par la société Maisons Pierre, au titre du parasitisme, contre les sociétés Fousse constructions et Constructions traditionnelles du Val de Loire, l'arrêt rendu le 27 février 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.