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Décisions

Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-12.102

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fédération française de rugby

Défendeur :

Fiat France (Sté), Léo Burnett (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Gadiou, Chevallier, SCP Piwnica, Molinié

Paris, du 12 déc. 2012

12 décembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2012), que la Fédération française de rugby (la FFR), association à but non lucratif reconnue d'utilité publique, a pour objet, notamment, d'organiser en France les matchs auxquels participe l'équipe de France dite "le XV de France" dont ceux du tournoi des VI nations ; que la société Fiat France (la société Fiat) ayant fait paraître, le 24 février 2008, par l'intermédiaire de la société Léo Burnett, agence de communication, une publicité faisant référence à deux matchs de ce tournoi dans un quotidien sportif de grande diffusion, afin de promouvoir son nouveau modèle d'automobile Fiat 500 sur le marché français, la FFR a mis en demeure les deux sociétés de mettre fin à ce type de publication, et fait assigner en responsabilité la société Fiat et ses concessionnaires pour violation de son monopole d'exploitation des événements sportifs qu'elle organise et pour agissements parasitaires; que la société Léo Burnett ainsi que Mme X, en qualité de liquidateur judiciaire de l'un des concessionnaires de la société Fiat, la société Autoval, sont intervenues volontairement à l'instance ;

Sur la recevabilité des interventions volontaires de l'Association nationale des ligues de sport professionnel (l'ANSLP) et du Comité national olympique du sport français (le CNOSF), contestée par la défense : - Vu les articles 327 et 330 du Code de procédure civile ; - Attendu, selon ces textes, que les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation, si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie, et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir une partie ;

Attendu que le pourvoi formé par la FFR est dirigé contre un arrêt rejetant ses demandes formées au titre du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'elle organise, prévu à l'article L. 333-1 du Code du sport, et sur le fondement du parasitisme ; que ni l'ANSLP, ni le CNOSF ne justifient d'un intérêt pour la conservation de leurs droits à soutenir la partie demanderesse au pourvoi; qu'ils ne sont donc pas recevables en leur intervention volontaire ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la FFR fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en réparation, tant indemnitaire que de publication, fondées sur une atteinte au droit d'exploitation reconnu à l'article L. 333-1 du Code du sport alors, selon le moyen : 1°) que seules les fédérations sportives (et organisations visées par l'article L. 333-1 du Code du sport) sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'elles organisent, lesquels incluent l'ensemble des modes d'exploitation commerciale de ces événements comme l'instrumentalisation à des fins exclusivement commerciales des résultats, du nom des participants et du calendrier officiel d'une compétition sportive ; que la cour d'appel a expressément relevé que la publicité incriminée destinée à promouvoir le modèle de la Fiat 500 sur le marché français, figurant en pleine page du journal l'Equipe du 24 février 2008, faisant immédiatement suite à des pages consacrées à l'actualité du rugby sur lesquelles figuraient des encarts publicitaires de partenaires officiels, dont ceux du XV de France comme Renault et la Société générale, utilisait à des fins commerciales, sans autorisation préalable de la FFR ni contrat spécifique, le calendrier, le score et le nom d'équipes du tournoi des six Nations dont le XV de France ; qu'elle a également dûment souligné que la société Fiat " a choisi d'appuyer sa publicité en faisant référence à un événement sportif et en la diffusant dans un journal spécialisé dans les sports " ; qu'en jugeant que cette publicité ne constituait pas un acte d'exploitation d'une compétition sportive, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article L. 333-1 du Code du sports ; 2°) qu'en limitant les droits d'exploitation des fédérations sur les manifestations ou compétitions sportives qu'elles organisent à ceux limitativement décrits dans les articles L. 333-1 et suivants du Code du sport, la cour d'appel a derechef méconnu ce dispositif légal ; 3°) que toute forme d'activité économique ayant pour finalité de générer un profit et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive qui en est le prétexte ou le support nécessaire n'existait pas, caractérise un acte d'exploitation au sens de l'article L. 333-1 du Code du sport ; que les juges du fond ont expressément relevé que la société Fiat et son agence de publicité ont utilisé le résultat d'un match de rugby organisé par la FFR dans le cadre du Tournoi des VI Nations pour développer la promotion d'un nouveau modèle de voiture et qu'elles ont choisi " d'appuyer " leur publicité en faisant référence à un événement sportif en la diffusant dans un journal spécialisé dans les sports ; qu'en décidant que cette publicité, imaginée par l'agence de publicité d'un constructeur automobile aux fins de promotion d'un modèle de voiture, se bornait à reproduire un résultat sportif d'actualité et partant, serait constitutif d'un simple acte d'information, la cour d'appel, qui derechef n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé, ensemble, l'article L. 333-1 du Code du sport et l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 4°) qu'en relevant, pour écarter toute atteinte aux droits d'exploitation exclusifs des manifestations sportives de la FFR, que dans la publicité incriminée, la société Fiat n'a ni manifesté son soutien à l'équipe de France de rugby ni reproduit le logo officiel ou la dénomination FFR, la cour d'appel, qui a réuni des circonstances inopérantes à écarter l'existence d'une exploitation commerciale d'une compétition sportive par un constructeur automobile à des fins commerciales en violation des droits d'exploitation d'une fédération sportive qui en est l'organisateur, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 333-1 du Code du sport ;

Mais attendu que l'arrêt énonce, d'abord, que si, en l'absence de toute précision ou distinction prévue par la loi concernant la nature de l'exploitation des manifestations objet du droit de propriété reconnu par l'article L. 333-1 du Code du sport, toute forme d'activité économique ayant pour finalité de faire naître un profit et qui n'aurait pas d'existence si la manifestation sportive qui en est le prétexte ou le support nécessaire n'existait pas, doit être regardée comme une exploitation au sens de ce texte, il résulte aussi de ces dispositions que, pour être caractérisée, une atteinte à la propriété des droits visés suppose une appropriation ou exploitation d'une compétition ou manifestation sportive ; qu'il relève, ensuite, que la publicité incriminée, qui mentionne dans un encadré en grands caractères d'imprimerie "France 13 Angleterre 24" suivie de la phrase en petits caractères "La Fiat 500 félicite l'Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l'équipe de France le 9 mars pour France-Italie", et indique en-dessous, en grands caractères d'imprimerie "ITALIE 500", en apposant sous cette mention, à gauche la photographie en noir et blanc d'un véhicule Fiat 500, à droite le logo Fiat avec l'adresse de son site internet et les noms des concessionnaires de différents départements, se borne à reproduire un résultat sportif d'actualité, acquis et rendu public en première page du journal d'information sportive, et à faire état d'une rencontre future également connue comme déjà annoncée par le journal dans un article d'information ; que l'arrêt en déduit qu'il n'est dès lors pas établi que l'activité économique des mis en cause puisse être regardée comme la captation injustifiée d'un flux économique résultant d'événements sportifs organisés par la FFR, constitutive d'une exploitation directe illicite, comme non autorisée, de tels événements ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la FFR fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes de réparation du fait d'agissements parasitaires alors, selon le moyen, qu'en se contentant de relever que la publicité incriminée ne créait aucun risque de confusion dans l'esprit du public sur la qualité des sociétés Fiat et de ses concessionnaires à l'égard de la FFR sans rechercher, comme elle y était invitée, si le comportement de ce constructeur automobile n'était pas constitutif de parasitisme en ce qu'il consistait à se placer dans le sillage de la fédération, afin de tirer profit sans bourse délier de ses efforts et de ses investissements, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la FFR s'étant bornée à soutenir que les agissements parasitaires résultaient en l'espèce de ce que les mis en cause avaient créé dans l'esprit des lecteurs du journal un risque de confusion sur la qualité de la société Fiat et de ses concessionnaires à son égard, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ce risque n'était pas démontré, a pu en déduire, sans encourir la critique du moyen, que n'était pas caractérisée à leur encontre la promotion de leur propre activité commerciale en tirant profit des efforts et des investissements de la FFR ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Déclare irrecevables les interventions volontaires de l'Association nationale des ligues de sport professionnel et du Comité national olympique et sportif français ; Rejette le pourvoi.