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Commission, 4 juillet 2012, n° M.6502

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

London Stock Exchange/LCH Clearnet

Commission n° M.6502

4 juillet 2012

Monsieur,

Affaire: Affaire COMP/M.6502 - London Stock Exchange/LCH Clearnet

Demande adressée le 29 mai 2012 à la Commission par l'Autorité portugaise de la concurrence conformément à l'article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil

Réf.: Lettre adressée le 20 juin 2012 par M. Bruno Lasserre, Président de l'Autorité de la concurrence de la France, au greffe des concentrations, à la Direction Générale de la Concurrence

I. INTRODUCTION

(1) Par la lettre susmentionnée, l'Autorité française de la concurrence s'est jointe à la demande d'examen, adressée à la Commission par l'Autorité portugaise de la concurrence conformément à l'article 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil (1) (le "règlement sur les concentrations"), de l'opération de concentration par laquelle la société London Stock Exchange Group plc ("LSEG" ou la "partie notifiante") entend acquérir le contrôle exclusif de la société LCH Clearnet Limited ("LCH Clearnet").

(2) En vertu de l'article 22, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, un ou plusieurs États membres peuvent demander à la Commission d'examiner toute concentration, telle que définie à l'article 3 dudit règlement, dont la dimension ne s'étend pas à l'Union au sens de l'article 1er, mais qui affecte le commerce entre États membres et menace d'affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande. Celle-ci doit être présentée au plus tard dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de notification de la concentration. Conformément à l'article 22, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, tout autre État membre a le droit de se joindre à la demande initiale dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date à laquelle la Commission l'a informé de la demande initiale.

(3) Le 8 mai 2012, LSEG a notifié la concentration susmentionnée à l'Autorité portugaise de la concurrence (Autoridade da Concorrencia). Cette dernière a adressé à la Commission une demande de renvoi en application de l'article 22, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations le 29 mai 2012, soit dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de notification de la concentration, se conformant en cela à l'article 22, paragraphe 1, dudit règlement.

(4) Conformément à l'article 22, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, la Commission a informé les Autorités compétentes des autres États membres le 30 mai 2012.

(5) Les 18 et 20 juin 2012, respectivement, soit dans le délai prévu à l'article 22, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, les Autorités de la concurrence de l'Espagne (Comisión Nacional de la Competencia) et de la France (Autorité de la concurrence) se sont jointes à la demande de renvoi. Par lettre du 20 juin, le Royaume-Uni a fait savoir, par l'intermédiaire de l'Office of Fair Trading ("OFT"), qu'il ne souhaitait pas se joindre à cette demande.

II. LES PARTIES ET LA CONCENTRATION

(6) LSEG est la société holding de la société London Stock Exchange Group plc. Ses activités ont trait, notamment, au fonctionnement des Bourses en ce qui concerne la négociation des actions, des produits dérivés et des titres à revenu fixe au Royaume-Uni et en Italie. Elle propose également des services de post-négociation (compensation et règlement).

(7) LCH Clearnet exerce des activités au niveau de la post-négociation en tant que chambre de compensation.

(8) L'opération envisagée consiste en l'acquisition du contrôle exclusif de LCH Clearnet par LSEG et constitue une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations. Bien que sa dimension ne s'étende pas à l'Union au sens de l'article 1er du règlement des concentrations, elle doit être notifiée dans trois États membres, à savoir l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni.

(9) La concentration concerne les marchés de la négociation et de la compensation des actions, des titres à revenu fixe et des instruments dérivés, ainsi que du règlement pour ce qui est des actions et des titres à revenu fixe.

III. APPRECIATION DE LA DEMANDE DE RENVOI

(10) Conformément à l'article 22, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission peut décider d'examiner la concentration si elle estime que celle-ci i) affecte le commerce entre États membres et ii) menace d'affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent la demande (2). Si ces deux conditions légales sont réunies, la Commission dispose de pouvoirs discrétionnaires pour déterminer si elle doit ou non accepter la demande de renvoi, en appréciant s'il est opportun qu'elle examine cette demande.

(11) Bien que leur respect soit une condition préalable nécessaire à la recevabilité et à l'acceptation d'une demande de renvoi par la Commission, l'existence de ces critères n'exclut pas en soi l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission en ce qui concerne l'acceptation ou le refus de l'examen des affaires ne relevant pas de sa compétence initiale (3).

(12) Ainsi que le précise la communication sur le renvoi des affaires de concentration, le système de renvoi doit constituer un mécanisme juridictionnel souple, dans le cadre duquel la Commission et les États membres conservent une marge d'appréciation considérable pour décider de renvoyer des opérations qui relèvent de leur "compétence initiale" ou d'accepter d'examiner celles qui n'en relèvent pas (4).

(13) La communication sur le renvoi des affaires de concentration souligne également que l'examen d'une demande de renvoi doit tenir dûment compte de tous les aspects de l'application du principe de sécurité juridique en ce qui concerne cette compétence (5) et des spécificités de l'affaire examinée.

(14) Pour les raisons exposées ci-après, la Commission considère que l'affaire en l'espèce ne se prête pas à un renvoi à la Commission. En conséquence, elle se bornera ci-après à exposer son appréciation de la question de savoir s'il convient d'accepter ou non la demande de renvoi adressée par l'Autorité française de la concurrence, en examinant l'opportunité du renvoi, sans toutefois examiner les exigences légales énoncées à l'article 22, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations.

Opportunité de renvoyer la présente affaire devant la Commission

(15) Il convient de noter que la concentration envisagée a fait l'objet d'une demande antérieure de la partie notifiante, conformément à l'article 4, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations, concernant l'affaire soumise à l'appréciation de la Commission qui, même si sa dimension ne s'étendait pas à l'Union, devait être notifiée dans trois États membres (Espagne, Portugal et Royaume-Uni) (la "demande présentée en application de l'article 4, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations").

(16) Le 23 avril 2012, l'OFT a informé la Commission qu'il n'était pas d'accord avec la demande de renvoi de la concentration adressée à la Commission. L'opération n'a donc pas été renvoyée à la Commission et a par conséquent continué de relever des législations nationales en matière de contrôle des concentrations alors applicables.

(17) Dès que l'affaire en question lui a été notifiée, l'Autorité portugaise de la concurrence a présenté une demande de renvoi conformément à l'article 22 du règlement sur les concentrations, à laquelle se sont jointes les Autorités française et espagnole de la concurrence. Dans ce contexte, le Royaume-Uni a réitéré sa position et précisé par lettre du 20 juin 2012 qu'il ne s'associait pas au Portugal.

(18) La Commission considère que, dès lors qu'un État membre n'est pas favorable à la demande présentée en application de l'article 4, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations (c'est-à-dire lorsque les États membres concernés restent compétents en raison du choix posé par l'un de ces États membres), la dynamique fondamentale du mécanisme de renvoi n'est plus la même. Dans ce cas, le fait d'accepter en l'espèce un renvoi partiel à la suite d'une demande présentée par un autre État membre compromettrait les principes fondamentaux du mécanisme de renvoi. En effet, l'acceptation d'un changement de compétence entraînerait une insécurité juridique accrue pour la partie notifiante, raison pour laquelle la communication sur le renvoi des affaires de concentration précise que "si un[e] [demande de] renvoi a été fait[e] à ce stade, un renvoi postérieur de la même affaire devrait être évité dans toute la mesure du possible" (6).

(19) À la lumière des spécificités de la présente affaire, la Commission considère qu'aucun des principes directeurs énoncés dans la communication sur le renvoi des affaires de concentration, qu'ils soient considérés séparément ou conjointement, ne plaide en faveur d'une décision d'acceptation de la demande de renvoi par la Commission.

(20) Premièrement, les avantages généraux d'une procédure de guichet unique (7), soit l'un des éléments clés du mécanisme de renvoi, ne se vérifieraient pas en l'espèce, étant donné que l'enquête sur les effets de la concentration serait, en tout état de cause, menée par plusieurs Autorités différentes, le Royaume-Uni ne s'étant pas joint à la demande présentée par le Portugal, à laquelle se sont ensuite jointes les Autorités française et espagnole de la concurrence.

(21) Deuxièmement, en ce qui concerne le principe de l'Autorité la plus appropriée, la communication sur le renvoi des affaires de concentration précise qu'il convient, pour déterminer l'Autorité la mieux à même d'examiner une affaire, de tenir compte i) des instruments et de l'expertise dont cette Autorité dispose; ii) du lieu probable où se feraient ressentir les effets de la concentration sur la concurrence et iii) des implications, sur le plan administratif, de tout renvoi envisagé (8). Ce dernier point pourrait nécessiter la prise en compte du coût relatif, des délais, de l'incertitude juridique et du risque d'appréciations contradictoires qui peut être lié au fait qu'une enquête ou une partie de l'enquête serait menée par plusieurs Autorités différentes (9).

(22) Même si l'examen des éléments i) et ii) ci-dessus est susceptible de désigner la Commission comme l'Autorité la mieux à même, en théorie, d'examiner l'opération en question, la Commission considère que les conséquences en termes de charges administratives pour la partie notifiante constituent l'élément le plus important et que, concrètement, un examen de l'opération à l'échelon national est plus approprié.

(23) Ainsi, comme indiqué plus haut, la Commission considère i) que la concentration se trouve déjà à un stade de prénotification avancé auprès de l'Autorité de la concurrence du Royaume Uni, ii) qu'elle a déjà été notifiée aux Autorités portugaises et iii) que les premiers contacts de prénotification ont déjà été établis avec l'Espagne. À cet égard, il convient de noter que LSEG, bien qu'ayant souhaité initialement que la Commission se déclare compétente, conformément à la demande qu'elle a présentée en application de l'article 4, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations, a, dès qu'elle a appris qu'elle était tenue de procéder à des notifications auprès de plusieurs instances nationales, affecté des ressources importantes à la réalisation des notifications en question. Un renvoi retarderait considérablement l'ensemble du processus et entraînerait des charges administratives supplémentaires liées à la nécessité de relancer la procédure auprès de la Commission, alors que l'opération a déjà été notifiée aux Autorités portugaises.

(24) Troisièmement, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique, un autre changement de compétence serait source d'insécurité accrue pour la partie notifiante et compromettrait le cadre en matière de compétences établi au sein du réseau des Autorités européennes de la concurrence à la suite de la demande de renvoi présentée en application de l'article 4, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations.

(25) En conséquence, eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission considère qu'il n'y a pas en l'espèce de "raison impérative de s'écarter de la "compétence initiale", ainsi que le prévoit la communication sur le renvoi des affaires de concentration.

IV. CONCLUSION

(26) Pour les raisons susmentionnées, la Commission a décidé de rejeter la demande de renvoi adressée par l'Autorité de la concurrence de la France en application de l'article 22, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations.

Notes:

1 Règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (le "règlement sur les concentrations"), JO L 24 du 29.1.2004, p. 1.

2 Voir également la communication de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations (la "communication sur le renvoi des affaires de concentration"), points 42 à 44, JO C 56 du 5.3.2005, p. 2.

3 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, point 7 et note de bas de page n° 14.

4 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, point 7.

5 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, point 8.

6 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, point 13.

7 Voir le considérant 11 du règlement sur les concentrations et le point 11 de la communication sur le renvoi des affaires de concentration.

8 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, point 9.

9 Communication sur le renvoi des affaires de concentration, note de bas de page n° 14.