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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 juin 2014, n° 12-12175

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Azur Pare-Brise (Sté)

Défendeur :

Mondial Pare-Brise (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Pons-Dinneweth, Fisselier, Feschet

T. com. Paris, du 20 juin 2012

20 juin 2012

Vu le jugement prononcé le 20 juin 2012 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Azur Pare-Brise de sa demande de requalification des contrats de franchise, débouté la société Azur Pare-Brise de ses demandes de dommages et intérêts et condamné la société Azur Pare-Brise à payer à la société Mondial Pare-Brise la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 29 juin 2012 par la société Azur Pare-Brise et ses dernières conclusions signifiées le 4 mars 2014, par lesquelles elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, en conséquence, dire et juger qu'il y a lieu à requalification des trois contrats de franchise en date des 30 septembre 2008 et 3 décembre 2009 en contrats de gérance salariée, renvoyer en conséquence la cause devant le Conseil de prud'hommes de Toulouse afin que la société Mondial Pare-Brise soit condamnée à régler à M. Marc Trilhe ses salaires et indemnités subséquentes, vu l'atteinte portée à l'indépendance de la société Azur Pare-Brise, l'immixtion faite dans sa gestion et le préjudice en résultant, condamner la société Mondial Pare-Brise à payer à la société Azur Pare-Brise la somme de 160 000 euros en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 janvier 2011, celle de 50 000 euros en réparation du préjudice moral causé, condamner la société Mondial Pare-Brise à cesser immédiatement tout agissement consistant à détourner directement ou indirectement la clientèle de son franchisé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, condamner la société Mondial Pare-Brise à payer à la société Azur Pare-Brise la somme de 21 008 euros par mois depuis le 1er janvier 2014, à raison de la perte de chiffre d'affaires résultant du détournement de clientèle et de la violation de la clause d'exclusivité territoriale, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, et enfin, celle de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 mars 2014 par la société Mondial Pare-Brise par lesquelles elle demande à la cour de débouter la société Azur Pare-Brise de l'intégralité de ses demandes, constater la nature commerciale des relations entre les sociétés Mondial Pare-Brise et Azur Pare-Brise et condamner la société Azur Pare-Brise à verser à la société Mondial Pare-Brise la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Mondial Pare-Brise et M. Marc Trilhe, gérant de la société Azur Pare-Brise ont signé, les 30 septembre 2008 et 3 décembre 2009, 33 contrats présentés comme des contrats de franchise, pour l'exploitation de centres de réparation et de pose de pare-brises, sous l'enseigne Mondial Pare-Brise.

Ces contrats, d'une durée de 5 ans, prévoient une clause d'approvisionnement exclusif auprès de la société Mondial Pare-Brise ou des fournisseurs référencés par elle. Ils prévoient, en outre pour les "sociétés partenaires", à savoir les mutuelles et compagnies d'assurances ayant conclu des accords commerciaux avec la société Mondial Pare-Brise, l'obligation pour le franchisé de respecter des prix imposés, d'adresser la facture au franchiseur ainsi que le paiement direct au franchiseur.

La société Azur Pare-Brise allègue que ces dispositions portent atteinte au principe d'indépendance du franchisé et que le franchiseur a commis des fautes.

Par acte du 19 janvier 2011 la société Azur Pare-Brise a assigné la société Mondial Pare-Brise devant le Tribunal de commerce de Paris, aux fin de requalifier le contrat en contrat de gérance salariée et d'obtenir des dommages et intérêts. Celui-ci l'a déboutée de toutes ses demandes.

Sur le statut de gérant salarié

Considérant que la société Azur Pare-Brise soutient que la société Mondial Pare-Brise n'a pas été sa mandataire auprès des compagnies d'assurance, qu'elle a fixé seule avec ces dernières les prix des prestations des membres de son réseau, en violation du principe fondamental de l'indépendance du franchisé ; qu'elle revendique le statut de gérant salarié de l'article L. 7321-2 du Code du travail, avançant à l'appui de cette demande, la fixation des prix de revente du franchisé par le franchiseur, la vérification des factures du franchisé par celui-ci, l'apposition d'une mention visant à ce que le paiement soit directement adressé au franchiseur et enfin l'encaissement effectif des règlements dus au franchisé par le franchiseur ;

Considérant que la société Mondial Pare-brise indique, d'une part, que la société Azur Pare-Brise, seule titulaire des contrats de franchise, a saisi initialement le tribunal de commerce et ne saurait donc reconnaître la compétence à une autre juridiction et d'autre part que les conditions cumulatives du contrat de gérance salarié ne sont pas présentes ;

Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail, "Est gérant de succursale toute personne :

1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2° Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;

b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise" ;

Considérant, à titre préliminaire, que la société Azur Pare-Brise est irrecevable à soulever l'incompétence du tribunal de commerce au profit des prud'hommes, pour connaître de cette demande, étant elle-même à l'origine de la saisine de cette juridiction ;

Considérant que, toutefois, cette action est intentée par la société Azur Pare-Brise, comme victime de l'immixtion de la société Mondial Pare-Brise dans sa gestion, et non par Monsieur Trilhe, qui n'est pas dans la cause à titre personnel ;

Considérant que la société Mondial Pare-Brise impose à ses franchisés, selon l'article 5 du contrat de franchise, un approvisionnement quasi-exclusif auprès d'elle ou des fournisseurs référencés par elle ; que cette exigence a pour objet de ne proposer, au sein du réseau de franchise, que des produits référencés, afin de contrôler et d'uniformiser l'assortiment de services offerts par les franchisés ; qu'ainsi que l'ont justement relevé les Premiers Juges, cette exclusivité d'approvisionnement porte, non sur une marchandise qu'elle vend, mais sur un des éléments du prix final de remplacement du vitrage ; que l'activité de la société Azur Pare-Brise ne consiste pas à vendre les produits du franchiseur, à savoir les vitres de pare-brise, mais à fournir un service intégré de réparation ou de changement de pare-brise ; que son activité ne consiste pas davantage à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, pour le compte du franchiseur, puisqu'elle exerce une activité indépendante de réparation des pare-brises pour son propre compte et est rémunérée à ce titre par les compagnies d'assurances ;

Considérant que le réseau de franchise trouve sa justification dans l'offre, aux compagnies d'assurances, de prestations homogènes, tant sur le plan de la qualité que sur le plan des tarifs ; que si l'article 5.2 du contrat de franchise dispose que "le franchisé s'engage impérativement à respecter l'intégralité des conditions et tarifs définis par le franchiseur", cet article renvoie à une liste d'accords commerciaux signés par le franchiseur avec un certain nombre de compagnies d'assurances, au nom et pour le compte des franchisés, ces accords définissant des tarifs communs, des tarifications forfaitaires pour un certain nombre de prestations, ainsi qu'un temps de travail pour chaque prestation ; que, toutefois, ces exigences, imposées à l'ensemble du réseau des franchisés, visent à garantir aux compagnies d'assurances cocontractantes, des tarifs uniformes et prévisibles ; que les compagnies d'assurances ne sont en effet tenues que dans la limite de ces chiffres, qui fonctionnent comme chiffres-plafonds, et n'empêchent pas les différents franchisés d'établir une facturation qui dépasse ce montant ; qu'il n'est pas démontré par la société Azur Pare-Brise que ces différents prix aient pu fonctionner comme des prix minima imposés, la société appelante ne versant aux débats aucun élément de nature à établir que le logiciel de Mondial Pare-Brise ne puisse faire l'objet de modifications tarifaires à la hausse comme à la baisse, ou que le franchiseur serait intervenu sur la formation des tarifs ; qu'il ne résulte, par ailleurs, d'aucun document produit par la société appelante, que le franchiseur soit intervenu dans la gestion de la société Azur Pare-Brise ou dans ses opérations commerciales ; que la société Azur Pare-Brise ne démontre pas davantage que son activité ne serait pas profitable, compte tenu des plafonds de tarifs qui lui sont recommandés et des prix auxquels elle se procure ses vitres de pare-brises, faisant état, en effet, d'un chiffre d'affaires confortable et les quelques opérations déficitaires qu'elle verse aux débats ne suffisant pas à contrebalancer ce volume d'activité ;

Considérant, en définitive, qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que les conditions d'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail n'étaient pas réunies en l'espèce et que la société Azur Pare-Brise ne démontrait pas, en conséquence, être victime d'immixtion dans sa gestion par son franchiseur ;

Sur la prétendue violation de clause d'exclusivité et le détournement de clientèle

Considérant que la société Azur-Pare-Brise soutient également que la société Mondial Pare-Brise est coupable de détournement de clientèle et de violation de clause d'exclusivité ; que, concernant la clause d'exclusivité, elle l'aurait violée en ouvrant un établissement secondaire concurrent à la société Azur Pare-Brise, à proximité d'un établissement de cette dernière, avant qu'il y ait rupture effective du contrat de franchise ; que, concernant le détournement de clientèle, la société Mondial Pare-Brise aurait dirigé la clientèle vers son propre établissement plutôt que vers ceux de son franchisé, ce qui serait contraire à ses obligations contractuelles ;

Mais considérant qu'aucune des exclusivités territoriales dont bénéficiait la société Azur Pare-brise n'empêchait le franchiseur d'ouvrir un centre dans la commune de Toulouse, le contrat de franchise ne prévoyant aucune exclusivité ; que le détournement de clientèle n'est pas caractérisé, car les établissements de la société Azur Pare-Brise avaient déjà cessé d'exister à ce moment ;

Sur la faute invoquée dans l'exécution du contrat

Considérant que la société Azur Pare-Brise soutient que le franchiseur ne lui rétrocède le paiement des compagnies d'assurances que trop tard, lui occasionnant de graves problèmes de trésorerie en raison de ses retards de reversement ;

Mais considérant que la société Azur Pare-Brise ne rapporte pas la preuve d'une gestion fautive du franchiseur dans les reversements des sommes reçues des assureurs pour son compte ; que les quelques courriers versés aux débats ne sont pas suffisamment précis ni nombreux pour rapporter la preuve du retard fautif, qui lui incombe ; que l'augmentation de 57 000 euros de l'encours clients ne démontre pas en soi l'existence d'une faute du franchiseur ; que le jugement présentement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Azur Pare-Brise aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Azur Pare-Brise à payer à la société Mondial Pare-Brise la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.