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Décisions

CE, 6e et 1re sous-sect. réunies, 28 décembre 2009, n° 321524

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

JR International (SARL)

Défendeur :

Ministère du Logement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Stirn

Rapporteur :

M. Chambon

Rapporteur public :

M. Roger-Lacan

CE n° 321524

28 décembre 2009

LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société JR International, dont le siège est situé Centre de Gros Larrieu, 10, rue Gaston Evrard à Toulouse Cedex 1 (31094), représentée par son directeur, et la société Alpotec, dont le siège social est situé 10, boulevard Banon à Marseille (13005), représentée par son gérant ; les sociétés JR International et Alpotec demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 août 2008 du ministre du Logement et de la ville et du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation portant suspension de la mise sur le marché d'un système d'alarme par détection d'immersion et ordonnant son retrait, la diffusion de mises en garde et le rappel des appareils en vue d'un échange ou d'un remboursement total ; 2°) d'ordonner, si besoin, une expertise destinée à se prononcer sur la dangerosité du produit et sur la nécessité, l'utilité et la proportionnalité des mesures prescrites par l'arrêté du 21 août 2008 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des sociétés requérantes de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code de la consommation, et notamment ses articles L. 221-5 et L. 221-9 ; Vu le Code de la construction et de l'habitation ; Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; Vu le décret n° 2008-301 du 2 avril 2008 ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur, - les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation : "En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi ainsi que le rappel en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel. (...) Le ministre chargé de la Consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés entendent sans délai les professionnels concernés et au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également les associations nationales de consommateurs agréées. Ces arrêtés préciseront les conditions selon lesquelles seront mis à la charge des fabricants, importateurs, distributeurs ou prestataires de services les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre en application des dispositions du présent article. (...)" ; que, selon l'article L. 221-9 du même Code les mesures décidées en vertu des articles L. 221-1 à L. 221-8 doivent être proportionnées au danger présenté par les produits et les services ; elles ne peuvent avoir pour but que de prévenir ou de faire cesser le danger en vue de garantir ainsi la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre dans le respect des engagements internationaux de la France ; que par un arrêté conjoint du 21 août 2008 pris sur le fondement de ces dispositions, le ministre du logement et de la ville et le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, ont suspendu pour une durée d'un an l'importation et la mise sur le marché d'un système d'alarme par détection d'immersion destiné aux piscines dénommé Alpool JB 2005 et commercialisé par les sociétés Alpotec et JR International ; que cet arrêté a également prescrit le retrait de cette alarme de tous lieux où elle se trouve, la diffusion par les sociétés Alpotec et JR International, ainsi que par leurs revendeurs ou tout professionnel commercialisant ou ayant commercialisé ce système, de mises en garde destinées aux consommateurs sur l'absence de fiabilité de cette alarme et sur la nécessité de la remplacer, et enfin l'obligation pour les sociétés Alpotec et JR International de procéder à leurs frais à l'échange ou au remboursement des appareils vendus ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que les chefs de service qui ont signé l'arrêté attaqué au nom du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation et du ministre du Logement et de la ville, dont les actes de nomination ont été publiés au Journal officiel de la République française, avaient de ce fait qualité pour ce faire ; que le moyen d'incompétence doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les sociétés requérantes ont été, par un courrier qui leur a été adressé le 29 août 2008, invitées à être entendues le 4 septembre 2008 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ; que les organisations nationales de consommateurs agréées ont été réunies par la direction le 5 septembre 2008 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les formalités prévues par les dispositions précitées de l'article L. 221-5 du Code de la consommation n'auraient pas été respectées doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 128-1 du Code de la construction et de l'habitation : A compter du 1er janvier 2004, les piscines enterrées non closes privatives à usage individuel ou collectif doivent être pourvues d'un dispositif de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade. ; qu'aux termes de l'article R. 128-2 du même Code : I. - Les maîtres d'ouvrage des piscines construites ou installées à partir du 1er janvier 2004 doivent les avoir pourvues d'un dispositif de sécurité destiné à prévenir les noyades, au plus tard à la mise en eau, ou, si les travaux de mise en place des dispositifs nécessitent une mise en eau préalable, au plus tard à l'achèvement des travaux de la piscine. II. - Ce dispositif est constitué par une barrière de protection, une couverture, un abri ou une alarme répondant aux exigences de sécurité suivantes : (...) - les alarmes doivent être réalisées, construites ou installées de manière que toutes les commandes d'activation et de désactivation ne doivent pas pouvoir être utilisées par des enfants de moins de cinq ans. Les systèmes de détection doivent pouvoir détecter tout franchissement par un enfant de moins de cinq ans et déclencher un dispositif d'alerte constitué d'une sirène. Ils ne doivent pas se déclencher de façon intempestive.

Considérant que les auteurs de l'arrêté attaqué, pris au vu des résultats d'essais réalisés par la commission de la sécurité des consommateurs ayant mis au jour des défaillances pouvant conduire à la noyade de jeunes enfants, n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le déclenchement intempestif dû à la conception de l'appareil Alpool JB 2005 , pouvant conduire les propriétaires de la piscine à désactiver l'appareil et rendre ainsi possible l'absence de détection de la chute d'un enfant, représentait un danger grave et immédiat ;

Considérant, qu'eu égard aux dangers que l'appareil Alpool JB 2005 est susceptible de présenter pour les jeunes enfants et à la nécessité de prévenir les accidents potentiellement mortels dans les piscines qui en ont été munies, les ministres signataires de l'arrêté attaqué, en imposant aux sociétés requérantes, non seulement de diffuser des mises en garde ou de précautions d'emploi, mais également de procéder à leurs frais à l'échange ou au remboursement de tous les appareils qu'elles ont commercialisés, n'ont pas fait un usage disproportionné des pouvoirs qu'ils tenaient des dispositions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation ; que par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 221-9 du Code de la consommation doit être écarté ;

Considérant que, dès lors que l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation, la circonstance alléguée par les sociétés requérantes que les professionnels ayant commercialisé des systèmes présentant des risques au moins équivalents ne se seraient pas vu imposer les mêmes obligations, ne saurait permettre aux dites sociétés de soutenir utilement que l'arrêté attaqué est intervenu en méconnaissance du principe d'égalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Décide :

Article 1er : La requête des sociétés JR International et Alpotec est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société JR International, à la société Alpotec, à la ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi et au ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.