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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. com. B, 18 octobre 2012, n° 11-03929

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aviva Assurances (SA)

Défendeur :

Etablissement Vial (SARL), Les Pépiniers Burtin (EARL), Protecta (SAS), Industrial Chimica (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

MM. Bertrand, Gagnaux

Avocats :

SCP Curat Jarricot, SCP DE Angelis-Depoers-Semidei-Vuillquez-Habart- Melki, SCP Pomies-Richaud Vajou, SCP Marion Guizard Patricia Servais, SCP Pericchi, Mes Bassompierre, Bonnenfant, Fortunet, Fontan

T. com. Avignon, du 27 juill. 2011

27 juillet 2011

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 23 août 2011 par la SA " Aviva Assurances " à l'encontre du jugement prononcé le 27 juillet 2011 par le Tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance RG 2008-004770.

Vu les dernières conclusions déposées le 9 août 2012 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 1er août 2012 par la SAS " Protecta ", intimée et incidemment appelante, ainsi que le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les conclusions déposées le 23 janvier 2012 par l'EARL " Les Pépinières Burtin ", intimée et incidemment appelante, ainsi que le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les conclusions déposées le 16 janvier 2012 par la SARL " Établissements Vial ", intimée et incidemment appelante, ainsi que le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les conclusions déposées le 19 mars 2012 par la société de droit italien " Industrial Chimica ", intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 30 août 2012.

Selon factures, n° FA336096 du 28 février 2005, n° FA336877 du 31 mars 2005 et n° FA337762 du 30 avril 2005, l'EARL " Les Pépinières Burtin " a acheté à la SARL " Établissements Vial " 8 kilogrammes de mastic de cicatrisation de marque " Phytopast plus ", produit alors destiné à être utilisé, après greffage en incrustation et couronne, sur des plants d'arbres fruitiers.

Il est reconnu pour faits constants que ce mastic a été fabriqué par la société " Industrial Chimica " à la demande de la SAS " Protecta ", selon une formule conçue par cette dernière, qui a en outre fourni les matières actives et mis le produit sur le marché.

Suivant procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 24 août 2005, l'EARL " Les Pépinières Burtin " faisait constater les dommages causés à ses plants ;

Intervenant à la requête de l'EARL " Les Pépinières Burtin ", Geneviève Guignot effectuait une expertise des dommages, au contradictoire de la SAS " Protecta " et de la SA " Aviva Assurances ", entre le 26 août 2005 et le 31 mars 2006 ;

La SA " Aviva Assurances " n'ayant pas accepté de prendre en charge le sinistre, l'EARL " Les Pépinières Burtin ", par actes du 31 mai 2007, a fait assigner la SARL " Établissements Vial " et la SAS " Protecta " devant le juge des référés du Tribunal de Commerce d'Avignon aux fins d'expertise judiciaire, laquelle assignation était dénoncée par la SAS " Protecta " à la SA " Aviva Assurances " par acte du 14 juin 2007 , qu'elle appelait en garantie et en déclaration d'expertise commune.

Selon ordonnance du 17 août 2007, le juge des référés commettait en qualité d'expert Élisabeth Jouan Vialet, à l'effet de rechercher s'il existait un rapport de causalité entre les dommages aux plants et le produit vendu, expertise ensuite étendue à la société " Industrial Chimica " par ordonnance de référé du 18 décembre 2007.

Sans attendre le dépôt du rapport d'expertise, la SARL " Établissements Vial ", par actes du 19 mai 2008, assignait la SAS " Protecta ", son assureur la SA " Aviva Assurances " et la société " Industrial Chimica " aux fins d'interruption du délai de prescription de l'article 1386-7 du Code civil et de garantie de toutes condamnations qui pourrait être prononcées à son encontre au visa des articles 1386-1 à 1386-18 du même Code.

L'expert ayant clos ses opérations d'expertise par un rapport en date du 20 octobre 2008, l'EARL " Les Pépinières Burtin ", par exploits des 28 août et 2 septembre 2009, a fait assigner à son tour la SAS " Protecta " et la SARL " Établissements Vial " en réparation de ses préjudices devant le Tribunal de Commerce d'Avignon qui, après jonction des procédures a, entre autres dispositions, par jugement du 27 juillet 2011 :

Écarté la responsabilité de la SARL " Établissements Vial ", et débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " des demandes dirigées contre elle ;

Écarté la responsabilité de la société " Industrial Chimica " et rejeté les actions en garantie dirigées contre elle ;

Retenu la responsabilité de la SAS " Protecta " et condamné celle-ci à payer à l'EARL " Les Pépinières Burtin " la somme de 33 060,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2006 ;

Débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi des défendeurs ;

Condamné la SAS " Protecta " aux dépens de l'instance et à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile :

2 500 euros à l'EARL " Les Pépinières Burtin ",

1 500 euros à la SARL " Établissements Vial ",

1 000 euros à la société " Industrial Chimica "

Dit que la SA " Aviva Assurances " devait relever et garantir la SAS " Protecta " de toutes les condamnations principales et accessoires prononcées contre elle ;

Ordonné l'exécution forcée du jugement, la SA " Aviva Assurances " devant supporter les frais d'huissier en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution'provisoire du jugement.

La SA " Aviva Assurances " a relevé appel de ce jugement pour voir :

À titre principal, dire qu'il n'est pas rapporté la preuve du lien causal entre le produit vendu par la SAS " Protecta " et les désordres allégués par la demanderesse ;

Subsidiairement, débouter l'EARL " Les Pépinières Burtin " et la SAS " Protecta " de leurs prétentions émises à son encontre, en jugeant que la SAS " Protecta " n'a pas déclaré l'activité de conception du produit phytosanitaire en cause dans le litige, qu'elle n'a pas pris la direction du procès fait à la SAS " Protecta ", et qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle en ne contestant pas les évaluations de l'expert judiciaire ;

En tout état de cause, condamner les parties qui succombent aux dépens et à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS " Protecta " forme appel incident pour voir :

Surseoir à statuer dans l'attente du résultat du pourvoi en cassation interjeté à l'encontre de l'arrêt prononcé par la Cour d'appel de Toulouse le 14 mai 2012 dans l'affaire qui l'a opposée à la SCEA " de Borios " ;

Subsidiairement, au visa des articles L. 1136-7 (sic : en réalité L. 113-17) du Code des assurances et 1382 du Code civil, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA " Aviva Assurances " à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, et ce en exécution des clauses du contrat, ou subsidiairement des fautes commises ;

Au visa des articles 9 du Code de procédure civile et 1386-11,4° du Code civil, dire qu'elle ne peut être tenue responsable des dommages allégués par l'EARL " Les Pépinières Burtin " ;

En conséquence, débouter l'EARL " Les Pépinières Burtin " et la SARL " Établissements Vial " de leurs demandes ;

Subsidiairement, condamner conjointement la société " Industrial Chimica " et la SA " Aviva Assurances " à la relever et garantir ;

Condamner in solidum les parties succombant aux entiers dépens et à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'EARL " Les Pépinières Burtin " forme appel incident pour voir confirmer le jugement, sauf à y ajouter condamnation à payer 5 000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l'obligation de réparer et 2 000 euros supplémentaires en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Subsidiairement, au visa des articles 1603, 1134 et 1145 du Code civil, elle conclut à la condamnation in solidum de la SARL " Établissements Vial ", de la SAS " Protecta " et de la société " Industrial Chimica " aux dépens et à lui payer :

33 060,83 euros majorés des intérêts au taux légal, en réparation de son préjudice économique,

5 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution de l'obligation,

2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL " Établissements Vial " forme appel incident pour voir :

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de l'EARL " Les Pépinières Burtin " formée à son encontre pour défaut de conformité au visa de l'article 1603 du Code civil, en ce qu'il a écarté sa responsabilité au visa des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil, pour cause de producteur connu, et a débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " des demandes formées à son encontre ;

Subsidiairement, le réformer en ce qu'il a retenu le lien causal entre les produits vendus et les dommages observés ;

Au visa des articles 1386-1 à 1386-18, et en tant que de besoin, des articles 1134 et suivants, 1382 et suivants du Code civil, condamner solidairement la SAS " Protecta ", son assureur la SA " Aviva Assurances " et la société " Industrial Chimica " à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Condamner tout succombant aux entiers dépens et à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société " Industrial Chimica " conclut :

A la confirmation du jugement et à l'absence de responsabilité, tant de la SAS " Protecta " que d'elle-même ;

A la condamnation de tout succombant aux dépens et au paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

Discussion

Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité des appels que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;

Attendu que si la SAS " Protecta " demande qu'il soit sursis à statuer dans le cadre de la présente instance jusqu'au résultat du pourvoi en cassation qu'elle a formé à l'encontre de l'arrêt prononcé le 14 mai 2012 par la Cour d'appel de Toulouse, dans une procédure où sa responsabilité de producteur a été reconnue, en raison du caractère défectueux du mastic litigieux, pour les dommages causés à plusieurs agriculteurs de Tarn-et-Garonne, elle ne précise pas l'incidence que ce pourvoi est susceptible d'avoir sur le procès pendant devant la cour de céans, autrement que par la critique qu'elle fait de la motivation dudit arrêt ;

Attendu qu'elle indique au contraire dans le corps de ses conclusions (page 22) que la Cour d'appel de Nîmes ne saurait calquer sa décision sur celle d'une autre cour d'appel, rappelant ainsi l'interdiction de principe des arrêts de règlement qui fait obstacle à sa demande ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer ;

Attendu que dans la mesure où les dommages causés aux plants sont attribués au caractère défectueux du mastic " Phytopast plus " dont le producteur est identifié, il résulte des dispositions de l'article 1386-7 du Code civil que la responsabilité du fournisseur ne saurait être recherchée qu'à charge pour la victime de faire la preuve d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ;

Sur la demande principale de la SARL " Pépinières du Val d'Or " :

Attendu que dans la mesure où les dommages aux plants invoqués par la SARL " Pépinières du Val d'Or " sont supérieurs au montant fixé par l'article 1er du décret n° 2005-113 du 11 février 2005, pris pour l'application du deuxième alinéa de l'article 1386-2 du Code civil, ils sont susceptibles d'engager la responsabilité du producteur du mastic " Phytopast plus " sur le fondement juridique invoqué ;

Attendu que si la société " Industrial Chimica " a matériellement fabriqué le mastic litigieux, elle l'a fait pour le compte de la SAS " Protecta " et sur les directives de cette dernière, qui a été la conceptrice de la formule chimique mise en œuvre ;

Et attendu que la SAS " Protecta " a elle-même procédé à la mise en circulation du produit sur le marché, même si les pots, sertis en usine, ont pu parvenir chez ses revendeurs dans l'état de leur fabrication ;

Attendu que les premiers juges ont donc exactement retenu que le producteur, dont la responsabilité pouvait être recherchée en application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, était dans le cas de l'espèce la SAS " Protecta ", à l'exclusion de son manufacturier qui n'a pas procédé à la mise en circulation du produit ;

Attendu qu'il incombe à la victime du produit prétendument défectueux de faire la preuve, non seulement du dommage, mais encore celle du défaut allégué du produit mis en œuvre et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage constaté, cette preuve pouvant résulter d'un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes ;

Attendu que la réalité des dommages et leur étendue a été contradictoirement constatée au cours de l'expertise amiable effectuée au contradictoire de l'EARL " Les Pépinières Burtin ", victime des dommages, de la SAS " Protecta ", productrice du produit mis en cause, et de la SA " Aviva Assurances ", assureur de la productrice, qui les ont chiffrés à la somme de 33 060,83 euros, sans la moindre critique des participants à l'expertise ;

Attendu que la SAS " Protecta " soutient que la preuve de la provenance des produits utilisés ne serait pas rapportée, ni celle que ces produits n'auraient pas subi de modifications, telles que des mélanges, dès lors :

Que d'une part, Geneviève Guignot relève qu'il existait en stock des produits livrés les années précédentes, soit en février et décembre 2003 par la SARL " Protecta ", et en février, mars et avril 2004 par l' " OMAG " ;

Qu'il était relevé la présence de " lots sans référence " et des " petits problèmes d'étiquetage " ;

Mais attendu que l'inventaire des stocks de l'EARL " Les Pépinières Burtin " en produits phytosanitaires a été fait au contradictoire de la SAS " Protecta ", laquelle n'a pas relevé de signes évocateurs de mélange de produits, ni signalé cette possibilité à l'expert ;

Et attendu qu'il a toujours été indiqué que l'EARL " Les Pépinières Burtin " a toujours utilisé les produits de la gamme " Phytopast " mis sur le marché par la SAS " Protecta " (peu important le fait que l'utilisateur ait eu plusieurs fournisseurs), mais que seuls les plans traités avec le " Phytopast plus " ont subi des dommages, ce produit ayant été mis en œuvre pour la première fois au cours du printemps 2005 ;

Or attendu que les pots de " Phytopast plus " utilisés ont été parfaitement identifiés comme étant ceux acquis selon les factures n° FA336096 du 28 février 2005, n° FA336877 du 31 mars 2005 et n° FA337762 du 30 avril 2005, dont les emballages vides ont été conservés et examinés au cours de l'expertise amiable ;

Attendu que si par ailleurs, la SAS " Protecta " laisse entendre que l'EARL " Les Pépinières Burtin " aurait mis en œuvre un produit concurrent de marque " Topaze ", cette affirmation déniée par l'EARL " Les Pépinières Burtin ", n'est confirmée par aucun élément objectif ;

Attendu qu'il en résulte que la preuve est suffisamment rapportée de la provenance et de l'utilisation du produit litigieux, au demeurant admise par la SAS " Protecta " au cours des opérations d'expertise ;

Attendu que la SAS " Protecta " invoque également une note technique d'un conseiller en arboriculture pour justifier les aléas du sur greffage qui peuvent être dus à 10 facteurs différents ;

Mais attendu qu'en l'espèce la cause des dommages est attribuée à l'utilisation du produit " Phytopast plus ", de sorte que dans la mesure où la SAS " Protecta " ne fournit pas d'élément objectif pouvant les rattacher à l'une des causes énumérées par ce technicien, l'argument est inopérant ;

Attendu qu'il résulte des propres écritures de la SAS " Protecta " qu'elle a été amenée, à partir de 2004, à mettre sur le marché le mastic " Phytopast plus " en vue de son utilisation pour le sur greffage des arbres fruitiers, pour remplacer le mastic " Phytopast " qui contenait du " Captane ", matière active qui s'était révélée toxique, sa pâte de guérison contenant deux matières actives : le " Carbendazime ", à proportion de 9 g/kg, et le " Cyproconazole ", à proportion de 3 g/kg ;

Or attendu qu'il ressort des déclarations de César Cantelli à l'expert pour le compte de la SAS " Protecta " :

Que dès qu'il a été alerté par différents arboriculteurs des dégâts constatés, il a fait retirer le produit de la vente ;

Qu'il a fait modifier l'étiquette du produit pour la campagne 2005-2006 afin de prévenir qu'il devait être réservé à une utilisation limitée aux arbres d'alignement ;

Que dès le mois de février 2006, il a mis sur le marché un autre produit sous la marque " Phytopast G " dépourvu des molécules fongicides entrant dans la composition du " Phytopast plus " ;

Qu'une suspension administrative du " Phytopast plus " a été prise par le ministère de l'agriculture le 30 juin 2007 ;

Attendu qu'il résulte donc de cette déclaration l'aveu, non contredit utilement par ailleurs :

D'une part, que compte tenu des informations portées à l'intention des utilisateurs lors de sa mise en circulation, ces derniers étaient en droit d'attendre que le produit présentait des conditions de sécurité adaptées à son emploi pour tous arbres fruitiers,

D'autre part, que les molécules fongicides précitées le rendaient au contraire impropre à cet emploi, le produit devant être réservé aux arbres d'alignement ;

Et attendu que dans un courrier adressé le 30 novembre 2004 à Béatrice Faucon, la SAS " Protecta " confirme qu'avant adjonction des matières actives qu'elle a fournies à son manufacturier, aucune réclamation n'avait été reçue de la part des clients italiens utilisateurs de la pâte fabriquée par la société " Industrial Chimica " (pièce n°11/2 de la SAS " Protecta ") ;

Or attendu qu'aucune des parties ne signale de nouvelles doléances après le retrait du " Phytopast plus " ;

Attendu qu'ainsi il se déduit de ces présomptions graves, précises et concordantes, d'une part, la réalité du caractère défectueux du produit, d'autre part, le lien de causalité entre ce défaut et les dommages contradictoirement constatés dans le cas de l'espèce ;

Attendu que si la SAS " Protecta " invoque la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11 du Code civil, l'autorisation de mise sur le marché, dont elle a bénéficié, ne saurait suffire à faire la preuve, dont elle a la charge en application de l'article 9 du Code de procédure civile, que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où elle a mis le produit en circulation, n'aurait pas permis de déceler l'existence du défaut ;

Attendu qu'en effet l'intéressée s'est notamment abstenue de produire, d'une part, les analyses du mastic litigieux, dans la formule duquel figuraient des composants toxiques, d'autre part, les études et tests réalisés avant la mise en circulation sur le marché qui auraient pris en considération l'état de ces connaissances ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SAS " Protecta " et a condamné cette dernière à payer à l'EARL " Les Pépinières Burtin " une indemnité de 33 060,83 euros, outre les intérêts de cette somme à compter du 3 août 2006, dès lors que la fixation de ce point de départ des intérêts moratoires permet à la victime un dédommagement intégral ;

Attendu que le jugement doit encore être confirmé en ce qu'il a débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " de sa demande additionnelle en dommages et intérêts pour mauvaise foi, dès lors qu'elle ne caractérise pas les éléments qui auraient fait dégénérer en abus le droit de résister aux prétentions adverses ;

Attendu que les prétentions dirigées contre les sociétés " Protecta ", " Établissements Vial " et " Industrial Chimica ", sur le fondement des articles 1134, 1145 et 1603 du Code civil, étant subsidiaires, elles deviennent sans objet ;

Sur la garantie de la SA " Aviva Assurances " :

Attendu que la SAS " Protecta " a souscrit le 19 octobre 1999 auprès de la compagnie d'assurances " Abeille ", aux droits et obligations de laquelle vient la SA " Aviva Assurances ", une police d'assurance responsabilité civile professionnelle pour les activités de :

" Négoce de matériels électriques anti-nuisibles et produits anti-nuisibles pour l'agriculture

Négoce de produits anti-mouches à base de glu

avec livraison

sans installation, ni démonstration chez les tiers

sans réparation

sans travaux donnés en sous-traitance "

Attendu que reprochant à la SAS " Protecta " de n'avoir pas déclaré son activité de conception, élaboration, ou vente de produits chimiques, la SA " Aviva Assurances " invoque le bénéfice de la douzième exclusion de garantie stipulée dans les conventions spéciales de la police pour sanctionner ce défaut de déclaration ;

Attendu que la SAS " Protecta " lui oppose que la garantie lui serait due au titre de l'assurance " responsabilité civile après livraison ", qui prévoit la garantie des " dommages causés aux tiers par les produits fabriqués, vendus " ;

Mais attendu que la douzième exclusion des conventions spéciales qui lui est opposée est commune à toutes les garanties, de sorte que le moyen de défense est inopérant ;

Et attendu que son assurée n'ayant pas déclaré son activité industrielle de conception et de production de produits phytosanitaires, la SA " Aviva Assurances " est fondée à s'en prévaloir pour lui refuser sa garantie ;

Attendu que la SAS " Protecta " oppose ensuite à la SA " Aviva Assurances " la connaissance qu'elle avait de son activité et la garantie qu'elle lui a accordée dans des affaires identiques ;

Mais attendu que le choix de garantir d'autres sinistres générés par son activité industrielle, que la compagnie d'assurances a pu faire dans des affaires présentées comme identiques, ne la prive pas du droit de se prévaloir de l'exclusion de garantie dans le cadre du présent litige, qui recouvre un cas d'espèce différent ;

Attendu que la SAS " Protecta " se prévaut par ailleurs des dispositions de l'article L. 113-17 du Code des assurances en cas de direction du procès par l'assureur ;

Attendu qu'elle prétend en effet que dès l'expertise amiable de Geneviève Guignot, la SA " Aviva Assurances " a pris l'entière direction des opérations par le truchement de son propre expert, en relation directe avec Geneviève Guignot, puis, au stade de l'expertise judiciaire, avec Élisabeth Jouan Vialet qui précise que le chiffrage des montants des dégâts " sont acceptés par le groupe d'assurance Aviva assureur de la société Protecta " ;

Mais attendu qu'en répondant à la convocation de Geneviève Guignot, la SA " Aviva Assurances ", qui avait déjà informé son assurée qu'elle lui déniait sa garantie, a précisé à l'expert amiable qu'elle avait " ouvert un dossier sous les plus expresses réserves de garanties ", et François Banuls précisait le 18 novembre 2005, qu'il " assisterait à la réunion du 24 novembre 2005 en qualité d'expert désigné par l'assurance Aviva " ;

Et attendu que pendant tout le déroulement de cette expertise amiable la SAS " Protecta " est intervenue de manière autonome pour son propre compte, tandis que l'expert François Banuls ne représentait que les intérêts de la SA " Aviva Assurances " ;

Attendu que de la même manière la SA " Aviva Assurances " n'est intervenue à l'expertise judiciaire confiée à Élisabeth Jouan Vialet, que pour y avoir été appelée de manière forcée par la SAS " Protecta ", avec un conseil différent de celui de son assurée, peu important le fait qu'elle ait accepté le chiffrage des dommages débattus contradictoirement depuis le déroulement de l'expertise amiable ;

Attendu qu'il se déduit de ces éléments que la SA " Aviva Assurances " n'a pas pris la direction du procès dans le cas de l'espèce, et ne peut donc être considérée avoir renoncé à se prévaloir des exceptions, opposées à son assurée avant l'engagement de ce procès ;

Attendu que la SAS " Protecta " soutient subsidiairement que la garantie lui serait due à titre de réparation de la faute que la SA " Aviva Assurances " aurait commise en donnant son accord sur le montant du préjudice, attitude qui lui aurait été préjudiciable en ce que cet accord lui aurait été opposable ;

Mais attendu que la SAS " Protecta " était libre de faire connaître ses propres éléments pour contester le cas échéant le montant du préjudice, voire la réalité des dommages ;

Attendu qu'il s'ensuit que la SA " Aviva Assurances " qui n'intervenait pas au procès pour le compte de son assuré, n'a commis aucune faute en approuvant l'estimation faite de ce préjudice ;

Attendu qu'il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de débouter la SAS " Protecta " de son action en garantie contre la SA " Aviva Assurances " ;

Sur l'action en garantie de la SAS " Protecta " contre la société " Industrial Chimica " :

Attendu que la société " Industrial Chimica " n'a pas mis en circulation le produit défectueux, de sorte que la SAS " Protecta " qui a procédé à cette mise sur le marché, a conçu la formule chimique défectueuse et a fourni les matières actives, ne peut pas se retourner contre son manufacturier sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, et il lui incombe de faire la démonstration que ce dernier aurait commis une faute dans l'exécution de leur contrat ;

Or attendu qu'il ne ressort d'aucun élément que la société " Industrial Chimica " n'aurait pas exécuté les directives de sa donneuse d'ordre pour la fabrication du produit, aucun manquement à l'obligation de délivrance du produit commandé n'ayant été déploré par la SAS " Protecta " à l'issue de la fabrication, produit livré dont elle n'a jamais cherché à remettre en cause la conformité au résultat demandé, notamment en faisant procéder à son analyse ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SAS " Protecta " de son action en garantie contre la société " Industrial Chimica " ;

Sur les frais de l'instance :

Attendu que la SAS " Protecta " qui succombe devra supporter les dépens de l'instance ;

Attendu que l'équité commande en outre de mettre à sa charge, en application de l'article 700 du Code de procédure civile une somme de 1 000 euros à chacune des parties intimées, en sus de celles allouées en première instance ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Rejetant la demande de sursis à statuer, Reçoit les appels en la forme. Au fond, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires aux présentes, et plus précisément en ce qu'il a : déclaré la SAS " Protecta " responsable, en sa qualité de productrice de mastic " Phytopast plus ", des dommages causés aux plantations de l'EARL " Les Pépinières Burtin " ; condamné la SAS " Protecta " à payer à l'EARL " Les Pépinières Burtin " 33 060,83 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2006 ; débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour mauvaise foi ; écarté la responsabilité la SARL " Établissements Vial " et débouté l'EARL " Les Pépinières Burtin " des demandes dirigées contre cette partie ; écarté la responsabilité de la société de droit italien " Industrial Chimica " et débouté la SAS " Protecta " de l'action en garantie dirigée contre cette partie ; statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance. Et le réformant en ce qu'il a condamné la SA " Aviva Assurances " à relever et garantir la SAS " Protecta " des condamnations prononcées contre elle et en ce qu'il a ordonné " l'exécution forcée " du jugement à son encontre, Reçoit la SA " Aviva Assurances " en son exception de non garantie. En conséquence, Déboute la SAS " Protecta " de son action en garantie dirigée contre la SA " Aviva Assurances ". Et y ajoutant, Dit que la SAS " Protecta " supportera les dépens d'appel et payera par application de l'article 700 du Code de procédure civile une somme complémentaire de 1 000 euros à chacune des parties intimées, sans qu'il y ait lieu de statuer par anticipation sur la prise en charge d'éventuels frais futurs d'exécution du présent arrêt. Dit que les avocats postulants qui en ont fait la demande, pourront recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont ils auront fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.