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Décisions

CA Aix-en-Provence, 10e ch., 7 novembre 2012, n° 10-16702

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Generali IARD (SA), Awis (SARL)

Défendeur :

Montard, CPAM des Alpes Maritimes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vannier

Conseillers :

Mmes Bourrel, Tournier

Avoué :

SCP Blanc Cherfils

Avocats :

Selarl Boulan-Cherfils-Imperatore, SCP Beldev, SCP Maynard Simoni, SCP Latil Penarroya-Latil Alligier, Mes Detre, Doizelet, Pellegrino

TGI Nice, du 30 juill. 2010

30 juillet 2010

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Le 1er juin 2005, la SARL Awis qui exerce à Mandelieu La Napoule (06) à l'enseigne Winner l'activité de location de bateaux de plaisance, et est assurée par la SA Générali IARD, a loué une vedette tractant une bouée sur laquelle ont embarqué 7 salariés de la société BSM dont M. Thierry Montard, pour participer à une journée en mer accordée par l'employeur.

L'identification du locataire de ce bateau, la société BSM ou un de ses employés, fait litige entre les parties mais les parties n'en tirent aucune incidence sur la solution du litige.

Alors que le bateau tractait la bouée sur laquelle avait pris place M. Franck Diana, la corde a cassé et le bout est venu frapper le visage au niveau de l'oeil gauche de M. Thierry Montard qui était dans le bateau.

A la suite de cet accident, celui-ci a perdu l'usage fonctionnel de son oeil gauche.

Par ordonnance de référé du 18 octobre 2007, le Président du Tribunal de grande instance de Nice a commis le docteur Jean-Claude Hanoune, ophtalmologue, en qualité de médecin expert.

Par exploits séparés du 25 mai 2009, M. Thierry Montard a assigné la SARL Awis, la SA Générali IARD et la CPAM des Alpes-Maritimes en indemnisation de son préjudice corporel sur le fondement des articles 1384-1, 1386-1 et 1386-7 du Code civil.

Par déclaration du 15 septembre 2010, la SARL Awis et la SA Générali IARD ont relevé appel du jugement du Tribunal de grande instance de Nice du 30 juillet 2010 qui a :

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD à payer à M. Thierry Montard la somme de 84 015,51 euro, en deniers et quittances, avec intérêts de droit à compter du présent jugement,

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 21 153,11 euro avec intérêts de droit à compter du présent jugement,

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 966 euro au titre de l'indemnité légale forfaitaire de l'article L. 316-1 du Code de la sécurité sociale,

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD à payer à M. Thierry Montard la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la SARL Awis et la société Générali IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Par conclusions récapitulatives du 14 septembre 2012, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SARL Awis et la société Générali IARD demandent à la cour de :

" Statuant sur l'appel interjeté par la compagnie Générali et la société Awis exerçant sous l'enseigne Winner,

Réformant la décision entreprise et statuant à nouveau,

Vu les dispositions des articles 1384-1 et 1386-1 et suivants du Code civil,

Dire et juger mal fondées les demandes de M. Montard.

Dire et juger l'article 1384-1 inapplicable en l'espèce, seuls les articles 1386-1 et suivants du Code civil ayant vocation à s'appliquer.

Dire et juger que la garde de la corde a été transférée.

Dire et juger que la société Awis n'a jamais été gardienne de la structure de la corde, la distinction garde de la structure/garde du comportement n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce à une corde ni non plus à la société Awis qui n'a pas la qualité de fabricant et en l'absence de preuve d'un vice ou d'un défaut de cette corde.

Dire et juger que la preuve du défaut de sécurité n'est pas établie.

Dire et juger qu'en application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, la société doit être mise hors de cause dans la mesure où le fabricant de la corde est identifié.

Dire et juger que les circonstances de l'accident ne sont pas établies.

En conséquence, infirmer la décision entreprise en tous ces éléments et rejeter purement et simplement les prétentions de M. Montard.

À titre subsidiaire :

Donner acte à la société Awis et à la compagnie Générali de ce qu'elles s'en remettent à la sagesse de la cour en ce qui concerne l'appréciation des préjudices.

Dire et juger que les preuves de l'existence d'une tierce personne et d'un préjudice professionnel ne sont pas rapportées.

En conséquence, rejeter les demandes de M. Montard.

En conséquence :

Débouter M. Montard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Le condamner au paiement d'une somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens de l'instance dont ceux d'appel distraits au profit de Me Cherfils de la Selarl Boulan Cherfils Impératore, avocat aux offres de droit. "

Par conclusions du 20 juin 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. Thierry Montard demande à la cour de :

" Statuant sur l'appel interjeté par la société Awis exerçant sous l'enseigne Winner et la compagnie Générali,

Vu les articles 1384-1, 1386-1 et suivants du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le rapport d'expertise judiciaire du docteur Hanoune en date du 31 janvier 2008,

Confirmer le jugement rendu par la 3e chambre civile du Tribunal de grande instance de Nice en date du 30 juillet 2010 en toutes ses dispositions,

Sauf à voir réformer la réparation du préjudice patrimonial portant sur l'assistance par tierce personne pour laquelle il est sollicité une indemnisation à hauteur de 9 720 euro,

Et élever le préjudice professionnel dont il est demandé réparation à la somme de 204 900 euro.

Dire les demandes de M. Montard recevables et bien fondées.

En conséquence, débouter la SARL Awis et la compagnie Générali IARD de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Condamner la SARL Awis et la compagnie Générali IARD conjointement et solidairement à payer à M. Montard la somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Maynard Simoni, avoués aux offres de droit. "

Par ordonnance du 3 octobre 2012, l'ordonnance de clôture du 19 septembre 2012 a été révoquée, et l'instruction de l'affaire a été close à nouveau.

Motifs

Sur le droit à indemnisation de M. Thierry Montard

Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés.

M. Thierry Montard poursuit l'indemnisation de son préjudice pour avoir été blessé à l'oeil gauche ensuite de la rupture de la corde qui reliait le bateau à la bouée tractée.

Il invoque donc la défectuosité de la corde qui aurait dû résister à la traction du bateau, et qui de ce fait, n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.

Il suit de là que son action fondée sur l'article 1384-1 du Code civil est irrecevable et que seuls sont applicables les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil.

Aux termes de l'article 1386-7 du Code civil, le loueur de la chose est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

La société Awis et la SA Générali IARD soutiennent que leur responsabilité ne pourrait être encourue dès lors qu'elles ont communiqué le nom du fournisseur de la corde.

Cependant, elles ne justifient pas avoir indiqué le nom du fournisseur dans le délai de trois mois.

En effet, par courrier du 7 février 2006, la compagnie Assurances Crédit Mutuel, assureur de M. Thierry Montard, a écrit à la SA Générali IARD que compte tenu de la gravité des blessures de celui-ci, elle envisageait de l'assigner ainsi que la SARL Awis.

L'ordonnance de référé du 18 octobre 2007 qui a organisé l'expertise médicale n'est pas produite par les parties.

Mais, M. Thierry Montard a ensuite assigné au fond le 25 mai 2009 en visant expressément l'article 1386-1 et l'article 1386-7 du Code civil.

Or, d'après le dossier de première instance transmis par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice, les conclusions dans lesquelles les appelantes indiquent pour la première fois le nom du fournisseur de la corde ont été notifiées au conseil de M. Thierry Montard le 5 février 2010 et déposées au greffe le 8 février 2010.

Eu égard aux pièces dont la cour dispose, la société Awis ne rapporte donc pas la preuve que sont réunies les conditions d'application de l'article 1386-7 du Code civil in fine.

Les circonstances de l'accident sont âprement discutées par les parties.

À l'appui de ses prétentions, M. Thierry Montard produit les attestations de cinq des six personnes qui participaient avec lui à la sortie en mer du 1er juin 2005.

M. Guillaume Serror, qui pilotait le bateau, a indiqué que la vitesse était d'environ 12 noeuds et qu'il tractait une bouée de loisir nautique lorsque Karim Agrebi lui avait demandé de couper les gaz parce que la corde permettant de tracter la bouée avait rompu et avait frappé de plein fouet l'oeil gauche de M. Thierry Montard, qu'il restait environ 8 à 10 m de corde.

M. Karim Agrebi a déclaré qu'il était sur le bateau et qu'il surveillait la bouée sur laquelle avait pris place Franck Diana, que Thierry était assis à l'arrière du bateau lorsque soudain la corde qui tractait la bouée a cassé et est revenue comme un fouet sur le visage de Thierry.

Dans une précédente attestation adressée à la SA Assurances Crédit Mutuel, M. Karim Agrebi avait précisé que Thierry était à l'arrière chargé de surveiller la bouée et la corde, suivant les recommandations du loueur, lorsque la corde avait cassé.

M. Frank Diana a expliqué qu'au moment des faits il se trouvait dans la bouée tractée par le bateau et que Thierry Montard était installé à l'arrière du bateau, quand soudain la corde reliée au bateau avait cassé et qu'à son retour sur le bateau il avait constaté qu'il y avait un blessé.

M. Yohan Cauvin a indiqué que M. Thierry Montard était à l'arrière du bateau, que la corde fournie par Winner SARL Awis avait cédé et avait frappé Thierry au visage.

Mme Célia Boudart a témoigné que Thierry et elle étaient assis à l'arrière du bateau, face à face, Thierry étant assis dans l'arrière droit du siège circulaire des passagers, les jambes allongées sur la banquette lorsque soudainement la corde en tension avait cédé venant percuter son visage comme un fouet.

M. Thierry Montard produit aussi l'attestation rédigée par M. Patrice Finot à l'attention de la société Assurances Crédit Mutuel dans laquelle il précise qu'après plusieurs tractages de bouée, M. Thierry Montard surveillait la corde et la bouée comme le leur avait demandé le loueur, quand il avait reçu dans l'oeil la corde qui avait cassé soudainement.

Devant la gravité de la blessure de M. Thierry Montard, M. Guillaume Serror a prévenu les secours et a dirigé le bateau vers le port le plus proche, soit celui de Théoule-sur-Mer.

Le compte rendu du service départemental d'incendie et de secours qui est intervenu porte mention : " personne ayant reçu un cordage dans l'oeil et présentant des vomissements des suites de ce choc "

Les sapeurs-pompiers ont transporté M. Thierry Montard au centre hospitalier Les Broussailles à Cannes.

Il résulte de ces pièces que M. Thierry Montard a bien été blessé par suite de la rupture de la corde qui reliait la bouée tractée au bateau.

La société Awis et la SA Générali IARD contestent que la corde se soit rompue sous la traction de la bouée par le bateau et émettent l'idée que ce cordage a été sectionné par l'hélice du moteur ensuite d'une mauvaise manœuvre du pilote du bateau.

À l'appui de cette hypothèse, les appelantes produisent plusieurs photographies d'un filin sectionné qu'elles affirment être la corde qui s'est rompue le 1er juin 2005 et qui aurait été coupée par l'hélice du moteur.

Ces photographies sont datées du 23 novembre 2005.

La corde photographiée de couleur rouge orangé, qui apparaît comme étant composée d'une multitude de fils en matière synthétique, présente une section nette.

M. Thierry Montard, qui ne conteste pas que la corde ainsi photographiée soit similaire à celle qui reliait le bateau à la bouée le 1er juin 2005, conteste qu'il s'agisse de celle qui s'est rompue.

Il soutient que la corde qui s'est rompue devrait présenter une section effilochée même dans l'hypothèse où elle aurait été prise dans l'hélice, puisqu'elle aurait été cisaillée.

En effet, il est fort peu probable qu'un filin de cette nature puisse présenter une coupe nette alors qu'il est en tension.

Ces seules photographies ne sont donc pas probantes de l'état de la corde le jour de l'accident.

Au demeurant, les témoins contredisent cette version et plus particulièrement, M. Karim Agrebi qui précise dans son attestation que la corde ne s'est pas prise dans l'hélice car elle était tendue par la traction de la bouée au moment de l'accident, et que de plus, même à l'arrêt, la corde flottait en surface.

Les appelantes ne contestent pas que, conformément à la législation applicable en matière de sports et jeux nautiques, la corde reliant le bateau à la bouée était flottante.

Eu égard aux photographies et schémas du bateau produits par les parties, à la position du moteur par rapport à la plage arrière, le fait que le filin reliant le bateau à la bouée soit dans une matière lui permettant de flotter, et la longueur restante soit 8 à 10 m, écartent définitivement l'hypothèse selon laquelle la corde a pu être sectionnée franchement par l'hélice du moteur.

Il est donc démontré que M. Thierry Montard a été blessé par la corde reliant le bateau à la bouée qui a cédé sous la force de traction qui lui était imprimée par la vitesse du dit bateau.

Or, les occupants du bateau qui avait été loué avec la bouée à tracter, pouvaient légitimement s'attendre à ce que le filin reliant la bouée au bateau et fourni par la société Awis, résiste à la tension ainsi imprimée.

Le défaut de la corde est donc avéré.

Afin de s'exonérer de sa responsabilité, la société Awis et la SA Générali IARD invoquent enfin la faute de M. Thierry Montard qui se serait trouvé assis à l'arrière du bateau sur la plage bain de soleil.

À supposer établi que M. Thierry Montard se soit trouvé sur cette plage arrière au moment de l'accident, ceci n'est pas constitutif d'une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage.

Mais surtout, aucun des témoins de l'accident n'a indiqué que M. Thierry Montard se trouvait sur la plage arrière bain de soleil et l'attestation de Mme Célia Boudart qui a été reprise ci-dessus contredit formellement cette hypothèse.

La société Awis et la SA Générali IARD seront condamnées à indemniser l'entier dommage de M. Thierry Montard subi ensuite de l'accident de mer du 1er juin 2005 et la décision déférée sera confirmée par substitution de motifs.

Sur l'indemnisation de M. Thierry Montard

Il résulte du certificat médical du 1er septembre 2005 du professeur Pierre Gastaud et du rapport d'expertise du 31 janvier 2008 du docteur Jean-Claude Hanoune, tous deux ophtalmologistes, qu'ensuite de l'accident du 1er juin 2005, M. Thierry Montard né le 16 septembre 1978, alors agent commercial dans la bureautique, a subi une contusion du globe oculaire gauche qui a entraîné une iridodialyse circulaire, un hyphéma avec forte hypertonie, une déchirure inférieure géante de la rétine, une hémorragie intravitréenne et une luxation du cristallin.

M. Thierry Montard a été hospitalisé du 1er au 18 juin 2005.

Le geste chirurgical associant vitrectomie, phakophagie, endophotocoagulation et tamponnement pneumatique ont permis de conserver une acuité entre 0,4 et 0,5e avec correction.

L'acuité sans correction est inférieure à 1/20e.

Il reste comme séquelle une aniridie, une aphaquie, un glaucome secondaire et une maculopathie conclusive minime.

L'oeil gauche étant déformé, il est inaméliorable et inappareillable (impossibilité d'implantation secondaire d'un cristallin artificiel ni d'adaptation de lentille cornéenne pour aphake).

Le docteur Jean-Claude Hanoune a noté que l'activité professionnelle de M. Thierry Montard lui faisait parcourir environ 50 000 km par an et nécessitait aussi un important travail administratif, que la perte fonctionnelle de son oeil gauche qui a eu pour conséquence immédiate la perte de la vision binoculaire entraînant la perte du sens du relief, la mauvaise appréciation des distances et une importante photophobie, a eu une incidence sur sa vie professionnelle eu égard aux difficultés rencontrées dans la conduite automobile avec besoin de réapprentissage dans ses habitudes de conducteur, surtout en plein soleil ou bien à la tombée de la nuit, et à une pénibilité à la fixation pour le travail administratif.

M. Thierry Montard a repris ses activités professionnelles le 1er septembre 2005 avec une certaine pénibilité, sans changement d'affectation.

Le médecin expert a aussi mentionné que les séquelles présentées par M. Thierry Montard avaient eu une répercussion dans sa vie privée avec la peur ou l'impossibilité de pratiquer certains sports.

Le jour de l'examen expertal, l'oeil droit est normal avec une acuité visuelle de 10/10e de loin sans correction, et de près qualifiée " Parineau 2 " sans correction.

Le docteur Jean-Claude Hanoune a conclu ainsi qu'il suit :

- date de consolidation : 31 janvier 2008,

- ITT : trois mois,

- IPP : 24 %,

- pretium doloris : 3/7,

- préjudice esthétique : 2/7,

- préjudice d'agrément : évoqué,

- évolution : possibilité d'aggravation.

Le dernier certificat médical produit par M. Thierry Montard du 28 septembre 2012 établi par le docteur Jérôme Blondel, ophtalmologiste, mentionne pour l'oeil gauche une acuité visuelle sans correction limitée inférieure à 1/10, une acuité visuelle avec correction limitée à 4/10 dans le champ temporal (pas directement), une aniridie (absence d'iris et donc de couleur d'oeil), une aphakie (absence de cristallin), un tonus oculaire normal grâce à un traitement hypotonisant (bithérapie), une maculopathie traumatique avec perte du reflet fovéolaire, et un laser périphérique sur 360° avec une rétine à plat par ailleurs.

Ce médecin conclut que ces séquelles sont définitives et que certaines sont potentiellement évolutives dans l'avenir ce qui nécessite une surveillance rapprochée semestrielle.

Les parties sont d'accord pour que les indemnisations allouées par le premier juge soient confirmées, à l'exception du préjudice professionnel et de la tierce personne.

Les postes de dépenses de santé actuelles (14 659,30 euro), de dépenses de santé futures (4 075,32 euro), de déficit fonctionnel temporaire (2 100 euro), de souffrances endurées (6 000 euro), de déficit fonctionnel permanent (55 200 euro), et de préjudice esthétique (3 350 euro) seront donc confirmés.

Frais divers

M. Thierry Montard sollicite l'indemnisation de l'aide familiale qui lui a été apportée par sa famille pendant les trois mois d'ITT à raison de six heures par jour, au taux horaire de 18 euro.

M. Thierry Montard a été hospitalisé du 1er au 18 juin 2005, et a été en arrêt de travail jusqu'au 15 août, puis en congé du 16 août au 31 août 2005 d'après le rapport du docteur Jean-Claude Hanoune, et il a repris son travail à temps complet le 1er septembre 2005.

Nonobstant l'absence de toute pièce ou attestation, eu égard à la nature de sa blessure, il est incontestable que M. Thierry Montard a été aidé dans une mesure que la cour fixe à deux heures par jour de son retour à domicile à la fin de son arrêt de travail.

Le taux horaire retenu sera de 12 euro.

Il sera donc alloué à M. Thierry Montard pour 59 jours, la somme de 1 416 euro.

Perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle

Les parties ne distinguant pas le préjudice professionnel avant et après la date de consolidation, il sera fait de même par la cour, liées par leurs prétentions.

En appel, M. Thierry Montard ne demande aucune indemnisation au titre de sa perte de gains professionnels pendant la période du 1er juin au 15 août 2005 où il a été en arrêt maladie.

Pendant cette période, il a perçu la somme de 2 418,49 euro à titre d'indemnités journalières alors que d'après les bulletins de paie qu'il produit, il avait perçu 15 159,72 euro de salaires nets imposables sur les cinq premiers mois de l'année 2005.

Thierry Montard explique qu'il a été contraint de cesser son activité de commercial au sein de la société BSM pour laquelle il travaillait depuis environ neuf ans en décembre 2007 parce qu'il ne lui était plus possible, compte tenu de sa fatigue visuelle, de conjuguer dans une même journée la conduite prolongée d'un véhicule et la manipulation de l'outil informatique.

Il indique qu'il y a eu rupture amiable de son contrat de travail, qu'ensuite il a été pris en charge par les Assedic à compter du 28 février 2008, l'allocation d'aide au retour à l'emploi ayant été fixée à un montant journalier net de 77,37 euro, et qu'il a été indemnisé jusqu'au 29 juin 2009.

Pendant cette période, il soutient avoir perdu 1 100 euro mensuellement.

Depuis, il aurait créé une entreprise individuelle.

Il explique que compte tenu de sa fatigue visuelle, il estime à 1 000 euro par mois la perte de ses revenus.

Mais, M. Thierry Montard a produit uniquement ses bulletins de paie de février à mai 2005.

Le défaut de production des bulletins de paie de la période de septembre 2005 à décembre 2007 ne permet pas de démontrer une baisse de ses résultats justifiant la rupture amiable de son contrat de travail avec la société BSM, comme il le soutient.

Il ne produit aucun autre document ou attestation permettant de retenir que la rupture amiable de son contrat de travail est imputable à l'accident du 1er juin 2005.

Il ne produit pas non plus un quelconque document relatif à son activité professionnelle actuelle.

M. Thierry Montard ne démontre donc pas l'existence d'une perte de gains professionnels actuels et/ou futurs.

Toutefois, conformément au rapport d'expertise, il est retenu que la perte fonctionnelle de son oeil gauche entraîne pour M. Thierry Montard une pénibilité du travail certaine et une restriction sur les emplois auxquels il peut postuler sur le marché du travail qui seront indemnisées, compte tenu de son âge à la date de consolidation, 29 ans, par l'allocation de la somme de 85 000 euro.

M. Thierry Montard fait aussi état de ce que l'acuité visuelle de son oeil droit aurait baissé eu égard à sa sollicitation permanente et produit un certificat médical du 10 février 2011 du docteur Jérôme Blondel.

Dans l'hypothèse où M. Thierry Montard entendrait faire prendre en compte une aggravation de son état en relation avec l'accident du 1er juin 2005, il conviendrait qu'il saisisse à nouveau la juridiction de première instance.

Sur les demandes de la CPAM des Alpes-Maritimes

En l'absence de contestation des parties, la décision déférée qui a alloué à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 21 153,11 euro au titre de ses débours, la somme de 966 euro au titre de l'indemnité légale forfaitaire et la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile sera confirmée.

Afin de tenir compte des sommes qui auraient pu être payées à titre de provision, les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances.

L'équité commande de faire bénéficier M. Thierry Montard des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à l'exclusion de tout autre partie.

La société Awis et la SA Generali IARD qui succombent, seront condamnées aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée, excepté en ce qui concerne les postes de préjudice frais divers et perte de gains professionnels, Et statuant à nouveau et y ajoutant, Fixe l'indemnisation du poste frais divers à la somme de 1 416 euro et l'indemnisation du poste incidence professionnelle à la somme de 85 000 euro, En conséquence, condamne in solidum la SARL Awis et la SA Générali IARD à payer en deniers ou quittances, à M. Thierry Montard la somme de 153 066 euro au titre de l'indemnisation de son préjudice corporel, et la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel, Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la SARL Awis et la SA Générali IARD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.