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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 juillet 2014, n° 11-01468

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodea (Sté), SCP Bayle-Chanel (ès qual.)

Défendeur :

Général Motors France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fisselier, Bourgeon, Lallement, Henry

T. com. Paris, 19e ch., du 5 nov. 2010

5 novembre 2010

Vu le jugement en date du 5 novembre 2010, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit que la société General Motors France n'avait commis aucune faute en mettant fin au contrat de distributeur Opel Véhicules Particuliers qui la liait à la société Sodea, constaté que conformément à l'engagement pris par la société General Motors France devant le Tribunal de commerce de Paris, l'exécution du contrat se poursuivait dans l'attente de la présente décision, dit que la société General Motors France était bien fondée à mettre fin au contrat de distributeur Opel Véhicules Particuliers de la société Sodea dans les termes de l'article 19.3.2 r) du contrat de distributeur, débouté la société Sodea de ses demandes de dommages et intérêts, condamné la société Sodea à payer la somme de 3 000 euro la société General Motors France en application de l'article 700 du Code de procédure civile et, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Vu l'appel interjeté le 25 janvier 2011 par la société Sodea et ses conclusions signifiées le 28 avril 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, dans lesquelles la société Sodea demande à la cour de dire la société Sodea recevable et fondée en son appel, donner acte à la SCP Bayle-Chanel de son intervention ès qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Sodea ouverte par jugement du Tribunal de grande instance de Thionville du 19 décembre 2013, infirmer le jugement entrepris, dire et juger que la société General Motors France ne rapporte pas la preuve que les conditions d'application de l'article 19.3.2. r) du contrat de distributeur qui la lie à la société Sodea sont remplies, constater en conséquence la non-acquisition de la clause résolutoire stipulée à cet article, dire et juger que la société General Motors France n'a pu valablement faire application des dispositions de l'article 19.3.2 r) du contrat de distributeur, dès lors que la méthodologie de détermination des objectifs de vente utilisée ne répond ni aux exigences contractuelles d'un traitement égal et équitable de tous les distributeurs Opel, requises de l'annexe 9 du contrat de distributeur, ni aux exigences de non-discrimination découlant des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101-1 du TFUE, dire et juger que le degré de gravité de la faute résultant d'une insuffisance prétendue d' "efficience", reprochée par la société General Motors France à la société Sodea, n'est pas suffisant pour justifier une rupture des relations commerciales au regard des exigences de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, condamner la société General Motors France à payer à la société Sodea la somme de 854 023 euro titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la résiliation injustifiée du contrat de distributeur véhicules particuliers à durée indéterminée conclu le 20 juin 2006 et de la rupture brutale de la relation poursuivie depuis 1982, condamner la société General Motors Fiance à payer à la société Sodea la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions signifiées le 29 avril 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, dans lesquelles la société General Motors France demande à la cour de, à titre principal, dire et juger que la société General Motors France n'a commis aucune faute en mettant fin au contrat de distributeur Opel Véhicules Particuliers qui la liait à la société Sodea, en conséquence, confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris dont appel et débouter la société Sodea et la SCP Bayle-Chanel, ès qualités d'administrateur judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes, subsidiairement, dire et juger que les demandes indemnitaires de la société Sodea ne sont pas fondées, cependant, si par extraordinaire la cour d'appel devait condamner la société General Motors France à des dommages et intérêts, dire et juger que lesdits dommages devraient être évalués en tenant compte de la durée du préavis qui aurait dû être accordé à la société Sodea après déduction des treize mois de préavis déjà accordés, en tout état de cause, condamner solidairement la société Sodea et la SCP Bayle-Chanel, ès qualités d'administrateur judiciaire, à verser à la société General Motors France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Sodea a acquis en 2006 le fonds de commerce de la société Carrosserie Mosellane, qui représentait la marque "Opel" à Thionville.

La société Sodea a été agréée par la société General Motors France (ci-après GMF), filiale du Groupe General Motors, responsable de l'importation des véhicules de marque "Opel" en France, pour reprendre les activités de distribution et réparation des véhicules de marque "Opel" à Thionville.

Les relations commerciales entre ces deux sociétés étaient régies par deux contrats ayant pris effet le 20 juin 2006 et encadrant respectivement les activités de vente et d'après-vente.

L'article 10.2 du contrat prévoyait, au titre des "objectifs de vente" : "les parties conviendront des objectifs de vente au plus tard avant la fin du premier trimestre de chaque année civile en ce qui concerne le nombre minimum de véhicules automobiles qui doivent être vendus par le distributeur pendant l'année civile (...). Les parties devront se mettre d'accord sur ces objectifs de vente au plus tard à la fin du premier trimestre de chaque année civile. En cas de désaccord entre les parties sur les objectifs de vente, les parties observeront les stipulations de l'article 23.7 de ce contrat. Les objectifs de vente seront utilisés pour évaluer tous les distributeurs Opel conformément à l'annexe 9. Lesdits objectifs de vente seront ajustés de manière à refléter la situation réelle du marché".

Conclu pour une durée indéterminée, le contrat de distributeur était résiliable, en vertu de son article 19.2, moyennant un préavis ordinaire qui ne pouvait être inférieur à deux ans, seuls des manquements du distributeur à ses obligations essentielles pouvant autoriser la société General Motors France à résilier le contrat sans préavis, en vertu de l'article 19.3.2. "Le défaut d'atteindre les objectifs de vente établis conformément à l'article 10.2" constituait, selon cet article, un fait ou un événement permettant à GMF de résilier le contrat sans avertissement préalable.

L'annexe 9, intitulée "Evaluation du distributeur", exposait les buts et la méthode d'évaluation des performances des distributeurs, au regard des objectifs fixés. Il était prévu en son article 1 que "GMF préparera des objectifs de vente devant être discutés avec le distributeur et approuvés par lui et évaluera par la suite le distributeur sur l'atteinte de ces objectifs conformément à cette annexe".

Il prévoyait, en son article 2.2.1 que si le niveau de performance du distributeur, à l'issue d'une année civile, en termes d' "efficience" était inférieur ou égal à 75 % de la performance moyenne nationale, ou de la performance moyenne régionale le cas échéant, alors les performances du distributeur seraient considérées comme n'étant pas en ligne avec les objectifs de vente et la société General Motors France pourrait déclencher un processus d'échelles de sanctions (article 2.2.3) et éventuellement résilier le contrat de distributeur en vertu de son article 19.3.2.r, si, à la fin de l'année suivante, son efficience restait insuffisante (article 2.2.4).

Cette annexe 9 a pris effet au 5 mai 2006 au sein du réseau General Motors. L'objet de cette annexe, intitulée "Annexe évaluation du distributeur au contrat de distributeur GMF", était de définir une méthode de détermination des objectifs de vente et d'évaluation des performances des distributeurs.

Sur la base de cette annexe, la société GMF doit préparer un objectif annuel de vente à clients finals de véhicules automobiles pour chaque distributeur Opel, pour l'année civile, sur la base, d'une part du potentiel de vente à clients finals, dans la zone de responsabilité du distributeur, et, d'autre part, sur la base de l'historique des ventes à client final du distributeur les années précédentes. Ces deux composantes sont pondérées par un ratio prédéfini (66 %, 33 %). Cette annexe prévoit la faculté d'ajuster l'objectif de vente de véhicules automobiles des distributeurs, afin de tenir compte de changements significatifs de marché dans leur zone de responsabilité. Constitue, notamment, un changement dans l'environnement commercial du distributeur, l'ouverture d'un point de vente concurrent dans sa zone de responsabilité, ou la décision du distributeur de devenir lui-même distributeur d'une marque concurrente ; tous ces éléments sont pris en considération dans le cadre de l'objectif de vente du distributeur fixé par GMF. Chaque proposition d'objectifs de vente est soumise au distributeur concerné; dans l'hypothèse où les parties n'arriveraient pas à se mettre d'accord, ce désaccord donne lieu à arbitrage.

La performance du distributeur, en terme de ventes, est mesurée, non pas en valeur absolue par rapport aux objectifs de vente, mais par rapport à la performance du réseau : "si le niveau de performance du distributeur est inférieur ou égal à 75 % de la performance moyenne nationale, ou de la performance moyenne régionale le cas échéant, alors les performances du distributeur seront considérées comme n'étant pas en ligne avec les objectifs de vente et GMF pourra mettre en œuvre un processus d'échelles de sanctions"(page 9 de l'annexe). Il est prévu à ce stade également que GMF pourra procéder à des ajustements de la performance pour tenir compte des conditions locales significatives qui pourraient affecter directement la performance du distributeur.

Par courriers trimestriels envoyés en recommandés des 21 avril, 31 juillet et 22 octobre 2008, la société General Motors France a signalé à son concessionnaire qu'il n'atteignait pas les taux d'efficience auxquels il s'était engagé et l'a mis en demeure, précisant que si sa performance ne s'améliorait pas pour la fin de l'année pour atteindre un niveau égal ou supérieur à 75 %, il pourrait mettre en œuvre un processus d'échelles de sanction. Par courrier recommandé du 13 mars 2009, la société General Motors France s'est prévalue de ce que l'efficience n'avait pas été redressée à la fin de l'année et a déclenché l'échelle de sanctions pour 2009.

Par courriers recommandés des 13 mars, 26 mai, 23 juillet, et 2 novembre 2009, le concédant renouvelait les mêmes observations au titre de l'année 2009 et annonçait la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat.

Le 20 janvier 2010, la société Sodea réagissait à cette notification d'efficience insuffisante et mentionnait pour la première fois des problèmes de niveau de prix par rapport aux distributeurs belges et luxembourgeois, ainsi que le désengagement d'Atradius en mars 2009 qui l'auraient pénalisée et empêchée d'atteindre ses objectifs.

Par courrier recommandé du 10 février 2010, la société General Motors France a notifié la résiliation du "contrat de distributeur" à la société Sodea, en application de l'article 19.3.2. r) à effet du 31 mars 2010, au motif d'une efficience de 70,53 % sur l'année 2009 (réalisations CVD de 67,97 % par rapport à la moyenne nationale de 96,37 %).

La société Sodea a contesté cette résiliation et a, par acte extrajudiciaire du 8 mars 2010, assigné la société General Motors France, aux fins, notamment, de faire constater la non-acquisition de la clause résolutoire litigieuse.

Le tribunal a jugé, dans le jugement entrepris, que la société General Motors France n'avait commis aucune faute dans la mise en application de l'article 19.3.2.r du contrat de distributeur Opel véhicules particuliers qui la liait à la société Sodea. Il a, en conséquence, considéré que la société General Motors France était bien fondée à résilier ce contrat en vertu de cet article et a débouté la société Sodea de toutes ses demandes.

Par jugement en date du 19 décembre 2013, le Tribunal de grande instance de Thionville a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Sodea et la SCP Bayle-Chanel, ès qualités d'administrateur judiciaire à ladite procédure de sauvegarde, est intervenue volontairement à la présente procédure.

Sur l'application du droit de la concurrence

Considérant que si la société Sodea soutient que la clause d'objectifs est anticoncurrentielle, il convient de rappeler que le règlement 1400-2002 du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, fait bénéficier cette clause de l'exemption automatique, applicable lorsque la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 40 % du marché en cause sur lequel il vend les véhicules automobiles neufs, dès lors que l'accord vertical contenant cette clause prévoit le droit pour chacune des parties de recourir à un expert indépendant ou à un arbitre en cas de litige relatif au respect de (cette obligation contractuelle), en vertu des dispositions combinées du 1 de l'article 3 et du b du 6 du même article 3 ;

Considérant que ces deux conditions sont, en l'espèce, réunies, la société General Motors France disposant d'une part de marché inférieure à 40 % et le contrat de distribution signé entre les deux sociétés en cause contenant une clause d'arbitrage, à l'article 23.7; que cette clause dispose que "les parties acceptent de soumettre le différend (portant notamment sur la réalisation des objectifs de vente), à une commission de tiers experts composée de trois personnes désignées conjointement par le distributeur et GMF";

Considérant que si les deux règlements automobiles précédant le règlement de 2002 privaient les clauses de résultat de l'exonération automatique, tel n'est plus le cas du règlement en vigueur au moment des faits, qui ne distingue plus entre les clauses de moyens et les clauses de résultat ;

Considérant, au surplus, que la clause n'a pas pour objet de porter atteinte à la concurrence, en obligeant le distributeur à avantager la marque Opel par rapport aux marques concurrentes;

Considérant qu'il n'est pas démontré, en l'espèce, que cette clause soit contraire au droit de la concurrence;

Sur la validité de la clause et son application au regard de la bonne foi qui doit présider aux relations contractuelles

Sur l'application de la clause

Considérant que, au soutien de ses demandes, la société Sodea tente de démontrer, dans un premier temps, que les conditions d'application de l'article 19.12 r) du contrat ne sont pas réunies et relève, pour ce faire, l'absence de preuve de l'"efficience" de tous les distributeurs Opel en 2008/2009 ; que l'article 19.3.2 r) autorise la société General Motors France à sanctionner le distributeur qui n'aurait pas obtenu une "efficience" de 75 % mesurée par le taux de réalisation de ses objectifs par rapport au pourcentage moyen de réalisation des objectifs par les autres distributeurs ; que la société Sodea soutient que la société General Motors Fiance ne peut reprocher à la société Sodea une insuffisance d' "efficience" sans rapporter la preuve des objectifs acceptés par tous les autres distributeurs Opel et de leur réalisation;

Mais considérant que la société General Motors France verse aux débats, devant la cour d'appel, les objectifs individuels signés par tous les distributeurs Opel en 2008 et 2009 (SEG VP et VUL) ; que ces données sont cohérentes avec l'état général communiqué aux Premiers Juges;

Considérant que la société Sodea conteste également la constatation des ventes effectuées (CVD) par les distributeurs Opel;

Mais considérant que, si elle fait remarquer que le nombre de CVD est différent du nombre d'immatriculations de véhicules neufs pour les deux années 2008 et 2009, cette différence provient du fait que des véhicules immatriculés en France peuvent avoir été vendus dans un autre Etat ; que, si elle conteste le document établi par le prestataire extérieur Urban Science, qui se présente comme une synthèse des ventes réalisées par les distributeurs Opel en 2008 et en 2009, elle ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les constatations effectuées ;

Sur la discrimination

Considérant que la société Sodea soutient qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire puisqu'un concessionnaire qui n'avait pas réalisé son efficience, tant en 2008 qu'en 2009, ne s'est pas vu appliquer la clause résolutoire par la société General Motors France;

Mais considérant qu'il appartient à la société Sodea de rapporter la preuve de ce qu'elle allègue; qu'en effet il lui appartient de démontrer que cette société, soi-disant avantagée, se trouvait dans la même situation qu'elle et s'est vue réserver un traitement différent ; que la société General Motors France soulève les difficultés connues par cette société en 2007 et expose à juste titre que la société Sodea a elle-même bénéficié, au titre de l'année 2007, d'un traitement favorable puisque, dès cette année, l'efficience de la société Sodea était inférieure à 75 %, sans que, pour autant, la société General Motors France ait déclenché le processus d'échelles de sanctions au cours de l'année 2008;

Considérant que si la société Sodea conteste également l'objectif imparti par la société General Motors au distributeur de Metz, qui serait sous-évalué, alors que le potentiel de sa zone de responsabilité serait supérieur de 43,7 à celui de Thionville, il ressort des éléments de calcul fourni par le concédant que le concessionnaire applique le taux de vente particulier de 71 % à une étape trop précoce dans le calcul, ce qui a pour effet de le fausser;

Considérant, en effet, que la société Sodea essaie de mettre en évidence une erreur dans le calcul du SEG 2009 VP de ce distributeur ; que, cependant, le calcul part des immatriculations moyennes de véhicules particuliers des quatre premières marques importées de la zone du distributeur, soit 462 ; que ce chiffre est ensuite extrapolé au parc d'immatriculations dans son ensemble, étant entendu que les véhicules particuliers représentent 71 % des immatriculations ; que GMF applique au chiffre de 462 un coefficient de calcul de -1,5 % qui tient compte du recul prévu sur le marché pour les ventes de véhicules Opel; que le potentiel résultant de ces immatriculations constatées s'élève à 100 (462-7/7 1), soit 641 ; que le SEG 2009 résulte de la somme de 66 % de ce chiffre et de 33 % des ventes effectives réalisées par le distributeur en 2008 ; que la société Sodea a effectué le calcul du SEG 2009 du distributeurs de Metz, en partant de statistiques sur les immatriculations dans leur ensemble, ce qui ne correspond pas à la méthode exposée ci-dessus, suivie par GMF; que la société Sodea ne démontre pas que la méthode de calcul de l'objectif fixé à chaque distributeur serait discriminatoire et le désavantagerait spécialement;

Sur la personnalisation de la fixation des objectifs de la clause

Considérant que la société Sodea dénonce aussi l'absence de prise en compte des conditions de marché de sa zone de responsabilité ou des conditions locales significatives ; qu'elle soutient qu'elle est, par sa situation géographique, confrontée à la concurrence des distributeurs belges et luxembourgeois voisins et affirme que cette situation doit être prise en compte pour juger de l'insuffisance de son "efficience" ; qu'elle souligne que le droit de résiliation pour non-réalisation des objectifs de vente est soumis à la réunion de deux conditions, lesquelles sont l'existence d'objectifs de vente acceptés ou arbitrés par un tiers expert et leur non-réalisation du fait d'un manquement du distributeur à son obligation de moyens ; que la perte de la caution de la société Atradius, garantissant l'achat des véhicules neufs, ne lui a pas permis d'accomplir cette obligation de moyens;

Considérant que la société General Motors France avance qu'elle n'avait pas à prendre en compte certains évènements, tels que la situation géographique de la société Sodea, prétendument victime de la concurrence belge et luxembourgeoise, alors pourtant que les pièces versées aux débats ne permettent nullement de démontrer la réalité de cette concurrence, ou la suppression de la caution par la société Atradius, laquelle ne saurait influer sur la réalisation des objectifs;

Mais considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Sodea a failli à son obligation d'efficience de l'année 2007 à l'année 2009; qu'elle ne justifie pas avoir contesté les objectifs fixés par le concédant, ni n'avoir, à aucun moment, sollicité que soit mise en œuvre la procédure d'arbitrage, afin de faire valoir des éléments personnels qui auraient justifié la minoration de ces objectifs ; qu'elle a attendu 2010 pour évoquer les problèmes évoqués plus haut devant la société General Motors France ; qu'elle ne démontre pas que les prix des véhicules belges et luxembourgeois de la marque Opel auraient été inférieurs aux prix français, les tarifs conseillés dans les catalogues étant, selon une étude de la Commission européenne, moins élevés en France que dans ces pays ; que, par ailleurs, les distributeurs français peuvent aussi vendre dans les pays limitrophes; qu'à cet égard, les exportations vers l'Allemagne où les prix semblent plus élevés, peuvent compenser les importations en France depuis les zones limitrophes ; que la société Sodea ne démontre pas l'existence de modifications dans sa zone de responsabilité, qui auraient eu un effet substantiel sur ses ventes ; que ses allégations sont insuffisamment précises pour démontrer l'impact sur sa rentabilité et sur sa productivité des facteurs qu'elle allègue; que notamment, elle a signé ses engagements d'efficience, pour 2009, en connaissant la dénonciation de la caution le 4 décembre 2008 ; que s'il ressort de cet arrêt de la caution que seule une vingtaine de véhicules lui était financée, elle ne démontre pas les conséquences concrètes sur son activité de cette baisse, qui a duré quelques mois ; que ce moyen sera donc rejeté ;

Considérant, enfin, que la circonstance que la société Sodea aurait bénéficié de primes de rentabilité inférieures à celles octroyées aux autres concessionnaires, plus efficients, ne saurait être évoquée par elle pour expliquer sa faible compétitivité et pour la dispenser de respecter ses objectifs ;

Sur l'opposabilité de la clause résolutoire

Considérant que, dans un second temps, la société Sodea soulève l'inopposabilité de la clause résolutoire pour justifier la rupture de la relation commerciale; qu'elle soutient que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est applicable, en l'absence d'une inexécution contractuelle d'un degré de gravité suffisant ; qu'en effet, l'insuffisance de l' " efficience " ne saurait constituer une telle inexécution;

Considérant que la société General Motors France soutient que l'inexécution commise justifie la cessation du contrat de distributeur et que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce autorise expressément la mise en œuvre de la clause résolutoire pour tout manquement, sans exiger que le manquement soit grave; qu'elle prétend, en outre, que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne serait pas applicable en ce que la relation commerciale ne serait pas établie ; que dès lors qu'en 2009 la société General Motors France a clairement manifesté sa volonté de ne pas poursuivre les relations contractuelles avec la société Sodea si la clause d' "efficience" n'était pas atteinte, les relations sont devenues précaires, car soumises à une condition; que, de plus, selon la société General Motors France, le contrat de distribution litigieux étant exempté, il ne peut être remis en cause par les dispositions de l'article L.442-6,5° du Code de commerce, ce dernier ayant, comme les contrats bénéficiant de l'exemption, pour objectif la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, de sorte que les dispositions internes ne peuvent interdire une pratique exemptée; qu'elle rappelle, enfin, que le non-respect de la clause d' "efficience" constitue bien une infraction grave au contrat, en opérant la distinction entre clause d'"objectif" et clause d' "efficience" et précise que les modalités d'application de la clause d' "efficience" litigieuse n'avaient rien d'insurmontables et étaient parfaitement mesurées ;

Mais considérant que la relation commerciale entre les deux parties est continue depuis vingt ans ; que la mise en œuvre de la procédure d'alerte ne saurait s'analyser comme une fin des relations établies, mais tout au plus comme une annonce de la résiliation possible du contrat;

Considérant que l'article 3, § 3, du règlement 1-2003, relatif aux rapports entre droit national et droit de la concurrence communautaire, dispose; "Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des Etats membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n'interdisent pas l'application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du traité" ; que si l'article L. 442-6 du Code de commerce vise "la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence", grâce à la protection des concurrents, cet objectif n'est pas identique à celui poursuivi par la répression des pratiques anticoncurrentielles qui tend à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble;

Considérant qu'il en résulte que le bénéfice de l'exemption automatique du règlement communautaire automobile, n'écarte donc pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de concession, sous réserve qu'il n'ait pas commis de faute ; qu'il y a donc lieu d'apprécier si la société Sodea a commis une faute, de nature à lui faire perdre le bénéfice du préavis, en n'atteignant pas, pendant deux années consécutives, le seuil d'efficience;

Considérant, en l'espèce, que les seuils d'efficience, définis en commun entre le concédant et le concessionnaire, peuvent être ajustés pour tenir compte de difficultés des distributeurs ; qu'ils sont définis par rapport à la performance moyenne du réseau des concessionnaires; qu'ils garantissent donc bien aux concessionnaires un traitement égal et non laissé à l'arbitraire du concédant; qu'est considérée comme un manquement essentiel aux obligations du contrat, la circonstance de réaliser une efficience inférieure à 75 % de l'efficience des autres concessionnaires, pendant deux ans; que le taux de 75 % garantit le caractère raisonnable et atteignable de ces obligations ; que la défaillance est mesurée sur deux années, après plusieurs avertissements et laisse au distributeur le temps de redresser la situation; qu'un concédant est en droit d'exclure de son réseau les concessionnaires qui ne sont pas suffisamment productifs, car le principe de la concession prive le concédant de la faculté de désigner un autre distributeur dans la même zone territoriale; qu'il manquait 24 véhicules à Sodea pour réaliser ses objectifs 2009; que ce chiffre n'est pas négligeable ; qu'elle n'a jamais contesté ses objectifs, ni n'a soutenu que les circonstances de marché nécessitaient de les revoir, avant le courrier du 20 janvier 2010 qu'elle verse aux débats; que ce manquement est de nature à priver la société Sodea de tout préavis de rupture ; qu'elle sera donc déboutée de ses demandes et le jugement déféré confirmé;

Par ces motifs, Donne acte à la SCP Bayle-Chanel de son intervention ès qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Sodea, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Sodea aux dépens de l'instance d'appel, Condamne la société Sodea au paiement de la somme de 10 000 euros à la société General Motors France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.