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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. B, 30 juillet 2014, n° 13-01111

BORDEAUX

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

Mmes Fourniel, Coudy

TGI Bordeaux, 1re ch., du 16 mars 2010

16 mars 2010

1) Monsieur Louis B. a déposé le 31 août 1989 à l'INPI la marque française semi-figurative "Château le Grand Housteau" pour désigner des "vins d'appellation d'origine provenant de l'exploitation exactement dénommée Château Le Grand Housteau" en classe 33, marque ayant donné lieu à enregistrement sous le sous le numéro 1 549 403.

La déclaration de renouvellement a été faite le 2 juillet 1999 par les consorts B. Jean-Louis, Sylvie et Rose.

Les Consorts B. sont propriétaires d'un domaine viticole dénommé Château Grand Housteau situé principalement sur la commune de Saint Germain de Grave et accessoirement sur les communes de Saint André du Bois, Semens, Gabarnac et Sainte- Croix- du- Mont dont l'exploitation est confiée à la SCEA des Vignobles B. créée en 1996, dont le gérant est Jean-Louis B., selon bail rural à long terme du 8 Août 1996.

La SCEA des Vignobles B. commercialise sous la marque "Château le Grand Housteau" en France et en Europe, notamment en Norvège, le vin produit en "Aoc Bordeaux Premières côtes de Bordeaux" sur ce domaine.

Le GFA de L. immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 15 mars 1985 et dont le siège social est localisé à Mouliets et Villemartin, a déposé le 12 janvier 2004 à l'INPI la marque "Château Grand Housteau" pour des "vins d'appellation d'origine contrôlée provenant de l'exploitation exactement dénommée Château Grand Housteau" en classe 33, marque ayant donné lieu à enregistrement sous le numéro 3 266 975 publié le 20-02-2004.

Cette marque est exploitée par la maison Ginestet SA pour la vente de vins bénéficiant de l'Aoc"Bordeaux Supérieur", en France et également en Norvège.

Après mise en demeure de cesser l'exploitation de la marque déposée par lui adressée par leur avocat à monsieur L., gérant du GFA de L., le 1er août 2006, les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis ont fait assigner par actes d'huissier des 3 et 18 avril 2007 le GFA de L. et la SA Maison Ginestet afin de voir le Tribunal de grande instance de Bordeaux reconnaître l'existence d'une contrefaçon par imitation de la marque dont ils sont titulaires, annuler la marque déposée "Château Grand Housteau", avec publication du jugement au registre des marques, interdiction de toute reproduction et usage de la dénomination "Grand Housteau" ou "Housteau" ou commercialisation de vins sous ces dénominations, et indemnisation du préjudice des consorts B. avec versement provisionnel dans l'attente de documents nécessaires à la fixation de leur préjudice, et constater une concurrence déloyale pour laquelle ils demandent une indemnisation provisionnelle en faveur de la SCEA en attente des documents permettant de fixer leurs préjudices.

Les défendeurs, la SA Ginestet et le GFA DE L. se sont opposés aux demandes faites et ont formé une demande reconventionnelle en nullité de la marque détenue par les Consorts B. du fait de son caractère déceptif.

2- Par jugement du 16 mars 2010, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a considéré que la marque "Château le Grand Housteau" exploitée par la SCEA des Vignobles Louis B. ne présentait pas de caractère déceptif car le vin provenait des parcelles situées sur la commune de [...] et le seul fait que l'exploitation s'étende aussi sur d'autres parcelles que celles portant la dénomination "Grand Housteau" ne rendait pas la marque déceptive, même si la partie de la propriété portant ce nom représentait une proportion relativement faible, dès lors que les raisins d'où était issu le vin provenaient bien de l'exploitation et faisaient l'objet d'une vinification séparée.

Il a par contre considéré que l'action en contrefaçon de la marque "Château le Grand Housteau" était fondée car le GFA de L. ne prouvait pas avoir droit au toponyme "Grand Housteau", faute de pouvoir déterminer la proportion des tènements viticoles exploités sur le [...] par rapport à l'ensemble du vignoble appartenant au GFA ou d'établir l'antériorité de l'utilisation du nom "château Grand Housteau" par rapport au dépôt de la marque des demandeurs, et du fait qu'il existait un risque de confusion tenant à la proximité visuelle et intellectuelle entre le nom "Château Grand Housteau" et le nom de la marque "Château le Grand Housteau" déposée par les consorts B..

Il a estimé que la SA Ginestet devait indemniser les consorts B. de leur préjudice moral.

Il a par ailleurs jugé que l'action en concurrence déloyale était fondée car le risque de confusion entre les vins commercialisés sous les deux marques existait à tel point qu'un article paru dans un quotidien norvégien avait fait une confusion entre eux, et a condamné le GFA de L. à indemniser la SCEA exploitant la marque "Château le Grand Housteau".

Il a donc :

- rejeté la demande en nullité de la marque "Château le Grand Housteau",

- constaté que seuls les consorts B. étaient demandeurs en contrefaçon, la SCEA n'agissant qu'en concurrence déloyale,

- dit que le GFA de L. et la SA Ginestet avaient commis des actes de contrefaçon de la marque 'Château le Grand Housteau en déposant, reproduisant et utilisant à des fins commerciales la marque "Château Grand Housteau",

- prononcé la nullité de la marque "Château Grand Housteau" enregistré sous le numéro 3 266 975 en classe 33,

- ordonné l'inscription de la présente décision au registre national des marques,

- fait interdiction au GFA de L. et à la SA Ginestet, sous peine d'une astreinte de 1 000 euro par infraction constatée, de procéder à toute reproduction et tout usage de la dénomination "Grand Housteau" ou "Housteau" ou de toute dénomination susceptible de créer une confusion avec la marque "Château le Grand Housteau" ainsi qu'à toute commercialisation de vins sous ce nom,

- condamné in solidum le GFA de L. et la SA Ginestet à verser à M. Jean- Louis B., madame Sylvie B. épouse D., et Madame B. N. Rose Libertad veuve B., une somme de 5 000 euro chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à leur droit de propriété intellectuelle,

- déclaré recevable la demande de la SCEA des Vignobles B. Louis en concurrence déloyale,

Avant-dire-droit au fond,

- ordonné au GFA de L. et à la SA Ginestet de produire les livres comptables, registres, offres, commandes, factures de vente, bons de livraison, état des stocks, tarifs, état des ventes afférents aux vins commercialisés sous la marque "Château Grand Housteau" dans les trois mois suivant la signification de la présente décision et sous peine d'une astreinte provisoire de 500 euro par jour de retard,

- condamné in solidum le GFA de L. et la SA Ginestet à verser à la SCEA des Vignobles B. Louis une provision de 30 000 euro à valoir sur son préjudice,

- ordonné la publication du jugement dans trois journaux ou revues professionnelles au choix des consorts B. et aux frais du GFA de L. et de la SA Ginestet pris in solidum dans la limite de 4 000 euro par insertion,

- condamné in solidum le GFA de L. et la SA Ginestet à verser aux consorts B. la somme de 3 000 euro an application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné le GFA de L. à garantir la SA Ginestet des condamnations mises à sa charge,

- sursis à statuer sur le surplus de la demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- renvoyé l'affaire à la mise en état du 27 septembre 2010,

- et réservé les dépens.

Le GFA de L. a fait appel de la décision du 16 mars 2010 par déclaration d'appel du 29 Avril 2010.

La SA Maisons Ginestet a interjeté appel du jugement du 16 mars 2010 par déclaration du 12 mai 2010.

Les deux dossiers ont été joints en cours d'instance d'appel.

3 - Par arrêt du 15 septembre 2011, la Cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement déféré dans toutes ses dispositions, à l'exception de la condamnation du GFA de L. à garantir la société Maison Ginestet des condamnations mises à sa charge, et, statuant à nouveau de ces chefs,

- débouté le GFA de L. et la société Maison Ginestet de leurs demandes de garantie respectives,

- débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

- ordonné l'insertion du dispositif du présent arrêt dans la publication ordonnée par le tribunal,

- condamné le GFA de L. et la société Maisons Ginestet in solidum à payer aux consorts B. et à la SCEA Vignobles B. Louis la somme de 3 000 euro, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et aux dépens d'appel et autorisé la SCP A.-H. & L. à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'arrêt a repris la motivation des premiers juges en précisant que le caractère déceptif de la marque "Château le Grand Housteau" pouvait être écarté car l'exploitation comportait plusieurs parcelles situées au "Grand Housteau", dès lors que, vu la renommée limitée du cru, il ne pouvait être soutenu que le consommateur s'attendait à un vin provenant des vignes exactement situées au [...] et qu'il n'était pas démontré que la SCEA Vignobles B. Louis se livrerait à des mélanges prohibés de vins venant de l'exploitation et de vins extérieurs à l'exploitation ; mais il a considéré que, ni le GFA de l., ni la société Maison Ginestet, tous deux auteurs de faits de contrefaçon, ne sauraient obtenir la garantie l'un de l'autre pour les condamnations prononcées à leur encontre.

4 - Par arrêt du 12 février 2013, la Cour de Cassation, saisie de pourvois formés par la société Maison Ginestet d'une part et par le GFA de L. d'autre part, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 15 septembre 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Bordeaux autrement composée, a condamné monsieur et mesdames B. aux dépens, les a condamnés à payer au GFA de L. la somme globale de 2.500 euro et à la société Maison Ginestet la même somme et rejeté leur demande.

La Cour de Cassation a considéré que, pour rejeter la demande en nullité de la marque "Château le Grand Housteau", l'arrêt avait retenu qu'il importait peu que les parcelles portant la dénomination "Grand Housteau" représentent une faible portion de la propriété viticole exploitée par la SCEA des vignobles B. Louis, soit 4 ha 89 a 41 ca sur une exploitation contenant au total, plus de 34 hectares, et qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni allégué, ni démontré que la production provenant de ces parcelles ferait l'objet d'une vinification séparée, la cour d'appel avait violé les textes susvisés à savoir les articles L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle et 13 du décret du 19 août 1921 modifié, pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes.

5 - A la suite de cet arrêt, l'affaire a été ré-enrôlée à la Cour d'appel de Bordeaux et attribuée à la première chambre Section B.

Après conclusions des parties, l'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2014 et a fixé l'affaire à l'audience du 28 avril 2014 à laquelle la décision a été mise en délibéré au 26 juin 2014 prorogé à ce jour.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 avril 2014, le Groupement Foncier Agricole de L. demande à la cour d'appel de

Vu notamment les articles L. 711-3 c) et L. 714-3 du CPI

A TITRE PRINCIPAL

- déclarer recevable et bien fondé le GFA de L. en son appel,

- réformer le jugement du 16 mars 2010 rendu par le Tribunal de grande instance de Bordeaux en toutes ses dispositions.

- constater la régularité de la marque viticole Château Grand Housteau par rapport aux dispositions françaises et européennes,

- dire et juger que la SCEA des Vignobles B. ne prouve pas qu'elle vinifie bien ses vins de manière séparée et qu'elle ne vinifie pas de manière séparée les parcelles portant la dénomination "Grand Housteau",

- prononcer la nullité de la marque Château le Grand Housteau, n° 1549403, détenue par les Consorts B. au visa de l'article L. 711-3c) du Code de la propriété intellectuelle du fait du caractère déceptif de la marque et,

- condamner conjointement et solidairement les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis à payer au GFA De L. la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article L. 713-3 du CPI du fait de leurs actes de contrefaçon,

- dire et juger que le GFA de L. et la société Maison Ginestet ne se se sont rendus coupables d'aucun acte de contrefaçon,

- dire et juger que le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA ne se sont rendus coupables d'aucun acte de concurrence déloyale, ni parasitaire,

- débouter les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- ordonner la publication de l'arrêt dans trois journaux ou revues professionnelles au choix du GFA De L. et aux frais des demandeurs à cette instance,

- condamner conjointement et solidairement les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis à payer au GFA De L. une indemnité de 10 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux qui la concerne à la SELARL Patricia M.-C. ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

- condamner la société Maison Ginestet SA à relever indemne le GFA de L. de toutes condamnations pécuniaires prononcées à son encontre;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- condamner le GFA de L. uniquement à l'euro symbolique.

Le GFA de L. expose que :

- la SA Maison Ginestet a choisi de déposer en 2004 cette marque qu'elle exploitait déjà depuis le début des années 2000, un partenariat les liant depuis 1995, et elle commercialise son vin sous cette marque en France et en Norvège ;

- la marque exploitée "Château Grand Housteau" est régulière car le GFA a droit au patronyme "Grand Housteau" et a droit d'utiliser le terme de "château" ;

- sur le droit au patronyme, la propriété viticole existe à cet endroit depuis plus d'un siècle du fait des acquisitions de terres par la famille de monsieur L., gérant du GFA, de L. en 1894, 1907, 1911 et 1921, et 40% de terres de l'exploitation sont situées sur le tènement "Grand Housteau" dans la mesure où le tènement dénommé "Aux grandes Bornes Oue" était compris historiquement sous le [...]

- les pièces produites permettent de vérifier que le nom "Château Grand Housteau" est exploité depuis plus d'un siècle par les membres de la famille L., ce qui confère au GFA de L. une antériorité sur l'utilisation de ce nom ;

- s'agissant du terme de "château", le constat d'huissier de M° B., Huissier de justice à Castillon la Bataille du 25-11-2009 attestant de l'existence de chais et cuviers sur la propriété et la déclaration de récolte versée aux débats établissent l'existence d'une autonomie culturale conférée par ces installations conformément aux règlement communautaire du 16-10-1990 et à la jurisprudence constante sur ce point ;

- l'existence de ce lieu confère un droit d'utilisation de ce toponyme au GFA pour sa marque, comme jugé dans un arrêt "Pétrus".

Il fait valoir en second lieu et à titre reconventionnel que la marque déposée par les demandeurs doit être annulée et soutient pour cela que :

- alors qu'elle- même détient et utilise le nom "château Grand Housteau" depuis plus d'un siècle, ce qui lui donne un droit toponymique antérieur, la SCEA des Vignobles B. Louis a déposé un nom similaire à titre de marque, source de confusion, car, ainsi que l'ont reconnu les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. dans leurs conclusions, il existe une proximité sonore, visuelle et intellectuelle entre le nom "Château Grand Housteau" et le nom de marque "Château le Grand Housteau" détenu par les consorts B. ;

- la SCEA des Vignobles B. ne détient que 12 % de son exploitation viticole sur le [...] de sorte qu'elle ne possède pas de droit toponymique, alors que la jurisprudence exige qu'au moins un tiers des vins provienne de la parcelle dont le nom est revendiqué, de sorte que la marque est donc déceptive pour le public ;

- en toute hypothèse, même s'il était reconnu un droit au toponyme à la SCEA adverse, elle se devait d'adjoindre un terme distinctif en raison des droits antérieurs détenus par le GFA;

- le terme de "château" figurant dans la marque obligeant à pratiquer une vinification séparée ne peut être retenu en l'espèce, car le bail conclu entre les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. autorise la vinification dans les bâtiments existants de vins provenant de vignobles extérieurs et la SCEA ne prouve nullement qu'elle ne fait pas de mélange et vinifie de manière séparée les parcelles portant la dénomination "Grand Housteau".

Il ajoute que l'annulation de la marque ayant un effet rétroactif, les demandeurs se sont rendus coupables de contrefaçon à l'égard de la marque détenue par eux et sollicite leur condamnation au paiement de 10 000 euro de dommages et intérêts.

En troisième lieu, le GFA de L. expose que, si par extraordinaire, la cour ne reconnaissait pas le caractère régulier de l'ancienne marque Château Grand Housteau et n'accueillait pas la demande en nullité de la marque adverse, elle devrait constater que le GFA n'a commis aucun acte de contrefaçon dans le délai de 3 ans précédant l'assignation du 18 avril 2007 car il n'a jamais apposé la marque litigieuse sur le vin qu'il vend en vrac à la SA Maison Ginestet, ni même utilisé ce nom depuis 2003, date de la signature du partenariat les liant, qu'il a immédiatement exécuté les termes du jugement et procédé à la radiation de sa marque auprès de l'INPI alors que le jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire et qu'en toute hypothèse, faute de prouver que la marque est protégée sur le territoire norvégien, le préjudice économique ne peut concerner ce territoire et ne peut être réalisé que sur le territoire français, sur lequel il est inexistant en l'absence de baisse prouvée des ventes depuis 2004 jusqu'en 2010, date du retrait de sa marque.

Enfin, en quatrième lieu, le GFA de L. argue qu'il ne peut être retenu à son encontre de concurrence déloyale et de parasitisme, d'une part du fait qu'il détient une marque valable et régulière, et d'autre part du fait qu'en toute hypothèse les actes dénoncés sont les mêmes faits que ceux avancés au titre de l'action en contrefaçon, alors que la jurisprudence exige des faits distincts pour admettre et indemniser un préjudice tiré d'acte de concurrence déloyale, ce qui n'est pas établi au cas d'espèce.

Enfin, le GFA de L. soutient que, de par les contrats les liant, si la cour d'appel confirmait le jugement du tribunal de grande instance et le condamnait pour contrefaçon et concurrence déloyale ainsi que parasitisme, elle devrait condamner la société Maison Ginestet SA à le relever indemne de toute condamnation car, selon l'acte d'engagement signé, il est seulement responsable de la production du vin tandis que la SA Maison Ginestet est responsable de sa mise en bouteille et partant de l'étiquetage.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 Juillet 2013, la SA Maison Ginestet demande à la cour de :

par application des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, des articles 1382 et 1315 du Code civil, et 146 al 2 du Code de procédure civile :

- la déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- réformer le jugement du 16 mars 2010 rendu par le Tribunal de grande Instance de Bordeaux en toutes ses dispositions.

- constater la régularité de la marque viticole Château Grand Housteau par rapport aux dispositions françaises et européennes,

- prononcer la nullité de la marque des consorts B.,

- dire et juger que la société Maison Ginestet SA ne s'est rendue coupable d'aucun acte de contrefaçon,

- dire et juger que la société Maison Ginestet SA ne s'est rendue coupable d'aucun acte de concurrence déloyale ni parasitaire, au premier chef, du fait d'absence de contrefaçon, au second chef, n'ayant commis aucune faute distincte de fait qui serait retenu comme acte de contrefaçon, au troisième chef, du fait qu'il n'est établi aucun commencement de preuve du moindre préjudice,

- débouter les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis de leurs demandes,

- condamner conjointement et solidairement les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis à lui payer une indemnité de 20 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, Vu les articles 1134 et 1147, 1625 et suivants du Code civil,

- dire et juger que le préjudice subi sur le fondement de la concurrence déloyale sans qu'il soit distingué d'actes distincts des actes de contrefaçon ne peut qu'être limité aux actes accomplis en France, la marque n'étant protégée qu'en France,

- dire et juger qu'il n'y a lieu d'ordonner que la production des pièces comptables et commerciales relatives aux ventes françaises,

- dire et juger que le GFA de L. doit sa garantie contractuelle à la société Maison Ginestet,

- condamner le GFA de L. à garantir la société Maison Ginestet de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge,

En conséquence,

- ordonner que le nom de la société Maison Ginestet n'apparaisse pas en cas d'éventuelle condamnation à publication,

- condamner le GFAde L. à payer à la société Ginestet une indemnité de 20 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le GFA de L. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SA Maison Ginestet expose qu'elle exerce les activités de viticulture et de négoce de vins, que dans ce cadre elle a constitué un portefeuille de vins étoffé, regroupant les plus célèbres crus classés du vignoble bordelais, ses propres vins et marques ainsi que ceux de ses viticulteurs partenaires et producteurs, dont fait partie le GFA de L., propriétaire de la marque "Château Grand Housteau" exploitée en Aoc "Bordeaux Supérieur" sur la Commune de Mouliets et Villemartin, avec qui elle signe chaque année depuis 1995 un accord de production et de commercialisation pour du vin à la vinification duquel elle porte assistance et qu'elle commercialise.

Elle fait valoir que :

- la marque "Château Grand Housteau" est régulière comme le soutient le GFA de L. car l'utilisation du toponyme Grand Osteau repose sur la propriété depuis le début du siècle de terres situées à plus de 40 % de la superficie de l'exploitation viticole, l'utilisation du terme de "château" telle que régie par l'article 57 du règlement CEE n° 607-2009 est légale en ce que la récolte est issue de ces terres et est vinifiée dans des bâtiments d'exploitation situées sur cette exploitation ;

- le GFA est fondé à utiliser la marque "Château Grand Housteau" car il bénéficie d'une antériorité de la marque par rapport à la marqué déposée "Château le Grand Housteau", dans la mesure où ce nom est exploité depuis plus d'un siècle par la famille de monsieur L., gérant du GFA de L..

Elle souligne en second lieu que le tribunal s'est uniquement fondé sur des éléments verbaux pour caractériser la confusion alors qu'il aurait dû relever les éléments figuratifs, que l'existence d'actes de contrefaçon n'est en rien établie car les termes verbaux de "Château Le Grand Housteau" ne comportent pas de signe distinctif du produit et les étiquettes des deux marques sont très différentes, ce qui exclut toute possibilité de confusion pour un consommateur raisonnablement averti et attentif, l'étiquette de la marque déposée par les Consorts B. étant jaune avec une grande arche et des inscriptions en caractère gothique, excluant toute confusion entre les deux vins, et le risque de confusion allégué ne pouvant reposer sur un article de journal norvégien dont la provenance est incertaine et pouvant être une erreur isolée.

Elle considère par ailleurs que l'action en concurrence déloyale est irrecevable en ce qu'elle n'est fondée sur aucun acte ou faute autre que celle pouvant découler de la contrefaçon, étant précisé que, contrairement aux affirmations du tribunal, la Cour de Cassation, selon une jurisprudence traditionnelle, ne permet le cumul des actions que si "aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi viennent s'ajouter d'autres faits dont le caractère abusif ou excessif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur des règles de probité commerciale";

elle ajoute qu'en toute hypothèse, une telle action en concurrence déloyale n'est pas fondée car elle n'a commis aucune faute en vendant du vin acquis en vrac sous le nom "Château Grand Housteau", comme autorisé par le vendeur et indiqué par le courtier, après avoir vérifié que ce nom de château figurait dans le fichier de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, l'existence d'un préjudice n'est pas établie, la SCEA des Vignobles B. Louis ne produisant aucun commencement de preuve de son préjudice et une mesure d'instruction ne pouvant suppléer la carence des parties, et sans faute ni préjudice, le lien de causalité ne peut exister.

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait que les mêmes actes autorisent une action pour contrefaçon et une action en concurrence déloyale, elle fait valoir que la marque étant protégée sur le territoire français, le préjudice doit être constitué sur le sol français, à l'exclusion de la commercialisation sur le sol norvégien, de sorte que toute production de documents concernant le vin commercialisé sous la marque "Château Grand Housteau" ne saurait concerner que les pièces relatives aux ventes françaises.

Enfin, à titre subsidiaire, la SA Maison Ginestet demande à la cour, en confirmant le jugement sur ce point, de condamner le GFA de L. à la relever indemne de toute condamnation prononcée contre elle en faveur des consorts B. ou de la SCEA des Vignobles Louis B. en application de l'article 1625 du Code civil, car elle a été prudente en ayant recours aux services d'un professionnel, le CIVB, bénéficiant de compétences et d'une expérience professionnelles, et elle a vendu du vin dont le GFA de L. a indiqué être propriétaire de la marque.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 mars 2014, monsieur Jean-Louis B., madame B. Rose Libertad B.-N., madame Diaz Sylvie B. et la SCEA des Vignobles Louis B. demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 16 mars 2010 rendu par le Tribunal de grande instance de Bordeaux,

En conséquence,

- dire et juger qu'en vertu des dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, le dépôt et la reproduction par le GFA de L. de la marque Château Grand Housteau enregistrée à l'INPI sous le numéro 3 266 975 constitue un acte de contrefaçon par imitation de la marque Château le Grand Housteau déposée le 31 août 1989 à l'INPI et enregistrée sous le numéro 1 549 403,

- dire et juger que l'usage à des fins commerciales par le GFA de L. et la Société Maison Ginestet SA de la marque Château Grand Housteau, pour désigner des produits couverts par la marque Château le Grand Housteau enregistrée sous le n° 1 549 403 constitue un acte de contrefaçon par imitation sanctionné par l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,

- prononcer la nullité de la marque Château Grand Housteau enregistrée à l'INPI sous le numéro 3 266 975 en classe 33 en vertu de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle,

- faire interdiction au GFA de L. et à la Société Maison Ginestet SA sous astreinte de 1 000 euro, par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, de procéder à :

- toute reproduction ainsi que tout usage de la dénomination "Grand Housteau" ou "Housteau" et plus généralement toute dénomination susceptible de créer une confusion et de porter atteinte à la marque Château le Grand Housteau,

- ainsi qu'à toute commercialisation de vins sous la dénomination "Grand Housteau" ou "Housteau" et plus généralement sous toute dénomination susceptible de créer une confusion et de porter atteinte à la marque Château le Grand Housteau,

- condamner le GFA de L. et la Société Maison Ginestet SA à produire les factures d'achat, correspondances commerciales, documents publicitaires, livres comptables, papiers commerciaux, registres, offre, commandes, factures de ventes, bons de livraison, état des stocks, tarifs, état des ventes afférents aux vins commercialisés sous la marque Château Grand Housteau, dans les quinze jours qui suivront la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard au-delà.

- condamner in solidum le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA à verser à chacun des consorts B., une provision de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers du fait de la contrefaçon de la marque Château le Grand Housteau, augmentée des intérêts au taux légal du jour de l'assignation au jour du paiement, à titre de dommages et intérêts complémentaires, subsidiairement à compter du jour du jugement à intervenir, ordonner en outre la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- dire et juger qu'en commercialisant des vins sous la dénomination Château Grand Housteau, le GFA de L. et la Société Maison Ginestet SA ont commis des actes de concurrence déloyale et notamment parasitaires à l'encontre de la SCEA des Vignobles B. et ont engagé leur responsabilité au sens de l'article 1382 du Code civil,

- condamner in solidum le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA à verser à la SCEA des Vignobles B. Louis une provision de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et notamment parasitaires commis par ces derniers, augmentée des intérêts au taux légal du jour de l'assignation au jour du paiement, à titre de dommages et intérêts complémentaires,

subsidiairement à compter du jour du jugement à intervenir, ordonner en outre la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues professionnelles au choix des intimés, et ce aux frais des appelants, sans que ces frais n'excèdent 5 000 euro HT par insertion, frais supportés in solidum.

- condamner in solidum le GFA de L. et la Société Maison Ginestet à payer à chacun des consorts B. ainsi qu'à la SCEA des Vignobles B. la somme de 10 000 euro en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum le GFA de L. et la Société Maison Ginestet aux entiers dépens de première instance et d'appel en faisant application pour ceux d'appel de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la selarl Lexavoue Bordeaux.

Les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis précisent que les premiers cités sont titulaires de la marque "Château le Grand Housteau" déposée le 31 août 1989 et renouvelée le 2 juillet 2009, et qu'ils sont par ailleurs propriétaires d'un domaine viticole dénommé Château Grand Housteau situé sur la commune de Saint Germain de Grave, appartenant à la famille B. depuis 4 générations et dont l'exploitation a été confiée à la SCEA des Vignobles B. Louis au terme d'un bail rural à long terme permettant à ladite SCEA de récolter, vinifier et commercialiser ce vin en Aoc Bordeaux- Première Côtes de Bordeaux, en France et dans toute l'Europe, notamment en Norvège, et indiquent avoir découvert en 2006 l'existence d'une marque "Château Grand Housteau" déposée à l'INPI le 12 janvier 2004 par le GFA de L. et commercialisée par la SA Maison Ginestet, ce qui avait donné lieu de leur part à une mise en demeure restée vaine adressée au GFA de cesser toute commercialisation de vins sous cette dénomination.

Ils font valoir tout d'abord que la marque Château Grand Housteau est irrégulière en soulignant que si le droit au toponyme est susceptible de faire échec au monopole conféré par la marque en application de l'article L. 713-6 du Code de la propriété industrielle lorsque l'utilisation de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne sont antérieurs à l'enregistrement ou sont le fait de tiers de bonne foi employant son nom patronymique, le même article permet au déposant de la marque de limiter ou interdire cette utilisation si elle porte atteinte à ses droits.

Ils ajoutent qu'en l'espèce, le GFA de L. et la SA maison Ginestet affirment sans le prouver que l'exploitation est installée pour 40 % sur des terres situées [...], les actes notariés ne permettant pas de faire le lien avec le vin exploité par le GFA, le relevé parcellaire permettant de fixer à 16% le pourcentage des terres cadastrées "Grand Housteau" et l'affirmation selon laquelle le 'tènement situé [...] et a été changé par fantaisie administrative ne reposant sur aucun élément de preuve, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il estime impossible de déterminer la proportion des vignes exploitées au [...] par rapport à l'ensemble de l'exploitation du GFA.

Ils estiment que la marque Château Grand Housteau est irrégulière du fait de l'impossibilité d'user du terme de "Château", les documents produits étant insuffisants à établir l'existence de terres et d'éléments de vinification constituant une autonomie culturale permettant de traiter de manière différenciée le raisin venant de la vendange et de conserver et soigner le vin issu des parcelles en cause venant de cette autonomie.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause ni le GFA de L., ni la société Maison Ginestet ne démontrent que l'utilisation du toponyme "Housteau" est antérieure à la date du dépôt de la marque "Château le Grand Housteau" le 31 août 1989, la preuve de la propriété de terre depuis plus d'un siècle à cet endroit ne permettant pas de déduire que le nom du lieu est utilisé à titre de nom de vin et la condition d'antériorité de cette utilisation éventuelle n'étant pas prouvée.

En second lieu, ils font valoir que la marque déposée "Château le Grand Housteau" est régulière et ne peut être annulée car, non seulement le droit du GFA n'est pas établi, mais ils ont droit au toponyme Housteau et à l'utilisation du terme château, de sorte que leur marque n'est pas déceptive.

Pour cela, ils arguent que les consorts B. possèdent au moins depuis 1968 de terres constituant l'exploitation viticole "Château le Grand Housteau", que l'exploitation viticole est située pour 31,77 % ( 4 ha 89 a e 41 ca sur 15 ha 40 a et 09 ca) à ce lieu-dit et non pour seulement 12 %, leurs adversaires ayant calculé le pourcentage sur toutes les terres louées, y compris celles qui ne sont pas exploitées en vigne, et que ce pourcentage est indifférent dès lors que les raisins récoltés d'où est issu le vin proviennent bien de l'exploitation et font l'objet d'une vinification séparée, ce qui était le cas en l'espèce, le vin commercialisé sous la marque Château le Grand Housteau provenant de l'exploitation dénommée "Château le Grand Housteau" et faisant l'objet d'un vinification séparée, ainsi qu'il résulte de l'absence d'achat de vins extérieurs ressortant des documents produits et de la présence d'éléments de vinification sur l'exploitation.

Ils considèrent qu'il y a bien contrefaçon par imitation de la part du GFA de L. et de la SA Maison Ginsetet, du fait de ressemblances générant une confusion des deux marques, tant au plan phonétique qu'au plan visuel, les éléments figuratifs apposés sur l'étiquette étant secondaires, et la différence d'Aoc étant peu significative surtout pour un consommateur résidant en Norvège.

Ils précisent que le préjudice est bien localisé en France, où la SCEA des Vignobles Louis B. réalise la majorité de son chiffre d'affaires, ce qui vaut pour les vins vendus à l'exportation, que ses adversaires ont mal lu le courrier du 1er août 2006 adressé par leur conseil, que la bonne foi du GFA de L. est indifférente et qu'il est tout aussi est indifférent qu'il ait vendu le vin en vrac sans apposer la marque depuis 2003.

Ils fondent leur action en concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SCEA des Vignobles B. Louis sur le fait que le vin commercialisé par la SA Maison Ginestet l'a été sous une dénomination imitant la marque exploitée par ladite SCEA, ce qui crée un risque de confusion, en soulignant qu'il importe peu que les faits visés par le licencié soient identiques aux faits objet de la contrefaçon commise au préjudice du titulaire de la marque.

Ils ajoutent que la faute dénoncée constitue un acte de parasitisme en ce que le GFA et la société Maison Ginestet ont profité des efforts réalisés par la SCEA des Vignobles B., notamment via son importateur norvégien, pour faire connaître leur produit auprès de la clientèle norvégienne et que le GFA peut difficilement contester le risque de confusion dont il a fait état pour demander l'annulation de la marque déposée par les consorts B..

Enfin, ils estiment que les mesures réparatrices doivent comporter, outre la cessation sous astreinte de la reproduction de la marque et de la commercialisation du vin sous la marque contrefaisante ou toute dénomination susceptible de créer une confusion et la publication du jugement, l'indemnisation des préjudices subis par les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis, tenant à l'avilissement de la marque, le gain manqué et la perte subie, en se référant à la masse contrefaisante, soit 120 000 col par an, sur lesquelles doit être appliquée une marge brute de 20 %, soit 120 000 euro x 4,50 euro x 20 % = 108 000 euro, sur 6 ans ( 2004à 2010), donnant la somme de 648 000 euro, et en sollicitant, dans l'attente de la production des documents nécessaires à la fixation de leur préjudice, des provisions pour chacun des consorts B. victimes d'atteinte à la marque et en faveur de la SCEA victime des actes de concurrence déloyale.

MOTIFS DE LA DECISION :

La recevabilité de l'appel interjeté par le GFA de L. et la Maison Ginestet SA contre le jugement du Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 16 mars 2010 n'est pas contestée.

Le litige initial porte sur la contrefaçon de la marque déposée en 1989 "Château le Grand Housteau" par l'exploitation de la marque 'Château Grand Housteau' déposée en 2004 et sur la concurrence déloyale subséquente commise par l'exploitant de la marque déposée en second.

A titre de défense, le Groupement Foncier Agricole de L. et la SA Maison Ginestet font valoir que la marque "Château Grand Housteau" est régulière notamment en ce qu'elle se fonde sur un droit au toponyme antérieur et que la marque déposée par les demandeurs est nulle du fait de l'atteinte au droit antérieur et de son caractère déceptif.

Il convient d'examiner en premier lieu la demande de nullité pour déceptivité de la marque déposée "Château le Grand Housteau", l'annulation de cette marque rendant légalement impossible les faits de contrefaçon dénoncés par les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis.

Par ailleurs, l'appréciation du caractère régulier de la marque déposée en second implique qu'il ait été préalablement statué sur la validité de la première marque déposée, l'usage d'une marque ne conférant aucun droit sur une autre marque préalablement déposée, sauf cas très particulier non concerné en l'espèce.

1°) Sur la nullité de la marque "Château le Grand Housteau" :

La demande de nullité de la marque déposée "Château le Grand Housteau" est fondée sur le droit antérieur du GFA et sur le caractère déceptif de la marque tels que ressortant de l'article L. 711-3 du Code de la propriété industrielle qui énonce que :

"Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :

...

c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance du produit ou du service."

L'article L. 711-4 du même Code ajoute :

Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection industrielle,

b) A une dénomination sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public;

c) a un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public,

d) A une appellation d'origine protégée ou à une indication géographique ;

...'

S'agissant du droit antérieur, le GFA de L. fait valoir qu'il possède un droit antérieur au toponyme car il détenait et utilisait le nom "château Grand Housteau" depuis plus d'un siècle et que, sans terme distinctif accolé, la marque déposée par les consorts B. est de nature à tromper le public sur l'origine du vin, les deux vins n'étant pas issus des mêmes Aoc.

Mais, force est de constater qu'en l'espèce, l'usage du nom "Housteau" antérieurement à l'année 1989 n'est nullement établi et qu'il ne saurait en aucun cas ressortir de la seule production des quatre actes de vente ou d'échange produits aux débats remontant aux années 1894, 1907, 1911 et 1921 dans la mesure ou le nom "Grand Housteau" ou "Grand Housteau" n'y figure que pour localiser les biens vendus qui sont mentionnés être situés à ce [...], c'est à dire au titre de leur adresse.

S'agissant de la déceptivité de la marque, la Cour de Cassation énonce dans la présente affaire :

Attendu qu'une marque désignant du vin composée d'un toponyme est de nature à tromper le public sur l'origine du produit si les parcelles situées sur le lieu que ce toponyme désigne ne représentent qu'un faible pourcentage du vignoble exploité et s'il n'est pas établi que la production de cette parcelle fait l'objet d'une vinification séparée.

Les appelants reprochent aux Consorts B., en se référant à l' arrêt de la Cour de Cassation du 12 février 2013, d'avoir déposé une marque comportant un nom toponymique sans droit sur ce nom, faute d'établir l'existence d'une vinification séparée, et d'avoir trompé le public en laissant croire que le vin était issu de ce tènement.

Il est admis que le nom d'un lieu peut être utilisé par une exploitation viticole ou incorporé dans une marque si les terres exploitées en vignes sur ce lieu précis représentent un pourcentage significatif de l'ensemble des terres de la propriété viticole.

Ce pourcentage est situé généralement au tiers des terres cultivées en vigne.

A défaut de représenter un pourcentage significatif de l'exploitation, le déposant de la marque voulant utiliser un nom toponymique doit prouver que la vinification des raisins issus des parcelles dont le toponyme est utilisé se fait séparément du vin issu du reste de l'exploitation afin de ne pas tromper le public sur l'origine du produit.

En l'espèce, le GFA de L. et la SA Maison Ginestet font valoir que les parcelles exploitées par la SCEA Vignobles Louis B. représentent 12 % de la superficie de l'exploitation tandis que les consorts B. et la SCEA susnommée affirment que les parcelles situées au [...] représentent 31 % des parcelles exploitées en vignes.

Les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis se réfèrent à divers actes constituant les titres de propriétés de leurs parcelles.

L'acte notarié du 8 janvier 1968 correspondant à l'acte d'acquisition par monsieur et madame Louis B. d'une propriété sis commune de St Germain de Graves ayant son siège au [...] comprenant maison d'habitation élevée d'un rez-de-chaussée et premier étage, maison de maître avec chai cuvier, dépendances et terres en nature de vignes mentionne la superficie des terres acquises pour 6ha 35a 10 ca dont 2 ha 36 a et 82 ca au [...], en nature de vignes, taillis, pré et bâtiment.

L'acte de donation -partage du 5 juillet 2000 entre madame Rose Libertad B.- N. Veuve Louis B. en faveur des Consorts Jean-Louis et Véronique Sylvie B. porte sur "une propriété viticole dont le centre d'exploitation est situé commune de [...] et s'étendant également sur les communes de Semems, Gabernac, et Sainte Croix du Mont, comprenant : bâtiments à usage d'habitation et d'exploitation, et diverses parcelles en terre et nature de vigne, terre à vigne, taillis, jardin et sol, pour un total de 32 ha 84 47ca dont 4 ha 89 a et 41 ca situés à "Cote de Grand Housteau", "la Hont de Grand Housteau" et "Grand Housteau";

Ce dernier acte, qui porte pour partie sur les parcelles visées dans l'acte de 1968, ne permet pas de considérer que les parcelles situées au [...] et assimilés atteignent le pourcentage significatif d'un tiers des parcelles de l'exploitation.

Ils se fondent également sur la copie du plan cadastral mentionnant l'existence à Saint Germain de Grave des [...], lequel ne permet pas de déterminer le pourcentage recherché.

Ils reprochent par ailleurs aux appelants de calculer le pourcentage des terres situées aux [...] et assimilés en se référant aux parcelles cadastrées Housteau, soit 4 ha 89 a et 41 ca, ce qu'ils ne contestent pas, mais de reporter cette superficie sur la totalité des parcelles figurant sur le bail rural signé avec la SCEA des Vignobles B. Louis qui comprennent des bâtiments et des terres non exploitées en vignes, ce qu'ils critiquent, en considérant qu'en réalité il convient de se référer à la déclaration de récolte pour 2006-2007 révélant qu'elle ne porte que sur 15 ha 40 ca et 09 ca, ce qui donne pour les terres situées au [...], un ratio de 31,77 % et non de 12 %.

Le calcul opéré par les intimés est critiquable pour plusieurs motifs:

la déclaration de récolte visée ne porte que sur une année et rien ne permet d'affirmer que les superficies déclarées les années ultérieures ou antérieures sont identiques.

Mais surtout la déclaration de récolte de l'année 2006-2007 mentionne les surfaces de récolte suivantes exploitées par la SCEA Vignobles B. Louis :

"Premières côtes Bordeaux Rouge : 15 ha 40 a et 09 ca

Crémant Bordeaux Blanc: 9 ha 70 a 11 ca

Crémant Bordeaux Rosé : 8 ha 35 a et 78 ca".

Les terres plantées en vigne de l'exploitation viticole portent donc au moins sur 33 ha 45 ares 98 ca, étant précisé qu'il n'est à aucun moment indiqué que la SCEA exploite d'autres terres que celles données à bail.

Aucun élément ne justifie d'exclure les surfaces exploitées en vin blanc ou rosé, alors surtout que la marque déposée ne vise pas que les seuls vins rouges et que le tarif des vins de la SCEA des Vignobles B. révèle que du vin "Bordeaux Blanc sec" et du vin Bordeaux rosé" est commercialisé sous l'appellation 'Château du Grand Housteau" en 2008 (pièce 28 des intimés).

En l'absence regrettable de production de l'état parcellaire détaillé mentionnant les lieux-dits et révélant notamment les surfaces bâties et les surfaces plantées en vigne, qu'il appartenait aux intimés, demandeurs initiaux, de produire pour contrer les calculs opérés par les appelants, au vu de bail signé entre la SCEA et les Consorts B., de la déclaration de récolte susvisée et de l'acte de donation parage de 2000, il sera retenu que les parcelles situées aux [...] représentent au maximum 4 ha 89 a et 41 ca sur 33 ha 45 a et 98 ca a vu de la déclaration de récolte susmentionnée, ce qui représente moins de 15 % du total des parcelles de l'exploitation viticole entendue au sens strict, voire 4 ha 89 a 41 ca sur 34 ha 22 a 14 ca correspondant à l'exploitation totale si l'on se réfère au bail rural, ce qui est dans tous les cas une part non représentative de la totalité de l'exploitation, inférieure au seuil d'un tiers reconnu comme autorisant l'utilisation du toponyme.

Les intimés doivent dès lors, pour pouvoir bénéficier du droit toponymique, établir que la vinification des parcelles situées aux lieux-dits comprenant les termes Housteau se fait de manière séparée par rapport aux autres parcelles de l'exploitation, ce qu'ils ne démontrent nullement.

Il sera noté que la jurisprudence citée concernant le Château Figeac a fondé le droit au toponyme non sur la localisation des parcelles sur le lieu-dit en cause mais sur l'appartenance à un ancien domaine commun d'où les parcelles des parties adverses étaient issues, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce.

Au vu de ces éléments, la marque déposée par les consorts B. et exploitée par la SCEA des Vignobles B. Louis ne peut comporter le toponyme "Housteau" en l'absence de droit à ce toponyme et son utilisation est de nature à tromper le public sur l'origine du vin vendu en laissant penser que la récolte provient du lieu toponymique figurant dans la marque, ceci, quels que soient l'importance ou le prestige attachés au lieu-dit en question.

Il sera ajouté que l'utilisation du terme de "Château" dans la marque déposée exige que l'usage de ce terme corresponde à la législation le régissant.

Il est exact que le terme de "Château" ne signifie pas en bordelais que l'exploitation comporte un bâtiment de ce type ou assimilable, mais l'utilisation de ce terme doit être conforme aux textes le réglementant en matière viticole.

Le règlement CEE n° 3210-90 de la commission européenne du 16 octobre 1990 énonce en son article 6 que le terme de "Château" ne peut être utilisé qu'à condition que le vin provienne exclusivement de raisins récoltés dans des vignes faisant partie de cette même exploitation viticole et que la vinification ait été effectuée dans cette exploitation.

Le terme de "Château" vise donc une unité culturale composée des terres et de bâtiments d'exploitation et de vinification et, pour que son utilisation soit licite, la vinification des raisins issus de cette exploitation doit être séparée et exclure tout mélange avec des raisins ou vins d'autres origines.

En l'espèce, les appelants déduisent de manière non fondée du bail rural à long terme signé le 8 août 1996 avec la SCEA des Vignobles B. Louis la reconnaissance d'un mélange des vins de l'exploitation avec des vins extérieurs.

Comme l'a indiqué le tribunal, le fait que l'apport de vins extérieurs dans les chais de l'exploitation louée soit permis de par le bail signé ne permet pas d'extrapoler en affirmant que cette possibilité est effectivement utilisée, alors qu'il appartient aux appelants, demandeurs reconventionnels à la nullité de la marque déposée et exploitée par les intimés de prouver l'absence de vinification séparée, ce qu'ils ne font pas.

Au contraire, le constat d'huissier en date du 15 mai 2013 produit par les consorts B. et la SCEA des Vignobles établissant la présence sur l'exploitation de la SCEA d'un important matériel destiné à assurer la vinification et de bâtiments hébergeant cuves et stocks de vins, tout comme l'attestation délivrée par monsieur C., expert-comptable de la SCEA des Vignobles B., indiquant que la comptabilité ne fait apparaître aucun approvisionnement ou achat de vins en vrac, de sorte que tous les produits et vendus sont issus de l'exploitation, et que le chiffre d'affaires figurant au bilan de la SCEA des Vignobles B. correspond en totalité et exclusivement à la vente de vins dénommés Château "le grand Housteau", aucun autre vin ou dénomination de château n'étant vendu par la SCEA, permettent de conclure à une vinification sur l'exploitation et à l'absence de vente de vins extérieurs sous la dénomination "Château le Grand Housteau", et, dès lors, au respect de la législation relative à l'usage du vocable de "Château".

La marque ne peut être annulée à ce titre.

Au total, les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis ont déposé pour les premiers et exploitent pour la seconde une marque de nature à induire en erreur le public sur la provenance du produit en ce que les vins commercialisés sous la marque "Château" "le Grand Housteau" ne proviennent pas de manière significative du [...]

La marque déposée sera jugée déceptive et sera donc annulée comme demandé par les appelants.

2°) sur la contrefaçon et la concurrence déloyale :

Dans la mesure où la marque "Château le Grand Housteau" est annulée pour déceptivité, les consorts B. sont irrecevables à exercer l'action en contrefaçon à l'encontre de la marque déposée en 2004 par le GFA de L. et exploitée par la SA Maison Ginestet.

En effet, les consorts B. qui ne bénéficient plus d'une marque protégée, n'ont plus qualité et intérêt à demander la nullité de la marque "Château Grand Housteau" déposée par le GFA de L. exploitée par la SA Maison Ginestet et l'interdiction d'usage sous astreinte de la marque "Château Grand Housteau" déposée en ce qu'elle est contrefaisante de la marque déposée "Château le Grand Housteau".

En l'absence de contrefaçon à la marque déposée par eux, les consorts B. ne sont pas fondés à demander réparation de leur préjudice lié à ladite contrefaçon à l'encontre du GFA de L. ou de la société Maison Ginestet.

L'action en concurrence déloyale formée par la SCEA des Vignobles B. Louis est recevable car s'il est prohibé pour le titulaire de la marque d'intenter à la fois une action en contrefaçon de marque et une action en concurrence déloyale fondée sur les mêmes actes, et si les actions sont en l'espèce toutes deux fondées sur l'atteinte à la marque déposée "Château le Grand Housteau", il est parfaitement possible pour le propriétaire de la marque d'agir en contrefaçon et pour l'exploitant de la marque d'agir en concurrence déloyale, en fondant leur action sur les mêmes faits, dans la mesure où il s'agit de deux personnes distinctes visant à protéger des droits différents.

Les demandes formées par la SCEA des Vignobles B. Louis au titre de la concurrence déloyale ne sont toutefois pas fondées en ce qu'elles reposent sur la violation d'une marque exploitée par ladite SCEA que la cour a annulée, puisque la faute reprochée est ainsi libellée en page 26 des conclusions des intimés :

' ...

En imitant la marque Château le Grand Housteau le GFA de L. et la société MAISON GINESTET ont mis en vente un vin sous une dénomination identique à celle déjà utilisée par la SCEA des Vignobles B. Louis créant une confusion dans l'esprit de la clientèle'.

La SCEA susdite sera dès lors déboutée de ses demandes de d'interdiction d'usage à des fins commerciales de la marque "Château Grand Housteau" et d'usage des termes "Housteau" ou "Grand Housteau" et sera pareillement déboutée de ses demandes indemnitaires.

Enfin, en l'absence de contrefaçon et de concurrence déloyale, la publicité du jugement n'a pas lieu d'être ordonnée.

3°) - Sur la demande de relever indemne Du GFA de L. et de la société Maison Ginestet SA :

Les demandes de relever indemnes réciproques présentées tant par la GFA de L. que par la Société Maison Ginestet SA s'avèrent sans objet en l'absence de condamnation de ces parties envers les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis.

Elles seront donc rejetées.

4°) - Sur la régularité de la marque du GFA de L. exploitée par la société Maison Ginestet SA et l'indemnisation de sa violation :

Le GFA de L. demande à la cour d'appel de constater la régularité de la marque "Château Grand Housteau" tant à l'égard des dispositions françaises qu'à l'égard des dispositions européennes, ce qui présente un intérêt limité dans la mesure où il indique dans le même temps avoir demandé la radiation de cette marque.

Dans la mesure où la radiation annoncée n'est pas justifiée et où il est par ailleurs sollicité la condamnation "conjointe et solidaire" des Consorts B. et de la SCEA des Vignobles B. au paiement d'une somme de 10 000 euro en application de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, du fait de leurs actes de contrefaçon, il convient de statuer sur la régularité de la marque telle que déposée par le GFA de L. en 2004.

Il sera tout d'abord noté que le GFA de L. précise dans le corps de ses conclusions:

' La cour réformera le jugement et constatera le caractère régulier de l'ancienne marque enregistrée ' Château Grand Housteau' et en conséquence, rejettera toutes les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale des Consorts B. et de la SCEA des Vignobles B..'.

La propriété de la marque s'acquiert par son enregistrement, à compter de son dépôt et pour 10 ans, selon l'article L. 712-1 du Code de la propriété intellectuelle; en conséquence, la marque Château Grand Housteau n'existe pas avant son enregistrement et la constatation de son existence ne peut remonter avant la date de son dépôt ayant donné lieu à publicité et enregistrement.

En réalité, il semblerait que le GFA de L. ait entendu viser l'antériorité du droit au toponyme par rapport au toponyme utilisé par les Consorts B. et incorporés dans la marque déposée par eux, antériorité que la cour n'a pas reconnue.

La marque déposée en 2004 par le GFA de L. comprend la dénomination de château et le toponyme "Housteau", notions qui, pour pouvoir être utilisées, obéissent à des conditions spécifiques comme indiqué à l'occasion de l'examen la déceptivité de la marque "Château le Grand Housteau".

Le GFA de L. indique que, contrairement à ce qu'il a indiqué, le Tribunal aurait dû retenir le droit au toponyme en sa faveur car le toponyme "Housteau est utilisé depuis plus d'un siècle pour dénommer la propriété agricole acquise par sa famille à Mouliets et Villemartin et l'exploitation viticole s'étend pour 40 % de sa surface sur des tènements localisés au Grand Housteau.

Les actes produits reflètent l'achat de terres au [...].

Ainsi, l'acte du 29 octobre 1894 reçu par M. B., notaire à Pujols sur Ciron (33), permet de savoir que monsieur D. a acquis des époux P. une maison avec bâtiments d'élevage ( parc à cochon, parc à bétail et volière, avec jardin et terres de labour situés au [...].

De même, l'acte du 11 mars 1907 passé en l'étude de M° R. consacre la vente par monsieur Saint G. à monsieur D. d'une pièce de bois taillis avec dépendances située au [...] et l'acte du 29 mai 1911 passé par devant M° R., notaire à Pujols ( 33) relate un échange entre monsieur et madame D. et monsieur et madame I. portant sur deux parcelles de 36 ares 80 centiares et de 11ares 06 centiares situées au [...].

Enfin l'acte du 12 février 1921 révèle l'échange entre messieurs Jean P., monsieur Jean Gorges P. et madame Laurence D. son épouse d'une part et monsieur Pierre I. d'autre part de terres et bâtiments, messieurs et madame P. bénéficiant d'un corps de métairie comprenant maison, bâtiments d'exploitation et terres en labour, le tout d'un seul tenant, situé au [...].

Mais, comme indiqué par les intimés, rien ne permet de faire le lien entre ces acquisitions et les parcelles possédées ce jour par le GFA de L. en l'absence d'éléments relatifs aux concordances cadastrales, et d'élément sur les liens unissant les acquéreurs et l'actuel gérant du GFA, monsieur L..

Par ailleurs, le GFA de L. fait valoir que son exploitation viticole est située pour 40 % sur le tènement "Grand Housteau" dans la mesure où le tènement dénommé "Aux grandes Bornes Oue" était historiquement compris sous le [...] et où ce changement est dû à "une fantaisie administrative" réalisée lors de la rénovation du cadastre dans les années 60, de sorte que la superficie totale située sur le toponyme "Grand Housteau" correspond à 12 ha sur un total de 27 ha, ce qui représente 40 % de sa superficie appartenant au GFA et exploitée par la société Maison Ginestet.

Mais cette affirmation selon laquelle le tènement à ce jour dénommé 'aux grandes bornes oue' était autrefois compris dans le [...] n'est en rien établie, les plans produits ne comportant aucun la localisation des parcelles actuellement situées [...] de sorte qu'il est impossible de vérifier si elle sont situées au lieu-dit tel que mentionné sur un ancien plan, la seule appartenance aux section AO et AE des parcelles situées au Grand Housteau et des parcelles situées aux "Grandes Bornes Houe" ne suffisant pas à établir le changement cadastral dont il est fait état.

En tenant compte des seules parcelles localisées au [...] représentent une superficie totale de 5 ha 10 ares 02 centiares, selon le relevé parcellaire produit ( fiche de compte due prodouane pièce 9) par le GFA de L., sur un total de 27 ha selon les propres dires du GFA, il s'avère que les parcelles situées [...] représentent moins de 20% de la propriété viticole exploitée.

Le GFA de L. ne peut incorporer le toponyme "Grand Housteau" ou "Grand Housteau" dans sa marque eu égard au faible pourcentage représentée par ces tènements par rapport à l'ensemble de sa propriété viticole.

S'agissant de l'usage de la notion de 'Château' dans la marque déposée et exploitée, elle n'est permise que sous la condition que l'exploitation bénéficie d'une autonomie culturale, c'est à dire possède les terres et les bâtiments d'exploitation et de vinification sur le site avec vinification de la récolte sur place et sans mélange avec des raisins provenant d'autre exploitation.

En l'espèce, le constat d'huissier du 25 novembre 2009 établit l'existence de chais et cuviers en grand nombre sur l'exploitation propriété du GFA de L. à Mouliets et la déclaration de récolte au 22-11-2010 ne permet pas de suspecter l'existence de récolte ayant une autre origine que l'exploitation située commune de Mouliets et Villemartin, de sorte que le terme de "château" figurant dans la marque ne peut être considérée comme irrégulièrement mentionné dans la marque déposée.

Au total, au vu de l'ensemble des éléments précités, la demande tendant à voir déclarer la marque déposée par le GFA de L. "Château Grand Housteau" régulière car conforme à la législation nationale et européenne sera rejetée en ce qu'elle utilise un nom toponymique auquel le GFA ne justifie pas avoir droit.

Ne pouvant invoquer la protection d'une marque régulière, le GFA de L. ne peut arguer d'un préjudice pour atteinte à sa marque, de sorte de sa demande de dommages et intérêts présentée contre les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B., en réparation d'un préjudice du reste non explicité, sera rejetée.

La cour constatant que les deux marques s'opposant en l'espèce ne sont pas régulières, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de publicité du jugement, qui est une mesure ayant pour objectif essentiel de faire cesser le préjudice subi et d'assurer sa réparation.

Par contre, l'inscription de la présente décision au registre national des marques sera ordonnée.

Le jugement attaqué sera infirmé en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a rejeté pour déceptivité l'annulation de la marque "Château le Grand Housteau", annulé la marque "Château Grand Housteau" déposée par le GFA de L. et exploitée par la SA Maison Ginestet et a accordé aux Consorts B. et à la SCEA des Vignobles B. Louis des indemnités provisionnelles à valoir sur leur préjudice.

5°) sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la marque "Château le Grand Housteau" pour déceptivité et en ce qu'il a retenu l'existence d'une contrefaçon à l'encontre du GFA de L. et de la société Maison Ginestet SA, la décision qui a condamné in solidum ces derniers à payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux consorts B. sera infirmée et la demande d'indemnité présentée sur ce même fondement par les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis sera rejetée.

La présente procédure a obligé le GFA de L. et la SA Maison Ginestet à engager des frais irrépétibles pour se défendre qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge, même si la marque déposée et exploitée par eux n'apparaît pas régulière, dans la mesure où ils ne sont pas à l'origine de la présente procédure.

Les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis seront condamnés in solidum à leur payer une somme de 5 000 euro à chacun d'eux.

La marque déposée et exploitée par eux étant annulée par la cour d'appel, il n'apparaît pas équitable d'allouer une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile aux consorts B. et à la SCEA des vignobles B. Louis.

Les dépens suivront le principal et seront mis à la charge des demandeurs initiaux à l'action en contrefaçon qui succombent, que ce soit les dépens de première instance ou les dépens de la procédure d'appel.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après renvoi sur cassation, Après en avoir délibéré, conformément à la loi : - Déclare recevables les appels interjetés par le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA contre le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bordeaux le 16 mars 2010 ; - Infirme le jugement du 16 mars 2010 ; Statuant à nouveau : - Prononce la nullité de la marque Château le Grand Housteau n° 1 549 403 déposée par B. Louis et renouvelée par les consorts B., exploitée par la SCEA des Vignobles B. Louis, pour déceptivité de la marque, sur le fondement de l'article L 711-3 c) du Code de la propriété intellectuelle ; - Déclare les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis irrecevables en leurs demandes tendant à voir constater les actes de contrefaçon commis par le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA, à voir ordonner la nullité de la marque "Château Grand Housteau" enregistrée à l'INPI sous le numéro 3 266 975 en classe 33 appartenant au GFA de L. et exploité par la société Maison Ginestet et en leur demande d'interdiction sous astreinte de tout usage de la dénomination "Grand Housteau" ou "Housteau" susceptible de créer une confusion et de porter atteinte à la marque "Château le Grand Housteau", ou de tout acte de commercialisation de vins sous cette marque ; - Déboute les consorts B. de leur demande d'indemnisation de leur préjudice, et de leur demande de publication de la présente décision ; - Déboute la SCEA des Vignobles B. Louis de sa demande tendant à voir constater la réalisation d'actes de concurrence déloyale commis par le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA à son encontre, de sa demande d'interdiction de l'usage commercial de cette marque, de sa demande d'indemnisation, et de sa demande de publication de la présente décision ; - Déclare sans objet les demandes de relever indemne réciproques présentées par le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA ; - Déboute le GFA de L. et la société Maison Ginestet SA de leur demande tendant à voir constater la régularité de la marque "Château Grand Housteau" (n° 3266975 Classe 33 ) déposée par le GFA de L. et exploitée par la société Maison Ginestet ; - Déboute le GFA de L. de sa demande de dommages et intérêts présentée contre les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis ; - Ordonne l'inscription de la présente décision au registre des marques ; - Déboute les Consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile contre le GFA de L. et la société Maison Ginestet ; - Condamne in solidum les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis à payer au GFA de L. une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ; - Condamne in solidum les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis à payer à la société Maison Ginestet SA une indemnité de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne in solidum les consorts B. et la SCEA des Vignobles B. Louis aux entiers dépens de première instance et d'appel ; - Dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du Code de procédure civile pour le recouvrement des dépens. - Déboute les parties de leurs autres demandes.