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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 septembre 2014, n° 12-09785

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Trade Store (Sté), Leloup Thomas (ès qual.)

Défendeur :

ED Franchise (Sté), Dia France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fertier, Regnault, Guizard, Rota

T. com. Paris, 19e ch. du 23 mai 2012

23 mai 2012

Vu le jugement, assorti de l'exécution provisoire, du 23 mai 2012, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a rejeté les demandes de la société Trade Store et des époux Zakrzewski concernant la conciliation, débouté la société Trade Store et les époux Zakrzewski de leur demande de dire nul et de nul effet le procès-verbal de constat du 12 juillet 2010, dit nuls les actes de caution des époux Zakrzewski, condamné la société Trade Store à payer à la société Ed et la société Ed Franchise les sommes de 107 169,17 € HT, majorée des intérêts équivalant à trois fois le taux de l'intérêt légal, tel que prévu au contrat d'approvisionnement à compter du 27 janvier 2011, pour ce qui est de la somme de 50 679,79 € à compter du 27 février 2010 pour le surplus, celle de 61 150,65 € TTC (redevance de location-gérance impayée), majorée des intérêts équivalant à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 5 avril 2011, ainsi que la somme de 8 581,07 € (électricité), le tout en application du contrat de location-gérance, celle de 5 095,91 € (redevance publicité impayée) augmentée de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 avril 2011, 6 744,34 € (redevance marque), majorée des mêmes intérêts à compter du 15 mars 2011, 8 132 € HT outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement au titre du contrat informatique, 160 000 € outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement au titre du contrat de franchise, débouté la société Ed et la société Ed Franchise de leur demande de dommages et intérêts pour dépréciation du fonds de commerce, ordonné l'expulsion de la société Trade Store et de tous les occupants de son chef du magasin sis 50, rue Domrémy à Paris (75013) sous l'enseigne Ed avec l'assistance si nécessaire de la force publique et d'un serrurier, et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard, 15 jours après la signification du présent jugement pendant 30 jours, ordonné la restitution à la société Ed Franchise du livre des normes regroupant les différents référentiels techniques et le cahier des charges d'organisation et d'exploitation des supermarchés exploités sous enseigne ED, ainsi que tous matériels ou documents liés à l'exploitation du magasin qui lui ont été remis à titre de dépôt par la société Ed Franchise sans en garder copie aucune, ordonné la restitution immédiate des clefs du magasin 50, rue Domremy, Paris et de ses équipements, ordonné la modification de toute inscription qu'elle a pu effectuer incluant la référence au nom commercial Ed et les coordonnées du magasin notamment dans les annuaires papiers et électroniques, ordonné à la société Trade Store de remettre la totalité du matériel logiciel et de la documentation dont elle a disposé à la société ED, sous astreinte de 500 € par jour de retard, 15 jours après la signification du présent jugement pendant 30 jours, autorisé la société Ed Franchise à déposer l'enseigne Ed au frais de la société Trade Store, et condamné la société Trade Store à payer aux sociétés Ed et Ed Franchise la somme de 7 000 € chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 30 mai 2012 par la société Trade Store et ses conclusions signifiées le 22 avril 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, dans lesquelles Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, demande à la cour de, à titre liminaire, débouter les sociétés Dia France (anciennement dénommée Ed), et Ed Franchise de leur demande de rejet des pièces de la société Trade Store, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Trade Store de ses demandes à l'encontre de la société Dia France, et de la société Ed Franchise, en ce qu'il a fait droits aux demandes de la société Dia France, et de la société Ed Franchise à l'encontre de la société Trade Store, et, statuant à nouveau, débouter les sociétés Dia France et Ed Franchise de l'ensemble de leurs demandes, prononcer la résiliation aux torts exclusifs des sociétés Dia France et Ed Franchise des contrats d'approvisionnement, de location-gérance, de franchise et de système informatique, condamner in solidum les sociétés Dia France et Ed Franchise à payer à la société Trade Store les sommes de 322 899,10 € à titre de dommages et intérêts au titre de la période du 22 juin 2010 au 26 avril 2011, 299 103,48 € à titre de dommages et intérêts au titre de la période du mois de mai 2011 au mois de mai 2012, 2 488 784,70 € à titre de dommages et intérêts au titre de la période du mois de juin 2012 au mois de juin 2015, à titre subsidiaire, condamner in solidum les sociétés Dia France et Ed Franchise à payer à la société Trade Store : 2 000 € au titre du droit d'entrée versé à Dia (cf. Comptes Prévisionnels Format Locataire-Gérant) (pièce n° 89), 10 000 € au titre du capital social libéré de la société Trade Store et perdu, 213 000 € au titre de ce qu'aurait dû rapporter à la société Trade Store l'exploitation du fonds de commerce, d'après les comptes prévisionnels format Locataire-Gérant, des dommages et intérêts d'un montant correspondant à la somme globale des éventuelles créances de Ed et Ed Franchise à l'encontre de la société Trade Store, à titre très subsidiaire, sur les demandes des sociétés Dia France et Ed Franchise, désigner, aux frais avancés des sociétés Dia France et Ed Franchise, du fait de leur carence en matière de preuve, un expert avec mission de fournir tous éléments d'appréciation sur la demande de condamnation de la société Trade Store au paiement de la somme de 107 169,17 € et, en particulier avec mission, (I) de donner son avis sur le relevé de compte du 9 juin 2011 et sa concordance avec les pièces communiquées par les sociétés Dia France et Ed Franchise, (II) de déterminer le montant des produits facturés et non livrés à la société Trade Store et (III) d'établir si les ristournes fixées unilatéralement par les sociétés Dia France et Ed Franchise, sans le moindre détail ni justificatif, et venant en déduction des sommes dues par la société Trade Store, sont conformes aux stipulations contractuelles, en se faisant remettre tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, modérer le montant de l'indemnité de résiliation stipulée par l'article 30.3 du contrat de franchise et le fixer à la somme de 100 €, ordonner la compensation des créances réciproques des parties, ordonner la publication de l'arrêt à venir, aux frais des sociétés Dia France et Ed Franchise, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, dans les quotidiens Les Echos et Le Parisien, ainsi que dans le magazine LSA, le magazine de la grande consommation en France, en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés Dia France et Ed Franchise à payer à la société Trade Store la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 28 avril 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, dans lesquelles les sociétés Dia France et Ed Franchise demandent à la cour de, à titre liminaire, rejeter l'ensemble des pièces invoquées par la société Trade Store au soutien de ses prétentions, celles-ci n'ayant pas été communiquées simultanément à la signification de ses conclusions d'appel en date du 29 août 2012 ; sur la résiliation des contrats, confirmer le jugement du 23 mai 2012 du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat système informatique, du contrat de location-gérance, du contrat de franchise et du contrat d'approvisionnement conclus le 18 juin 2010 ; sur les sommes dues en vertu des contrats, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société Trade Store était redevable à l'égard des sociétés Dia France et Ed Franchise de sommes dues au titre du contrat système informatique, du contrat de location-gérance, du contrat de franchise et du contrat d'approvisionnement conclus le 18 juin 2010, en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la société Trade Store et de tous les occupants de son chef du magasin sis 50, Rue Domremy à Paris (75013), et les mesures subséquentes, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Dia France : 99 481,48 € au titre des factures de marchandises, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 27 janvier 2011 pour la somme de 50 679,79 € et à compter du 27 février 2011 pour le surplus, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store ; 61 150,65 € au titre des redevances de location-gérance, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 5 avril 2011, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store, 8 581,07 € au titre des factures d'électricité, 5 095,91 € au titre des redevances de publicité, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 avril 2011, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store, 8 132 € au titre des redevances informatiques, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 23 mai 2012, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Ed Franchise : 6 744,34 € au titre des redevances de marque, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 mars 2011, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store ; 160 000 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 30.3 du contrat de franchise du 18 juin 2010, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2012, y ajoutant, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Dia France : 70 165,33 € au titre des factures de redevances de location-gérance du 30 avril 2012 et du 12 juin 2012, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance des dites factures, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store ; 897,88 € au titre des factures de redevances de publicité du 30 décembre 2011 et du 1er février 2012, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance des dites factures, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store ; 8 258,38 € au titre des factures de redevances informatiques du 15 février 2012, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de l'échéance des dites factures, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Ed Franchise : 907,86 € au titre des factures de redevances de marque du 30 décembre 2011 et du 30 janvier 2012, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de l'échéance des dites factures, arrêtées à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Trade Store ; sur l'indemnité compensant la perte de valeur du fonds de commerce mis en location-gérance, à titre principal, infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Dia France de sa demande de dommages et intérêts pour dépréciation du fonds de commerce sis 50, Rue Domremy à Paris donné en location-gérance à la société Trade Store, en conséquence, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store de la somme de 314 060 € à titre d'indemnité compensant la perte de valeur dudit fonds de commerce, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait que le préjudice subi par la société Dia France ne constituerait qu'une perte de chance de valoriser et de retirer les bénéfices dudit fonds de commerce, appliquer un taux de réfaction de 30 % à la somme de 314 060 €, en conséquence, ordonner la fixation au passif de la société Trade Store de la somme de 219 842 € en réparation de la perte de chance susvisée, rejeter les demandes adverses fondées sur les articles L. 410-2, L. 442-5 et L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, constater que les demandes adverses fondées sur des prétendues manœuvres dolosives constituent des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, en tout état de cause, débouter la société Trade Store et Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, condamner la société Trade Store et Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, à payer aux sociétés Dia France et Ed Franchise la somme de 20 000 € chacune par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Dia France, anciennement dénommée société ED, exploite des supermarchés à prédominance alimentaire de type "hard discount" ou "maxi discount", sous les enseignes Ed et Dia. Elle consent la location de fonds de commerce de commerce alimentaire et fournit en marchandises les supermarchés du réseau Ed et Dia.

La société Ed Franchise est à la tête du réseau de franchise ED/Dia et a pour activité la création de magasins exploités sous les enseignes de marques Ed et Dia dont elle est titulaire.

La société Trade Store a pour objet la prise en location-gérance et l'exploitation d'un fonds de commerce de supermarché de détails de produits alimentaires de type "hard discount" ou "maxi discount".

Le 18 juin 2010, la société Trade Store a conclu avec la société Ed Franchise et la société Dia France quatre contrats prenant effet le 22 juin 2010, à savoir :

- un contrat de location-gérance libre pour une durée de cinq ans avec la société Dia France portant sur le fonds de commerce de supermarché situé 50, rue Domremy, 75013 Paris ;

- un contrat de franchise pour une durée de cinq ans avec la société Ed Franchise ;

- un contrat d'approvisionnement avec la société Dia France pour une durée de 5 années commençant à courir 15 jours avant la date d'ouverture du magasin ;

- un contrat de système informatique avec la société Dia France pour une durée d'un an, reconductible tacitement.

Monsieur et Madame Zakrzewski, gérants de la société Trade Store, se sont portés cautions solidaires :

- des engagements de la société Trade Store au titre du contrat de location-gérance ;

- des engagements de la société Trade Store au titre du contrat d'approvisionnement à hauteur de 15 000 €.

Les sociétés Ed Franchise et Dia France se sont plaintes auprès du franchisé de redevances et de marchandises impayées, ainsi que de l'absence de communication des pièces comptables.

Le 19 avril 2011, les sociétés Ed Franchise et Dia France, réclamant le paiement de différentes factures au titre de l'exécution du contrat d'approvisionnement, ont assigné en référé la société Trade Store, ainsi que Monsieur et Madame Zakrzewski, en vue notamment de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat d'approvisionnement et la résiliation des autres contrats.

Par ordonnance en date du 26 juin 2011, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé, faute de mise en œuvre d'une clause de conciliation préalable.

Maître Chevrier de Zitter a réalisé, le 7 juillet 2011, un constat sur les lieux, sur autorisation judiciaire.

Le 28 juillet 2011, la société Dia France a délivré un commandement de payer à la société Trade Store portant sur la somme de 39 477,98 €, visant la clause résolutoire du contrat de location-gérance.

Le franchisé a formé opposition le 23 août 2011 et a formulé devant le Tribunal de commerce de Paris des demandes reconventionnelles en réparation des préjudices subis, du fait des agissements fautifs des sociétés Ed et Ed Franchise.

Par acte extrajudiciaire en date du 29 août 2011, les sociétés Ed Franchise et Dia France ont assigné à bref délai la société Trade Store, ainsi que Monsieur et Madame Zakrzewski. Dans le jugement déféré, le tribunal de commerce a fait droit à la plupart de leurs demandes.

Par jugement en date du 2 octobre 2012, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Trade Store, la société MJA, représentée par Me Leloup Thomas, étant désignée en qualité de liquidateur de la société.

Dia France et Ed Franchise ont déclaré leurs créances le 20 décembre 2012 pour les montants respectifs de 590 648 € et 190 652 €.

Sur l'irrecevabilité des pièces

Considérant que les sociétés Dia France et Ed Franchise demandent, à titre liminaire, le rejet des pièces produites par Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, en rappelant que la Cour de cassation, dans un avis en date du 25 juin 2012, a précisé que "doivent être écartées les pièces, invoquées au soutien de prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions" ;

Mais considérant que, selon les dispositions de l'article 15 du Code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leur prétention, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent ; que si l'appelant a déposé ses conclusions le 29 août 2012, sans communiquer simultanément ses pièces, puis a communiqué celles-ci le 25 septembre 2012, soit près d'un mois après la signification des conclusions d'appel, il convient de souligner que le délai qui a couru entre la notification des conclusions et la communication des pièces n'a pas empêché les sociétés intimées de signifier, postérieurement à la communication des pièces, des conclusions d'intimées ; que dès lors, cette communication des pièces est intervenue en temps utile et qu'il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité de ces pièces ;

Sur les demandes de la société Trade Store

Considérant que Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, demande l'infirmation du jugement, en alléguant quatre moyens principaux : le manquement du franchiseur à des dispositions d'ordre public, le dol du franchiseur lors de la conclusion du contrat de location-gérance, la mauvaise foi du franchiseur lors de la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat d'approvisionnement et enfin sa parfaite exécution des contrats le liant au franchiseur ;

Sur les manquements du franchiseur à des dispositions d'ordre public

Considérant que Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, soutient que cette société ne disposait d'aucune indépendance par rapport au franchiseur, les prix de vente lui étant imposés, et ne pouvait dégager de marge, l'activité étant structurellement déficitaire ; que par ailleurs les sociétés intimées auraient soumis la société appelante à des obligations disproportionnées par rapport aux leurs ; qu'enfin, les sociétés intimées se seraient rendues coupables d'immixtion fautive dans la gestion de la société appelante ; qu'en conséquence, il prétend avoir démontré des manquements contractuels, des manquements aux dispositions d'ordre public prévues aux articles L. 410-2 et L. 442-5, L. 442-6, I, 5° et L. 144-1 du Code de commerce de la part des sociétés Dia France et Ed Franchise et demande, à ce titre, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de ces dernières ;

Sur les prétendus prix imposés

Considérant que la société appelante prétend que, compte tenu du coût des approvisionnements et des prix imposés, particulièrement bas, son activité ne pouvait être rentable ; que les sociétés Dia France et Ed Franchise lui ont imposé des prix de vente et ce, à travers l'exécution du contrat de franchise, notamment par l'utilisation du logiciel Sim fourni par la société Dia France, mais aussi par les bons de livraisons, par le système de fidélisation au "club Dia", par les campagnes promotionnelles, par l'opération spécifique "prix en baisse" et par des directives relatives aux mises à jour des prix de revente émanant des sociétés Dia France et Ed Franchise ;

Considérant que le franchiseur doit transmettre un savoir-faire adapté à la réussite commerciale du franchisé ; que si le franchisé, commerçant indépendant, est responsable de sa propre réussite, le savoir-faire transmis doit être rentable dans des conditions normales d'exploitation ; que cette rentabilité est normalement garantie par l'expérimentation effectuée par le franchiseur lui-même et par un certain nombre de ses franchisés, qui atteste que le savoir-faire est "éprouvé" ;

Considérant qu'en l'espèce, ce qui est reproché aux sociétés Dia France et Ed Franchise n'est pas la pratique d'imposition de prix de vente minimum, mais celle de prix de revente maximum ; qu'une telle pratique n'est pas visée par l'article L. 442-5 du Code de commerce ; qu'au surplus, le contrat de franchise prévoit que le franchisé garde une totale liberté dans la fixation des prix de revente ; qu'en pratique, si la société Trade Store a choisi volontairement de bénéficier de l'assistance pour la gestion des prix et n'a pas fait usage de son droit de modifier manuellement les prix dans le logiciel fourni par le franchiseur, ce n'est pas à la suite de pressions de ce dernier ; qu'un constat d'huissier versé aux débats permet d'établir que ces changements manuels étaient possibles, dans des temps tout à fait raisonnables ; que la société Trade Store ne démontre pas l'existence d'instructions du franchiseur visant à lui imposer de modifier ses prix de revente à la hausse ; que les quelques instructions citées par la partie appelante concernent plutôt des injonctions de baisser les prix, conformément à la politique discount du réseau ; que les quelques campagnes promotionnelles (cartes club Dia et opérations prix en baisse), dont il est fait état, aux termes desquelles un certain nombre d'articles devait être vendu à un prix défini par le franchiseur, ne suffisent pas, par leur caractère ponctuel, à caractériser l'imposition de prix de revente minimum ; que ces prix apparaissent plutôt comme des prix conseillés ;

Considérant qu'à supposer même les prix imposés, ce que le franchisé veut démontrer au travers de cette pratique, c'est le défaut de rentabilité intrinsèque de son activité ; qu'il échoue à rapporter cette preuve ; qu'en effet, s'il produit des tableaux faisant ressortir l'existence de marges nulles sur certains articles, entre le coût des approvisionnements et les prix de vente, il convient de souligner que ces tableaux sont insuffisants en soi à établir la prétendue imposition de marges nulles ou négatives ; qu'en effet, les sociétés Dia France et Ed Franchise soutiennent à juste titre que ne sont pas pris en compte, dans ses tableaux, les sommes réservées par la société Dia France au titre de la carte club Dia, les ristournes versées à la société Trade Store mensuellement, et les ristournes de fidélité ; que si la société appelante tente de démontrer que les conditions de vente qui lui sont faites ne sont pas optimisées, en comparant le prix des produits vendus par les sociétés intimées au prix des produits d'autres fournisseurs, ces comparatifs sont dépourvus d'effets probants, ces produits n'étant pas identiques ni comparables, ni quant à leur marque, certains étant sans marque, ni quant à leur contenance ;

Sur le déséquilibre significatif

Considérant que si Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, soutient également que les sociétés Dia France et Ed Franchise auraient soumis la société Trade Store à des obligations disproportionnées par rapport aux leurs, en ce qu'elles se sont affranchies de toute obligation d'optimisation de prix, ont interdit toute compensation et ont fixé des redevances sur le chiffre d'affaires disproportionnées, il n'en rapporte pas de preuves suffisantes ; que les sociétés intimées justifient, quant à elles, l'existence de contreparties dont a bénéficié la société Trade Store pour son engagement dans le réseau de distribution, notamment la transmission du savoir-faire et des services d'assistance ;

Sur l'immixtion fautive

Considérant que Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, reproche une immixtion fautive des sociétés Dia France et Ed Franchise dans la gestion de la société Trade Store, celle-ci ayant coupé, notamment, les liaisons informatiques ;

Mais considérant que l'intervention des sociétés Dia France et Ed Franchise dans la gestion du franchisé ne dépasse pas celle inhérente au contrat de franchise qui permet au franchiseur d'imposer certaines normes commerciales et organisationnelles à son franchisé ;

Considérant que la demande de résiliation du contrat de la société appelante aux torts des sociétés intimées sera donc rejetée et le jugement déféré confirmé sur ce point ;

Sur le dol

Considérant, concernant la recevabilité de cette demande, que si les sociétés intimées prétendent que les demandes de l'appelante tendant à faire réparer son prétendu préjudice au titre de manœuvres dolosives commises par les sociétés intimées sont irrecevables, car elles constitueraient des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, il convient de souligner que ses demandes tendent, comme les précédentes, à obtenir des dommages-intérêts ; que cette demande est donc recevable ;

Mais considérant qu'aucun élément versé aux débats par la société Trade Store ne justifie l'hypothèse selon laquelle le fonds de commerce donné en location-gérance serait intrinsèquement déficitaire, de sorte que l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire aurait trouvé sa cause dans la gestion de la société Trade Store ;

Sur la mise en œuvre de la clause résolutoire

Considérant que Me Leloup Thomas, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Trade Store, affirme que la clause résolutoire a été activée de mauvaise foi et critique le jugement en ce qu'il a retenu que les modalités de mise en œuvre de la condition résolutoire du contrat d'approvisionnement étaient remplies ; que, selon l'appelant, la société Dia France n'a adressé aucune lettre marquant la résiliation du contrat ; qu'aucun motif ne peut justifier l'acquisition de la clause résolutoire, les factures prétendument impayées et ayant fondé la résiliation ne figurant pas sur le relevé comptable, les bons de livraisons n'étant pas datés, ni signés de sorte qu'aucun lien entre les factures et ces livraisons ne peut être établi ;

Considérant que les sociétés Dia France et Ed Franchise demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation des contrats de système informatique, de location-gérance, de franchise et d'approvisionnement ; que les intimées soutiennent cette position en rappelant que la clause résolutoire du contrat d'approvisionnement a été acquise du fait de factures impayées, comme l'attestent les relevés comptables, les avis de rejet de prélèvements, les feuilles de route, les bons de livraison, de sorte que les arguments soulevés par l'appelant sont inopérants et que la confirmation de l'acquisition de la clause litigieuse dans le contrat d'approvisionnement permet également le prononcé de la résiliation des autres contrats ; que, dans l'hypothèse où la condition résolutoire du contrat d'approvisionnement ne serait pas considérée acquise, il est demandé à la cour de constater l'acquisition de celle prévue au contrat de location-gérance à compter du 28 août 2011 et par conséquent la résiliation des autres contrats ; que la société Dia France ayant délivré un commandement de payer le 28 juillet 2011, demeuré sans réponse, la résiliation est conforme aux exigences contractuelles ;

Considérant que la société Dia France a fait délivrer un commandement de payer à la société Trade Store, portant sur la somme de 39 477,98 euros et visant expressément la clause résolutoire du contrat de location-gérance ; que cette clause dispose qu'"à défaut par le locataire-gérant d'exécuter une seule de ces conditions et notamment de payer la redevance aux échéances convenues, le présent contrat de location-gérance sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, et sans qu'il soit besoin d'entreprendre une quelconque formalité judiciaire, un mois après un commandement de payer ou d'exécuter fait par exploit du huissier resté sans effet et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause" ; que la clause résolutoire de ce contrat est donc bien acquise ; qu'en raison de l'interdépendance entre les quatre contrats conclus le 18 juin 2010 et, notamment, sur le fondement de l'article 22 des conditions particulières du contrat d'approvisionnement et de l'article 9 des conditions générales du contrat "système informatique", les trois autres contrats se trouvent également résiliés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements reprochés à la société Trade Store ;

Sur les demandes des sociétés intimées

Considérant que si Me Leloup Thomas, ès qualités, souligne que les condamnations prononcées par les Premiers Juges seraient excessives et non justifiées, il ne conteste pas utilement les dommages-intérêts alloués par le jugement déféré aux sociétés intimées ; que le jugement sera donc confirmé sur leur quantum, sans qu'il soit besoin de désigner un expert, lesdites sommes étant fixées au passif de la société Trade Store ;

Considérant que si les sociétés Dia France et Ed Franchise demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu la demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant de la dépréciation du fonds de commerce, il convient de signaler que cette dépréciation n'est pas établie, la seule comparaison des chiffres d'affaires réalisés en gestion intégrée de ceux réalisés en gestion en franchise n'étant pas probante, s'agissant de modes différents de gestion et la franchise n'ayant duré qu'à peine un an ; que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Considérant que les demandes complémentaires des intimées seront rejetées, faute d'éléments probants ;

Par ces motifs : - Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Trade Store, - L'infirme sur ce point, - Et, statuant à nouveau, - Ordonne la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Dia France : 99 481,48 € au titre des factures de marchandises, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 27 janvier 2011 pour la somme de 50 679,79 € et à compter du 27 février 2011 pour le surplus, 61 150,65 € au titre des redevances de location-gérance, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 5 avril 2011, 8 581,07 € au titre des factures d'électricité, 5 095,91 € au titre des redevances de publicité, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 avril 2011, 8 132 € au titre des redevances informatiques, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 23 mai 2012, 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Ordonne la fixation au passif de la société Trade Store des sommes suivantes dont est créancière la société Ed Franchise : 6 744,34 € au titre des redevances de marque, outre les pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 mars 2011, 160 000 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévues à l'article 30.3 du contrat de franchise du 18 juin 2010, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2012, 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Rejette les demandes complémentaires des intimées, - Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective, - Dit n'y avoir pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.