CA Rennes, 3e ch. com., 9 septembre 2014, n° 12-08345
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
C2T Recrutement (SAS)
Défendeur :
Regional Interim (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poumarede
Conseillers :
Mmes Andre, Gueroult
Avocats :
Mes Depasse, Chatellier
FAITS PROCEDURE MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Statuant sur la demande de la SAS Regional Interim en paiement de diverses sommes et indemnités dirigée contre Awel Interim (SAS C2T Recrutement) par jugement du 10 juillet 2012 le Tribunal de commerce de Rennes a :
Dit que la SAS C2T Recrutement (Awel Interim) en collaborant avec Philippe Cardinal a engagé sa responsabilité à l'égard de la SAS Regional Interim.
Condamné la SAS C2T Recrutement (Awel Interim) à payer une indemnité de 140 000 euro.
Condamné la SAS C2T Recrutement à payer à la SAS Regional Interim la somme de 2 500 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration faite au greffe le 13 décembre 2012 la SAS C2T Recrutement a interjeté appel de cette décision.
Appelante, la SAS C2T Recrutement demande à la cour de :
Infirmer le jugement,
Statuant à nouveau :
Dire que la SAS C2T Recrutement à l'enseigne Awel Interim n'a exercé aucune activité concurrentielle depuis sa constitution jusqu'au 20 janvier 2007 du fait du seul exercice d'une activité de recrutement distincte d'une activité de travail temporaire.
Dire que l'adjonction d'une activité de travail temporaire n'est intervenue qu'à partir du moment où il a été constaté que la société Regional Interim ne remplissait pas Monsieur Cardinal, dirigeant de la société C2T Recrutement, de son droit à contrepartie pécuniaire de sa clause de non concurrence et par voie de conséquence légitimait, par son inexécution d'obligation, les obligations auxquelles s'était astreint Philippe Cardinal et la société C2T Recrutement à l'enseigne Awel Interim.
Subsidiairement,
Dire que le préjudice allégué par la SAS Regional Interim n'est pas justifié ni dans un lien de causalité avec l'attitude de la société C2T Recrutement à l'enseigne Awel Interim ni dans on montant tant en termes de chiffre d'affaires que de marge.
Débouter la société Regional Interim de l'ensemble de ses demandes.
Condamner la société Regional Interim à payer à la société C2T Recrutement à l'enseigne Awel Interim la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Si par extraordinaire la cour confirmait dans le principe la décision entreprise
Retenir un préjudice symbolique calculé sur la base de 3 % d'une fraction du chiffre d'affaires réalisé par C2T recrutement en 2007 soit sur la base de la moitié dudit chiffre 12.915
Plus subsidiairement encore, avant dire droit sur la valorisation du préjudice,
Ordonner une expertise, après avoir entendu les parties et pris connaissance de tout document utile afin de :
Déterminer la réalité du chiffre d'affaires perdu par la société Regional Interim sur la période 20 janvier 2007 au 20 juillet 2007, terme de la clause de non concurrence,
Vérifier le chiffre d'affaires en valeur et en nature de clients qui auraient pu transiter de la société Regional Interim à la société C2T Recrutement sur cette période,
Donner son avis sur les marges brutes générées par l'activité,
Condamner la société Regional Interim aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.
Intimée, la SAS Regional Interim demande à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Y Ajoutant :
Condamner la SAS C2T Recrutement à payer à la SAS Regional Interim la somme de 5000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est expressément référé aux conclusions déposées, régulièrement communiquées par :
La SAS C2T Recrutement le 18 mars 2014.
La SAS Regional Interim le 25 février 2013.
L'Ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2014.
MOTIFS
Considérant qu'il résulte des écritures, des explications des parties et des pièces par elles régulièrement produites, que :
Soutenant que la SAS C2T Recrutement avait sciemment embauché Philippe Cardinal son ancien salarié en violation d'une clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail la SAS Regional Interim l'a fait assigner en dommages et intérêts.
Condamnée, la SAS C2T Recrutement a interjeté appel.
Considérant que l'article 12 du contrat de travail à durée indéterminée conclu le 19 septembre 2003 entre Philippe Cardinal et la SAS Regional Interim stipulait que :
"En cas de rupture du présent contrat, pour quelle que cause que ce soit, le dénigrement systématique de la société ou le fait de faire bénéficier les concurrents de renseignements sur les méthodes et le savoir-faire de la société constituerait un acte de concurrence déloyale susceptible d'engager la responsabilité de M. Cardinal Philippe.
En outre, compte tenu des fonctions de M. Cardinal Philippe et des spécificités mises en œuvre dans l'entreprise, dans un marché très concurrentiel, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, M. Cardinal Philippe s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ou groupe d'entreprises exerçant en tout ou partie une activité de travail temporaire.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée d'un an, à compter de la date de la rupture effective du contrat et au secteur géographique suivant 29-22-56.
En contrepartie de cette obligation de non concurrence, M. Cardinal Philippe percevra à compter de la date de rupture effective du contrat de travail et pendant la durée d'application et de respect de la clause une indemnité mensuelle brute d'un montant égal à 20% du salaire moyen brut des trois derniers mois précédant la rupture.
L'entreprise se réserve le droit de libérer M. Cardinal Philippe de son obligation de non concurrence, sans que celui-ci puisse prétendre au paiement d'une quelconque indemnité. Notification sera alors faite par recommandé avec AR, dans les quinze jours qui suivent la notification du préavis ou, en cas de non observation du préavis, dans le mois qui suit la rupture effective du contrat de travail.
En cas de violation de cette interdiction, M. Cardinal Philippe s'exposera au paiement par infraction constatée d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses douze derniers mois d'activité sans préjudice du droit pour la société de faire cesser la dite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi, et ce sans aucune sommation que le simple constat d'un quelconque manquement.
Que par avenant du 24 novembre 2003 le secteur géographique de l'interdiction était étendu aux départements 35, 44, 49, 53 et 50 ;
Que par lettre du 6 juin 2006, Philippe Cardinal donnait sa démission à la SAS C2T Recrutement qui déclarait maintenir son obligation de non-concurrence et acceptait sa demande de dispense de préavis les 8 juin et 20 juillet suivants.
Que le 17 juillet 2006 commençait l'activité d'une SAS C2T Recrutement sous l'enseigne Awel Interim animée par son gérant Philippe Cardinal et dont le siège était à Rennes avec pour objet ressources humaines et toutes activités de recrutement et d'hébergement d'offres et de demandes d'emploi en ligne, activité d'entreprise de travail temporaire ; que le capital de cette société était détenu à 33,3% par Philippe Cardinal et 56,6 % par la SAS Trehorel sise à Saint-Brieuc et secondairement à Lannion, ayant elle-même pour objet le travail temporaire et le recrutement sous les enseignes Acto Interim et Acto Recrutement ;
Que par arrêt du 5 mars 2011, la cour a validé la clause de non-concurrence et condamné Philippe Cardinal à payer à la SAS Regional Interim son ancien employeur une indemnité de 15 000 euro pour sa violation ; que cette décision est frappée d'un pourvoi ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que Philippe Cardinal a diffusé auprès de l'ANPE une offre pour le compte d'Acto Recrutement l'une des enseignes de la SAS Trehorel, associée majoritaire de la SAS C2T Recrutement animée par lui-même et qu'il a ainsi méconnu son obligation de non concurrence qui lui interdisait notamment dans les départements 22, 35 et 56, de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ou groupe d'entreprises exerçant en tout ou partie une activité de travail temporaire ; que d'ailleurs dès le 20 janvier 2007 c'est-à-dire pendant l'année d'interdiction, la SAS C2T Recrutement étendait officiellement son objet à l'activité intérimaire en réalité déjà exercée ; que cette dernière ne saurait davantage se prévaloir du non versement de la contrepartie financière prévue dans cette clause alors précisément qu'en raison de la violation constatée elle était indue.
Considérant que la SAS C2T Recrutement ne peut sérieusement nier avoir eu connaissance en la personne de Philippe Cardinal son gérant de l'obligation de non concurrence imposée à celui-ci par le contrat de travail conclu avec la SAS Regional Interim ; qu'elle a engagé sa responsabilité en permettant sciemment à Philippe Cardinal qu'elle savait tenu par une clause de non concurrence de déployer une activité de travail temporaire au mépris de celle-ci.
Que la SAS Regional Interim justifie de la perte momentanée d'une quarantaine de salariés intérimaires approchés par Philippe Cardinal et la SAS C2T Recrutement ; qu'il doit toutefois être observé que s'agissant d'intérims le temps plein n'est pas la règle et que le préjudice ne réside pas dans le salaire mais dans la perte de gain subi ; qu'en fixant ce préjudice à 140 000 euro tenant compte du chiffre d'affaires perdu (1 400 000 euro) et du ration de profit (10 %) les premiers juges, dont la décision sera entièrement confirmée, ont sainement apprécié.
Les dépens et les frais
Considérant que la SAS C2T Recrutement, qui succombe, supportera les dépens ; qu'elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; que l'équité commande, en revanche de faire droit à la demande de la SAS Regional Interim fondée sur ce texte ; qu'il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 3 500 euro, qui s'ajoutera à celle déjà fixée à ce titre par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS, Confirme le jugement, Y ajoutant, Condamne la SAS C2T Recrutement à payer à la SAS Regional Interim la somme de 3 500 euro, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.