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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 septembre 2014, n° 13/03597

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rpm Garantie (SARL)

Défendeur :

Automobiles Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Chokron, Gaber

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Cassavetti, Lallement, Tempier

TGI Paris, du 20 déc. 2012

20 décembre 2012

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il suffit de rappeler que la SA Automobiles Peugeot, constructeur automobile français disposant d'un réseau de concessionnaires de véhicules neufs et d'occasion, est titulaire de la marque verbale "Occasions Du Lion Primo" déposée le 21 juillet 2009 et enregistrée le 24 décembre 2009 sous le numéro 09 3 665 458 pour désigner des produits et services des classes 12, 37 et 39 ;

Qu'elle exploite cette marque pour désigner une offre de véhicules d'occasion multimarques par les agents de son réseau labellisé "Occasions Du Lion" ;

Que la SARL RPM Garantie, exposant utiliser depuis 2006 le signe "Primo" pour désigner une des deux formules de son offre d'extension de garantie mécanique pour véhicules d'occasion, a fait assigner le 13 juillet 2011, après deux mises en demeure infructueuses des 29 juin et 23 novembre 2010, la SA Automobiles Peugeot devant le tribunal de grande instance de Paris pour faire constater que l'enregistrement à titre de marque de la dénomination "Primo" porte atteinte à ses droits antérieurement détenus ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

- rejeté la demande de nullité de l'enregistrement de la marque "Occasions Du Lion Primo",

- débouté la SARL RPM Garantie de sa demande en revendication de la marque "Occasions Du Lion Primo",

- débouté la SARL RPM Garantie de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la SARL RPM Garantie au paiement à la SA Automobiles Peugeot de la somme de 7.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

i : Sur la nullité de l'enregistrement n° 09 3 665 458 de la dénomination "Primo" à titre de marque :

Considérant qu'au visa de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle la SARL RPM Garantie reprend devant la cour sa demande de nullité de l'enregistrement de la dénomination "Primo" en faisant valoir qu'elle utilise continuellement depuis 2006 le signe "Primo" pour désigner son offre de garantie et que le nom commercial s'acquiert par le premier usage public sans exiger que le nom soit connu d'un large public ni que le nom soit publié au registre du commerce ;

Qu'elle allègue l'antériorité de l'utilisation de la dénomination "Primo" en soutenant exploiter depuis 2006 dans la France entière ce terme à titre de nom commercial pour désigner ses produits et qu'il existe un risque de confusion, les offres d'extension de garantie proposées par les parties constituant un service identique, pour une clientèle identique, sous la même dénomination "Primo" ;

Considérant que la SA Automobiles Peugeot réplique n'avoir déposé aucune marque "Primo" mais la marque "Occasions Du Lion Primo" qui n'est pas identique au signe "Primo" seul ;

Qu'elle ajoute que la demande de nullité de sa marque sur le fondement de l'article L 714-3 du Code de la propriété intellectuelle est irrecevable dès lors que la SARL RPM Garantie n'exploite pas le terme "Primo" à titre de nom commercial, le seul usage d'un signe dans la vie des affaires pour désigner des produits ou services ne constituant pas un droit privatif antérieur source d'indisponibilité et ne permettant pas de requérir la nullité d'une marque enregistrée ;

Qu'elle fait valoir qu'en l'espèce le signe "Primo" n'a jamais servi à identifier la SARL RPM Garantie ; que ce terme est parfaitement banal dans le domaine des services de garanties et/ou d'assurance ainsi que dans le domaine automobile et que sa marque "Occasions Du Lion Primo" n'induit aucun risque de confusion avec le terme "Primo" tel qu'exploité par la SARL RPM Garantie ;

Considérant ceci exposé, que l'action en nullité est expressément fondée sur les dispositions de l'article L. 711-4 c) du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles :

"Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

(...)

c) À un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public" ;

Considérant que dans ses conclusions d'appel la SARL RPM Garantie soutient faire usage du signe "Primo" à titre de nom commercial pour désigner un de ses produits d'extension de garantie automobile : "RPM Garantie justifie (...) d'un usage sérieux et continu du terme "Primo" comme nom commercial associé à RPM Garantie. (...) À partir de l'année 2006, année de sa création, RPM Garantie, a toujours fait usage de façon continue du terme "Primo" à titre de nom commercial pour désigner ses produits" (page 12 des conclusions), "Comme démontré ci-avant, depuis sa création, en 2006, RPM Garantie a continuellement fait usage du signe "Primo" comme nom commercial (...) L'appelante effectuait une exploitation continue de la dénomination "Primo" à titre de nom commercial depuis trois années" (page 16 des conclusions), "L'enregistrement effectué par Peugeot est donc intervenu postérieurement au premier usage public du nom commercial détenu par RPM Garantie" (page 17 des conclusions) ;

Considérant que si un nom commercial qui désigne un fonds de commerce, même non inscrit au Registre du commerce et des sociétés, peut, lorsqu'il a un rayonnement national, constituer une antériorité opposable à une marque dès lors qu'il est perçu comme désignant les produits ou services constituant l'objet de l'activité effective du titulaire du fonds de commerce, encore faut-il que le signe invoqué comme antériorité opposable à la marque soit utilisé à titre de nom commercial ;

Considérant qu'en l'espèce il ressort des pièces versées aux débats que le seul nom commercial exploité par la SARL RPM Garantie est "RPM Garantie" et que le signe "Primo" n'est utilisé que pour désigner un des services d'extension de garantie proposés par cette société notamment dans ses bulletins d'adhésion et ses constats de garantie relatifs à ce service, étant observé que ces documents sont à l'en-tête "RPM Garantie" et non pas "Primo" ;

Considérant ainsi que le site Internet exploité par la SARL RPM Garantie est, selon son propre procès-verbal de constat d'huissier du 03 février 2011 et les copies d'écran versées aux débats, accessible à partir du nom de domaine <rpm-garantie.com> et que la page d'accueil du site fait uniquement mention du signe "RPM Garantie" ;

Considérant qu'il s'ensuit que si le signe "Primo" est utilisé par la SARL RPM Garantie pour commercialiser un de ses services, il n'en est fait aucun usage par cette société à titre de nom commercial et qu'il ne saurait constituer un droit antérieur opposable à la marque "Occasions Du Lion Primo" ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que cette société n'était pas recevable à solliciter la nullité de la marque "Occasions Du Lion Primo" ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité ;

Considérant que si en première instance la SARL RPM Garantie demandait à titre subsidiaire à sa demande principale en nullité, de constater que l'enregistrement à titre de marque de la dénomination "Primo" par la SA Automobiles Peugeot avait été effectué en fraude de ses droits et demandait la rétrocession de cet enregistrement, il apparaît qu'en cause d'appel la SARL RPM Garantie ne soutient plus cette demande subsidiaire ;

Considérant en conséquence qu'en l'absence de toute critique de ce chef du dispositif du jugement entrepris, celui-ci sera également confirmé par adoption de ses motifs pertinents et exacts tant en fait qu'en droit, en ce qu'il a débouté la SARL RPM Garantie de sa demande en revendication de la marque "Occasions Du Lion Primo" ;

II : Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la SARL RPM Garantie fait valoir l'originalité de la dénomination "Primo" et son utilisation pour distinguer son offre de garantie, ce terme n'ayant rien de strictement nécessaire ou de générique et ne désignant pas, de manière évidente, le produit commercialisé ;

Qu'elle ajoute que la SA Automobiles Peugeot utilise de façon intempestive la dénomination "Primo" seule pour présenter ses produits et que dans la mesure où les services proposés par les deux sociétés sont identiques, il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du public, l'usage de la dénomination "Primo" constituant un acte de concurrence déloyale ;

Qu'elle demande qu'il soit enjoint à la SA Automobiles Peugeot, sous astreinte, de procéder au retrait de l'ensemble des produits et services pouvant se positionner en concurrence directe avec sa propre activité et de cesser toute utilisation du signe "Primo" ; qu'elle réclame en outre la somme de 978 440 euro à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la SA Automobiles Peugeot réplique qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale en exploitant la marque "Occasions Du Lion Primo", le sigle "Primo" s'avérant parfaitement banal dans le domaine des services de garanties et/ou d'assurance ainsi que dans le service automobile ;

Qu'elle ajoute que la marque "Occasions Du Lion Primo" n'induit aucun risque de confusion avec le terme "Primo" tel qu'exploité par la SARL RPM Garantie du fait des différences visuelles, auditives et intellectuelles existantes, de la distinctivité et de la notoriété de l'expression "Occasions Du Lion", de la faible distinctivité du terme "Primo" pris individuellement et de l'absence de notoriété auprès des consommateurs de ce terme tel qu'exploité par la SARL RPM Garantie ;

Considérant que le simple fait de reproduire un signe qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce en évitant tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou du service ainsi désignés par ce signe ;

Considérant qu'il sera rappelé que la marque déposée et exploitée par la SA Automobiles Peugeot n'est pas "Primo" mais "Occasions Du Lion Primo" dans lequel le terme "Primo" n'est pas plus dominant que les autres termes et qui se distingue bien du signe "Primo" revendiqué par la SARL RPM Garantie, tant visuellement que phonétiquement par sa longueur (quatre mots totalisant 20 lettres au lieu d'un mot de cinq lettres), son rythme (neuf syllabes au lieu de deux) et sa sonorité d'attaque ([oc] au lieu de [pri]) ;

Considérant que conceptuellement la marque "Occasions Du Lion Primo" fait référence, par les termes "Occasions Du Lion" au réseau de distribution de voitures d'occasion développé par la SA Automobiles Peugeot ;

Considérant au demeurant que le terme "Primo" pris individuellement est couramment utilisé par les intervenants économiques dans des domaines aussi variés que ceux de l'assurance, du prêt bancaire ou de la mutuelle ainsi qu'il en est justifié par les éléments versés aux débats et ne permet pas à lui seul d'identifier les services qu'il vise ;

Considérant en outre que les services proposés ne sont pas identiques, la marque "Occasions Du Lion Primo" étant utilisée pour proposer à la vente des véhicules d'occasion bénéficiant d'une garantie contractuelle alors que le signe "Primo", dont la notoriété n'est pas démontrée, est utilisé par la SARL RPM Garantie pour proposer un de ses services optionnels d'extension de garantie automobile ;

Considérant qu'il s'ensuit, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, qu'au vu des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause, il n'existe pas de risque de confusion entre le service proposé par la SARL RPM Garantie sous le terme "Primo" et les services et produits proposés par la SA Automobiles Peugeot sous la marque "Occasions Du Lion Primo" ;

Considérant dès lors que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté la SARL RPM Garantie de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

III : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que dans la mesure où la SARL RPM Garantie est déboutée de ses demandes en nullité de marque et en concurrence déloyale, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande complémentaire de publication judiciaire, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SA Automobiles Peugeot la somme complémentaire de 15 000 euro au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la SARL RPM Garantie sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la SARL RPM Garantie, partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Condamne la SARL RPM Garantie à payer à la SA Automobiles Peugeot la somme complémentaire de quinze mille euros (15 000 euro) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ; Déboute la SARL RPM Garantie de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL RPM Garantie aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.