CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 septembre 2014, n° 12-20591
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Damay
Défendeur :
Jade Conseil Paris Est (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur
Avocats :
Mes d'Alançon, Boccon Gibod
FAITS ET PROCEDURE
Le 17 mai 2004, M. Damay a conclu un contrat d'agent commercial avec la société Voelia, devenue par la suite, la société Jade Conseil Paris Est (la société JCPE). Le 7 mai 2007, le contrat a cessé d'être exécuté, les parties s'opposant dans le présent litige sur la question de l'imputabilité de la rupture.
Le 28 avril 2008, M. Damay a saisi le Conseil des prud'hommes de Créteil, afin d'obtenir la requalification de son contrat en contrat de travail et le paiement de différentes sommes. Par un jugement du 30 novembre 2009, cette juridiction a jugé que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail et elle s'est déclarée incompétente au profit du Tribunal de grande instance de Créteil. Le contredit de compétence formé par M. Damay a été rejeté par un arrêt de cette cour du 7 octobre 2010, qui a renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Créteil.
Devant le tribunal, M. Damay a soutenu que la société JCPE était à l'origine de la rupture du contrat et a demandé le versement de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, ainsi que d'autres sommes à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 8 octobre 2012, le Tribunal de grande instance de Créteil a:
- débouté M. Damay de l'ensemble de ses demandes ;
- dit que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles ;
Vu l'appel interjeté par M. Damay le 15 novembre 2012 contre cette décision;
Vu les dernières conclusions signifiées par M. Damay le 26 février 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil du 8 octobre 2012 dans toutes ses dispositions statuer à nouveau et :
A titre principal,
- dire et juger que le contrat d'agence commerciale conclu avec M. Damay a été rompu par la société JCPE le 7 mai 2007,
- dire et juger que M. Damay a droit à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial par la société JCPE et à l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois,
A titre subsidiaire,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale conclu avec M. Damay aux torts exclusifs de la société JCPE
En tout état de cause,
- condamner la société JCPE à payer à M. Damay les sommes suivantes :
- 88 113,80 euro au titre de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi,
- 13 106,92 euro TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 50 000 euro de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- dire que les intérêts seront dus à compter du 7 mai 2007.
M. Damay soutient que la société JCPE a, au cours d'une réunion qui s'est tenue le 7 mai 2007, rompu unilatéralement le contrat d'agent commercial et demande la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 88 113,80 euro au titre de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu'il a subi. Il fait valoir que le délai d'un an prévu par l'article L. 134-12 du Code de commerce a été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes et qu'en tout état de cause, la société JCPE doit être privée de son droit d'invoquer la déchéance en raison de son comportement frauduleux visant à le priver de ses droits à indemnité.
Il ajoute que sa mandante devait lui accorder un préavis de trois mois et non de deux. Il fait valoir, de plus, que la rupture intervenue sans motif a été abusive.
À titre subsidiaire, il demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial aux torts de la société JCPE, dans le cas où elle estimerait que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une rupture de la part de l'une ou de l'autre des parties, et il fait valoir à ce sujet qu'il a été privé, à compter du 7 mai 2007, des moyens et informations lui permettant d'accomplir ses missions.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société JCPE le 9 avril 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du 8 octobre 2012 en ce qu'il a : dit et jugé que le contrat d'agence commerciale de M. Damay n'avait pas été rompu à l'initiative de la société JCPE ; débouté Monsieur Julien Damay de l'intégralité de ses demandes indemnitaires.
A titre subsidiaire, et si la cour devait infirmer le jugement du 8 octobre 2012 et constater que la rupture du contrat d'agence commerciale était intervenue à l'initiative de la société JCPE, la cour devra :
- constater que M. Damay est déchu de son droit à indemnité
- dire et juger que la demande indemnitaire formulée par M. Damay au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce est irrecevable,
A titre infiniment subsidaire,
- débouter M. Damay de sa demande de résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial
A titre tres infiniment subsidiaire, et si votre juridiction devait prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial,
- fixer la date de la résiliation judiciaire au 7 mai 2007
- constater que Monsieur Julien Damay est déchu de son droit
- dire et juger que la demande indemnitaire formulée par M. Damay au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce est irrecevable,
En tout état de cause,
- débouter M. Damay de l'ensemble de ses demandes indemnitaires
- condamner M. Damay à verser à la société JCPE la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
La société JCPE soutient que M. Damay a été à l'origine de la rupture et qu'il n'est pas en droit de réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi. Elle ajoute qu'en tout état de cause, il est déchu de son droit à réclamer une indemnisation, qui s'est éteint le 6 mai 2008.
Elle soutient encore que les demandes de résiliation judiciaire du contrat, d'une part, et de dommages-intérêts, d'autre part, ne sont pas fondées car elle n'a commis aucune faute.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Il n'est pas contesté dans le cadre du présent litige que la société JCPE a conclu un contrat d'agent commercial et que celui-ci a cessé d'être exécuté à partir du 7 mai 2007, date à laquelle M. Briault aurait notifié à M. Damay la rupture immédiate de son contrat en lui précisant qu'il ne travaillait plus pour la société.
En application de l'article L. 132-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, mais il perd ce droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
Il n'est pas contesté que la demande en réparation a été formée par M. Damay au-delà du délai d'un an, puisque ce n'est que devant le tribunal, saisi après que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent par jugement du 30 novembre 2009, qu'il a réclamé le paiement des indemnités prévues par l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Ainsi que le soutient M. Damay, les dispositions générales de l'article 2246 du Code civil, selon lesquelles la citation en justice donnée même devant un juge incompétent interrompt la prescription, sont applicables à tous les délais pour agir et à tous les cas d'incompétence. Cependant, l'action qu'il a introduite devant cette juridiction visait à faire requalifier le contrat d'agent commercial en contrat de travail et à demander les indemnisations relatives à la rupture de celui-ci. Sa cause était donc différente de celle de l'action relative au paiement des indemnités liées à la rupture du contrat d'agent commercial, quand bien même ces actions aient eu pour même objectif d'obtenir le paiement d'indemnités et que M. Damay n'ait pas eu à introduire une nouvelle action à la suite du jugement d'incompétence rendu par le Conseil de prud'hommes. Dans ces conditions, M. Damay, qui disposait, en outre, de la possibilité de notifier valablement à la société JCPE que, dans le cas où le conseil de prud'hommes se déclarerait incompétent, il entendait faire valoir ses droits relatifs au contrat d'agent, ne peut invoquer à son bénéfice l'interruption du délai pour agir prévu par l'alinéa 2 de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
M. Damay soutient que la société JCPE doit être déchue du droit à se prévaloir de la déchéance annale prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, en raison de son intention frauduleuse de se priver de son droit à indemnisation. Il fait valoir sur ce point qu'aucune disposition de son contrat ne précise ses droits en cas de rupture et que celle-ci n'a pas fait l'objet d'un écrit. Il n'est cependant pas prescrit d'obligation légale ou règlementaire imposant au mandant de faire figurer dans le contrat d'agent les dispositions relatives à ses droits à indemnité en cas de rupture et cette absence ne peut être considérée comme constituant un comportement déloyal de la société JCPE. Il en est de même du fait que la rupture n'ait pas été formulée par écrit, M. Damay n'en ayant, de surcroît, pas contesté les conditions, autrement que par la délivrance, plus d'une année après, d'une assignation devant le conseil de prud'hommes aux fins de requalification de son contrat.
C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de M. Damay sur ce point. M. Damay réclame par ailleurs le paiement de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code de commerce et non soumise à la déchéance annale.
Toutefois cette indemnité n'est due à l'agent que si l'auteur de la rupture est la société, ce que M. Damay n'établit pas. En effet, il produit pour seule preuve de la notification orale qui lui aurait été faite de la cessation de son contrat, un témoignage de M. Hamdani qui exerçait la même fonction que lui au sein de la société JCPE, or cette attestation ne saurait être reçue à titre de preuve, dans la mesure où son auteur s'oppose dans un litige identique à la société JCPE et que, dans ces circonstances, son objectivité n'apparaît pas garantie. Il n'est en conséquence pas démontré que la société JCPE ait été l'auteur de la rupture. Le fait que par la suite M. Damay n'ait plus été convoqué aux réunions et n'ait plus eu accès aux données lui permettant d'accomplir ses missions, ou qu'il n'ait plus perçu de commissions, ne rapportent pas la preuve de ce que sa mandante aurait rompu le contrat, dès lors qu'il ne présente aucun élément permettant de constater qu'il aurait contesté cet état de fait.
Il n'est en conséquence pas fondé à réclamer le paiement de l'indemnité de préavis et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Enfin, le contrat n'ayant plus été exécuté depuis 2007 a été, de fait, résilié. Il n'est, de plus, pas démontré en l'espèce que la société JCPE aurait commis une faute. La demande de résiliation judiciaire à ses torts doit donc être rejetée.
Il convient, en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté toutes les demandes indemnitaires de M. Damay.
Sur les frais irrépétibles
L'ensemble des faits de la cause retenus précédemment justifie que les frais engagés par la société JCPE pour la défense de ses intérêts ne demeure pas intégralement à sa charge et M. Damay sera donc condamné à lui verser la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Rejette toute demande autre, plus ample, ou contraire des parties, Condamne M. Damay à verser à la société JCPE la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Damay aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.