Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 septembre 2014, n° 12-08993

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Strikoptic (SARL)

Défendeur :

Alain Afflelou Franchiseur (SAS), Trioptique (SARL), Duoptic (SARL), Torelli (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fromantin, Ducoin, Augagneur, Herscovici, Sulzer, Hautin Belloc, Carnis

T. com. Paris, 19e ch., du 11 avr. 2012

11 avril 2012

Rappel des faits et de la procédure

Madame Mallemanche était depuis 1985 membre du réseau de franchise Alain Afflelou.

La société à responsabilité limitée Strikoptik qu'elle a créée en en 1989 exploitait un magasin d'optique, <localité>, transféré, lors de sa création en 1992, dans le centre commercial de la Coupole des Halles. Le magasin était exploité sous contrat de franchise Afflelou en date du 29 octobre 1997 dans lequel il était précisé que la protection territoriale s'appliquait à la "Ville de Nîmes", contrat auquel s'est substitué un nouveau contrat le 13 décembre 2000 pour une durée de trois ans, modifié partiellement par un avenant du 10 juillet 2003 prévoyant une prorogation automatique d'une année civile sauf dénonciation au moins six mois à l'avance.

La société Beeoptic qu'elle avait également créée avait depuis le mois de février 2004 la location-gérance d'un fonds de commerce du centre commercial Carrefour appartenant initialement à la société Vetter puis à la société Alain Afflelou Succursales et exploité sous l'enseigne "L'Optique Carrefour ". La location-gérance a été résiliée pour le premier mai 2005, puis la société Alain Afflelou Succursales a cédé le fonds par acte des 7 et 28 juillet 2006 à la société Trioptique, ayant pour gérant M. Petit-Pas. Le fonds a été exploité sous franchise Afflelou par contrat signé le 13 septembre 2006 et sous l'enseigne "Plurielles" puis, à partir de 2008, sous l'enseigne "Pluriel d'Afflelou".

La société Beeoptic exploitait également un magasin situé dans le centre commercial Géant, à l'enseigne Alain Afflelou dans le cadre d'un contrat de franchise Afflelou signé le 6 juin 2005 d'une durée déterminée allant rétroactivement du 5 mars 2003 au 31 décembre 2006. Le franchiseur accordait le bénéfice d'une protection territoriale s'appliquant "au centre commercial de Géant de Nîmes et la ville de Nîmes (Strikoptic)".

Par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 10 mars 2006, la société Alain Afflelou Franchiseur notifiait à la société Strikoptic d'une part, et à la société Beeoptic d'autre part, son intention de mettre fin à leurs relations commerciales à l'échéance du contrat de franchise, soit le 31 décembre 2006. La société Strikoptic contestait cette décision.

En septembre 2006, Madame Mallemanche et Monsieur Petit-Pas engageaient des négociations, avec la participation de la société Alain Afflelou Franchiseur, pour la cession des parts des sociétés Beeoptic et Strikoptic.

Le 6 juillet 2007, Madame Mallemanche et Monsieur Petit-Pas signaient deux promesses synallagmatiques de cession et d'achat, sous condition suspensive, des parts sociales des sociétés Beeoptic et Strikoptic à la société Visioptic en cours de constitution.

Par acte du 17 août 2007, la cession des parts de la société Beeoptic était régularisée.

La société Visioptic, immatriculée au registre du commerce le premier août 2007, exploitait alors le fonds de commerce du centre commercial Géant sous contrat de franchise conclu avec la société Alain Afflelou Franchiseur.

Les négociations pour la cession des parts de la société Strikoptic se sont poursuivies jusqu'à fin 2007 vainement.

Par courrier avec accusé de réception daté du 3 novembre 2008, la société Alain Afflelou Franchiseur mettait en demeure la société Strikoptic de payer la somme de 54 762,56 euro TTC, rappelait la clause résolutoire insérée dans l'article XVI du contrat de franchise, rappelait les dispositions de l'article XIX. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2008, la société Afflelou faisait connaître à la société Strikoptic son intention de mettre fin au contrat de franchise dans un délai de 6 mois à compter de la réception de la lettre, soit le 10 mai 2009.

Le 25 novembre 2008, la société Duoptic, immatriculée au registre du commerce le 18 août 2008, ouvrait un nouveau magasin en centre-ville <localité>, sous enseigne "Pluriel-Opticien". Il était exploité sous enseigne Alain Afflelou à partir du 6 mai 2009 dans le cadre d'un contrat de franchise Afflelou signé le 22 décembre 2008.

Estimant que son contrat de franchise avait été, de fait, reconduit pour une période de 3 ans, s'achevant au 31 décembre 2009, la société Strikoptic a assigné par acte du 4 mai 2009 la société Alain Afflelou Franchiseur, la société Duoptic et la société Trioptique aux fins de faire condamner ces sociétés à lui verser des dommages et intérêts pour violation de la clause d'exclusivité territoriale et pour résiliation fautive du contrat de franchise.

La société Duoptic a été placée sous sauvegarde par jugement du 20 janvier 2010 et la société Strikoptic a déclaré sa créance. Par acte du 23 février 2010, elle a assigné en intervention Maître Torelli en qualité de mandataire judiciaire de la société Duoptic.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 11 avril 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :

- joint les causes enrôlées sous les n° RG 2009030068 et RG 2010016614,

- débouté la SARL Strikoptic de ses demandes à l'encontre de la SARL Trioptique,

- débouté la SARL Strikoptic de ses demandes à l'encontre de la SARL Duoptic

- débouté la SARL Strikoptic de sa demande d'expertise,

- condamné la SAS Alain Afflelou Franchiseur à payer à la SARL Strikoptic la somme de 35 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- pris acte de l'acceptation par la SAS Alain Afflelou Franchiseur du désistement des sociétés Duoptic et Trioptique de leurs demandes à son encontre,

- débouté la SAS Alain Afflelou Franchiseur de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la SARL Strikoptic,

- condamné la SARL Strikoptic à payer à la SARL Trioptique la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la SARL Duoptic de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la SARL Strikoptic,

- condamné la SAS Alain Afflelou Franchiseur à payer à la SARL Strikoptic la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Strikoptic à payer à la SARL Trioptique la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile entre la SARL Duoptic et la SARL Strikoptic.

Par déclaration en date du 15 mai 2012, la société Strikoptic a interjeté appel du jugement précité.

Par conclusions signifiées le 10 décembre 2012 et auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, la société Strikoptic demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le contrat de franchise de la société Strikoptic s'est poursuivi sous exclusivité au-delà de la date du préavis donné par la société Alain Afflelou Franchiseur au 6 mai 2009,

- L'infirmer au surplus,

- constater que la société Alain Afflelou et les sociétés Duoptic et Trioptique ont violé l'exclusivité dont bénéficie la société Strikoptic pour la ville de Nîmes, ainsi que l'essentiel des obligations du franchiseur dès l'année 2006,

- condamner in solidum les sociétés Alain Afflelou et Trioptique à payer la somme de 412 454 euro à la société Strikoptic en réparation du préjudice subi,

- fixer la créance au passif de la société Duoptic à la somme déclarée de 260 000 euro,

Subsidiairement,

- Ordonner une expertise ayant pour objet de permettre à la juridiction de déterminer le préjudice subi par la société Strikoptic du fait des violations contractuelles,

- Dans cette hypothèse, condamner in solidum les sociétés Alain Afflelou et Trioptique à payer la somme de 350 000 euro à titre de provision à valoir sur le préjudice,

En toute hypothèse,

- Condamner in solidum les sociétés Alain Afflelou et Trioptique à payer à la société Strikoptic la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

Moyens de la société Strikoptic :

La durée des relations contractuelles

Sur la date d'expiration du contrat de franchise liant la société Alain Afflelou et Strikoptic, l'appelant soutient que la résiliation du contrat par la société Alain Afflelou intervenue le 5 novembre 2008 ne pouvait prendre effet qu'au 31 décembre 2009 et non au 6 mai 2009 en application des modalités de résiliations prévues par les deux contrats précités, peu important que le contrat applicable soit celui du 1er janvier 2004 ou celui du 1er janvier 2000 ultérieurement modifié.

Ainsi le contrat du 1er janvier 2004 prévoit un renouvellement triennal du contrat en cas de poursuite du contrat au-delà de son terme. Le contrat du 1er janvier 2000 modifié par avenant du 10 juillet 2003 stipule qu'au terme du contrat en cours, celui-ci est automatiquement prorogé pour une durée d'un an, ce contrat pourra être résilié par une des parties par LRAR 6 mois avant l'expiration de la période contractuelle en cours (c'est-à-dire avant le 30 juin de l'année en cours). Par conséquent le contrat de franchise qui expirait le 31 décembre 2006 et qui a été poursuivi puis résilié par la société Alain Afflelou le 5 novembre 2008 (c'est-à-dire après le 30 juin de l'année en cours) était applicable entre les parties jusqu'au 31 décembre 2009.

Sur le délai de préavis minimal au regard de la durée des relations commerciales, la société Strikoptic soutient qu'au-delà des délais de résiliations contractuellement prévus, la société Afflelou devait respecter un préavis de résiliation de l'ordre de 18 mois du fait de l'ancienneté des relations commerciales entre la société Strikoptic et la société Alain Afflelou qui remontent à 1989.

La violation de l'exclusivité

Sur la violation de la clause d'exclusivité par les sociétés Alain Afflelou et les sociétés Duoptic et Trioptique dès 2006, la société Strikoptic soutient que l'implantation d'une enseigne avec un radical commun dans la zone d'exclusivité, en l'espèce "Pluriel Afflelou" et "Optique Afflelou ", constituent une violation de la clause d'exclusivité.

Sur la violation de la clause d'exclusivité par les sociétés Alain Afflelou et les sociétés Duoptic et Trioptique dès 2006, la société Strikoptic relève que la clause d'exclusivité couvre l'intégralité de la ville de Nîmes et non uniquement le centre-ville.

Sur la violation de l'exclusivité par la magasin du centre commercial Carrefour exploité par la société Trioptique, la société Strikoptic soutient que le magasin revêtant l'enseigne "Pluriel Afflelou" exploité par la société Trioptique dans le centre commercial Carrefour viole l'exclusivité dont bénéficie la société Strikoptic.

De plus, la société Strikoptic relève qu'elle n'a pas consenti implicitement à l'installation d'un magasin Alain Afflelou dans sa zone d'exclusivité car à l'époque où Mme Mallemanche était gérante de la société Beeoptic, elle était l'unique franchisée de la ville de Nîmes et le magasin qu'elle exploitait dans le centre commercial Carrefour était à l'enseigne "Pluriel" et non "Pluriel d'Afflelou" comme depuis 2008 de sorte qu'elle n'a pas consenti à l'utilisation d'une telle enseigne contenant le nom Afflelou.

La société Strikoptic prétend dès lors que la violation de l'exclusivité est patente dès 2006 et qu'ainsi la responsabilité conjointe des sociétés Alain Afflelou et Trioptique devrait être mise en jeu.

Sur la violation de l'exclusivité par le magasin ouvert <adresse> exploité par la société Duoptic, la société Strikoptic soutient que l'ouverture de ce magasin constitue une violation de l'exclusivité dont elle bénéficie pour la ville de Nîmes qui engage la responsabilité de la société Alain Afflelou ainsi que des franchisés qui apportent leur tierce-complicité.

La société appelante fait valoir que la société Duoptic aurait utilisé l'enseigne "Optique d'Afflelou" dès le 1er janvier 2009 et non l'enseigne "Pluriel Opticien" comme l'a retenu le tribunal de commerce.

De plus la société Strikoptic relève que dès l'ouverture de ce magasin les sociétés Alain Afflelou et Duoptic considéraient que cette dernière était un franchisé sans que cela ne viole l'exclusivité dont bénéficiait la société Strikoptic. Les sociétés Afflelou et Duoptic considéraient d'ailleurs que la société Strikoptic bénéficiait de cette exclusivité au titre d'une simple tolérance à partir du 1er janvier 2007 alors même qu'elle n'avait jamais renoncé à cette exclusivité, comme en atteste par ailleurs le fait que les redevances payées par la société Strikoptic à compter de cette date n'ont en rien diminuées.

En conséquence la société Strikoptic estime que la responsabilité conjointe de la société Afflelou et de ses nouveaux franchisés doit être mise en jeu du fait de la violation de l'exclusivité

Les autres violations du contrat de franchise par le franchiseur

Sur la violation par la société Alain Afflelou de ses obligations essentielles de franchiseur dès 2006, la société Strikoptic fait valoir que la société Alain Afflelou a manqué à ses devoirs d'assistance et de faire participer le franchisé au réseau. En ce sens la société appelante relève qu'à partie de l'année 2006 le franchiseur a cessé toute visite au franchisé et ne l'a plus invité aux réunions régionales et nationales.

Dès lors la société Strikoptic soutient que cette violation du contrat de franchise constitue une faute contractuelle justifiant l'imputation à la société Alain Afflelou de la rupture du contrat.

Sur la violation du contrat de franchise par la société Alain Afflelou à compter de mai 2009, la société Strikoptic relève que la société Alain Afflelou, tout en revendiquant le fait de ne plus remplir ses obligations de franchiseur à compter de cette date, a partiellement exécuté le contrat de franchise (livraison de produits et association de la société Strikoptic à des opérations de communication réservées aux franchisés) jusqu'en juillet 2009. La société appelante fait valoir que le franchiseur reconnaissait ainsi le fait que le contrat aurait dû se poursuivre tout en le violant.

La société Strikoptic soutient en conséquence que la responsabilité de la société Alain Afflelou doit être mise en œuvre à tout le moins à compter de mai 2009.

Les conséquences de la violation du contrat de franchise

Sur la connaissance par les sociétés Trioptique et Duoptic de la clause d'exclusivité dont bénéficiait la société Strikoptic, la société appelante soutient que les sociétés Trioptique et Duoptic ainsi que leurs gérants respectifs avaient connaissance d'une telle clause.

Sur l'efficacité de la clause d'exclusivité, la société Strikoptic relève que la violation d'une clause d'exclusivité n'est pas conditionnée à la connaissance par le tiers violant cette clause de l'intention du bénéficiaire de la clause de s'en prévaloir, contrairement aux allégations des sociétés Duoptic et Trioptique.

En conséquence, la société Strikoptic soutient que c'est à tort que le tribunal de commerce a jugé que la société Duoptic a utilisé de bonne foi l'enseigne Afflelou.

Sur la baisse de son chiffre d'affaires, la société Strikoptic soutient qu'il a diminué de 140 000 entre 2006 et 2010 du fait de la perte de l'exclusivité.

Préjudice de la société Strikoptic

La société Strikoptic relève qu'il devra être calculé jusqu'au 6 mai 2010 du fait de la durée des relations commerciales avec la société Alain Afflelou imposant un préavis de 18 mois (cf supra).

La société Strikoptic soutient donc qu'elle a subi un préjudice total de 412 454 euro. Elle sollicite de la cour la condamnation in solidum des sociétés Alain Afflelou et Duoptic à lui verser la somme de 315 000 euro à titre de provision sur le préjudice.

La société Strikoptic demande une indemnité de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 10 octobre 2012 et auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, la société Alain Afflelou Franchiseur demande à la cour de :

- Dire la société Strikoptic mal fondée en son appel.

- La débouter de toutes ses demandes.

- Dire la société Alain Afflelou Franchiseur recevable et bien fondée en son appel incident, y faisant droit,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné la société Alain Afflelou Franchiseur à payer à la société Strikoptic la somme de 35 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- Débouté la société Alain Afflelou Franchiseur de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la société Strikoptic,

- Confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- Condamner la société Strikoptic à payer à la société Alain Afflelou pour chaque mois depuis le 10 mai 2009, jusqu'au 31 décembre 2009, une somme de douze pour cent (12 %) du chiffre d'affaires TTC réalisé dans le magasin dont s'agit pour la période considérée,

- Faire injonction à la société Strikoptic de communiquer le montant du chiffre d'affaires de son magasin pour la période du 10 mai 2009 au 31 décembre 2009 dans le mois de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euro par jour de retard,

- Condamner la société Strikoptic à payer à la société Alain Afflelou Franchiseur la somme de 20 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société Strikoptic aux entiers dépens, dont la distraction au profit de la SELARL HJYH Avocats, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Moyens de la société Afflelou Franchiseur :

Sur la durée de contrat de franchise conclu entre les sociétés Alain Afflelou Franchiseur et Strikoptic, la société Alain Afflelou Franchiseur fait valoir qu'en application du contrat du 13 décembre 2000 modifié par avenant du 10 juillet 2003, elle a valablement mis fin au contrat à la date du 31 mars 2006 par la LRAR du 10 mars 2006 dans laquelle elle indiquait à la société Strikoptic son intention ne pas poursuivre l'exécution du contrat. Ainsi la société Alain Afflelou Franchiseur soutient qu'à partir du 1er janvier 2007 la société Strikoptic était franchisée au titre d'un contrat à durée indéterminée résiliable à tout moment par chaque partie moyennant un délai raisonnable. La société Alain Afflelou Franchiseur fait par suite valoir qu'elle a résilié ce contrat par LRAR du 5 novembre 2008 prenant effet le 10 mai 2009, date à laquelle la société Strikoptic cessait d'être un franchisé Afflelou. Ainsi la société Alain Afflelou Franchiseur soutient que c'est à tort que le tribunal de commerce a fixé au 31 décembre 2009 la fin du contrat de franchise.

Sur la violation de la clause d'exclusivité par le magasin situé dans le centre commercial Carrefour exploité par la société Trioptique, la société Alain Afflelou Franchiseur fait valoir en premier lieu que ce magasin n'est pas inclus dans la zone géographique d'exclusivité dont bénéficie la société Strikoptic dès lors que la zone de chalandise du centre commercial Carrefour est distincte de celle du centre-ville où se trouve le magasin exploité par la société Strikoptic.

En second lieu la société Alain Afflelou Franchiseur soutient que le magasin du centre commercial Carrefour était exploité sous enseigne "Plurielles Afflelou" et ne rentrait donc pas dans la clause d'exclusivité relative à la seule enseigne Afflelou. Dans le même sens il est soutenu que les concepts d'aménagement et les offres commerciales de ce magasin sont différents.

Sur la violation de l'exclusivité par le magasin <adresse>, la société Alain Afflelou Franchiseur soutient qu'elle était libre de concéder une franchise Alain Afflelou à compter du 6 mai 2009, date à laquelle le contrat de franchise et donc la clause d'exclusivité ont pris fin. Dès lors il est soutenu que c'est à tort que le tribunal de commerce a condamné la société Alain Afflelou Franchiseur pour violation de la clause d'exclusivité jusqu'au 31 décembre 2009.

Sur le préjudice subi par la société Strikoptic du fait de l'ouverture du magasin <adresse>, la société Alain Afflelou Franchiseur soutient d'une part que la baisse de chiffre d'affaires alléguée n'est pas

démontrée et que par conséquent le tribunal de commerce a commis une erreur en retenant un préjudice de 30 000 euro pour perte de valeur du fonds de commerce de la société Strikoptic.

D'autre part la société concluante soutient que le tribunal a commis une erreur en fixant à 5 000 euro le préjudice dû à la non-revente de stock dès lors que ces stocks sont repris par le franchiseur.

Sur le préjudice subi par la société Strikoptic du fait du magasin situé dans le centre commercial Carrefour, la société Alain Afflelou Franchiseur soutient que la société Strikoptic n'établit pas le lien de causalité entre sa perte de chiffre d'affaires et l'activité de ce magasin.

Sur le prétendu manquement de la société Alain Afflelou à ses obligations de franchiseur, la société concluante conteste ces accusations.

Sur la demande d'indemnisation de la société Alain Afflelou Franchiseur, cette dernière fait valoir que la société Strikoptic n'était plus en droit d'utiliser l'enseigne Afflelou à compter du 10 mai 2009 et que dès lors la société Strikoptic devra lui verser 12 % de son CA allant du 10 mai 2009 au 31 décembre 2009.

Par conclusions signifiées le 15 avril 2014 et auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, les sociétés Trioptique, Duoptic et Me F. Torelli demandent à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Strikoptic de ses demandes à l'encontre des sociétés Trioptique et Duoptic,

En conséquence, débouter la société Strikoptic de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés Trioptique et Duoptic,

A titre incident :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté la société Duoptic de sa demande de condamnation de la société Strikoptic à la somme de 305 000 euro au titre de la perte de chiffre d'affaires subie,

- Condamné la société Strikoptic à payer à la société Trioptique la somme de 5 000 euro pour procédure abusive.

Statuant à nouveau :

- Condamner la société Strikoptic à payer à la société Duoptic la somme de 305 000 euro au titre de la perte de CA subie pour la période courant du 6 mai 2009 au 30 juin 2010,

- Condamner la société Strikoptic à porter et payer à la société Trioptique et à la société Duoptic la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En toute hypothèse :

- Condamner la société Strikoptic à porter et payer aux sociétés Trioptique et Duoptic la somme de 15 000 euro HT, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Moyens des sociétés Trioptique, Duoptic et Maître Torelli :

Sur la prétendue violation de la clause d'exclusivité par les sociétés Trioptique et Duoptic, les sociétés concluantes soutiennent que pour établir leur responsabilité dans la violation de l'exclusivité, il revient à la société Strikoptic d'établir d'une part que ces sociétés étaient au courant de l'existence de l'exclusivité et d'autre part d'établir qu'elles avaient connaissance de l'intention de la société Strikoptic de se prévaloir de cette exclusivité.

Sur l'absence de faute de la société Trioptique, les sociétés concluantes soutiennent que l'exclusivité de la société Strikoptic avait pris fin le 1er janvier 2007, que la société Strikoptic ne pouvait invoquer la violation de cette exclusivité en 2009 alors que le magasin du centre Carrefour était en activité depuis plus de deux ans, période durant laquelle elle n'avait manifesté aucune opposition.

Dans le même sens elles soutiennent que le centre commercial Carrefour n'entrait pas dans le zone géographique d'exclusivité de la société Strikoptic et que les enseignes "Plurielles Opticien" puis "Pluriel d'Afflelou" sous lesquelles le magasin exerçait son activité n'entraient pas non plus dans l'exclusivité concernant la seule enseigne Afflelou. De plus il est remarqué que l'agencement du magasin et les produits vendus étaient différents de ceux du magasin de la société Strikoptic.

Sur l'absence de faute de la société Duoptic, les sociétés concluantes soutiennent que la société Strikoptic ne bénéficiait plus de l'exclusivité à compter du 1er janvier 2007. Il est également soutenu que la société Duoptic a exercé son activité sous enseigne "Pluriel Opticien" jusqu'au 6 mai 2009, date à partir de laquelle elle a utilisé l'enseigne "Optique d'Afflelou".

Dans le même sens elles soutiennent que le contrat de franchise initial unissant les sociétés Alain Afflelou Franchiseur et Strikoptic était résilié depuis le 31 décembre 2006, date à partir de laquelle la franchise était un contrat à durée indéterminée résiliable à tout moment par chaque partie moyennant un délai raisonnable. Et ainsi il est soutenu que le contrat était définitivement résilié le 10 mai 2009 suite à la LRAR envoyée à la société Strikoptic le 5 novembre 2008 et non le 31 décembre 2009 comme l'a retenu le tribunal de commerce.

De plus il est relevé que le contrat de franchise de la société Duoptic stipule que la société Alain Afflelou Franchiseur s'engage à retirer l'enseigne du magasin Afflelou de la société Strikoptic au plus tard le 6 mai 2009, faisant ainsi état de la bonne foi de la société Duoptic.

Sur l'absence de faute des sociétés Trioptique et Duoptic dans la rupture des pourparlers concernant le projet de rachat de la société Strikoptic, il est soutenu que les cessions des sociétés Beeoptic et Strikoptic n'était aucunement liées et qu'aucune faute n'a été commise par les sociétés concluantes.

Sur l'absence de préjudice subi par la société Strikoptic, les sociétés concluantes soutiennent que l'activité du magasin situé dans le centre commercial Carrefour ne peut porter atteinte au magasin de la société Strikoptic car son enseigne ainsi que sa situation géographique sont très différentes de celles de la société Strikoptic. De plus il est allégué que les documents comptables de la société Strikoptic témoignent de l'absence de nuisance subie par la société Strikoptic du fait de l'activité du magasin du centre Carrefour.

Dans le même sens il est soutenu que le franchiseur reprend les stocks invendus de sorte que la société Strikoptic n'a pas subi de perte du fait de l'impossibilité de revendre les stocks Afflelou.

Sur la demande reconventionnelle de la société Duoptic relative à l'utilisation par la société Strikoptic de l'enseigne Afflelou au-delà du terme de son contrat de franchise, la société Duoptic soutient qu'elle a subi une perte de CA du fait de la concurrence déloyale pratiquée par la société Strikoptic à compter du 6 mai 2009, date à laquelle elle n'était plus en droit d'utiliser l'enseigne Afflelou ainsi que la communication liée à cette enseigne. Il est soutenu qu'il en est résulté un préjudice de 305 000 euro pour la société Duoptic.

SUR CE,

Sur la date à laquelle a pris fin le contrat de franchise concernant le magasin des Halles de la Coupole :

Considérant que les pièces versées aux débats par les parties permettent de constater que le contrat de franchise signé par les sociétés Afflelou et Strikoptic en 1997 et depuis lors reconduit a pris fin le 10 mai 2009, que la société Strikoptic soutient que la société Afflelou a néanmoins continué à exécuter partiellement le contrat après cette date en la livrant de produits Afflelou en juillet 2009 et en l'associant à des opérations de communications publicitaires, que toutefois, les documents versés aux débats, factures, bons de livraison sans le nom du destinataire, ne permettent pas d'établir cette preuve ;

Considérant par ailleurs qu'il est constant que la société Strikoptic a déposé l'enseigne Afflelou le 31 décembre 2009,

Sur le respect d'un temps de préavis suffisant :

Considérant qu'à la suite de ce constat, se pose la question de savoir si compte tenu de la relation qu'entretenaient les parties, la société Affellou a respecté un temps suffisant de préavis, ce que conteste la société Strikoptic qui revendique un délai de dix-huit mois,

Considérant que la société Strykoptik expose que ce contrat ne pouvait être résilié qu'à l'issue de la période de reconduction de trois ans, soit à l'échance du 31 décembre 2009, que la société Afflelou franchiseur ne pouvait le résilier à compter du 10 mai 2009 ; que la société Allelou franchiseur fait valoir, que s'agissant d'un contrat dont la durée était indéterminée, elle pouvait y mettre fin quand elle le voulait, qu'elle rappelle avoir mis en demeure la société Strikoptic de payer des redevances non payées pour 54 762,66 euro, qu'elle n'a pas mis en jeu la clause résolutoire qu'elle avait visée dans le courrier et qu'elle lui a permis de disposer d'un délai de six mois que l'intéressée a porté à treize mois sans autorisation,

Considérant que le contrat signé le 29 octobre 1997 était en vigueur du premier janvier 1998 au 31 décembre 2000 ; que le 13 décembre 2000, les parties signaient un nouveau contrat d'une durée de trois ans rentré en vigueur le premier janvier 2001, qu'à la suite de la signature d'un avenant le 10 juillet 2003, il était prévu que le contrat d'une durée de trois ans à compter du premier janvier 2001 et prorogé de nouveau trois ans, était alors reconduit tacitement d'année en année civile, sauf dénonciation au moins six mois en avance (le 30 juin ) par l'une des parties,

Considérant que le contrat de franchise signé le 13 décembre 2000 et modifié le 10 juillet 2003 était reconduit, à partir du premier janvier 2004, tout d'abord trois années puis ensuite tacitement par année civile ; qu'il pouvait prendre fin le 31 décembre de chaque année dès lors que les conditions de délai pour le dénoncer étaient respectées ; qu'Afflelou a dénoncé le contrat par courrier du 6 mars 2006 pour la fin de l'année 2006, se référant par une erreur manifeste dont la société Strikoptic ne peut tirer de conséquence, à un contrat qui n'a jamais été signé ; que la poursuite des relations des parties au-delà du 31 décembre 2006 s'est faite sans "forme" ni durée, de sorte que la société Afflelou Franchiseur pouvait y mettre fin quand bon lui semblait ; qu'elle a ainsi pu lui adresser une lettre recommandée le 5 novembre 2008 pour lui faire part de son intention de mettre fin à leurs relations au bout du délai de six mois partant de la réception du courrier,

Considérant qu'en toute hypothèse, la durée de préavis devait être " suffisante" eu égard à la longueur, l'intensité des relations commerciales qu'ont pu entretenir les intéressées,

Considérant qu'il est constant que les parties ont entretenu des relations commerciales depuis 1989, ce que ne conteste pas la société Afflelou et qu'elles ont formalisé celles-ci par la signature d'un contrat de franchise en 1997 ;

Considérant que ces relations étaient reconduites tacitement, que toutefois, en 2006, la société Afflelou avait manifesté pour la première fois sa volonté de mettre fin au contrat à compter du 31 décembre 2006, que le contrat s'est ensuite poursuivi précairement,

Considérant en effet que depuis 2006, les discussions pour le rachat des parts des sociétés Strikoptic et Beeoptic étaient en cours, que la société Afflelou y avait été associée, prenant une part active à celles-ci en proposant des remises de redevances si les opérations avaient lieu ; que les relations des parties s'étaient tendues à la suite de l'absence d'accord sur le rachat des parts de la société Strikoptic, que la société Afflelou n'avait pas caché son souhait de voir l'opération aboutir, qui mettait fin au contrat de franchise conclu en 1997, que le sort de ce contrat à court terme était connu de toutes les parties,

Considérant au surplus que la société Afflelou avait mis en demeure la société Strikoptic de payer les sommes qui lui étaient dues et rappelé la clause résolutoire insérée dans le contrat de franchise,

Considérant alors que la société Strikoptic ne pouvait raisonnablement espérer le maintien des relations commerciales des parties, qu'elle indique d'ailleurs dans ses écritures que les cession de titres avaient pour avantage de permettre à la société Strikoptic de " mettre fin à l'exclusivité et d'éluder les effets brutaux de la rupture des contrats", qu'elle ne peut donc revendiquer un délai de préavis de dix-huit mois dans ces circonstances, que le délai donné par la société Afflelou était suffisant,

Considérant que la demande de dommages-intérêts qu'elle forme au titre de la rupture brutale des relations commerciales ne peut être accueillie,

Sur la violation de la clause d'exclusivité territoriale :

Considérant que le contrat de franchise signé par les sociétés Afflelou Franchiseur et Strikoptic précisait que " le franchiseur accorde au franchisé une protection territoriale d'appartenance au réseau de franchise Alain Afflelou", que cette protection territoriale accordée à la société Strikoptic s'appliquait à la "ville de Nîmes",

Considérant que la société Strikoptic reproche à la société Afflelou Franchiseur de ne pas avoir respecté cette clause, et aux sociétés Duoptic et Trioptique d'avoir été complices de la violation de cette clause,

Sur l'exploitation du magasin dans le centre commercial de Carrefour par la société Trioptique :

Considérant que le fonds de commerce situé dans la zone commerciale de Carrefour à Nîmes a été exploité par la société Trioptique sous franchise Afflelou par contrat signé le 13 septembre 2006 sous l'enseigne "Plurielles" puis, à partir de 2008, sous l'enseigne "Pluriel d'Afflelou",

Considérant que la définition de la zone de "protection" est discutée par les parties, que pour la société Strikoptic, ce centre commercial est sur le territoire de la commune de Nîmes et qu'il n'y a pas lieu de distinguer "ville" et " centre-ville",

Considérant que la définition de la zone doit être interprétée au regard de ce qu'ont pu vouloir les parties, liées par plusieurs contrats de franchise ; qu'en l'espèce, la rédaction d'une autre convention conclue en 2005 par ces mêmes parties permet de comprendre ce que les parties ont souhaité, ayant distingué la " ville de Nîmes", et le "centre commercial de Géant" ; qu'elles avaient parfaitement fait la différence alors entre la "ville" et sa périphérie dans laquelle se trouvent les zones commerciales ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, et alors que selon le plan produit aux débats, il apparaît que les zones commerciales de Géant et de Carrefour sont en périphérie de la ville de Nîmes, il doit être jugé que, comme l'a justement dit le premier juge, la protection territoriale donnée sur la " ville de Nîmes" ne s'étendait pas à la zone commerciale de Carrefour,

Considérant que la clause d'exclusivité territoriale ne peut alors avoir été violée par la société Afflelou, violation de la clause par la prise d'enseigne Afflelou du magasin <adresse> :

Considérant que le 22 décembre 2008, la société Alain Afflelou Franchiseur signait avec la société Duoptic un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin <adrese> à compter du 6 mai 2009 ; qu'il était accordé au franchisé une protection territoriale sur la ville de Nîmes, étant précisé que le franchisé reconnaissait et acceptait l'existence d'un magasin Afflelou à Nîmes, centre commercial La Coupole, "dont le franchiseur s'engageait à faire retirer l'enseigne Alain Afflelou au plus tard le 6 mai 2009", la date du 31 décembre 2009 ayant été rayée et paraphée ; qu'un magasin sous l'enseigne " Pluriel Opticien" était alors ouvert en janvier 2009, <adresse>, exploité sous l'enseigne "Afflelou" à compter du 9 mai 2009,

Considérant que la société Strikoptic fait valoir que la société Duoptic a "usé de la dénomination Afflelou" dès le début de l'année 2009, que ce magasin "appartenait" à "la chaine Afflelou" ; que les intimés soutiennent que la société Strikoptic ne bénéficiait plus d'aucune protection depuis le premier janvier 2007, que la période d'exploitation a commencé le 6 mai 2009, et la société Duoptic qu'elle n'a pas violé la clause d'exclusivité dont elle était informée de l'existence,

Considérant tout d'abord que le simple fait que la reconduction du contrat de franchise à compter du premier janvier 2007 ait eu lieu à titre précaire ne suffit pas à écarter la protection donnée par la société Afflelou laquelle avait parfaitement conscience, en signant le contrat de franchise avec la société Duoptic, que l'exclusivité donnée à la société Strikoptic devait être respectée jusqu'au 6 mai 2009 ; qu'ensuite, la société Alain Afflelou Franchiseur exploitait un réseau de magasins sous l'enseigne " Plurielles" devenu en fin d'année 2007 début d'année 2008 " Pluriel", que dès le mois de février 2009, les recherches sur le service des "Pages Jaunes" concernant l'"Optique Afflelou" sur la ville de Nîmes renvoyaient au magasin " Pluriel Opticien" sis <adresse>, que les devis réalisés pour les clients se présentant dans ce magasin établis dès le mois de janvier 2009 portaient en en-tête le nom " Alain Afflelou", étant observé au surplus que le nom commercial de la société Duoptic était "Optique Afflelou",

Considérant que la société Strikoptic démontre que la société Alain Afflelou Franchiseur n'a pas respecté son obligation d'assurer la protection territoriale qu'elle avait accordée à la société Strikoptic jusqu'au mois de mai 2009 et que la société Duoptic était en concurrence directe avec le magasin exploité par la société Strikoptic dès le début de l'année 2009,

Considérant que la violation de la clause est établie sur la période du premier janvier au 6 mai 2009,

Considérant également que la société Duoptic, tiers au contrat de franchise signé par Afflelou et Strikoptic, bénéficiait directement de cette violation, profitant de la renommée et de la publicité faite par Afflelou ; qu'elle n'ignorait pas, pour avoir signé un contrat avec la société Afflelou dont les termes ont été ci-dessus rappelés, que la société Afflelou était liée avec la société Strikoptic jusqu'au 6 mai 2009 ; qu'elle a par conséquent été complice de cette violation jusqu'au 6 mai 2009,

Sur les autres violations contractuelles reprochées à la société Afflelou :

Considérant que la société Strikoptic soutient encore que dès l'année 2006, la société Alain Afflelou Franchiseur qui cherchait à l'évincer de son réseau, n'a plus rempli ses obligations d'assistance et de " participation du franchisé au réseau", qu'elle ne l'a plus visitée, qu'elle ne l'a plus invitée aux réunions régionales ; que certes, la société Afflelou ne répond pas formellement sur ce point, mais l'absence de réponse de la société Afflelou ne permet pas de déduire qu'elle ne conteste pas un tel reproche ; que par ailleurs, rien dans les pièces versées par la société Strikoptic ne permet de constater la réalité de ces allégations,

Considérant que la société Strikoptic est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe sur ce point,

Sur la réparation du préjudice subi par la société Strikoptic en raison de la violation de la clause :

Considérant que c'est à la date du 6 mai 2009 que doit être examiné le préjudice dont fait état la société Strikoptic en raison de la violation de la clause d'exclusivité entre le premier janvier et le 6 mai 2009 ; que la société Strikoptic fait état de pertes de marge, de dépréciation de la valeur du fonds de commerce, de l'impossibilité de revendre les produits en stock, du refus de garantie opposé par Alain afflelou pour les lunettes qu'elle avait vendues, qu'elle invoque un trouble commercial important,

Considérant que la société Afflelou expose que la société Strikoptic n'établit pas la réalité des préjudices et les évaluations qu'elle en fait, que le fonds de commerce ne peut avoir été déprécié, que les produits exclusifs d'Afflelou étaient repris par le franchiseur,

Considérant que la société Duoptic remarque que le chiffre d'affaires de la société Strikoptic a baissé considérablement depuis 2003, qu'elle en est la seule responsable, qu'elle rappelle que les produits en stock sont repris par le franchiseur, qu'elle n'a pas détourné la clientèle de la société Strikoptic,

Considérant que la concurrence déloyale qui résulte de la violation de la clause de non-concurrence cause nécessairement un trouble commercial à la société Strikoptic qu'il y a lieu de réparer,

Considérant que la société Strikoptic ne justifie pas de l'existence d'un lien de causalité entre d'une part les préjudices liés à la reprise de stocks, à la dépréciation du fonds et, d'autre part, la violation et la complicité de violation de la clause de protection territoriale imputées aux intimées ; que les difficultés liées au refus de garantie sont postérieures à la fin des relations contractuelles, sans relation avec les fautes commises,

Considérant que selon les pièces versées aux débats notamment sur l'évolution du chiffre d'affaires de la société Strikoptic sur les années précédentes et sur les premiers mois de l'année 2009, il convient de fixer à la somme de 25 000 euro les dommages-intérêts qui doivent être alloués à la société Strikoptic et que les sociétés Alain Afflelou Franchiseur et Duoptic doivent in solidum lui verser, que cette somme sera fixée au passif de la procédure collective de la société Duoptic,

Sur la demande de la société Afflelou :

Considérant que la société Afflelou se porte demanderesse reconventionnelle en paiement des redevances qu'elle estime lui être dues par la société Strikoptic qui a continué à usé de l'enseigne Afflelou jusqu'à son dépôt le 31 décembre 2009, que la société Strikoptic conteste une telle demande, soutenant qu'elle aurait du pouvoir bénéficier des droits d'utilisation des signes distinctifs protégés par Alain Afflelou jusqu'en mai 2010,

Considérant qu'il sera enjoint à la société Strikoptic de communiquer le montant de son chiffre d'affaires réalisé entre le 10 mai et le 31 décembre 2009 à partir duquel les redevances dues à la société Afflelou sont calculées, qu'il sera d'ores-et-déjà dit que la société Strikoptic doit payer à la société Afflelou 12 % du chiffre d'affaires TTC réalisé sur cette période par le magasin du centre commercial La Coupole,

Sur la demande de la société Duoptic :

Considérant que cette société expose que la société Strikoptic a continué à utiliser l'enseigne Afflelou après le 10 mai 2009 et ce, jusqu'au 30 juin 2010, que la concurrence de la société Strikoptic était déloyale alors qu'elle usait sans droit de l'enseigne Afflelou ; qu'elle a subi un préjudice au titre de la perte du chiffre d'affaires sur la période du 10 mai 2009 au 30 juin 2010 et demande la condamnation de la société Strikoptic à lui payer la somme de 305 000 euro à ce titre,

Considérant que dès le 10 mai 2009, la société Strikoptic ne devait plus utiliser les signes distinctifs de la franchise Afflelou, ce que la société Alain Afflelou Franchsieur lui avait rappelé dans un courrier du mois d'avril 2009 ; que la société Strikoptic a déposé l'enseigne Afflelou le 31 décembre 2009 ; que la société Duoptic ne rapporte pas la preuve que la société Strikoptic a commis des actes de concurrence déloyale depuis cette date,

Considérant que le préjudice de cette société ne peut être envisagé que sur la période du 10 mai 2009 au 31 décembre 2009, que selon les documents versés aux débats, il apparaît que la somme de 20 000 euro doit être allouée à la société Duoptic en réparation de ce préjudice,

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive faite par la société Trioptique :

Considérant que la société Trioptique ne justifie pas que la procédure engagée à son encontre était manifestement vouée à l'échec et faite dans la seule intention de lui porter préjudice, qu'elle sera déboutée de sa demande,

Par ces motifs LA COUR, Infirmant le jugement, Dit que la société Alain Afflelou Franchiseur et la société Duoptic sont tenues solidairement d'indemniser la société Strikoptic du préjudice subi par celle-ci pour la violation et la complicité de la violation de la clause d'exclusivité territoriale entre le premier janvier et le 6 mai 2009, Condamne la société Afflelou à payer à la société Strikoptic la somme de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts, Fixe au passif de la procédure collective de la société Duoptic la créance de la société Strikoptic à la somme de 25 000 euro, Déboute la société Strikoptic du surplus de ses demandes, Condamne la société Strikoptic à payer à la société Alain Afflelou Franchiseur 12 % du chiffre d'affaires TTC réalisé sur la période du 10 mai au 31 décembre 2009 par le magasin du centre commercial La Coupole, Enjoint à la société Strikoptic de communiquer à la société Alain Afflelou Franchiseur le montant de son chiffre d'affaires réalisé sur la période du 10 mai au 31 décembre 2009 pour déterminer le montant des redevances dues au franchiseur sur cette période, Condamne la société Strikoptic à payer à la société Duoptic la somme de 20 000 euro à titre de dommages-intérêts, Déboute la société Trioptique de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société Strikoptic, Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles, Fait masse des dépens et condamne la société Alain Afflelou Franchiseur et la société Duoptic d'une part, la société Strikoptic d'autre part à supporter chacune la moitié des entiers dépens, Accorde aux conseils des sociétés Alain Afflelou Franchiseur et des sociétés Duoptic et Triopique le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.