Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-14.646
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Levacher
Défendeur :
Platina Affiliates (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Gauthier
Avocats :
Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray (SCP), Potier de La Varde, Buk-Lament (SCP)
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2012), que M. Levacher, alors salarié de la société Infos France, filiale de la société IF Finance, devenue Infos Europe (la société Infos Europe), a souscrit le 29 juillet 2005 à une augmentation du capital de cette dernière dont il est devenu coassocié avec la société Platina Affiliates (la société PA) ; que, le même jour, M. Levacher et la société PA ont conclu, en présence de la société Infos Europe, un pacte d'associés contenant un engagement de non-concurrence souscrit par M. Levacher à l'égard des sociétés du groupe Infos ; que, par lettre du même jour adressée à M. Levacher, la société PA s'est engagée à rémunérer cet engagement par le versement mensuel d'une certaine somme jusqu'à ce que l'intéressé soit délié de son obligation ; que M. Levacher est devenu salarié de la société Infos Europe à compter de mars 2006 ; que, le 11 décembre 2006, les parties ont conclu un nouveau pacte d'associés réitérant dans les mêmes termes la clause de non-concurrence et précisant que cet acte remplaçait et annulait toutes conventions ou tous documents antérieurs entre les parties, et en particulier le pacte d'associé du 29 juillet 2005 ; que, M. Levacher ayant été licencié le 16 juin 2008, la société PA lui a versé l'indemnité contractuellement fixée de juillet 2008 au 31 mars 2009, date à laquelle M. Levacher a été relevé de son obligation de non-concurrence ; que la société PA a été mise en liquidation amiable, MM. Elliott et Liotino (les liquidateurs) étant désignés liquidateurs ; que M. Levacher les a fait assigner ès qualités en paiement des sommes qu'il estimait lui être dues pour la période du 29 juillet 2005 au 16 juin 2008 ; que les liquidateurs, ès qualités, ont demandé reconventionnellement la restitution des sommes versées en rémunération de la clause de non-concurrence ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que M. Levacher fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen : 1°) qu'il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, d'en dénaturer le contenu sous prétexte d'interprétation ; que, selon l'article 8 du pacte d'associés du 11 décembre 2006, l'exposant s'était engagé à respecter une obligation de non-concurrence " pendant la durée des présentes et pendant une durée de 18 mois suivant la perte de sa qualité d'associé et/ou de salarié de l'une des sociétés du groupe Infos ", tandis que l'article 9 précisait que les engagements souscrits dans le pacte prendraient effet à compter de la réalisation de l'augmentation de capital et s'imposeraient aux parties tant que l'associé opérationnel demeurerait propriétaire des titres, dans la limite d'une durée de dix ans ; qu'il en résultait que l'associé opérationnel s'était engagé à une obligation de non-concurrence pendant l'exécution du pacte d'associés, en sa qualité d'associé et pendant 18 mois après la perte de la qualité de salarié et/ou d'associé ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'exposant n'avait pas demandé, avant son licenciement, le paiement de cette rémunération et que la société Platina Affiliates soutenait à juste titre que, pendant la durée d'exécution du contrat de travail, il devait se consacrer exclusivement à ses activités salariées, pour en déduire " qu'il était manifestement dans l'intention commune des parties que la rémunération de la clause ne soit due qu'à compter du départ de M. Levacher du groupe Infos " quand il résultait clairement de la clause de non-concurrence qu'elle était opposable à ce dernier pendant toute la durée du pacte d'associés, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 8 du pacte d'associés du 11 décembre 2006, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que, sauf stipulation contraire, l'associé n'est pas, en cette qualité, tenu de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyale ; que l'exposant faisait valoir que la clause de non-concurrence insérée dans un pacte d'associé ne pouvait être assimilée à celle contenue dans un contrat de travail dès lors que, contrairement au régime applicable au salarié, aucune disposition légale ne prévoyait une obligation de non-concurrence attachée à la qualité même d'associé ; qu'en considérant que l'engagement de ce dernier couvrait nécessairement la période postérieure à la rupture du contrat de travail dès lors que pendant son exécution il était déjà tenu à une obligation de non-concurrence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'engagement de non-concurrence stipulée pour la période antérieure à la rupture du contrat de travail visait à empêcher l'associé, en cette qualité, de se livrer à des actes de concurrence contre la société pendant la durée du pacte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la rémunération de la clause de non-concurrence pendant la période d'exécution du contrat de travail, s'analysant en un complément de salaire, n'est pas dénuée de cause ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que la rémunération prévue au titre de l'engagement de non-concurrence pendant la durée d'exécution du contrat de travail du salarié était sans cause en ce qu'elle portait sur un engagement de non-concurrence sans objet, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 1221-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, qu'appréciant la commune intention des parties et les éléments de preuve qui lui étaient soumis, par une interprétation souveraine que l'ambiguïté des conventions litigieuses rendait nécessaire, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, en se référant non seulement à l'article 12 du pacte d'associé du 11 décembre 2006 mais également à la convention antérieure du 29 juillet 2005 et à la lettre adressée le même jour par la société PA à M. Levacher, qui en éclairaient le sens et la portée, considéré que le demandeur ne pouvait solliciter le paiement de l'indemnité de non-concurrence pour la période durant laquelle il était salarié ; qu'en l'état de cette interprétation, exclusive de toute dénaturation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, relevé que M. Levacher, lorsqu'il était salarié, n'avait pas sollicité le paiement de l'indemnité de non-concurrence et que des différentes conventions souscrites entre les parties ressortait leur commune intention que l'indemnité ne fût due qu'à compter du départ de M. Levacher du groupe Infos, l'arrêt retient que le versement de l'indemnité de non-concurrence était privé de cause en raison de l'exécution de son contrat de travail et que cette indemnité couvrait nécessairement la période postérieure à la fin du contrat de travail de M. Levacher ; que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche qui lui était demandée, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions d'appel que M. Levacher ait soutenu devant la cour d'appel que l'indemnité qu'il estimait lui être due durant l'exécution de son contrat de travail, au titre de son engagement de non-concurrence, constituait un complément de salaire ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait de statuer sur le pourvoi incident éventuel : Rejette le pourvoi.