Cass. com., 16 septembre 2014, n° 12-25.943
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
April (SA)
Défendeur :
CWI Corporate (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
Mme Le Bras, Riffault-Silk
Avocat :
Me Spinosi
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juillet 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 5 avril 2011, n° de pourvoi 09-71.756), que la société CGI assurances (la société CGIA), ayant décidé de développer des produits d'assurances nouveaux, s'est adressée à la société April group (la société April) et a conclu, le 12 mars 2002, un accord de collaboration avec une filiale de cette dernière, la société Impact assurances groupement (la société Impact devenue April solutions aux droits de laquelle vient la société CWI Corporate) ; que cet accord comportait une phase d'étude devant prendre fin le 30 septembre 2002 et une seconde phase opérationnelle devant correspondre au placement et à la gestion des produits d'assurance commercialisés par la société CGIA ; qu'après avoir fait part de son mécontentement quant à la qualité de ses prestations et au dépassement des délais prévus et avoir notifié sa volonté de ne pas mettre en œuvre la seconde phase, la société CGIA a assigné en paiement de dommages-intérêts les sociétés April et Impact, reprochant à la première divers manquements et à la seconde de n'avoir pas exécuté ses obligations contractuelles, la société Impact formant une demande reconventionnelle en paiement de diverses sommes ; que l'arrêt rejetant la demande de cette dernière et la condamnant à payer diverses sommes à la société CGIA, a été cassé ; que, devant la cour de renvoi, les parties ont maintenu leurs demandes ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Attendu que la société CGIA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts à la société CWI, alors, selon le moyen, que si les intérêts moratoires ne sont dus qu'à partir de la mise en demeure, le débiteur est, cependant, tenu de réparer le préjudice causé par l'inexécution de ses obligations avant qu'il ait été mis en demeure, l'existence d'un préjudice contractuel réparable et le droit à en demander l'indemnisation n'étant pas conditionnés par une mise en demeure préalable ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant jugé qu'à défaut de mise en demeure de la société Impact, la société CGIA ne pouvait avoir droit à réparation du préjudice causé par une inexécution, la cour d'appel a violé l'article 1146 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'aléa découlant de la collaboration entre les deux sociétés excluait toute obligation de résultat quant à la date de livraison des contrats, et qu'il résultait des échanges de correspondances et procès-verbaux de réunions produits aux débats que les retards reprochés par la société CGIA étaient imputables aux discussions et harmonisation tenues par les groupes de travail, composés de membres des deux sociétés, sans que la responsabilité puisse en incomber à la société CWI, l'arrêt retient que la preuve de l'inexécution par cette dernière d'une obligation contractuelle n'est pas rapportée ; que le moyen, qui critique un motif surabondant, ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen : - Attendu que la société CGIA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire formées contre la société April group, alors, selon le moyen : 1°) que la société CGIA faisait valoir que le contrat " Résolution " commercialisé par le Groupe April était similaire à ses propres projets de contrats dont le Groupe avait eu connaissance ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, selon laquelle ses nouveaux produits n'étaient pas encore commercialisés lors de la création de la société Résolution pour en conclure à l'absence de reprise d'éléments originaux des projets de la société CGIA, la cour d'appel a confondu entre les projets et leur aboutissement et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil en en concluant à l'absence de concurrence déloyale ; 2°) qu'une structure ne saurait détourner à son profit les éléments d'information détenus par le salarié ou le partenaire d'une entreprise concurrente ; qu'en l'espèce, en ayant jugé que le Groupe April n'avait pas commis d'acte de concurrence déloyale au préjudice de la société CGIA sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée, si, par le truchement de sa filiale, la société Impact, laquelle avait œuvré à leur conception, le Groupe April n'avait pas eu, antérieurement à leur commercialisation, connaissance des éléments originaux des projets que la société CGIA s'apprêtait à commercialiser et si, en conséquence, le Groupe n'avait pas détourné ces informations à son profit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire constitue un cas de parasitisme qui engage sa responsabilité à l'égard de l'entreprise victime ; qu'en l'espèce, en ayant débouté la société CGIA de ses demandes à l'encontre du Groupe April sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si celui-ci n'avait pas, à tout le moins, tiré profit des efforts nécessaires à la création et à l'introduction sur le marché des produits commercialisés par la société CGIA et, partant, s'il ne s'était pas livré à de la concurrence parasitaire à son détriment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que ni la nouveauté des produits étudiés dans le cadre de l'accord de collaboration ni la reprise d'éléments originaux des projets de la société CGIA ne sont démontrées, et que la société Résolution avait pour objet la reprise de contrats nécessairement antérieurs aux produits non encore commercialisés de la société CGIA ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines, faisant ressortir que les contrats proposés par la société CGIA étaient dépourvus d'originalité et qu'ils ne sauraient imiter des produits déjà proposés sur le marché avant d'être repris par la société Résolution, la cour d'appel, dont les constatations rendaient inopérante la recherche visée à la deuxième branche et qui a procédé à la recherche visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces Motifs : Rejette le pourvoi.