CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 septembre 2014, n° 12-21568
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
TSL Sport Equipment (Sté)
Défendeur :
Bellijardin (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur
Avocats :
Mes de Maria, Herlemont, Gérigny-Freneaux
FAITS ET PROCÉDURE
La société TSL Sport Équipement (la société TSL) exploite la marque d'articles de sport TSL. Elle fabrique et distribue plusieurs produits sous cette marque, notamment, les raquettes à neige, sur le marché desquelles elle est leader mondial et, depuis 1994, des luges.
A partir du mois de mars 2005, elle a développé une relation d'affaires avec la société Bellijardin qui fabrique des produits en matière plastique. Toutes deux ont convenu, sans établir de contrat, que la société TSL distribuerait sous sa propre marque une nouvelle gamme de quatre luges de la société Bellijardin.
Durant la saison 2008/2009, la société TSL a rencontré des difficultés financières dues, notamment, à un hiver sans neige. Elle a envisagé au début de l'année 2010, de fabriquer elle-même des luges. Mais elle a néanmoins passé au mois de mai 2010 une commande annuelle d'environ 280 000 euros à la société Bellijardin, pour des livraisons prévues de juin à décembre 2010.
La société Bellijardin a répondu, au mois de juin suivant, que cette commande était anormale car elle ne commençait son processus de fabrication qu'au mois de septembre. Elle ajoutait que, compte tenu de sa découverte du projet de la société TSL de fabriquer elle-même ses propres luges, elle souhaitait que leurs relations soient formalisées dans une convention. Elle précisait qu'elle souhaitait que les luges vendues par la société TSL portent sa marque " Belli " et que des prévisions de commandes sur plusieurs années soient établies entre elles. Les parties ne trouvant pas d'accord, leurs relations se sont rompues et la société TSL estimant cette rupture brutale a, le 28 juillet 2010, fait assigner la société Bellijardin en réparation devant le Tribunal de commerce de Lyon. Celle-ci a reconventionnellement demandé la condamnation de la société TSL au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale par parasitisme.
Par jugement rendu le 13 décembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Lyon a:
- dit que les relations commerciales entre la société TSL et la société Bellijardin sont des relations commerciales établies,
- dit qu'il y a rupture brutale des relations commerciales établies,
- condamné la société Bellijardin à payer à la société TSL la somme de 67 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de ses relations commerciales établies avec la société Bellijardin.
- débouté la société TSL de toutes ses demandes au titre du refus de vente abusif.
- débouté la société Bellijardin de sa demande reconventionnelle comme non fondée.
- condamné la société Bellijardin à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté contre cette décision par la société TSL le 28 novembre 2012, sous le numéro RG 12-21568 et par la société Bellijardin le 25 janvier 2013 sous le numéro RG 13-1540 ;
Vu l'ordonnance du 21 février 2013 par laquelle le conseiller de la mise en état a décidé la jonction des deux procédures et qu'elles se poursuivraient sous le numéro RG 12-21568 ;
Vu les dernières conclusions signifiées par la société TSL le 26 décembre 2013 par lesquelles il est demandé à la cour de:
Au principal,
- confirmer le jugement du Tribunal de dommerce de Lyon pour partie et rejugeant l'affaire
Au titre de la rupture brutale des relations d'affaires,
- constater que les demandes de la société Bellijardin pour poursuivre les relations d'affaires étaient infondées, inacceptables et fautives,
- constater la rupture de relations d'affaires abusive et fautive de la société Bellijardin en l'absence de tout préavis,
en conséquence,
- condamner la société Bellijardin au montant de 100 000 euros au titre de rupture abusive de relations commerciales à parfaire ou diminuer sous réserve d'une expertise judiciaire.
Au titre d'un refus de vente abusif,
- constater que la commande du 10 mai 2010 était acceptée et définitive en vertu des conditions générales de ventes de la société Bellijardin,
- constater que le refus de vente de la société Bellijardin pour honorer la commande du 10 mai 2010 n'est pas justifié,
- constater en particulier que la commande du 10 mai 2010 constitue une commande normale,
- constater l'absence d'une faute quelconque de la société TSL,
en conséquence,
- condamner la société Bellijardin à payer à la société TSL un montant global au titre des préjudices subis de 3 191 395 euros à parfaite ou diminuer et/ou sous réserve d'une expertise judiciaire.
- débouter la société Bellijardin de ses demandes reconventionnelles, celles-ci étant non fondées et de pure circonstance,
en tout état de cause,
- condamner la société Bellijardin à payer à la société TSL le montant de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
La société TSL fait valoir que les exigences de la société Bellijardin pour maintenir leur relation commerciale ont été manifestement abusives et que le refus de vente ainsi que le refus de poursuivre la relation d'affaires sont intervenus sans respect d'un délai de préavis adéquat, en violation de l'article L. 442-6, I, 5°) du Code de commerce.
Elle soutient qu'au regard des conditions de vente de la société Bellijardin la commande du 10 mai 2010, représentant un montant de 279 068 euros, a été acceptée par cette dernière, de sorte qu'elle ne saurait s'exonérer de son obligation de livraison en soulevant, à tort, le caractère prétendument anormal de la commande.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas commis d'acte fautif de concurrence déloyale ou de parasitisme à l'égard de l'intimée en décidant de fabriquer ses propres moules à luge, mais qu'elle a simplement tenté de réagir à une situation économique personnelle difficile. À ce titre, elle précise qu'aucun rapport ou clause contractuelle d'exclusivité ne lui interdisait une telle décision.
Elle souligne que ses nouveaux modèles de luge ont été déposés à l'INPI, qu'ils se différencient des produits de la société Bellijardin et qu'elle n'a pas mis en œuvre des actes de parasitisme ou de concurrence déloyale.
La société TSL fait valoir qu'elle a subi, d'une part, un préjudice, résultant du refus de vente abusif et fautif, notamment, au regard des investissements qu'elle a réalisés et de l'atteinte à son image dont elle a été victime, d'autre part, du fait de la rupture brutale des relations d'affaires.
Elle soutient que les demandes reconventionnelles de l'intimée ne sauraient être retenues à son encontre car cette dernière ne peut se prétendre victime d'une situation qu'elle a elle-même créée et qu'elle a refusé de faire évoluer malgré une mise en demeure.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Bellijardin le 25 avril 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel du Tribunal de dommerce de Lyon du13 décembre 2011,
En conséquence,
- rejeter les demandes de la société TSL comme étant non fondées ni justifiées,
- déclarer recevables, justifiées et bien fondées les demandes reconventionnelles de la société Bellijardin,
En conséquence,
- condamner la société TSL au paiement de la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratiques restrictives de concurrence,
- la condamner au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
- la condamner au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Bellijardin soutient qu'elle ne conteste pas le fait que la commande du 10 mai 2010 ait acquis un caractère définitif, mais que les conditions générales de vente précisent que les délais de livraisons sont indicatifs. Elle fait valoir qu'elle n'a pas refusé de livrer la commande, mais indiqué qu'elle ne pourrait commencer la production qu'au mois de septembre.
Elle soutient que la société TSL avait parfaitement connaissance des périodes de fabrication des luges et que c'est de mauvaise foi qu'elle lui a adressé une commande qu'elle savait impossible à réaliser et à livrer dans les délais.
Elle rappelle que le fait pour un partenaire commercial de ne pas pouvoir honorer des exigences anormales ne peut constituer un comportement de nature à caractériser une pratique restrictive de concurrence ou encore, qu'une telle situation ne peut être de nature à illustrer une rupture brutale des relations commerciales.
Elle estime que les exigences de la société TSL, aussi bien celles liées à la commande, que celles relatives aux tarifs, illustrent sa volonté d'organiser une situation compliquée, propice à entrainer la rupture des relations établies dans l'unique but de lui nuire et de la déstabiliser.
L'intimée souligne que l'appelante ne démontre pas la réalité de son préjudice, mais au contraire qu'un certain nombre d'éléments permettent de constater que la société TSL a pu commercialiser ses produits dans les périodes d'hiver escomptées.
Reconventionnellement, elle demande que la société TSL soit sanctionnée, d'une part, pour ses pratiques illicites, illustrées par le caractère anormal de sa commande ainsi que par son chantage économique destiné à obtenir des conditions tarifaires dérogatoires, et, d'autre part, pour ses actes de concurrence déloyale et de parasitisme.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies
Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, " (...) " de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".
Il n'est pas contesté que les parties ont entretenu une relation commerciale établie pendant cinq ans et que celle-ci a pris fin sans préavis écrit en juin 2010, chacune des parties rejetant sur l'autre la responsabilité de cette rupture.
La société Bellijardin soutient qu'elle n'a pas refusé de livrer les luges commandées par la société TSL au mois de mai 2010, mais que, compte tenu du moment anormal de cette commande, elle a légitimement indiqué qu'elle ne pourrait commencer les fabrications qu'au mois de septembre suivant. Elle fait valoir à ce sujet que ses conditions générales de vente précisent que les délais de livraison portés sur le bon de commande n'ont qu'un caractère indicatif et que les retards éventuels ne donnent pas droit à l'acheteur d'annuler la commande ou de demander des dommages-intérêts.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, sans être contesté, la commande de la société TSL était acceptée par la société Bellijardin en application de ses conditions générales de vente, selon lesquelles une commande est réputée ferme et définitive si elle n'a pas été dénoncée dans un délai de 10 jours.
Dans une lettre recommandée du 16 juin 2010, M. Chanal, dirigeant de la société Bellijardin a écrit à M. Gallay, dirigeant de la société TSL, que la commande de luges à livrer pour le mois de juin présentait un caractère anormal, dès lors qu'il savait que la mise en fabrication de ces articles n'intervenait, au meilleur des cas, qu'à compter de la rentrée de septembre. Devant la cour, la société Bellijardin produit une attestation de son expert-comptable indiquant que la société Bellijardin n'a jamais établi de facture de vente pour la société TSL ou ses autres clients, de février à août sur ses exercices 2008/2009 et 2009/2010. La société TSL ne conteste pas ne pas avoir, durant leur relation, adressé à la société Bellijardin de commande au mois de mai pour une livraison en juin. Elle justifie cependant par des bons de commandes qui lui étaient adressés qu'elle avait bien, pour sa part, des commandes de luges à l'export à destination du Japon, des Etats-Unis depuis le 1er avril pour le premier et le 4 juin pour le second. Il résulte aussi d'autres lettres de plaintes pour défaut de livraison que d'autres commandes avaient été passées en avril et mai (Pièces TSL 12, 47). Dans ces circonstances, les commandes passées au mois de mai avaient bien une cause légitime et la société Bellijardin n'a d'ailleurs adressé à sa partenaire aucune observation, lorsqu'elle les a reçues au mois de mai. Par ailleurs, la société Bellijardin se borne à affirmer qu'elle ne débute ses fabrications de luges qu'à partir du mois de septembre, mais n'apporte aucun élément démontrant qu'il lui était impossible, ainsi qu'elle le soutient, ou même compliqué, d'y procéder à une autre période de l'année pour satisfaire un client avec lequel elle se trouvait en relations constantes depuis plusieurs années et avec lequel elle réalisait un chiffre d'affaires important. Par ailleurs, il convient de relever que si la société TSL avait contesté les augmentations de tarifs de la société Bellijardin au mois de mars précédant les commandes, elle avait néanmoins passé ses commandes aux nouveaux tarifs. Enfin, le fait que la société TSL ait décidé en toute transparence, puisqu'un courrier électronique dans lequel elle fait état de cette perspective, lui était adressé en copie, ne saurait justifier que la société Bellijardin oppose le caractère anormal de la commande sans rechercher aucune solution avec sa partenaire.
Par ailleurs, ainsi que l'a justement retenu le tribunal par une motivation que la cour adopte, la société Bellijardin a pris l'initiative de la rupture par sa lettre du 16 juin 2010, dans laquelle, alors même que la société TSL lui avait passé commande aux tarifs qu'elle avait transmis, elle soumettait la poursuite des " échanges et relations " à la signature d'une convention et à ce que les produits qu'elle livrerait à l'avenir " soient revêtus de [sa] marque de fabrique Belli ", ces exigences constituant des modifications substantielles des conditions générales de vente. Elle ne saurait, au surplus, soutenir qu'elle même aurait été victime d'une rupture brutale des relations commerciales de la part de la société TSL et c'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté ses demandes sur ce point.
Sur le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales
Le préjudice résultant d'une rupture brutale des relations commerciales consiste en la perte de marge brute que la société victime de la rupture aurait dû réaliser pendant les mois de préavis. Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que " lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ". La relation commerciale ayant duré cinq ans, la durée de préavis raisonnable pour la rupture des relations commerciales aurait, compte tenu aussi du caractère concurrentiel du secteur et de la circonstance que la société TSL avait d'ores et déjà envisagé de fabriquer elle-même les luges qu'elle commercialisait, dû être de cinq mois, ce qui, en vertu du principe de doublement énoncé par les dispositions précitées, porte à dix mois la durée du préavis que la société Bellijardin aurait dû accorder à sa partenaire et non à huit mois comme l'ont retenu les premiers juges.
S'agissant du montant du préjudice, il est sans portée que la société TSL ait pu dès le mois de décembre fabriquer elle-même les luges, cette circonstance étant prise en compte dans l'évaluation de la durée du préavis. Dans la mesure où les données de calcul du tribunal concernant le chiffre d'affaires moyen réalisé entre les parties au cours des années précédentes, ainsi que le taux de marge brute ne sont pas contestés, le préjudice de la société TSL s'élève à 83 750 euros (335 000 euros / 12 X 30 % X 10 mois). Le jugement sera donc réformé de ce chef.
Sur le refus abusif de vente
Ainsi que le soutient la société Bellijardin, elle n'a pas formellement refusé de livrer les commandes adressées par la société TSL au mois de mai 2010, puisqu'elle s'est contentée de contester ses possibilités de les honorer avant le mois de septembre, en raison de ses habitudes de fabrication. Cependant, il n'en demeure pas moins que prenant dans le même temps l'initiative de la rupture immédiate des relations commerciales, elle a, de fait, opposé un refus de vente qui, mis en œuvre dans les circonstances décrites ci-dessus, doit s'analyser comme un refus de vente abusif. La Cour relève à ce sujet que s'il était admissible qu'ayant appris que la société TSL envisageait de fabriquer elle-même les luges qu'elle distribuerait à l'avenir, la société Bellijardin, la mette en garde contre des agissements de concurrence déloyale ou de parasitisme, elle ne pouvait, alors que cette perspective ne lui avait pas été dissimulée, à ce stade, accuser sa partenaire de tels comportements. En effet, à cette période, la société TSL n'avait pas entamé d'études pour lancer ses propres fabrications et de surcroît elle était libre de prendre cette décision, puisqu'elle n'était tenue par aucune exclusivité et n'avait pris aucun engagement de durée envers la société Bellijardin. C'est donc de manière abusive que celle-ci s'est brutalement refusée à envisager de livrer les commandes de la société TSL, au seul motif qu'elle ne pouvait procéder aux fabrications demandées à la période de la commande, ce dont elle n'a pas rapporté la preuve, et qu'elle a rompu les relations commerciales sans préavis, ainsi qu'il a été retenu précédemment.
Sur le préjudice subi
Le préjudice causé par un refus de vente résulte de la perte de marge que la victime du refus aurait réalisée si les produits en cause lui avaient été livrés. Ce dommage a donc été réparé dans le cadre de la rupture brutale examinée précédemment.
Il peut aussi résulter de la perte de clientèle que l'impossibilité de livraison a éventuellement entraînée. La société TSL soutient à ce sujet qu'elle a été discréditée auprès de ses clients japonais et qu'elle a ainsi investi 150 000 euros dans un plan marketing en pure perte. Elle ne démontre cependant pas qu'elle aurait perdu des clients japonais pour un défaut de livraison des luges, alors que la part essentielle de son chiffre d'affaires est réalisée dans le secteur des raquettes à neige. De plus, elle ne démontre aucune perte, sur ce marché pour lequel son chiffre d'affaires a été en progression entre 2009 et 2013.
La société TSL invoque de la même façon des pertes de chiffre d'affaires aux Etats-Unis, en Suisse, en Espagne, en Italie et en France qu'elle impute au défaut de livraison de la société Bellijardin. Elle ne rapporte néanmoins aucune preuve de ce que ces baisses de chiffre d'affaires seraient liées à cet événement, ni même qu'il aurait porté atteinte à sa crédibilité, alors même qu'ainsi qu'il a été relevé précédemment l'essentiel de son activité porte sur les raquettes à neige et non sur les luges. À ce sujet, la cour relève qu'elle verse aux débats des listes d'annulation de commandes établies par elle-même, ainsi que des attestations de son personnel, qui ne permettent pas d'établir de lien entre les annulations dont elle se prévaut et une dégradation de son image de marque et des répercussions sur les ventes de raquettes à neige.
Sa demande de dommages-intérêts doit en conséquence être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Dans un courrier électronique, du 16 mars 2010, adressé à plusieurs personnes, et à la société Bellijardin en copie, un responsable de la société TSL concluait au sujet de l'augmentation des prix de ce fournisseur, " Vivement que nous soyons propriétaires de nos moules - C'est à mon avis la prochaine priorité (et pas la moindre !!) ". Ce courrier a alerté la société Bellijardin sur une concurrence à venir de la société TSL, dont le dirigeant lui a confirmé qu'il envisageait de fabriquer lui-même ses luges.
La société TSL démontre qu'elle a mobilisé son bureau d'études pendant deux mois, ainsi qu'un bureau externe pour créer les modèles qu'elle a mis sur le marché.
De plus, les pièces produites aux débats par les deux parties démontrent que les luges offertes à la vente sur le marché présentent dans l'ensemble une forme similaire de baquet rectangulaire et plat, leur distinction se faisant essentiellement dans certains détails de leurs designs, de leurs couleurs et de leurs matières, le plastique généralement utilisé pouvant être mat ou brillant. Ces documents permettent aussi de constater que, dans leur ensemble, les fournisseurs offrent une gamme de plusieurs modèles, luges rectangulaires à une ou deux places, luge spécialement prévue pour bébé, luge en forme de pelle et luges circulaires.
Il n'est par ailleurs pas contesté par la société Bellijardin que ses modèles ne faisaient pas l'objet de droits de propriété intellectuelle.
Le procès-verbal de constat dressé par la société Bellijardin permet les constats suivants :
La luge une place de la société TSL dénommée " Wizz 1 " se distingue de la luge une place de la société Bellijardin par le dossier de son assise qui est arrondi, tandis qu'il est à angles droits pour la luge Belli, par son fond qui comporte des creux arrondis pour poser les pieds, alors que le fond de la Belli n'en comporte pas, par la couleur et la forme de ses freins, ainsi que par le mode de fixation des lanières pour tirer la luge.
La luge deux places de la société TSL dénommée " Wizz 2 " se distingue de la luge une place de la société Bellijardin par le dossier qui reprend, sur chaque modèle, le dossier de la luge une place, par le moulage de la seconde place qui prend la forme d'une assise ronde pour le modèle TSL et d'un creux de vague pour la luge Belli, par la forme de ses freins et encore par la position de la sangle de tirage.
La luge bébé, dénommée " Didoo " par la société TSL, se distingue par une forme plus ovoïde, ronde et plus compacte de la luge Belli qui a une forme rectangulaire, le modèle de sangles de sécurité est différent, trois éléments pour la première, ventrale pour la seconde, l'attache de la lanière de tirage est lui aussi différent. Le dossier de la luge Belli comporte une surimpression de tête de clown qui ne se trouve pas sur le modèle TSL. Ces deux modèles présentent une ressemblance dans la reprise par la société TSL d'une sorte de réservoir sur le côté placé près de l'assise de l'enfant, qui est présenté par la société Bellijardin comme permettant d'entreposer un biberon ou une bouteille. La société TSL dément que cet accessoire ait pour destination de recevoir le biberon, et soutient qu'il sert en réalité à stabiliser l'ensemble.
Les deux sociétés proposent encore, chacune, d'une part, un modèle de luge en forme de pelle avec une assise prolongée par un manche directionnel, le modèle de la société TSL est rond, tandis que celui de la société Bellijardin est rectangulaire, d'autre part, un modèle complètement rond avec des poignées sur le côté, qui se distinguent par leurs poignées, mais aussi par une surimpression d'ellipse dans le fond et un bord cranté pour la luge Belli que l'on ne retrouve pas sur la luge TSL.
Le plastique des modèles est plus brillant pour les luges TSL.
Ainsi, les modèles de luge une et deux places, de pelles et rondes des deux sociétés comportent de nombreuses différences. La seule véritable ressemblance des modèles résidant dans la reprise du réservoir latéral de la luge pour bébé. Cependant, le fait d'imiter un détail d'un modèle non protégé ne peut être, par lui seul, constitutif d'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme. Il ne le devient que si cet élément constitue une caractéristique importante du modèle semblable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ou s'il est démontré qu'il est le fruit d'une recherche ou d'un effort particulier de la part de l'entreprise dont le modèle est copié, ce que ne soutient pas la société Bellijardin. Enfin, s'agissant du Code couleur vert, rose, orange, repris par la société TSL, mais seulement en 2010, il n'apparaît pas déloyal dans la mesure où d'autres marques, Snow bird et Hamax, proposaient elles aussi une gamme de couleurs identiques.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société TSL n'a pas mis en œuvre des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme à l'égard de la société Bellijardin et que le jugement doit aussi être confirmé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il est justifié de ne pas laisser à la charge de la société TSL la totalité des charges des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits, la société Bellijardin sera donc condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR : statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Bellijardin à verser à la société TSL Sport Equipment la somme de 67 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Bellijardin à verser à la société TSL Equipment la somme de 83 750 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ; Condamne la société Bellijardin à verser à la société TSL Equipment la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties ; Condamne la société Bellijardin aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.