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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 25 septembre 2014, n° 2013-05595

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Bigard (SA), Socopa Viandes (SAS), Bernard (SAS), Etablissements Abera (SAS), Oger (EARL), Fadier Elevage (SARL), Hasle, David, GAD (SAS), Thevenot (ès qual.), Merly (ès qual.), Massart (ès qual.), Financière du Forest (SA), Fédération des Acheteurs au Cadran

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, du Redressement Productif et du Numérique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

SCP AFG, Selarl Sevellec Dauchel Cresson, SCP Baechlin, Selas Vogel & Vogel, SCP Grappotte Benetreau, Mes Le Ferrand, Hardouin, Rolland, Audran, Massard, Bourdais

CA Paris n° 2013-05595

25 septembre 2014

Le 10 septembre 2008, quatre agriculteurs d'Ille-et-Vilaine spécialisés dans l'élevage porcin ont saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (ci-après l'Autorité ou l'ADLC) de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du porc sur le marché du porc breton (MPB) situé à Plérin (22). Parallèlement, le 10 octobre 2008, la DGCCRF a communiqué au même Conseil un rapport administratif d'enquête sur la situation de la concurrence dans le secteur du porc charcutier. Des opérations de visite et saisie ont eu lieu le 16 septembre 2009 dans les locaux de plusieurs entreprises et, le 10 février 2011, l'ADLC s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier. Les deux saisines ont été jointes.

En vertu d'une notification de griefs établie le 9 novembre 2011, cinq griefs d'entente ont été notifiés à différentes entreprises ou organismes. Certains d'entre eux (le Syndicat National du Commerce du Porc (SNCP) devenu la French Meat Association, l'association FAC qui regroupe les abatteurs acheteurs au MPB, les entreprises Abera, Bernard, Socopa viandes et groupe Bigard, Gad et Financière du Forest, Aim et Haim ont sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2 III du Code de commerce pour les griefs les concernant.

Des procès-verbaux de mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs ont été signés par ces opérateurs et notamment le 17 février 2012 par la société Abera, le 17 février 2012 par les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes et le 21 février 2012 par la société Bernard ;

Par décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 (ci-après la Décision), l'Autorité de la concurrence décide :

Article 1er : Il est établi que les sociétés Abera SAS, Bernard SAS, Gad SAS et Financière du Forest, Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS, ont enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à limiter leur production sur le marché français de l'abattage-découpe de porcs. (Grief n° 3)

Article 2 : Il est établi que les organismes French Meat Association et Fédération des Acheteurs au Cadran, d'une part, et les sociétés Abera SAS, AIM Groupe SAS et HAIM SAS, Bernard SAS, Cooperl-Arc-Atlantique, Gad SAS et Financière du Forest SA, Groupe Bigard SA et Kermené SAS, d'autre part, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à fixer en commun le prix d'achat du porc charcutier les 2 et 5 septembre 2005. (Grief n° 2)

Article 3 : Il est établi que la French Meat Association a enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en menant une action concertée consistant à diffuser une consigne de prix sur le marché français de l'abattage-découpe. (Grief n° 4)

Article 4 : Il est établi que les sociétés Cooper-Arc-Atlantique SAS d'une part, et Gad SAS et Financière du Forest, d'autre part, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en concluant un accord anticoncurrentiel portant sur la fixation d'un prix minimum de vente de la longe de porc sans os à l'égard de la grande distribution. (Grief n° 5)

Article 5 : Il n'est pas établi que le Marché du Porc Breton et la Fédération des Acheteurs au Cadran, d'une part, et les sociétés Abera SAS, AIM SAS et Haim SAS, Cooperl Arc-Atlantique, Bernard SAS, Groupe Bigard SA, Gad SAS et Financière du Forest SA, Kermené SAS et Socopa Viandes SAS se sont échangés des informations en violation des dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce. (Grief n° 1)

Article 6: Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :

- de 592 533 euros à la société Abera SAS ;

- de 573 213 euros à la société Bernard SAS ;

- de 250 000 euros solidairement aux sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA ;

- de 1 339 698 euros à la société Groupe Bigard SA ;

- de 1 757 177 euros aux sociétés Socopa Viandes SAS et Groupe Bigard SA, conjointement et solidairement.

Article 7 : Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 2, les sanctions pécuniaires suivantes :

- de 2 700 euros à la French Meat Association (ex-SNCP) ;

- de 2 700 euros à la Fédération des Acheteurs au Cadran ;

- de 4 100 euros à la société Bernard SAS ;

- de 5 000 euros à la société Cooperl Arc-Atlantique ;

- de 2 700 euros à la société Abera SAS ;

- de 2 460 euros solidairement aux sociétés AIM Groupe SAS et Haim SAS ;

- de 6 300 euros solidairement aux sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA ;

- de 5 740 euros à la société Groupe Bigard SA ;

- de 7 000 euros à la société Kermené SAS.

Article 8 : Est infligée, au titre de l'infraction visée à l'article 3, une sanction pécuniaire de 10 800 euros à la French Meat Association.

Article 9 : Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 4, les sanctions pécuniaires suivantes :

- de 13 288 euros à la société Cooperl Arc-Atlantique ;

- de 1 097 euros solidairement aux sociétés GAD SAS et Financière du Forest SA.

Article 10 : Il est enjoint aux sociétés AIM SAS et Haim SAS, Bemard SAS, et Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS de se conformer en tous points aux engagements visés respectivement aux paragraphes 410 et suivants, aux paragraphes 385 et suivants, et aux paragraphes 388 et suivants, dont les versions définitives figurent en annexes 1 à 3 de la présente décision, qui sont rendus obligatoires.

Article 11 : Les personnes morales visées aux articles 6 à 9 feront publier à leurs frais, au prorata des sanctions prononcées, dans les deux mois qui suivront la notification de la présente décision, le texte figurant au paragraphe 474 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions du journal "Ouest France" et de la revue agricole "Porc magazine" en respectant la mise en forme...

LA COUR

Vu le recours en réformation déposé le 20 mars 2013 par les sociétés Groupe Bigard et Socopa Viandes et les mémoires déposés par ces sociétés le 22 avril 2013 à l'appui de leur recours et le 15 avril 2014 en réponse aux observations de l'ADLC ;

Vu le recours en réformation déposé le 20 mars 2013 par la société Etablissements Abera et les mémoires déposés par cette société le 19 avril 2013 à l'appui de son recours et le 16 avril 2014 en réponse ;

Vu le recours en réformation déposé le 21 mars 2013 par la société Bernard et les mémoires déposés par cette société le 16 avril 2013 à l'appui de son recours et les 14 avril, 5 mai et 7 mai 2014 ;

Vu la déclaration de recours incident déposée le 22 avril 2013 par l'EARL Oger, la SARL Fadier Elevage, M. Hasle et M. David ;

Vu la déclaration d'intervention par jonction d'instance déposée le 24 mai 2013 par la société GAD, la SCP Thevenot Perdereau, Manière et la Selarl Ajire, ès-qualités d'administrateurs judiciaires de la société GAD, Me Massart ès-qualité de mandataire judiciaire de la société GAD, et la société Financière du Forest, tendant à l'irrecevabilité ou au rejet du recours incident ;

Vu la déclaration d'intervention par jonction d'instance déposée le 27 mai 2013 par la Fédération des Acheteurs au Cadran (FAC) tendant à l'irrecevabilité ou au rejet du recours incident ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie en date du 22 janvier 2014;

Vu les observations écrites de l'Autorité de la concurrence en date du 30 janvier 2014 ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Ayant entendu à l'audience publique du 19 juin 2014, en leurs observations orales, les conseils des requérantes qui ont été mis en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, les conseils des autres parties ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public ;

Sur ce,

Sur le recours incident

Considérant que l'EARL Oger, la SARL Fadier Elevage, M. Hasle et M. David ont, le 22 avril 2013, formé un recours incident contre la Décision ;

Considérant que la FAC d'une part, la société GAD et ses administrateurs et mandataires judiciaires et la société Financière du Forest, d'autre part, intervenants par jonction d'instance par application de l'article R. 464-17 du Code de commerce, prient la cour de déclarer le recours incident irrecevable et non fondé ; que les intervenants invoquent une méconnaissance des dispositions de l'article R. 464-12 du Code de commerce auxquelles renvoient l'article R. 464-16 du même Code ; qu'ils soutiennent que la déclaration de recours incident du 22 avril 2013 ne contient pas d'exposé des moyens de droit et de fait invoqués par les auteurs du recours incident; qu'il s'agit d'une déclaration imprécise, sommaire, équivoque, ne précisant ni l'étendue des griefs contestés, ni les éléments de droit et de fait de la Décision que les auteurs du recours entendent contester et ne comportant aucune demande précise ;

qu'ils estiment qu'à supposer qu'une telle demande soit formée, la cour ne pourrait à la faveur du recours incident prononcer ou aggraver des sanctions ; que la FAC fait, en outre, valoir que les requérants n'ont pas d'intérêt à agir car elle a mis en place dès le 5 mars 2012 une nouvelle procédure assurant l'anonymisation des intentions de prix de retrait des abatteurs, répondant ainsi aux critiques ayant motivé la saisine par lesdits requérants du Conseil et ce, bien que la Décision (article 5) n'ait pas retenu établi le grief n° 1 ;

Mais considérant que la déclaration de recours incident déposée le 22 avril 2013 par l'EARL Oger, la SARL Fadier Elevage, M. Hasle et M. David indique les motifs que "les exposants entendent faire valoir" et conclut avoir pour objet la réformation de la Décision "notamment en ce (qu'elle) a écarté le grief n° 1 et en ce (qu'elle) a sous-évalué l'importance du dommage causé à l'économie par l'ensemble des pratiques, c'est-à-dire d'abord à l'ensemble des éleveurs porcins et ensuite à l'ensemble des consommateurs" ;

Qu'il en résulte que les intervenants ne peuvent soutenir que cette déclaration de recours, qui précise l'objet du recours et contient un exposé des moyens invoqués, moyens dont l'appréciation relève du fond, n'est pas conforme aux exigences des dispositions de l'article R. 464-12 du Code de commerce ;

Considérant, en outre, que le fait que la FAC ait, en cours de procédure, pris des mesures pour faire cesser les pratiques dénoncées au Conseil par les auteurs du recours incident et visées par le premier grief, n'est pas de nature à priver ces derniers de tout intérêt à contester la Décision en ce qu'elle estime non établies les pratiques qui avaient fait l'objet du premier grief notifié ;

Que le recours incident doit être déclaré recevable ;

Considérant, sur le fond, que, pour contester l'article 5 de la Décision en ce qu'il dit non établi le grief n° 1 faute d'éléments suffisamment probants, les requérants incidents soutiennent que l'Autorité a méconnu le fait que les réunions qu'organisent les abatteurs avant l'ouverture du MPB pour s'échanger leurs intentions sur leurs prix de retrait, ont eu pour conséquence au moins de 2008 à 2011 d'éviter l'application des règles des enchères qui doivent être loyales, une telle pratique ayant "clairement un lien avec le différentiel au détriment des éleveurs porcins français du prix au kilo de la carcasse de porc charcutier entre d'une part l'Allemagne et l'Espagne et d'autre part la France..." ;

Mais considérant que, ni ces affirmations, ni les pièces produites par les requérants incidents ne sont de nature à contredire les développements - auxquels il est renvoyé (Cf Décision n° 272 à 281 et 47 à 70) - ayant conduit l'Autorité à écarter le grief n° 1 en l'absence d'éléments suffisamment probants pour caractériser l'existence d'un objet anticoncurrentiel ou d'un effet anticoncurrentiel, actuel ou potentiel, des échanges d'informations en cause ; que le recours incident ne peut qu'être rejeté en ce qu'il tend à la réformation de la Décision disant non établi le premier grief notifié ;

Considérant, par ailleurs, que les requérants incidents se bornent à soutenir que la Décision aurait sous-évalué l'importance du dommage causé à l'économie par l'ensemble des pratiques, y compris celle visée par le premier grief, pourtant écarté par la Décision et ce, au surplus, alors même qu'ils ne remettent pas en cause la Décision (Cf. n° 310) en ce qu'elle a imposé une sanction pécuniaire distincte, appréciée distinctement, pour chacune des infractions constatées ; que, non spécifiquement rattachées à chacun des quatre griefs distincts retenus par la Décision et ne procédant que par affirmations non étayées, les contestations des requérants ne peuvent qu'être écartées ;

Que le recours incident doit être rejeté ;

Sur les recours principaux

Considérant que par leurs recours, les sociétés Abera, Bernard, Groupe Bigard et Socopa Viandes contestent le montant des sanctions prononcées par l'article 6 sus-rappelé de la Décision au titre de l'infraction visée par l'article 1 de la Décision disant établi que ces sociétés ont, avec les sociétés Gad et Financière du Forest, enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à limiter leur production sur le marché français de l'abattage-découpe de porcs ;

Qu'il est rappelé que cette infraction avait fait l'objet du grief notifié n° 3 et que la société Abera d'une part, la société Bernard, d'autre part, et, conjointement les sociétés Groupe Bigard et Socopa Viandes, enfin, ont déclaré ne pas contester la réalité des griefs notifiés et ont obtenu le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2 III du Code de commerce ; que les sanctions prononcées à leur encontre par la Décision ont, à ce titre, été réduites ; que la Décision a, en outre, réduit les sanctions prononcées à l'encontre des sociétés Bernard, Groupe Bigard et Socopa Viandes en raison des engagements proposés par ces dernières et acceptés par l'Autorité;

Les sanctions prononcées par l'article 6 de la Décision

Considérant que l'article 1 de la Décision dit établie l'entente sus-rappelée et ce, au regard des dispositions de l'articles 101, paragraphe 1, du TFUE et de celles de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que tant l'article L. 464-2, I, du Code de commerce que l'article 5 du règlement 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 autorisent l'Autorité à imposer des sanctions aux entreprises qui méconnaissent ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2, I, al. 3, du Code de commerce "Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction."

Considérant que le communiqué publié par l'Autorité le 16 mai 2011 relativement à la méthode qu'elle suit pour mettre en œuvre ces critères au cas par cas et donc déterminer les sanctions pécuniaires, précise engager l'Autorité, lui être "opposable, sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné";

Considérant que la Décision a, en l'espèce, apprécié les critères légaux ci-dessus rappelés "selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, sauf circonstances particulières propres à l'une ou l'autre des infractions ou parties en cause" (Cf. n° 306) ; que, s'agissant du grief n° 3, il convient de se référer notamment aux numéros 312 à 391 de la Décision ;

Qu'il sera simplement rappelé que :

- sur l'assiette de la sanction, la Décision rappelle que, conformément à la jurisprudence interne et de l'Union, l'Autorité s'est engagée à déterminer le montant de base de la sanction en se référant à la valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits en relation avec l'infraction effectuées par chaque entreprise durant son dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction, cette valeur constituant en général une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque participant à l'infraction ; que, cependant, en l'espèce, la Décision a estimé que cette valeur ne reflétait pas l'ampleur de l'infraction consistant pour les entreprises à s'être entendues sur des réductions de volume d'abattage afin de diminuer leurs achats sur le marché amont de l'élevage porcin et non leurs ventes en aval ; que s'en expliquant ainsi, la Décision n'a pas, ainsi que son communiqué lui en réserve la possibilité, retenu pour assiette de sanction la valeur des ventes de l'ensemble des produits en relation avec l'infraction, mais a appliqué une décote forfaitaire de 75 % à la valeur des ventes réalisées sur le marché aval des produits issus de l'abattage de porcs dans la zone Uniporc Ouest durant l'exercice 2009 ; qu'il en est résulté des valeurs d'assiette de sanction de 32 918 558 euros pour Abera, de 34 952 067 euros pour Bernard, de 37 131 351 euros pour Groupe Bigard et de 48 702 250 euros pour Socopa Viandes ;

- sur le montant de base de la sanction imposé à chaque entreprise, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, la durée de l'infraction devant à ces titres être prise en compte, la Décision retient une proportion de 16 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions et un coefficient multiplicateur de durée de 0,25 %, chaque entreprise ayant participé à l'entente durant trois mois ; qu'il en résulte un montant de base de la sanction de 1 316 742 euros pour Abera, de 1 398 083 euros pour Bernard, de 1 485 254 euros pour Groupe Bigard, de 3 648 391 euros pour Gad et de 1 948 090 euros pour Socopa viandes ;

- sur la prise en compte des circonstances individuelles propres à chaque entreprise, la Décision

- réduit les montants de base des sanctions à hauteur de 60 % pour Gad et de 50 % pour Abera et Bernard afin de tenir compte du fait que leur périmètre d'activités mono-produit,

- majore de 10 % le montant de base de la sanction de Groupe Bigard et de Socopa viandes aux motifs que Groupe Bigard dispose de ressources financières conséquentes et déploie des activités qui s'étendent bien au-delà des seuls produits en cause, étant observé que son chiffre d'affaires en 2011 était de plus de 1,4 milliard d'euros et qu'elle consolide ses comptes au sein de la holding Sofibi dont le chiffre d'affaires était de 4,3 milliard d'euros en 2011 et que, par ailleurs la taille et les ressources financières du groupe auquel elle appartient, considéré dans son ensemble, "sont sans commune mesure avec celles des autres parties à l'infraction" ;

- sur la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la Décision réduit de 18 % la sanction des sociétés Bernard, Groupe Bigard et Socopa viandes qui n'ont pas contesté les griefs et ont pris des engagements acceptés et de 10 % la sanction des autres entreprises qui se sont bornées à ne pas contester les griefs ;

- les sanctions en résultant sont prononcées par l'article 6 de la Décision (Cf ci-dessus), étant rappelé qu'une réduction a été accordée à Gad qui en faisait la demande en raison de sa faible capacité contributive ;

Principaux moyens des requérantes

Considérant que la société Bernard prie la cour, à titre principal, de la dispenser de toute sanction, à titre subsidiaire de réduire la sanction se rapportant au grief n° 3 à un montant symbolique, et à titre plus subsidiaire, de fixer la sanction à 250 000 euros et, à défaut, à 458 571,23 euros ; qu'elle conteste avoir participé à la fixation et à l'application d'objectifs d'abattage et reproche à l'Autorité d'avoir dénaturé ses prétentions en retenant (Décision n° 230 et 231) qu'elle ne contestait ni l'entente ni son objet ; qu'elle expose que le MPB était sa principale source d'approvisionnement, que ses volumes d'achat au cadran ont strictement coïncidé avec ses besoins d'abattage durant les semaines en cause, que le prix au cadran n'est pas la résultante du volume d'abattage et qu'il est "saugrenu" de penser qu'une diminution du volume d'achats de porc à Plérin aurait influé sur le cours du porc dont le marché comme les prix sont européens ; que, se référant sur ce point à une étude économique déposée par les parties en réponse à la notification de griefs et aux études produites dans le cadre de la présente instance par les société Bigard et Abera, elle estime que les pratiques n'ont causé aucun dommage à l'économie ; qu'elle soutient enfin que, tout aussi spécialisée que la société Gad, elle aurait dû bénéficier comme cette dernière d'une "réduction" de 60 % et de non de 50 % et que la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée par rapport à celle infligée à Gad ;

Considérant que la société Abera fait valoir, en premier lieu, que les pratiques visées par le grief n° 3 n'ont pas causé de dommage sensible à l'économie ; qu'en effet, d'une part, la pratique en cause n'a pu avoir d'impact ni sur les quantités totales de porcs abattus compte tenu de la rigidité à court terme de l'offre, ni sur le nombre de porcs vendus au MPB compte tenu des règles de fonctionnement du marché au cadran ; qu'en effet, d'autre part, le constat par la Décision d'une tension baissière sur le prix payé aux éleveurs n'est pas étayé et la comparaison des cours en France, en Allemagne et en Espagne ne permet pas d'établir l'existence d'un impact de la pratique reprochée sur l'évolution des prix du porc ; qu'elle invoque une étude économique pour démontrer que les pratiques en cause ne se sont pas traduites par des prix d'achat plus bas ou par un accroissement de ses marges ; que cette société soutient, en second lieu, que la Décision a commis une erreur manifeste d'appréciation du caractère "mono-produit" de son activité alors qu'elle était, sur ce point, dans la même situation que la société Gad qui a bénéficié d'une réduction de sanction plus importante ;

Considérant que pour contester le montant des sanctions prononcées au titre du grief n° 3, les sociétés Groupe Bigard et Socopa Viandes font, en premier lieu, valoir que la gravité de l'infraction doit être relativisée

- eu égard, d'une part, à sa nature, non comparable à celle de l'entente sanctionnée par la Commission dans le secteur de la viande bovine,

- eu égard, d'autre part, à la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, étant observé que le marché de l'abattage en France est caractérisé par son extrême hétérogénéité mettant en présence des acteurs issus de milieu socio-économiques différents dont les intérêts sont divergents (groupement d'éleveurs abatteurs, abatteurs indépendants et abatteurs liés à la grande distribution), que le marché français est dépendant des autres marchés européens, qu'il s'agit d'un marché très difficile pour les abatteurs non liés à la grande distribution et complexe au niveau de l'approvisionnement en volumes d'animaux et en terme de fixation du prix du porc, étant ajouté que la situation des participants à l'entente sur le MPB ne leur permettait pas au travers de leurs agissements de restreindre la concurrence sur le marché du porc en France,

- eu égard, également, à la nature des personnes susceptibles d'être affectées car la pratique n'a pu affecter ni les producteurs qui sont organisés et dont les intérêts convergent pour l'obtention d'un prix au cadran élevé, ni les consommateurs dès lors que les abatteurs ne sont pas en mesure de défendre leur prix de vente en aval de la filière,

- eu égard, enfin, aux caractéristiques objectives de la pratique qui ne présente aucun degré de sophistication et en particulier n'a pas été assortie de mécanismes de contrôle et représailles ;

Que ces mêmes sociétés font, en second lieu, valoir, études économiques à l'appui de leurs conclusions, puis en réponse aux observations de l'Autorité, que la pratique reprochée n'a pas eu d'effets que ce soit au plan macroéconomique au niveau du marché ou au niveau microéconomique des entreprises participantes ;

Qu'en effet, au niveau macroéconomique, contrairement à ce que retient la Décision :

- la baisse des volumes d'abattage ne s'explique pas par la pratique ; qu'à cet égard, la méthode par comparaison d'une année sur l'autre utilisée par l'Autorité ne repose pas sur des paramètres objectifs, que le choix "irréaliste" du volume hebdomadaire de référence défini par GAD (395 900 porcs/semaine) a été retenu à tort comme un objectif commun à tous les participants, qu'en outre le choix de la semaine 22 de 2009, qui succédait à des semaines comportant des jours fériés comme critère de comparaison avec les autres semaines de la même année n'est pas davantage pertinent, que, de plus, la Décision opère des confusions dans l'analyse des périodes concernées par les pratiques, que, plus généralement, la méthode par comparaison utilisée par l'Autorité n'est pas pertinente ;

- la baisse des prix au MPB ne peut s'expliquer par la pratique ; qu'il est à cet égard soutenu que l'évolution du cours du MPB durant les semaines affectées par la pratique ne montre aucun décrochage par rapport à l'évolution observée sur d'autres marchés européens ;

Qu'au niveau microéconomique, l'amélioration des marges de découpe évoquée par l'Autorité, qui ne résulte que d'un propos communiqué en interne par GAD, constitue "une véritable aberration économique" et l'étude économique produite montre que les pratiques n'ont pas permis d'améliorer les marges à la découpe des parties à la pratique ;

Que ces sociétés ajoutent, qu'il convient de recalculer les montants de base des sanctions qui n'ont pas pris en compte le fait que la pratique n'a duré que 12 semaines et, ce de façon discontinue, et exposent que dès lors qu'elles constituent une entité économique unique, elles ne représentent qu'un participant sur quatre, et non sur cinq, à l'entente ;

Qu'en dernier lieu, s'agissant de l'individualisation de la sanction, le groupe Bigard expose être filialisé par marque (SA Groupe Bigard, marque Bigard), société mère de la société Socopa Viandes (marque Socopa) et société Charal (marque Charal), ces sociétés étant consolidées dans Sofibi qui détient 51 % de la SA Groupe Bigard ; qu'il précise que chaque marque peut développer des produits des différentes filières (porcs, ovins, bovins) et soutient avoir été pénalisé par la Décision par rapport aux groupes qui filialisent par filières tel Gad/Cecab ou Aberra, filiale de Glon Sanders elle-même consolidée dans Sofiproteol ; que les requérantes invoquent une méconnaissance par la Décision des principes de proportionnalité et d'égalité en ce que, d'une part, le groupe Bigard n'a pas bénéficié, du seul fait de son organisation juridique, de la réduction du montant de base de la sanction accordée aux autres participants à l'entente dans le cadre de l'application du caractère mono-produit de l'activité exercée, et en ce que, d'autre part, il leur a été appliqué, à tort, une majoration de 10 % du montant de base de la sanction compte tenu de leur taille et des ressources financières du groupe auquel elles appartiennent bien que celles-ci ne soient pas "sans commune mesure avec celles des autres parties à l'infraction" ;

Appréciations de la cour

- Sur les conséquences de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 III du Code de commerce : "Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction."

Considérant que tant devant l'Autorité que devant la cour d'appel, l'entreprise qui a choisi de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce et l'a obtenu doit respecter les conditions imposées à cet égard ; qu'en choisissant de ne pas contester la réalité des griefs qui lui ont été notifiés, l'entreprise renonce à contester tant la réalité et la matérialité des faits et pratiques en cause ainsi que leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence que sa responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques et leur imputabilité ;

Considérant, en l'espèce, qu'aux termes d'un procès-verbal qu'elle a signé le 21 février 2012, la société Bernard SAS a déclaré ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés le 14 novembre 2011, en ce compris le grief n° 3 ; qu'elle n'est par conséquent pas recevable à soutenir devant la cour d'appel qu'elle n'aurait pas participé à l'entente visée par le grief n° 3; qu'elle ne peut davantage, alors qu'elle a même choisi de demander le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et a signé un procès-verbal en ce sens, soutenir que la Décision aurait dénaturé ses prétentions en retenant qu'elle ne contestait pas s'être entendue avec d'autres entreprises pour fixer des objectifs de baisse coordonnée de leurs abattages de porcs durant douze semaines en 2009, cette entente ayant pour objet d'entraîner la baisse du prix d'achat établi sur le MPB et payé aux éleveurs ;

Considérant que la société Groupe Bigard et la société Socopa viandes - qui, de même, ont signé le 17 février 2012 un procès-verbal par lequel elles ont conjointement déclaré ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés, à savoir notamment le grief n° 3 ,- ne sont pas recevables à contester avoir l'une et l'autre participé avec trois autres entreprises (formant le "Club des 5" Cf. Décision n° 125) à cette entente anticoncurrentielle, étant précisé que, s'agissant de la participation de la société Socopa qui constitue une entité économique unique avec sa société mère Groupe Bigard, l'infraction reprochée par le grief n° 3 est également imputée aux deux sociétés ;

Que, par ailleurs, pas plus que la société Bernard, les sociétés Groupe Bigard et Socopa viandes ne sont recevables à contester la réalité de la pratique sanctionnée en faisant valoir, sous couvert de contester l'importance du dommage à l'économie causé par l'entente, que les objectifs de volume d'abattage évoqués dans un courriel de la société Gad ne seraient qu'une évocation unilatérale montrant un échange d'informations sans démontrer l'existence d'un plan concerté entre les entreprises en cause ;

Considérant, en revanche, que leur renonciation à contester les griefs ne limite pas la possibilité pour les entreprises de contester la détermination par la Décision des sanctions en fonction des critères de l'article L. 464-2, I et III du Code de commerce ; que c'est dans ces limites que seront examinées les demandes présentées par les parties à la cour d'appel, étant rappelé que toutes les entreprises requérantes en principal ayant fait choix de ne pas contester notamment le grief n° 3 qui leur a été notifié, ce grief et son imputabilité sont établis et ne peuvent être remis en cause devant la cour ;

- Sur le communiqué du 16 mai 2011

Considérant que, lors de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, la cour d'appel n'est pas liée par le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 qui ne préjuge pas de l'appréciation de la sanction par cette cour ; que la cour peut notamment, dans l'exercice de cette compétence, substituer ses propres appréciations à celle de l'Autorité et ce, en particulier sur l'assiette de la sanction, sur la gravité de l'infraction, sur le dommage causé à l'économie, sur l'incidence de la durée de l'infraction ou sur la prise en compte de circonstances individuelles propres à chaque entreprise ;

Considérant que les dispositions sus-rappelées de l'article L. 464-2, I, al 3, du Code de commerce commandent de vérifier notamment que la sanction est déterminée de façon individuelle pour chaque entreprise et pour chacune d'elle proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et à l'éventuelle réitération ;

Considérant qu'en l'espèce, les contestations des parties, qui ne remettent pas en cause l'assiette de la sanction retenue par la Décision (Cf ci-dessus), portent sur la gravité des faits, le dommage causé à l'économie, l'incidence de la durée des pratiques et l'individualisation de la sanction ;

- Sur la gravité des faits

Considérant que les sociétés Groupe Bigard et Socopa viandes estiment que la proportion de la valeur des ventes retenue par la Décision pour déterminer le montant de base des sanctions ne reflète pas le degré concret de gravité des faits ;

Considérant qu'ainsi que le relève la Décision (Cf. n° 322 et svts et Cf. 125 et svts) "les entreprises Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes ont mis en œuvre des pratiques dont l'objet consistait à contrôler et à limiter en commun leur production, par le biais d'une réduction de leur capacité d'abattage, en vue de faire pression sur les prix fixés en amont, dans le cadre des transactions conclues entre les abatteurs et les OP présentes sur la zone Uniporc Ouest'; que cette infraction, visée par le grief 3 - non contesté par les parties - constitue un 'accord horizontal entre concurrents dont l'objet même était de manipuler la production de manière concertée et de permettre une baisse artificielle des prix d'achat des porcs sur la zone Uniporc Ouest payés aux éleveurs...";

Considérant que, s'il est exact que l'entente avait pour objet de manipuler deux paramètres essentiels de la concurrence dans le secteur visé et revêtait de ce fait une particulière gravité, les caractéristiques objectives de l'infraction doivent être prises en compte dans l'appréciation de la gravité des faits ; que, sur ce point, la Décision observe exactement que l'infraction a revêtu un caractère secret la rendant particulièrement difficile à détecter et traduisant, dans une certaine mesure, son caractère délibéré ; que, cependant, à la différence de l'affaire dite de la viande bovine - qui n'est évoquée par la Décision (n° 326) qu'à titre surabondant au regard du rappel préalable de la recommandation de l'OCDE du 25 mars 1998, - l'infraction en cause en l'espèce, qui a duré douze semaines, ne revêtait, ainsi que le soulignent les requérantes, aucun caractère "sophistiqué" et n'était assortie d'aucun mécanisme de contrôle ou/et de représailles ;

Considérant, cependant, que ces éléments ont déjà été pris en compte par la Décision qui retient que la gravité concrète de l'entente est "à tempérer en l'espèce compte tenu de certaines de ses modalités" ; que la Décision a également pris en compte pour tempérer la gravité concrète de l'entente en cause "son contexte spécifique", relevant à ce titre les pressions sur les prix auxquelles doivent faire face les abatteurs tant en amont qu'en aval (Cf. n° 328) ; qu'aucun des éléments avancés par les requérantes ne conduit à remettre en cause l'appréciation mesurée par la Décision de la gravité de l'infraction ;

- Sur le dommage à l'économie

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il est constant que les sociétés Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes se sont entendues pour fixer des objectifs de baisse coordonnée de leurs abattages de porcs pour les semaines 24 à 27 puis 30 à 37 de l'année 2009, soit douze semaines et que cette entente, qui visait à diminuer artificiellement la production des membres de l'entente, avait pour objet d'entraîner la baisse du prix d'achat établi sur le MPB et payé aux éleveurs de porcs ;

Considérant que le dommage causé à l'économie par cette pratique s'apprécie en fonction de la perturbation générale que la pratique est de nature à engendrer pour l'économie ; Considérant que c'est sans encourir de critiques que la Décision retient, s'agissant de l'ampleur de la pratique en cause, que les cinq abatteurs impliqués dans l'entente représentent 70 % des achats de la FAC au MPB et 50 % des achats totaux sur la zone Uniporc-Ouest, zone qui représente 80 % de l'élevage porcin français et que concernant les achats effectués sur cette zone, l'entente a, compte tenu du poids de cette zone et de son rôle dans la détermination des prix et conditions de vente, influencé l'ensemble du marché national ;

Considérant, par ailleurs, que la Décision, à laquelle il est renvoyé sur ce point, établit à suffisance que les cinq membres de l'entente ont respecté voire dépassé leurs objectifs en matière de limitation de leurs abattages et qu'il ne peut être contesté que les quantités achetées sur le marché sont un élément déterminant du prix d'achat perçu par les éleveurs et ce, d'autant plus que l'offre de porcs est rigide à court terme ;

Considérant que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la pratique en cause n'aurait pu engendrer une tension baissière sur le prix payé aux éleveurs porcins déterminé sur la base du cours du MPB ;

Qu'une telle affirmation est contredite tant par les pièces du dossier que par les constatations factuelles de la Décision ; qu'ainsi dans un courriel adressé le 11 août 2009 aux quatre autres membres de l'entente, un représentant de Gad expose qu'une "maîtrise organisée du volume d'abattage conditionnera fortement l'évolution du prix MPB du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés, et donc un espoir d'un redressement de nos marges."; qu'en Comité de direction, Gad a elle-même mentionné, concomitamment à la mise en œuvre de la pratique en cause, que "...pour poursuivre l'amélioration de la marge de découpe enregistrée ces dernières semaines, la modération de l'activité constitue donc la seule voie possible dans le contexte actuel. Elle s'avère efficace à l'achat et à la vente."; qu'ainsi que le constate la Décision (n° 341), le prix de retrait a, durant les semaines 30 à 37, été considéré pendant trois jeudis comme attestant d'un marché "difficile" (Cf Décision n° 47 et suivants sur le fonctionnement et l'encadrement des prix au MPB) ; qu'en outre, le directeur du MPB rappelle qu' "une variation de 1 à 2 % du volume de l'offre peut entraîner une amplitude de 30 à 40 % du prix du porc" et que le MPB a, dans ses notes hebdomadaires et mensuelles relatives à la période considérée, relevé le caractère préoccupant du cours du porc resté stable à un niveau médiocre (Cf Décision n° 342) ; que dans sa note mensuelle de septembre 2009, le MPB s'est d'ailleurs lui-même interrogé sur la détérioration considérable du cours "pour des raisons difficiles à comprendre" et a estimé que la "crise actuelle est bien une crise de la demande" (cote 7044) ; qu'au surplus, la comparaison des cours en France d'une part, en Allemagne et en Espagne d'autre part, a confirmé l'impact de la pratique sur le cours moyen au MPB ;

Considérant que les notes d'expertise économique rédigées le 19 mars 2013 à la demande du groupe Bigard et le 20 mars 2013 à la demande de la société Abera ne permettent pas de contredire ces éléments documentaires et factuels ; que l'Autorité a justement critiqué ces rapports dans ses observations déposées devant la cour le 30 janvier 2014 ; que ces critiques demeurent pertinentes malgré les corrections apportées par l'expert le 14 avril 2014 ; qu'en particulier, l'absence de pertinence des modèles proposés par les études économiques produites par les parties est démontrée par la contradiction entre leurs conclusions d'une part et la nature, les objectifs et les effets des pratiques tels que décrits par les parties dans les pièces saisies d'autre part ;

Considérant, en définitive, que la Décision doit être approuvée en ce qu'elle conclut (n° 344 et 345) que la pratique a causé un dommage certain à l'économie, dommage dont l'importance a été limitée par les modalités concrètes de fonctionnement du MPB et en raison de la relative brièveté de la pratique ;

Considérant que la gravité des faits et l'importance limitée du dommage causé à l'économie conduisent à confirmer la proportion de 16 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pour déterminer le montant de base de la sanction ;

- Sur la durée de l'infraction

Considérant que les sociétés Groupe Bigard et Socopa viandes soutiennent que c'est à tort que la Décision a appliqué un coefficient multiplicateur de 0,25 % en retenant une durée de participation de 3 mois à l'infraction alors qu'elle aurait dû calculer le coefficient multiplicateur, non pas en mois mais en semaines, soit 0,23 % pour douze semaines et réduire ce coefficient pour tenir compte du caractère discontinu de la période infractionnelle (à savoir entre juin et septembre 2009 : quatre semaines puis huit semaines) entraînant une moindre perturbation pour l'économie qu'une infraction commise sur une période continue de 12 semaines ; qu'elles ajoutent qu'en visant cinq participants à l'entente et non quatre, bien qu'elles constituent une entité économique unique, la Décision retient, de fait, une durée de participation de six mois pour la société Groupe Bigard ;

Mais considérant, d'une part, qu'en calculant en mois le coefficient multiplicateur pour tenir compte de la durée de l'infraction, la Décision n'a fait qu'appliquer en l'adaptant au cas d'espèce le point 42 du Communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 ; qu'elle n'encourt pas de critique à ce titre ; qu'en outre, les requérantes ne justifient pas leur affirmation selon laquelle l'effet perturbateur de l'infraction aurait été différent si la pratique avait duré durant douze semaines consécutives au lieu d'être interrompue durant deux semaines ;

Considérant, d'autre part, que la société Groupe Bigard et la société Socopa viandes ayant l'une et l'autre participé à l'entente avec les sociétés Abera, Bernard, Gad, ce qu'elles n'ont pas contesté, la Décision fait à juste titre état de cinq (et non quatre) participants à l'entente ; que, si l'infraction commise par Socopa viandes est également imputée à sa société mère Groupe Bigard, c'est en raison du fait, non contesté, que ces sociétés constituent une entité économique unique ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision ne conduit pas à retenir une durée de participation à l'infraction de six mois pour la société Groupe Bigard, mais une durée de participation personnelle de trois mois pour cette société et de trois mois au titre de sa filiale ;

Qu'il en résulte que les critiques ne sont pas fondées et que la Décision (n° 347 à 351) doit être approuvée ;

Que les montants de base des sanctions retenus par la Décision (n° 352) pour chaque entreprise seront confirmés ;

- Sur l'individualisation des sanctions

Considérant que le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 expose, s'agissant de certains éléments d'individualisation de la sanction qu' "afin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l'Autorité peut ensuite adapter à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné";

Qu' "en particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise "mono-produit")"... (communiqué n° 48)

Qu' "elle peut aussi l'adapter à la hausse pour tenir compte du fait que :

- l'entreprise concernée dispose d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l'infraction ;

- le groupe auquel appartient l'entreprise concernée dispose lui-même d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l'infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe." (communiqué n° 49)

Que la Décision, qui a tenu compte de tels éléments atténuants et aggravants, est critiquée par les parties (Cf ci-dessus) ;

Considérant qu'il convient, à titre liminaire, de rappeler, que le principe d'égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié;

Considérant qu'invoquant ce principe, les sociétés Abera, d'une part, et Bernard, d'autre part, contestent la Décision en ce qu'elle a retenu une réduction des montants de base de la sanction à hauteur de 60 % pour Gad et de 50 % pour elles, et ce au seul motif qu' "au cours de la durée des pratiques, 95 % de l'activité de Gad étaient consacrés à l'achat, à l'abattage et à la découpe de porcs, ainsi qu'à la revente de produits issus du porc. Pour leur part, les entreprises Abera et Bernard menaient la vaste majorité de leur activité sur le secteur de l'achat, l'abattage et la découpe de porcs, bien qu'elles soient moins spécialisées que Gad" (Cf Décision n° 356) ; que Bernard expose que son activité est entièrement consacrée à l'abattage et à la découpe du porc (72 % de son chiffre d'affaires pour l'abattage découpe et 28 % pour la transformation des découpes) ; que Abera précise qu'elle réalisait 100 % de ses achats de porcs en France et que, comme pour Gad, il n'y a pas lieu, pour apprécier le caractère mono-produit de son activité, de déduire les ventes qu'elle réalise à l'export et ce, d'autant moins que l'infraction est relative aux achats sur le marché amont de l'élevage porcin et non aux ventes en aval ;

Considérant que les argumentations des parties sont justifiées par les éléments du dossier et ne sont pas utilement contestées par l'Autorité dans ses observations ; qu'il doit en particulier être constaté que la Décision, qui apprécie le caractère mono-produit de l'activité de Gad en tenant compte de ses activités consacrées à l'achat, à l'abattage et à la découpe de porcs, ainsi qu'à la revente de produits issus du porc, ne peut, sans s'en justifier, ne tenir compte que des activités d'Abera et de Bernard consacrées à l'achat, à l'abattage et à la découpe de porcs sans prendre en compte leurs activités de revente de produits issus du porc ; que sera par conséquent retenue la même réduction des montants de base de la sanction à hauteur de 60 % pour les trois entreprises Gad, Abera et Bernard ;

Considérant qu'invoquant le même principe, les sociétés Groupe Bigard et Socopa viandes estiment (Cf ci-dessus) qu'elles auraient également dû bénéficier d'une réduction du montant de base de la sanction au titre de l'entreprise mono-produit car la filière porc est, en leur sein, autonome sur le plan technique et des ressources humaines et le seul fait que le Groupe Bigard n'isole pas, contrairement aux autres entreprises en cause, les filières animales (porc, bovin, ovin) dans des structures juridiques dédiées ne devrait pas lui faire perdre l'abattement;

Considérant que l'Autorité réplique dans ses observations que les sanctions doivent être déterminées individuellement pour chaque entreprise et qu'elle peut, conformément à son communiqué, adapter à la baisse le montant de la sanction en tenant compte du fait que "l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction" ; qu'elle en conclut que "le caractère mono-produit de l'activité d'une entreprise doit donc être établi en rapportant les ventes réalisées en relation avec l'infraction au chiffre d'affaires de cette même entreprise" ;

Considérant, cependant, que les sociétés Groupe Bigard et Socopa sont fondées à invoquer le fait qu'il ne peut, en l'espèce, sans méconnaissance du principe sus-rappelé d'égalité, leur être refusé le bénéfice d'un abattement du seul fait de leur organisation juridique par marques alors que d'autres membres de l'entente exerçant les mêmes activités mais spécialisés par filières et ayant réalisé des valeurs similaires de ventes de produits en relation avec l'infraction, ont bénéficié de l'abattement prévu par le communiqué "sanctions" de l'Autorité; que la Décision sera donc réformée de ce chef et les montants de base de la sanction infligée à ces requérantes réduits dans les mêmes proportions que ceux retenus pour les autres membres de l'entente, à savoir 60 % ;

Considérant, par ailleurs, que les sociétés Groupe Bigard et Socopa viandes ne justifient pas leurs affirmations selon lesquelles le même principe aurait été méconnu en ce qu'il leur a été appliqué une majoration de 10 % du montant de base de la sanction pécuniaire ; qu'elles ne justifient pas davantage de difficultés financières qui affecteraient leur capacité contributive ; que la Décision sera confirmée sur ces points ;

Considérant, s'agissant de la société Bernard, que cette société ne peut se borner à invoquer le fait que la valeur des ventes réalisées par Gad était supérieure à celle de ses propres ventes pour soutenir que la sanction qui lui a été infligée est "disproportionnée" alors que l'individualisation des sanctions, prévue par la loi, peut conduire à des montants de sanctions différenciés ; que cette différentiation est en l'espèce justifiée par la faiblesse des capacités contributives de Gad ;

Considérant, enfin, que le rôle de "suiveur" dans l'entente invoquée par certaines entreprises, au surplus sans en justifier, ne constitue pas une circonstance susceptible de conduire à une réduction de la sanction ;

- Conclusion

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que réformant partiellement la Décision, il y a lieu de fixer les sanctions, après confirmation des pourcentages de réduction résultant de la mise en œuvre de l'article L. 464-2, III, du Code de commerce, ainsi qu'il suit :

- Abera : après adaptation à la baisse (60 %) du montant de base : 526 696 euros, dont il convient de déduire 10 % en raison de la non-contestation des griefs, soit une sanction finale de 474 026 euros;

- Bernard : après adaptation à la baisse (60 %) du montant de base : 559 233 euros, dont il convient de déduire 18 % en raison de la non-contestation des griefs et des engagements acceptés, soit une sanction finale de 458 571 euros ;

- Groupe Bigard : après adaptation à la baisse (60 %) du montant de base et adaptation à la hausse (10 %) du même montant de base : 742 627 euros, dont il convient de déduire 18 % en raison de la non-contestation des griefs et des engagements acceptés, soit une sanction finale de 608 954 euros ;

- Socopa viandes et Groupe Bigard conjointement et solidairement : après adaptation à la baisse (60 %) du montant de base et adaptation à la hausse (10 %) du même montant de base : 974 045 euros, dont il convient de déduire 18 % en raison de la non-contestation des griefs et des engagements acceptés, soit une sanction finale de 798 716 euros ;

Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne conduit à faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Reçoit les interventions par jonctions d'instance de la société GAD, de la SCP Thevenot Perdereau, Manière, de la Selarl Ajire, ès-qualités d'administrateurs judiciaires de la société GAD, de Me Massart ès-qualité de mandataire judiciaire de la société GAD, de la société Financière du Forest et de la Fédération des Acheteurs au Cadran (FAC) ; Dit recevable, mais non fondé, le recours incident formé l'EARL Oger, la SARL Fadier Elevage, M. Hasle et M. David ; Le rejette ; Dit recevables les recours des sociétés Abera SAS, Bernard SAS, Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS ; Réformant l'article 6 de la décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 de l'Autorité de la concurrence, dit que seront infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 1er de cette décision, les sanctions pécuniaires suivantes : - 474 026 euros à la société Abera SAS ; - 458 571 euros à la société Bernard SAS ; - 608 954 euros à la société Groupe Bigard SA ; - 798 716 euros aux sociétés Socopa Viandes SAS et Groupe Bigard SA, conjointement et solidairement ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'EARL Oger, la SARL Fadier Elevage, M. Hasle et M. David aux dépens du recours incident ; Laisse les dépens des recours principaux à la charge du Trésor Public ; Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie.