Cass. com., 23 septembre 2014, n° 12-27.387
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Transports frigo 7 Locatex (SAS), Selarl Ajire (ès qual.), Selarl Goic (ès qual.)
Défendeur :
Gefco (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, Me Le Prado
LA COUR : - Sur le troisième moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 septembre 2012), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 4 octobre 2011, B. IV n° 151, pourvoi n° 10-20.240), que la société Locatex, aux droits de laquelle vient la société Transports frigo 7 - Locatex, entreprise de transports frigorifiques et de marchandises, a, dans cette dernière activité, pour principal chargeur depuis 1972 la société Gefco, commissionnaire de transport ; que le 8 février 2008, la société Gefco a informé la société Transports frigo 7 - Locatex qu'elle mettait fin à leur relation contractuelle avec un préavis de six mois ; que soutenant que cette rupture était abusive et brutale, la société Transports frigo 7 - Locatex a fait assigner la société Gefco en réparation ; que la société Transports frigo 7 - Locatex ayant été mise en liquidation judiciaire, les sociétés Ajire et Goïc sont intervenues à la procédure, en qualité respectivement d'administrateur et de liquidateur judiciaires ;
Attendu que la société Transports frigo 7 - Locatex et les sociétés Ajire et Goïc, ès qualités, font grief à l'arrêt du rejet de la demande tendant à ce que le Conseil d'Etat soit saisi d'une question préjudicielle, et de la demande indemnitaire pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que la société Transports frigo 7- Locatex a invoqué l'incompatibilité entre les dispositions, de nature législatives, issues de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et celles, de nature réglementaire, issues de l'article 12.2 du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ; qu'en se bornant pourtant à énoncer que cet article est conforme à la loi d'habilitation, sans se prononcer sur sa contrariété avec l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du Code de procédure civile ; 2°) qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 8 II, alinéa 2, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoit : "Sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées aux alinéas précédents, les clauses de contrats-types s'appliquent de plein droit" ; que si celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, engage, aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, sa responsabilité délictuelle, cette disposition n'en constitue pas moins une disposition législative en matière de contrat ; que la cour d'appel a énoncé que le contrat-type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat et que tel n'est pas le cas avec les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° qui instaure une responsabilité de nature délictuelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du Code de procédure civile ; 3°) qu'il y a lieu à question préjudicielle tenant à la validité d'un acte administratif réglementaire si, sa solution étant nécessaire au règlement du litige, elle présente, en outre, un caractère sérieux ; que l'article 12.2 du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003, en ce qu'il prévoit que la durée maximum du préavis de rupture du contrat de sous-traitance est de trois mois, place nécessairement le transporteur routier sous-traitant dans une situation d'inégalité avec les autres opérateurs économiques, qui peuvent invoquer, en cas de brusque rupture d'une relation commerciale établie, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui laissent au juge le soin d'apprécier la durée du préavis que doit respecter l'auteur de la rupture ; que la cour d'appel a énoncé que le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 est le résultat du travail conduit par les organisations professionnelles au sein du Comité national des transports et que les règles ainsi instituées ne constituent pas une rupture d'égalité, mais bien une adaptation à une situation particulière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier le caractère sérieux de la question préjudicielle, a déduit un motif inopérant, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 49 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas aux relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants lorsque le contrat-type, institué par la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, qui prévoit en son article 12.2 la durée des préavis de rupture, régit, faute de stipulations contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport ; qu'ainsi le moyen tiré de la contrariété de ces dispositions, qui n'entrent pas en concurrence, n'est pas sérieux, de sorte que l'arrêt n'encourt pas la critique de la première branche ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que, si le contrat-type ne doit pas contrevenir aux dispositions législatives en matière de contrat, tel n'est pas le cas de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, la cour d'appel en a justement déduit que la question préjudicielle formée à ce titre n'était pas sérieuse ;
Et attendu, enfin, qu'après avoir rappelé que le principe d'égalité n'interdit pas que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes, l'arrêt, après avoir relevé que le décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 approuve le contrat-type issu des négociations conduites par les organisations professionnelles concernées et le Conseil national des transports, en déduit à juste titre que les règles ainsi instituées, qui s'appliquent à la situation particulière des sous-traitants de transports publics routiers de marchandises, ne caractérisent pas une rupture d'égalité, de sorte que la question préjudicielle soulevée sur ce fondement n'est pas sérieuse ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que les premier et deuxième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.