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Décisions

Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-20.454

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Qualité Service Propreté (Sté), Maigrot (ès qual.), Contant (ès qual.)

Défendeur :

France restauration rapide (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

SCP Rousseau, Tapie

T. com. Bourges, du 15 mai 2012

15 mai 2012

LA COUR : - Donne acte aux Selarl Crozat-Barault-Maigrot et Contant-Cardon, en leurs qualités respectives de liquidateur judiciaire et d’administrateur chargé d’une mission d’administration de la société Qualité service propreté, de ce qu’elles reprennent l’instance, à la suite de la résolution du plan de redressement de la société et de l’ouverture de sa liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Troyes du 4 juin 2013 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société France restauration rapide (le franchiseur) a conclu avec la société Qualité service propreté (le franchisé) un contrat de franchise pour l'exploitation, à Troyes, d'un fonds de commerce à l'enseigne "Pat à pain" ; que ce contrat comprenait une clause aux termes de laquelle le franchisé ne pouvait, pendant la durée d'un an après son expiration pour quelque cause que ce soit, s'intéresser "à la conception ou à l'exploitation de tout établissement de fabrication, de vente de produits alimentaires ou de restauration rapide d'une enseigne concurrente dans un rayon de cinquante kilomètres à vol d'oiseau d'un point de vente existant" du franchiseur ou de tout autre franchisé de son groupe ; que la résolution du contrat a été constatée par une ordonnance de référé du 8 juillet 2008 pour défaut de paiement des redevances ; que le franchisé, mis en redressement judiciaire le 9 septembre 2008, a repris, le 20 du même mois, une activité de restauration rapide à l'enseigne "Les charmilles" à Troyes à moins de cinquante kilomètres d'une autre commune sur le territoire de laquelle est exploité un point de vente "Pat à pain" ; qu'un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté, le 9 mars 2010, en faveur du franchisé ; que le franchiseur a assigné celui-ci, le 9 mars 2011, en paiement de dommages-intérêts, lui reprochant d'avoir contrevenu, pour la période du 20 septembre 2008 au 8 juillet 2009, à la clause précitée ; que le franchisé a opposé l'illicéité de celle-ci ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le liquidateur et l'administrateur du franchisé font grief à l'arrêt d'avoir condamné celui-ci à payer au franchiseur la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le tribunal nomme pour la durée du plan l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan ; que les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auquel l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ; que, lorsque la mission de l'administrateur a pris fin avec la mise en œuvre du plan de redressement par voie de continuation, l'action en paiement de créances nées après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur doit être dirigée contre le commissaire à l'exécution du plan désigné pour la durée du plan, avec mission de veiller à son exécution ; que la cour d'appel qui a constaté qu'un jugement du Tribunal de commerce de Troyes du 9 mars 2010 avait arrêté le plan de redressement par voie de continuation du franchisé et que le franchiseur avait, le 9 mars 2011, assigné cette société en paiement d'une créance de 453 150,39 euro dont elle a retenu qu'elle était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure, sans qu'ait été mis en cause le commissaire à l'exécution du plan, a violé l'article L. 626-25 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'action en paiement devait, pendant l'exécution du plan, être dirigée exclusivement contre le franchisé et non contre le commissaire à l'exécution du plan qui ne représente pas le débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que le liquidateur et l'administrateur du franchisé font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a dénaturé l'article II 21 du contrat de franchise dont le premier alinéa applicable pendant la durée du contrat faisait obligation au franchisé de consacrer toute son activité et tout son temps à la franchise et le second alinéa, applicable après l'expiration du contrat, lui faisait seulement l'obligation de ne pas exercer son activité sous une enseigne concurrente, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que c'est par une interprétation exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes de la clause litigieuse, que la cour d'appel a estimé que celle-ci ne se bornait pas à interdire, après l'expiration du contrat, l'affiliation à un réseau de franchise concurrent, mais s'analysait en une clause de non-concurrence prohibant tout rétablissement dans une activité identique sous une autre enseigne que celle du franchiseur, y compris une enseigne propre choisie par l'ancien franchisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner le franchisé à payer au franchiseur la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la clause de non-concurrence est limitée dans le temps et que la limitation à une distance de cinquante kilomètres n'est pas abusive, les clients satisfaits d'un point de restauration effectuant ce trajet pour suivre le déplacement de l'établissement conforme à leur goût dans un même département ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que la clause imposant un rayon minimum de non-rétablissement de cinquante kilomètres autour de tout point de vente à l'enseigne "Pat à pain" était proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur d'un réseau de restauration rapide, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bourges, autrement composée.