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Décisions

Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-21.285

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Blue Line & Bro (SARL)

Défendeur :

Médiat IM Pub (Sté), Lauck

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Boré, Salve de Bruneton

Paris, pôle 5 ch. 5, du 11 avr. 2013

11 avril 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 avril 2013), que la société Blue Line & Bro, qui exerce une activité de conseil en communication, édition et marketing opérationnel, a conclu avec Mme Lauck, le 4 janvier 2004, un contrat d'agent commercial d'une durée indéterminée pour la commercialisation, auprès d'une clientèle d'industriels, d'espaces publicitaires dans les magazines qu'elle édite ; que Mme Lauck l'a informée le 4 novembre 2009 qu'elle souhaitait mettre un terme au contrat qui les liait, puis a été embauchée par la société Institutionnel Médias IM Pub (la société IM Pub) ; que faisant valoir que Mme Lauck avait frauduleusement détourné son fichier clients au profit de cette dernière société et qu'elle n'avait pas respecté la clause de non-concurrence ni le préavis prévus dans son contrat, la société Blue Ligne & Bro l'a fait assigner, ainsi que la société IM Pub, en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Blue Line & Bro fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces numérotées 4 à 7 et 11 à 15 produites par elle et de rejeter en conséquence ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que les courriels adressés ou reçus par l'employé à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé et de les produire comme moyens de preuve, sauf s'ils sont identifiés comme personnels ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en synchronisant un smartphone sur l'ordinateur qu'elle mettait à la disposition de Mme Lauck pour son usage professionnel, la société Blue Line & Bro a eu accès aux courriels envoyés et reçus par son agent commercial à partir de l'adresse "[email protected]" ; qu'en retenant cependant, pour écarter des débats la copie des messages ainsi obtenus, que la société Blue Line & Bro ne pouvait ignorer que cette adresse électronique correspondant à l'adresse personnelle de Mme Lauck et qu'elle pénétrait dans la sphère privée de son ancienne collaboratrice, sans constater que cette adresse électronique aurait été expressément identifiée par cette dernière comme personnelle, la cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile ; 2°) que les courriels et fichiers figurant dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition de l'employé par l'employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu'ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle de l'employé ; qu'en retenant en l'espèce que l'adresse "[email protected]" correspondait à l'adresse personnelle de Mme Lauck et qu'en conséquence, les courriels émanant de cette messagerie et ayant transité par l'ordinateur professionnel mis à la disposition de cette dernière par la société Blue Line & Bro avaient également un caractère personnel, la cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que le moyen qui, en ses deux branches, se réfère à un contrat de travail, inexistant en l'espèce, est inopérant ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Blue Line & Bro fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) qu'une clause de non-concurrence limitée dans le temps, même si son secteur d'application géographique est trop étendu, reste licite au moins dans la mesure où elle interdit au débiteur de poursuivre l'exercice d'une activité concurrente dans la ville même où il travaillait pour son précédent employeur ; qu'en l'espèce, Mme Lauck, immédiatement après avoir quitté la société Blue Line & Bro, a été engagée par la concurrente directe de celle-ci, la société IM Pub, ayant son siège social et son activité dans le même arrondissement de Paris (11e) ; qu'en décidant, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence litigieuse, que cette stipulation empêchait Mme Lauck d'exercer son activité professionnelle dans un quelconque secteur et sur tout le territoire national, cependant que la clause litigieuse interdisait a minima à Mme Lauck de poursuivre l'exercice de l'activité concurrente dans la ville même où elle travaillait antérieurement pour le compte de la société Blue Line & Bro, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 7 de la loi des 2-17 mars 1791 ; 2°) qu'une clause de non-concurrence limitée dans le temps, même si son secteur d'application géographique est trop étendu, reste licite au moins dans la mesure où elle interdit au débiteur de poursuivre l'exercice d'une activité concurrente dans la ville même où il travaillait pour son précédent employeur ; qu'en l'espèce, Mme Lauck, immédiatement après avoir quitté la société Blue Line & Bro, a été engagée par la concurrente directe de celle-ci, la société IM Pub, ayant son siège social et son activité dans le même arrondissement de Paris (11e), et n'a donc jamais respecté la clause de non-concurrence qui s'imposait à elle ; qu'en décidant cependant que Mme Lauck étant partie de l'entreprise depuis plus de trois ans, "il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Blue Line & Bro d'interdire à son ancien agent d'exercer pendant deux ans son activité dans le secteur prospecté par elle lors de l'exécution du contrat qui les liait", la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a derechef violé les articles 1134 du Code civil et 7 de la loi des 2-17 mars 1791 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 134-14 du Code de commerce que, lorsqu'une clause de non-concurrence est prévue dans un contrat d'agence commerciale, elle ne peut excéder une période maximale de deux ans après la cessation du contrat et doit concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation ; qu'est nulle, en outre, toute clause de non-concurrence qui n'est pas proportionnée, c'est-à-dire qui n'est pas justifiée par les intérêts légitimes à protéger, compte tenu de l'objet du contrat, ou qui, n'étant pas suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, porte une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation ; que la cour d'appel, qui a constaté que la clause litigieuse empêchait Mme Lauck d'exercer, pendant deux ans, l'activité de vente d'espaces publicitaires et d'opérations de marketing opérationnels et de promotions sur un territoire non défini et sans que soient visés les annonceurs concernés par cette interdiction, de sorte que l'intéressée ne pouvait plus exercer sa profession d'agent de vente d'espaces publicitaires dans un quelconque secteur et sur tout le territoire national pendant cette période, en a déduit à bon droit que cette clause était nulle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.