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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 septembre 2014, n° 12-06864

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Eco-Emballages (SA), Valorplast (SA)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, DKT International (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Brogly, Nicoletis

Avocats :

Mes Teytaud, Theophile, Brochier, Hatet-Sauval, Chaigne, Marotte, Jalabert-Doury, Fourquet

CA Paris n° 12-06864

24 septembre 2014

Rappel des faits et de la procédure

La société DKT International (ci-après DKT), créée en 2004, exerce une activité de reprise de déchets ménagers en plastique en vue de leur valorisation.

Se considérant victime de mesures d'éviction de la part de la SA Eco-Emballages, société organisant la collecte des contributions des industriels au titre du point vert et de la SA Valorplast, repreneur historique des matériaux plastiques avec lequel elle a de nombreux liens, et considérant que ces comportements relèvent des pratiques anticoncurrentielles graves appréhendées par les articles 101 et 102 du TFUE, ainsi que des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, elle a saisi le 13 mars 2006 le Conseil de la concurrence d'une plainte.

Dans une décision du 29 septembre 2010, l'Autorité de la concurrence a clôturé la procédure engagée contre les sociétés Eco-emballages et Valorplast sous réserve que ces deux entreprises respectent un certain nombre d'engagements.

Afin de démontrer les infractions qu'elle reproche aux sociétés Eco-Emballages et Valorplast et obtenir la réparation du préjudice qu'elle estime subir du fait de leurs agissements, la société DKT les a assignées devant le Tribunal de commerce de Paris par actes des 21 février et 14 mars 2011, sollicitant au préalable la communication au Tribunal de commerce de Paris des éléments pertinents du dossier d'instruction auxquels les parties ont eu accès dès l'ouverture de la procédure devant l'Autorité de la concurrence.

Par jugement du 16 mars 2012, assorti de l'exécution provisoire le Tribunal de commerce de Paris a :

- Joint les causes RG 2011017303 et RG 201102307 ;

- Enjoint à l'Autorité de la concurrence de lui communiquer sous un délai de quatre semaines les versions non-confidentielles des documents suivants :

Cotes 894 à 901 (annexe 21) : procès-verbal d'audition de M. Tahir Athar du 30 septembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1033 à 1584 (annexe 17) : procès-verbal d'audition de M. Rajade de la société Semardel du 20 novembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1131 à 1248 (annexe14) : procès-verbal d'audition de M. Yvan Liziard de la société Eco-emballages du 20 novembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1251 à 1256 (annexe 7) : procès-verbal d'audition de M. Louis Chometon du 28 novembre 2008 ;

Cotes 1257 à 1957 (annexe 20) : procès-verbal d'audition de M. Labrouche de la société Sytcom du 4 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1666 à 1668 (annexe 13) : procès-verbal d'audition de M. Lantreibecq de la société Ecologic du 23 décembre 2008 ;

Cotes 1670 à 1696 (annexe 22) : procès-verbal d'audition de Mme Deligny de la société Triselec du 4 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1915 à 1947 (annexe 10) : procès-verbal d'audition de M. Regnouf de la société Eco-emballages du 20 janvier 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1998 à 2036 (annexe 09) : procès-verbal d'audition de M. Hérodin de la société Eco-emballages du 9 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 2090 à 2097 (annexe 37) : procès-verbal d'audition du directeur général de la société Systrad du 18 janvier 2007 ;

Cotes 2104 à 2110 (annexe 39) : procès-verbal d'audition de la communauté agglomération Metz métropolitaine par la DGCCRF du 19 mars 2007 ;

Cotes 2486 à 2491: procès-verbal d'audition de M. Christian Schottl de la société Sitreva du 3 avril 2009 ;

Deux volumes non côtés : observations de la société Eco-emballages en date du 8 avril 2009 sur la saisine et la demande de mesures conservatoires présentées par la société DKT International accompagnées des pièces jointes ;

Cotes 3555 à 3657 : observations complémentaires de la société Eco-emballages en date du 27 avril 2009, accompagnées des pièces jointes ;

- Renvoyer la cause à l'audience du 13 avril 2012 (15e chambre - 14 heures) pour dépôt de ces pièces et réattribution au juge rapporteur;

- Débouter les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 12 avril 2012 par la société Valorplast contre cette décision.

Vu l'appel interjeté le 13 avril 2012 par la société Eco-emballages contre cette décision.

Vu l'appel incident interjeté le 24 septembre 2012 par l'Autorité de la concurrence.

Par ordonnance prononcée le 4 septembre 2012, le magistrat en charge de la mise en état a :

- ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 12-06864 et 12-06989 et dit qu'elles se poursuiveront sous le numéro 12-06864.

Par ordonnance du 15 janvier 2013, le magistrat en charge de la mise en état a :

- déclaré irrecevables les conclusions de la société DKT International, déposées le 14 septembre et le 23 novembre 2012.

Par ordonnance du 2 juillet 2013, le magistrat en charge de la mise en état a :

- déclaré recevable l'appel-nullité par la société Valorplast et la société Eco-emballages.

Par arrêt du 19 mars 2014, la Cour d'appel de Paris a :

- dit que les conclusions de la société DKT International du 23 novembre 2012 en réponse aux conclusions de l'Autorité de la concurrence sont recevables,

- rejeté le déféré de l'ordonnance du 15 janvier 2013 en ce qu'il avait déclaré irrecevables les conclusions de DKT du 13 septembre et 21 novembre 2012 en réponse à celles de la société Eco-emballage.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 28 mai 2014 par lesquelles la société Valorplast demande de :

- Annuler et après évocation, en application de l'article 568 du Code de procédure civile, réformer le jugement rendu le 16 mars 2012 par la quinzième chambre du Tribunal de commerce de Paris, en application des articles 455, premier alinéa et 458, premier alinéa du Code de procédure civile,

- Infirmer en toutes ses dispositions et spécialement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Valorplast de voir statuer, avant tout autre examen, sur l'irrecevabilité de la demande pour défaut de qualité et défaut d'intérêt à agir, à raison de l'autorité qui s'attache à la décision du 27 septembre 2010 de l'Autorité de la concurrence, des articles 9 et 31 du Code de procédure civile ;

- Infirmer en outre, à titre subsidiaire et s'il en était besoin, le jugement en ce qu'il a ordonné à l'Autorité de la concurrence de communiquer les pièces du dossier d'instruction à la demande de la SARL DKT International et ce, en contradiction avec les dispositions de la loi des 16 et 24 août 1790, de l'article L. 463-6 du Code de commerce et de l'article 9 du Code de procédure civile,

- Réformant, débouter en tout état de cause la SARL DKT International de toutes ses demandes, et dire et juger en particulier que la SARL DKT International qui n'a plus aucune activité commerciale est irrecevable à agir en application de l'article 31 du Code de procédure civile et en particulier au titre de sa demande de communication de pièces, laquelle est de surcroît dans la formulation des conclusions datées des "14 mai novembre 2014", contraire au principe de la prohibition des arrêts de règlement prévus par l'article 5 du Code civil ;

- Dire et juger que le fait d'avoir assigné la société Valorplast le 21 février 2011 est abusif et cause un préjudice à la société Valorplast, lequel sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 €, sauf à parfaire, en application de l'article 1382 du Code civil,

- Condamner la SARL DKT International en application de l'article 700 du Code de procédure civile à payer à la société Valorplast la somme de 75 000 € au titre des frais irrépétibles occasionnés par les procédures engagées par la SARL DKT International dont il serait inéquitable de dire que les frais devraient demeurer à la charge de la société Valorplast.

Tout d'abord, la société Valorplast soutient que la nullité du jugement attaqué doit être prononcée en ce que les premiers juges ont manqué à leur obligation de motivation et n'ont mentionné que succinctement les conclusions et moyens de la société Valorplast, notamment pour la demande d'irrecevabilité.

Elle fait valoir que l'irrecevabilité de la demande de la société DKT doit être retenue et ajoute que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 27 septembre 2010 de l'Autorité de la concurrence doit être appliquée, d'autant plus que la société DKT a été déboutée de ses demandes de mesures conservatoires et que la procédure d'engagements, définitive, est exclusive de tout fait fautif.

La société Valorplast relève que la société DKT ne fait que reprendre les arguments écartés par l'Autorité de la concurrence. La société Valorplast affirme que l'acceptation de la procédure d'engagements d'améliorations ne permet pas de constituer la preuve de l'existence d'un fait dommageable ayant causé un préjudice spécifique à la société DKT.

La procédure d'engagements n'ayant pas été déférée doit s'imposer à la société DKT qui ne saurait fonder ses griefs sur les engagements homologués par l'Autorité de la concurrence.

La société Valorplast fait valoir que la demande indemnitaire de 2 374 072 euros formulée par la société DKT ne saurait être admise au titre de la réparation de ses préjudices, alors que la réalité de ses comptes et le montant de la demande judiciaire sont discordants. Elle fait valoir que les pertes comptables de la société DKT correspondent aux frais occasionnés à la suite de l'engagement et de l'échec de l'instance devant l'Autorité de la concurrence.

Elle précise que le préjudice subi du fait de la perte de chance de contracter avec les collectivités locales et de l'atteinte irrémédiable à la réputation de la société DKT n'est pas démontré par cette dernière. L'irrecevabilité de la demande de la société DKT doit ainsi être retenue dès lors qu'il n'existe pas de préjudice indemnisable.

Enfin, la société Valorplast soutient que la demande d'injonction de communication de pièces est irrecevable dès lors que le tribunal de commerce a méconnu le principe de séparation des pouvoirs en donnant injonction à une autorité administrative. De plus, elle relève que, le président de l'Autorité entendu comme "amicus curiae" par le tribunal de commerce, n'est pas partie au procès. Elle expose que le secret de l'enquête rend la demande irrecevable et fait valoir que cette demande serait inutile, sinon frustratoire, dès lors que la société DKT a connaissance des documents demandés, qui ne la concernent pas.

La société Valorplast développe les différentes cotes pour lesquelles la société DKT demande la communication et estime démontrées l'absence de lien avec la procédure intentée par cette dernière et l'absence d'utilité des pièces pour le succès de ses prétentions.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 12 juillet 2012 par lesquelles la société Eco-emballages demande à la cour de :

- Dire recevable l'appel nullité interjeté le 13 avril 2012 par la société Eco-emballages à l'encontre du jugement du 16 mars 2012 du Tribunal de commerce de Paris ;

- Infirmer ledit jugement ;

- Rejeter la demande de production par la société DKT International de pièces issues du dossier d'instruction de l'Autorité de la concurrence concernant la société Eco-emballages ;

- Condamner la société DKT International à payer à Eco-emballages la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon la société Eco-emballages, la société DKT International méconnaît la jurisprudence "Semavem" selon laquelle une communication d'informations couvertes par le secret de l'instruction doit être nécessaire à l'exercice de ses droits par une partie.

Ensuite, elle soutient que les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en enjoignant à l'Autorité de la concurrence de communiquer des pièces dont la société DKT International dispose et en méconnaissant le secret de l'instruction et le secret professionnel qui couvrent ces pièces.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 26 mai 2014 par lesquelles l'Autorité de la concurrence demande à la cour de :

- Réformer le jugement du 16 mars 2012 aux motifs que :

a) DKT, partie demanderesse à l'action en réparation devant ce tribunal, dispose des pièces dont elle lui a demandé d'enjoindre la production par l'Autorité ;

b) DKT est à la fois en droit et en mesure de produire l'ensemble de ces pièces elle-même, à condition d'expliquer les raisons pour lesquelles elle considère que la production de chacune d'entre elles est nécessaire à l'exercice effectif de son droit à réparation ;

c) l'article 138 du Code de procédure civile n'a pas vocation à être mis en œuvre à l'initiative d'une partie se trouvant dans une telle situation ;

- Dire que la demande d'injonction de communication de pièces présentée par DKT est sans objet et se heurte en tout état de cause à un empêchement légitime ;

- Condamner la société DKT au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'Autorité de la concurrence fait valoir qu'en application de la jurisprudence "Semavem", la demande d'injonction de production de pièces est dépourvue d'objet et de raison d'être.

Elle affirme qu'est transposable la jurisprudence "Ma Liste de Courses" qui établit que la partie disposant des pièces pouvait les produire à condition d'établir qu'elles étaient nécessaires à l'exercice des droits de sa défense. La position d'appelant ou d'intimé est sans conséquence sur la solution à donner au litige selon elle.

Elle soutient que la demande d'injonction de communications des pièces est dépourvue d'objet et est injustifiée, dès lors que la société DKT est en mesure de produire elle-même les pièces concernées qui sont en sa possession alors qu'elle était présente à l'instance devant l'Autorité.

Elle fait valoir que la faculté pour le juge d'enjoindre à un tiers de communiquer des pièces pour contribuer à la manifestation de la vérité n'a pas lieu d'être mise en œuvre, qu'elle est donc sans objet et injustifiée, dès lors que la société DKT disposait des pièces et était en droit de les produire elle-même après avoir justifié de la nécessité de celles-ci.

Elle ajoute qu'un empêchement légitime justifie qu'il soit fait droit à la demande de rétractation de l'Autorité de la concurrence, dès lors que la communication de pièces par cette dernière aboutirait à priver de portée l'arrêt "Semavem".

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 14 mai 2014 par lesquelles la société DKT International demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012 et de renvoyer les parties devant la juridiction de premier degré, afin qu'il soit statué au fond ;

En tout état de cause,

- Confirmer que les pièces listées ci-dessous sont nécessaires à l'action indemnitaire de DKT et que DKT peut les utiliser devant le Tribunal de commerce de Paris sans enfreindre l'article L. 463-6 du Code de commerce :

Cotes 894 à 901 (annexe 21) : procès-verbal d'audition de M. Tahir Athar du 30 septembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1033 à 1584 (annexe 17) : procès-verbal d'audition de M. Rajade de la société Semardel du 20 novembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1131 à 1248 (annexe14) : procès-verbal d'audition de M. Yvan Liziard de la société Eco-emballages du 20 novembre 2008 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1251 à 1256 (annexe 7) : procès-verbal d'audition de M. Louis Chometon du 28 novembre 2008 ;

Cotes 1257 à 1957 (annexe 20) : procès-verbal d'audition de M. Labrouche de la société Sytcom du 4 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1666 à 1668 (annexe 13) : procès-verbal d'audition de M. Lantreibecq de la société Ecologic du 23 décembre 2008 ;

Cotes 1670 à 1696 (annexe 22) : procès-verbal d'audition de Mme Deligny de la société Triselec du 4 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1915 à 1947 (annexe 10) : procès-verbal d'audition de M. Regnouf de la société Eco-emballages du 20 janvier 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 1998 à 2036 (annexe 09) : procès-verbal d'audition de M. Hérodin de la société Eco-emballages du 9 février 2009 accompagné des pièces jointes ;

Cotes 2090 à 2097 (annexe 37) : procès-verbal d'audition du directeur général de la société Systrad du 18 janvier 2007;

Cotes 2104 à 2110 (annexe 39) : procès-verbal d'audition de la communauté agglomération Metz métropolitaine par la DGCCRF du 19 mars 2007;

Cotes 2486 à 2491 : procès-verbal d'audition de M. Christian Schottl de la société Sitreva du 3 avril 2009 ;

Deux volumes non côtés : observations de la société Eco-emballages en date du 8 avril 2009 sur la saisine et la demande de mesures conservatoires présentées par la société DKT International accompagnées des pièces jointes;

Cotes 3555 à 3657 : observations complémentaires de la société Eco-emballages en date du 27 avril 2009, accompagnées des pièces jointes ;

- Rejeter la demande de l'Autorité de la concurrence de condamnation de DKT au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

A titre subsidiaire,

- Préciser les critères qui devront être appliqués par le Tribunal de commerce de Paris pour contrôler la nécessité des pièces du dossier de l'Autorité de la concurrence listées ci-dessous.

Tout d'abord, la société DKT demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce et développe en ce sens la jurisprudence de la cour d'appel "Ma Liste de Courses".

Elle soutient que les pièces concernées par la mesure d'injonction de communication sont nécessaires à son action en indemnisation. Elle sollicite à tout le moins que la cour précise au tribunal de commerce la grille d'analyse qui doit être suivie pour acter de la nécessité des pièces. Elle précise qu'une pièce est considérée comme nécessaire dès lors qu'elle lui permettra d'apporter la preuve de la position dominante et des abus des sociétés Eco-emballages et Valorplast, ainsi que la preuve de son préjudice.

Elle relève que le champ de sa plainte déposée auprès de l'Autorité de la concurrence est le même que celui de son action indemnitaire portée devant le tribunal de commerce. Elle ajoute que la légitimité de sa demande et la nécessité de communiquer les pièces visées ont été reconnues par l'Autorité de la concurrence.

La société DKT estime justifier la nécessité de produire chacune des pièces listées dans le but de faciliter le contrôle de la cour ou du tribunal de commerce en donnant le détail des pièces qu'elle estime être nécessaires à sa défense.

Enfin, la société DKT soutient qu'elle ne saurait être condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dès lors que la question soulevée dans sa demande incidente se fondait sur une jurisprudence ambiguë ; que la légitimité de son action a été reconnue en première instance ; et qu'elle n'est pas à l'origine des appels introduits contre le jugement du tribunal de commerce.

SUR CE,

1. Sur la nullité du jugement :

Considérant que le jugement du tribunal de commerce, qui se prononce nécessairement mais implicitement sur la recevabilité de la demande de la société DKT International a ordonné une mesure d'instruction par l'injonction qu'il a faite à l'Autorité de la concurrence de produire un certain nombre de documents aux débats, que selon la définition donnée par l'article 544 des jugements susceptibles d'appel, les parties ne pouvaient interjeter appel de cette décision sinon pour excès de pouvoir,

Considérant que la société Valorplast invoque le défaut de motivation du jugement, que la société Eco-Emballages fait état des pouvoirs que le tribunal de commerce s'est reconnu à tort,

a. Sur la nullité du jugement en application de l'article 455 du Code de procédure civile :

Considérant que Valorplast conclut à l'annulation du jugement qui a repris très succinctement ses demandes et partiellement fait état de ses moyens et n'a donné aucun motif sur la recevabilité de la demande,

Considérant que la société DKT ne réplique pas sur ce point,

Considérant que le jugement critiqué a repris en page 5 les prétentions de Valorplast, développé succinctement les moyens de cette société en pages 12 et 13, qu'il n'a pas motivé sa décision sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité et d'intérêt de la société DKT International qu'il a toutefois tranchée implicitement pour ensuite statuer sur la demande d'injonction de communication de pièces,

Considérant que le défaut de motivation ne constitue pas un excès de pouvoir, que la demande de nullité n'est pas fondée pour ce motif,

b. Sur les pouvoirs du tribunal :

Considérant que la société Eco-emballages estime que le tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir : qu'il a usé de prérogatives que la loi ne lui donnait pas tout d'abord en se substituant à l'une des parties, en l'espèce DKT International, en ordonnant la production des pièces pour en déterminer elle-même l'utilité pour la demanderesse en examinant le contenu, en palliant sa carence, ensuite en violant délibérément le secret de l'instruction et du secret professionnel auxquels sont astreints les membres de l'Autorité de la concurrence,

Considérant que l'excès de pouvoir consiste pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger,

Considérant qu'il est précisé dans les motifs du jugement que le tribunal de commerce devra examiner chacune des pièces pour déterminer leur conformité aux exigences de la jurisprudence "Semavem", ce qui, lorsque le juge est saisi au fond, relève de son pouvoir d'apprécier le caractère probant des pièces qui lui sont soumises ; qu'il n'existe aucun excès de pouvoir de la part du tribunal de commerce à motiver une décision et à la motiver comme il l'a fait,

Considérant toutefois que dès lors que les pièces demandées sont détenues par la partie qui entend en faire état au soutien de ses intérêts, l'injonction de communication a pour conséquence de contraindre un tiers, en l'espèce l'Autorité, à verser aux débats sans aucun motif et en dehors de l'hypothèse dans laquelle l'article 138 du Code de procédure civile le permet, des pièces couvertes par le secret de l'instruction auquel se trouvent soumis, en application de l'article L 463-6 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence et ses membres et ce, sans respecter leur empêchement légitime,

que le tribunal de commerce ne pouvait statuer comme il l'a fait sans excéder ses pouvoirs ;

que le jugement sera annulé pour excès de pouvoir ; que la cour évoquera,

2. Sur la recevabilité de l'action de la société DKT : qualité et intérêt à agir,

Considérant que dans les développements qu'elle fait sur cette fin de non-recevoir, la société Valorplast ne s'explique pas précisément sur le défaut de qualité à agir de DKT International ; que toutefois, la qualité de victime invoquée par DKT International suffit pour rendre recevable sa demande ;

Considérant que dès lors que la société DKT estime être victime des agissements concertés des sociétés Valorplast et Eco-emballages, elle a intérêt à agir contre celles-ci afin d'obtenir la reconnaissance judiciaire de leur responsabilité et leur condamnation à réparer le préjudice qu'elle dit subir de leur fait ; qu'en effet, l'intérêt qu'elle a à engager cette procédure ne préjuge pas du bien fondé de ses demandes lequel n'a pas à être au préalable démontré,

Considérant tout particulièrement que la procédure d'engagement n'est pas en soi de nature à la priver de l'intérêt à agir ; qu'en effet, le dossier est clos avant toute appréciation définitive des pratiques suscitant des préoccupations de concurrence, sans constat d'infraction, sans constat de l'absence d'infraction à la concurrence ; que la société DKT International peut, si bon lui semble, rechercher et déterminer quels éléments sont constitutifs, selon elle, de faits de concurrence prohibée lui causant préjudice,

Considérant par ailleurs que le fait que la société DKT international n'aurait plus d'activité commerciale n'est pas plus de nature à la priver de tout intérêt à agir,

Considérant également pour ce qui concerne la demande formée contre la société Valorplast, que, selon DKT International, les contrats signés par les sociétés Eco-Emballages et Valorplast seraient des pratiques d'entente ; que l'intérêt à agir de la société DKT International contre la société Valorplast est établi,

Considérant que les fins de non-recevoir de la société Valorplast seront écartées,

3. Sur la communication de pièces par l'Autorité de la concurrence :

Considérant que la détention par la société DKT International des pièces du dossier d'instruction ayant donné lieu à la décision d'engagement n'est contestée par quiconque,

Considérant qu'il appartient à chacune des parties au procès civil de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions par la production des pièces qu'elle estime de nature à les établir et que, à cette fin, la divulgation de pièces soumises au secret de l'instruction n'est pas incriminée si celle-ci est nécessaire à l'exercice, par une des parties au procès civil, de ses droits,

Considérant qu'il incombe à DKT International de verser aux débats les pièces qu'elle détient et qui sont, selon elle, nécessaires à l'établissement des faits qu'elle impute aux société Valorplast et Eco-Emballages et que le recours aux dispositions des articles 138 et suivants du Code de procédure civile étant subsidiaire, elle ne peut solliciter d'un tiers la production de pièces qu'il lui incombe de produire dans le but non avoué de se prémunir contre le risque de sanction pénale auquel elle pourrait s'exposer en les produisant à mauvais escient ; qu'il appartiendra ensuite au juge statuant sur le fond d'apprécier la pertinence des pièces produites au soutien des demandes ;

Considérant que la demande de production de pièces par un tiers formée par la société DKT International n'est nullement justifiée ; que le jugement doit être infirmé,

4. Sur les dommages-intérêts demandés par Valorplast :

Considérant que l'action en justice ne dégénère en abus de droit que si, manifestement vouée à l'échec, elle vise en réalité à nuire à un concurrent et lui cause un préjudice ; qu'en l'espèce, la société Valorplast n'établit ni cet objet fautif, ni ce préjudice ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 698 du Code de procédure civile,

Par ces motifs : LA COUR, Annule le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012, Evoquant, Déclare recevable la demande de la société DKT International, Déboute la société DKT International de sa demande de communication par l'Autorité de la concurrence des pièces du dossier de l'instruction de la procédure ouverte sur sa saisine et qui a donné lieu à la décision 10-D-29, Déboute la société Valorplast de sa demande de dommages-intérêts, Condamne la société DKT International à payer à la société Eco-Emballages la somme de 10 000 euros, à la société Valorplast celle de 10 000 euros et à l'Autorité de la concurrence celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, Condamne la société DKT International en tous dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par les conseils des sociétés Eco-Emballages et Valorplast.