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Décisions

CA Orléans, ch. com., 18 septembre 2014, n° 13-03818

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Pro Actif RH (SARL)

Défendeur :

Pro Activ'RH (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Garnier

Conseillers :

Mme Hours, M. Monge

Avocats :

Mes Devauchelle, Cebron de Lisle, Lueger, Baudry, Boidin

T. com. Tours, du 18 oct. 2013

18 octobre 2013

FAITS

S'estimant victime d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale par imitation de sa dénomination sociale, la société Pro Actif RH qui exploite un fonds de commerce de conseil aux entreprises, notamment en matière de ressources humaines, a assigné, par acte du 10 septembre 2012, la société Pro Activ'RH, qui avait été créée ultérieurement et exerçait dans la même région une activité similaire, aux fins d'interdiction de cette dénomination et paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 18 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Tours a débouté la société Pro Actif RH de ses demandes.

La société Pro Actif RH a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 20 mai 2014, elle fait valoir que les deux entreprises sont dans une situation de concurrence par leur domaine d'activité principale, les ressources humaines, avec un rayonnement géographique identique dans le département du Loir et Cher. Elle relève que la dénomination est identique à une lettre près, ce qui entraîne une confusion auprès de la clientèle, comme le confirment les attestations versées aux débats, ce d'autant plus que les sites internet se ressemblent du point de vue des activités décrites. Elle demande, en conséquence, à la cour d'ordonner la cessation de l'utilisation sur le territoire de la région Centre et du Loir et Cher de la dénomination litigieuse sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard et de lui allouer la somme de 75 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Par ses écritures du 2014, la société Pro Activ'RH prétend qu'il appartient à l'appelante d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. Elle souligne que le signe dont se prévaut la société Pro Actif RH n'est pas distinctif, le radical Pro Actif ou Pro Activ faisant partie du domaine public en raison de sa banalité. Elle ajoute que la preuve du risque de confusion n'est pas rapportée, dès lors que les clientèles sont distinctes, son adversaire ayant une clientèle exclusivement privée, alors qu'elle-même n'intervient que pour des personnes publiques. Elle propose, néanmoins, dans un souci de conciliation, de modifier sa raison sociale en "Proactive". Elle considère que sur le plan visuel les sites internet sont différents et que l'usage des termes est usuel dans ce type d'activité. Elle affirme que l'attestation comptable produite par la société appelante n'apporte aucun élément sur la baisse du chiffre d'affaires alléguée. Elle conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Sur quoi,

Attendu que le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale ou en reconnaissance du caractère parasitaire d'un comportement est uniquement subordonné à l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, et non à l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés concernées, et n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel ;

Que les deux sociétés Pro Actif RH et Pro Activ'RH ont une activité similaire de conseil en gestion d'entreprise, spécifiquement en matière de recrutement et ressources humaines ; qu'elles s'adressent à une clientèle située dans la Région Centre et notamment le département [du] Loir et Cher, étant observé qu'elles sont toutes deux en contact avec les services du conseil général de ce département ;

Qu'en raison des ressemblances existantes entre les deux dénominations sociales, la seule différence étant un "f" ou un "v" avant le sigle RH, il existe un risque de confusion, à tout le moins phonétique, même pour des professionnels des ressources humaines n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, ce d'autant plus que les référencements sur internet peuvent les associer l'une à l'autre ; que la société Pro Actif RH justifie même avoir reçu une correspondance de son fournisseur en téléphonie mobile Orange avec l'intitulé "Pro Active RH" ;

Qu'eu égard à l'utilisation de la dénomination sociale quasi identique d'une société concurrente, il n'y a pas à s'interroger sur le caractère original de ce terme ; que le fait, allégué par la société Pro Activ'RH qu'elle travaille avec une clientèle de personnes publiques alors que la société Pro Actif RH intervient auprès d'entreprises privées est impropre à écarter un risque de confusion ; que, même sans intention de nuire, le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire ; que la société intimée a persévéré dans ses agissements malgré la mise en demeure adressée par la société Pro Actif RH à sa concurrente le 2 octobre 2009 et cette faute doit être sanctionnée, par infirmation du jugement, par l'interdiction faite à la société Pro Activ'RH de continuer à utiliser cette dénomination ;

Attendu, en revanche, que la société appelante ne démontre pas que l'utilisation du vocable Pro Activ'RH par son adversaire se serait traduite par une diminution de son chiffre d'affaires et un détournement de clientèle ; que, toutefois, tout acte parasitaire est nécessairement générateur d'un trouble commercial constitutif d'un préjudice, fût-il seulement moral ; qu'à ce titre, la société Pro Activ'RH sera condamnée à payer à la société Pro Actif RH la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société Pro Activ'RH supportera les dépens de première instance et d'appel et versera, en outre, la somme 5 000 euro à la société Pro Actif RH sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entreprie, et Statuant à nouveau ; Ordonne à la société Pro Activ'RH de modifier sa dénomination sociale sous astreinte de 200 euro par jour de retard deux mois après la signification du présent arrêt, Condamne la société Pro Activ'RH à payer à la société Pro Actif RH la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ; Condamne la société Pro Activ'RH aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Pro Actif RH la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Accorde à la SCP Desplanques-Devauchelle, avocat, le droit reconnu par l'article 699 du même Code.