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Décisions

Cass. com., 7 octobre 2014, n° 13-23.119

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Howson, Howlet (Sté), Goic (és qual.)

Défendeur :

Du Pareil au Même (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Hémery, Thomas-Raquin

T. com. Paris, 4e ch., du 4 mars 2010

4 mars 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 avril 2013), que la société Banc a développé un réseau de franchise, d'affiliation et de succursales sous l'enseigne "Petits petons" afin de vendre des chaussures pour enfants ; qu'en octobre 2007, Mme Howson a signé un contrat de commission-affiliation avec la société Banc et créé à cette occasion la société Howlet, laquelle a procédé à l'ouverture du magasin au début de l'année 2008 ; que la société Howlet et Mme Howson, s'estimant victimes d'une erreur sur la rentabilité de leur activité et reprochant à la société Banc un défaut d'information loyale, exacte et prudente sur la viabilité de l'entreprise, l'ont fait assigner, à titre principal, en nullité du contrat ; qu'en décembre 2009, la société Howlet a été mise en liquidation judiciaire, la SCP Goic étant nommée liquidateur ;

Sur le premier moyen : - Attendu que Mme Howson et la SCP Goic, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande d'annulation du contrat, alors, selon le moyen : 1°) que le commettant est tenu de communiquer à son futur affilié un document d'information précontractuelle (DIP) vingt jours minimum avant la signature du contrat de commission-affiliation ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter le moyen soulevé par les exposantes tiré de l'inobservation, par le commettant, du délai légal de réflexion de vingt jours et les débouter de leur action en nullité, que si ces dernières reprochaient à la société Banc de leur avoir remis le DIP le jour de la signature, "elles ne sout[enaient] pas ne pas avoir eu connaissance des éléments d'informations précontractuels avant la signature du contrat", sans constater que le DIP avait bien été communiqué vingt jours au moins avant la signature du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que l'inobservation, par le commettant, du délai légal de réflexion de vingt jours prévu à l'article L. 330-3 du Code de commerce fait nécessairement présumer l'existence d'un vice du consentement de l'affilié entrainant la nullité du contrat de commission-affiliation ; qu'il appartient donc au commettant de démontrer que l'inobservation du délai légal de réflexion n'a pu vicier le consentement de l'affilié ; qu'en affirmant toutefois que "Mme Howson ne rapport[ait] pas la preuve que les éléments d'information précontractuels qui lui [avaient] été donnés ne lui [avaient] pas permis de se déterminer en toute connaissance de cause", cependant que le respect, par le commettant, du délai légal de réflexion n'ayant pas été établi, il appartenait à ce dernier de prouver que le consentement de Mme Howson n'avait pas été vicié, la cour d'appel, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 3°) que l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur la substance qui en est l'objet ; que la viabilité d'un réseau d'affiliés constitue un élément substantiel du contrat de commission-affiliation déterminant le consentement de l'affilié ; qu'une connaissance parcellaire de l'historique et de l'évolution du réseau empêchant l'affilié d'apprécier la véritable potentialité économique de ce réseau vicie donc nécessairement son consentement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Banc avait délivré à son affiliée une information "non complète" sur l'évolution du réseau car "peu d'informations" avaient été fournies "sur la réalité" de celui-ci ; qu'il en résultait que le consentement des exposantes, donné sur la base d'une connaissance parcellaire de l'historique et de l'évolution du réseau, avait nécessairement été vicié ; qu'en retenant néanmoins le contraire, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1110 du Code civil ; 4°) qu'en toute hypothèse, en affirmant, pour les débouter de leurs demande de nullité, que l'information "non complète" sur l'évolution du réseau n'avait pu vicier leur consentement dans la mesure où "les éléments non fournis concernaient directement les magasins ouverts dans les villes de moins de cinquante mille habitants ce qui n'était pas l'hypothèse pour le magasin ouvert à Rennes" par Mme Howson, cependant que l'appréciation éclairée de la viabilité du réseau nécessitait une connaissance complète de l'évolution de l'ensemble des magasins affiliés, leur résultats d'exploitation n'étant pas nécessairement liés à l'importance de la population des villes dans lesquelles ils étaient implantés, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter l'existence d'un vice du consentement des affiliées et violé l'article 1110 du Code civil ; 5°) que l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur la substance qui en est l'objet ; que la rentabilité potentielle de l'exploitation constitue un élément substantiel du contrat de commission-affiliation déterminant nécessairement le consentement de l'affilié ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir que la société Banc avait porté à leur connaissance les seuls chiffres d'affaires de douze magasins exerçant sous la forme de succursale et ayant une importante ancienneté dans le réseau de sorte que les comptes prévisionnels dressés sur la base de ces seuls éléments ne reflétaient pas la rentabilité effective du réseau ; qu'en affirmant, pour débouter les exposantes de leur demande de nullité, que rien ne permettait de dire que les chiffres d'affaires communiqués par la société Banc concernant les douze succursales étaient "erronés", sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la sélection des meilleurs résultats d'exploitation obtenus par une minorité de magasins n'avait pas faussé l'appréciation des exposantes quant à la rentabilité économique potentielle du réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ; 6°) que les exposantes faisaient valoir que les chiffres d'affaires réalisés par des succursales faisant partie, depuis longtemps, du réseau ne pouvaient être comparés à ceux d'un magasin affilié créé ex nihilo et ne pouvaient donc être pris en compte pour prévoir la rentabilité d'un magasin nouvellement créé ; qu'en affirmant, pour les débouter de leur demande de nullité, que le chiffre d'affaires moyen mensuel "ne varie pas en fonction des modalités d'exploitation du commerce", sans rechercher si le fait, pour la société Banc, d'avoir communiqué le chiffre d'affaires des seuls magasins ayant une importante ancienneté dans le réseau n'avait pas faussé l'appréciation, par les exposantes, de la rentabilité économique de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ; 7°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir que les chiffres d'affaires réalisés par des succursales n'étaient pas comparables à ceux réalisés par des affiliés dès lors que les contraintes financières entre ces deux formes d'exploitation étaient différentes notamment en termes de charges et d'approvisionnement ; que pour écarter un tel moyen et les débouter de leur demande de nullité, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le chiffre d'affaires moyen mensuel "ne varie pas en fonction des modalités d'exploitation du commerce" ; qu'en statuant ainsi, sans nullement motiver son affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 8°) que la partie profane, créancière d'une obligation précontractuelle d'information, n'est pas tenue de se renseigner afin de vérifier la véridicité des éléments communiqués par son cocontractant professionnel tenu de lui délivrer une information sincère et loyale ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter les exposantes de leur demande de nullité, que Mme Howson "devait aussi se renseigner auprès d'autres affiliés et d'autres franchisés dont elle avait les coordonnées", la cour d'appel a violé l'article 1110 du Code civil ; 9°) que l'erreur est cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur la substance de la chose qui en est l'objet, quand bien même elle n'aurait pas été provoquée par un manquement du cocontractant de l'errans à son obligation d'information ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un écart important était apparu entre le chiffre d'affaire prévisionnel validé par la société Banc et le chiffre d'affaires effectif réalisé par les exposantes ; que pour débouter Mme Howson et la société Howlet de leur demande de nullité du contrat de commission-affiliation, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'écart constaté ne permettait pas, en soi, de démontrer le caractère "irréaliste" du prévisionnel validé par la société Banc que cette dernière n'était, en toute hypothèse, pas tenue de garantir ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, même en l'absence d'un manquement du commettant à son obligation précontractuelle d'information, le consentement des affiliées n'avait pas été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de leur activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le non-respect du délai de vingt jours prévu à l'article L. 330-3 du Code de commerce ne fait pas présumer l'existence d'un vice du consentement ; que le moyen, qui en sa deuxième branche postule le contraire, manque en droit ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que la société DPAM indique avoir fourni dans les délais légaux les éléments d'information précontractuelle qui ne lui ont pas été retournés signés avant le jour de la conclusion du contrat, tandis que Mme Howson et la société Howlet ne soutiennent pas ne pas en avoir eu connaissance avant cette date ; qu'il constate que Mme Howson avait des connaissances personnelles et des éléments d'information sur le marché local suffisants ; qu'il relève encore que la société Banc a fourni des informations sur le réseau depuis 1992 et son évolution jusqu'en 2007, communiquant la liste, les noms et adresses des succursales, des franchisés et des affiliés du réseau, ainsi que des indications sur les ouvertures, non-renouvellement ou résiliations intervenus entre 2001 et 2005 et retient que les éléments non fournis sur l'évolution du réseau à cette époque ne pouvaient avoir été déterminants de la volonté de Mme Howson de contracter, ceux-ci concernant des magasins ouverts dans des villes de moins de cinquante mille habitants, qui ne correspondaient pas à l'hypothèse du magasin ouvert à Rennes, et dont plusieurs avaient réalisé un chiffre d'affaires en adéquation avec le prévisionnel ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement estimé que Mme Howson ne rapportait pas la preuve que les éléments d'information précontractuelle qui lui avaient été donnés ne lui avaient pas permis de se déterminer en toute connaissance de cause ;

Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir constaté que plusieurs magasins situés dans des villes de moins de cinquante mille habitants avaient pu réaliser un chiffre d'affaires en adéquation avec le prévisionnel établi par Mme Howson, sur la base des éléments communiqués par la société Banc, relatifs à douze points de vente exploités dans différents types de villes, et retenu que l'absence de sérieux et de prudence des éléments communiqués sur la rentabilité du réseau n'était pas établie par les chiffres d'affaires invoqués par Mme Howson, qui ne pouvaient être utilement comparés, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain, sans être tenue d'opérer des recherches que ces constatations rendaient inopérantes, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la septième branche, que la cour d'appel a retenu que rien ne permettait de dire que les chiffres en cause étaient erronés ou avaient été établis dans le but de tromper ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'ayant constaté que Mme Howson avait établi le prévisionnel et retenu qu'elle devait, pour apprécier la rentabilité du réseau, se renseigner notamment auprès d'autres affiliés et franchisés dont elle avait les coordonnées, la cour d'appel, qui n'a pas imposé à un profane une obligation de vérification des éléments communiqués par un professionnel mais a fait ressortir, dans le cadre d'une relation d'affaires entre professionnels, un manque de diligence, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.