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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 octobre 2014, n° 14-05766

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Orange (SA)

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Autier, Gunther, Girauy, Teytaud, Hubert

T. com. Paris. 15e ch., du 12 févr. 2014

12 février 2014

Rappel des faits et de la procédure

Les sociétés Orange (anciennement France Telecom) et SFR sont opérateurs dans le secteur des communications électroniques. La société Orange est l'opérateur historique des télécommunications en France, propriétaire de la majorité des réseaux fixes de téléphonie fixe. La société SFR, à l'origine opérateur de téléphonie mobile, est devenue le premier opérateur alternatif fixe. En 2000, la société Orange a lancé l'offre Résidence Secondaire qui permet à un client de bénéficier d'un abonnement à une ligne téléphonique fixe et lorsque la résidence est inoccupée, l'abonné a la possibilité de suspendre la ligne entre un et douze mois, moyennant paiement d'une somme minime.

En avril 2010, l'offre Résidence Secondaire a été complétée par des offres forfaitaires couplant un abonnement et le temps de communication.

La société SFR a souhaité lancer une offre alternative à celle de la société Orange qui n'a pu aboutir, selon elle, du fait du comportement de la société Orange : celle-ci propose aux opérateurs alternatifs, tels que la société SFR, une offre de gros de revente de l'abonnement au service téléphonique (offre VGAST) qui est la réplique de l'abonnement téléphonique classique qui ne permet pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre temporairement le paiement des redevances mensuelles de l'offre GVAST payées par la société SFR à la société Orange.

S'estimant victime de pratiques d'abus de position dominante de la part de la société Orange, la société SFR a, par acte du 24 avril 2012, assigné cette société devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle dit subir.

Par jugement du 12 février 2014, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la SA France Télécom devenue Orange s'est rendue coupable d'abus de position dominante;

- condamné la SA France Télécom devenue Orange à verser la somme de 51,38 millions d'euros au titre du manque à gagner résultant de l'absence de revenues liés aux résidences secondaires ;

- condamné la SA France Télécom devenue Orange à payer la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 13 mars 2014 par la société Orange contre cette décision.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 25 juin 2014 par lesquelles la société Orange demande à la cour de :

- Dire et juger la société SFR mal fondée en toutes ses demandes,

- En conséquence, débouter la société SFR de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner la société SFR à verser à la défenderesse une somme de 80 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Orange précise que l'offre de vente en gros d'accès au service téléphonique d'Orange (l'offre VGAST) permet aux opérateurs alternatifs, comme SFR, de vendre au détail et de facturer directement à leurs clients finaux, cela afin de promouvoir une concurrence effective et loyale sur le marché de la téléphonie fixe. La société Orange fait valoir que le tarif de l'offre VGAST est péréqué et est donc indépendant du coût effectif de chaque ligne, de l'usage auquel Orange ou l'opérateur alternatif réserve chaque ligne, et du chiffre d'affaire d'Orange.

Elle indique proposer les différentes offres RS depuis 2000 et que la société SFR a émis le souhait d'en bénéficier par un courrier d'avril 2010. Elle lui a alors indiqué que son activité de détail s'appuie sur l'offre VGAST qui ne peut être suspendue aux mêmes conditions tarifaires et techniques que celles des opérateurs concurrents et dont les modalités tarifaires sont unilatéralement fixées par l'Arcep.

La société Orange indique qu'à la demande de la société SFR, l'Arcep a précisé dans une étude du 16 septembre 2010 sur la réplicabilité de l'offre résidence secondaire que l'offre n'introduit pas d'inégalité de traitement entre l'activité de détail d'Orange et celle de SFR et que la non interruptabilité de l'offre VGAST résulte du principe comptable applicable dans la régulation de cette offre, que l'Arcep a proposé une possible suspension de la facturation de l'offre VGAST, impliquant que cet allégement devrait nécessairement être reporté sur les autres offres et viendrait alourdir leurs coûts, que l'Arcep a demandé aux opérateurs alternatifs, dont la société SFR, s'ils étaient favorables à une modification comptable, et que ces derniers se sont tous opposés à un tel changement. Elle ajoute que dans la synthèse de son étude du 29 septembre 2010, l'Arcep demande spécifiquement à la société SFR si elle souhaite la mise en œuvre du changement comptable proposé, mais que cette dernière n'a pas formulé de réponse.

Ensuite, la société Orange rappelle que les autorités et commissions n'ont pas reconnu un marché pertinent de la téléphonie fixe de la résidence secondaire. Elle soutient qu'il n'existe pas de justification à l'existence d'un marché pertinent des résidences secondaires, dès lors que les caractéristiques objectives des services de téléphonie fixe sont identiques pour ceux d'une résidence principale et ceux d'une résidence secondaire. Elle rappelle les similitudes présentes entre les offres et expose que la seule différence qui réside dans la possibilité d'interruption de la facturation de l'offre résidence secondaire ne traduit qu'une simple modalité tarifaire de consommation.

La société Orange soutient dans le même sens que le marché pertinent ne saurait être délimité à celui de l'offre résidence secondaire au regard des prix des services identiques à ceux des offres classiques de téléphonie fixe et au regard de l'usage fait par les clients de l'offre résidence secondaire dépendant de facteurs autres que le temps d'occupation de ces résidences. Il en va de même au regard de la substituabilité du point de vue de la demande au vu du pourcentage de titulaire d'une offre résidence secondaire pour le nombre de propriétaire de telle résidence.

La société Orange expose que l'approche quantitative proposée par la société SFR ne saurait être retenue par la cour dès lors que le test SSNIP est appliqué de manière erronée par la société SFR. Ce dernier permet au contraire, selon la société Orange, de conclure à l'existence d'un seul marché regroupant les offres résidences secondaires et les offres classiques. Elle ajoute que la substituabilité du point de vue de l'offre entre ces services est totale.

Pour la société Orange, il n'existe aucune raison juridique permettant de limiter le marché pertinent à celui des offres résidences secondaires et que de ce fait, son comportement ne saurait être susceptible de constituer un abus de position dominante alors que la société SFR est bien présente sur le marché de la téléphonie fixe pour la clientèle résidentielle. La définition d'un marché pertinent réduit aux seules résidences secondaires ne permet pas de caractériser une éviction anticoncurrentielle ou l'existence d'autres pratiques de ciseau tarifaire ou de prédation.

La société Orange fait valoir que la société SFR ne démontre pas l'existence d'un comportement abusif de sa part aussi bien pour les pratiques de prédation, de ciseau tarifaire que de ventes liées.

Elle oppose que les contrôles opérés par l'Arcep sur le marché de gros concernent le contentieux et qu'en l'espèce le caractère de non interruptabilité de l'offre VGAST est étroitement régulé et contrôlé par l'Arcep qui dispose de pouvoirs étendus aussi bien pour le marché de gros et de détail qu'elle n'a pas jugé utile de mettre en œuvre. La société Orange ajoute que la société SFR s'est abstenue d'utiliser les moyens procéduraux adaptés, dès lors qu'elle a refusé de prendre position sur la question du changement de régulation et qu'elle n'a saisi ni l'Arcep ni l'Autorité de la concurrence.

La société Orange soutient que la prétendue pratique de non reproductibilité tarifaire est infondée aussi bien d'une part telle qu'alléguée par la société SFR, du fait d'un ciseau tarifaire entre l'offre VGAST et l'offre résidence secondaire fondée sur une comparaison erronée, et d'autre part telle que retenue par le tribunal fondée sur une mauvaise interprétation, dès lors que pour proposer une offre de détail interruptible, il n'est pas techniquement indispensable d'avoir accès à une offre VGAST interruptible comme le fait la société Orange.

La société Orange fait valoir que le grief de prédation, peu vraisemblable, n'est pas démontré en droit par la société SFR. Le grief relatif à une pratique de vente lié ne saurait de même être retenu, dès lors qu'aucun document probant ne permet de la caractériser et que la société Orange ne pose aucune exigence à ce que les abonnés de l'offre RS soient également abonnés à son offre résidence principale, comme l'a constaté l'Arcep.

Enfin, la société Orange ajoute que l'absence de lien de causalité entre le prétendu caractère non réplicable de l'offre résidence secondaire et le préjudice dont la société SFR se prévaut est avérée, que la société SFR ne démontre pas l'existence d'un préjudice subi concernant un manque à gagner relatif aux résidences secondaires, par une démonstration à partir d'un scénario contrefactuel biaisé et reposant sur un calcul erroné notamment pour les estimations des revenus de la société Orange, le chiffre d'affaire manqué et le taux de marge retenu. Il en va de même pour le manque à gagner relatif aux résidences principales que le tribunal n'a pas retenu.

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 23 juin 2014 par lesquelles la société SFR demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'Orange est en position dominante sur le marché de gros de la VGAST ;

- dit et jugé qu'Orange est en position dominante sur le marché de détail de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires dit et jugé qu'Orange s'est rendue coupable d'abus de position dominante consistant à pratiquer des ciseaux tarifaires et des ventes liées ;

- condamné Orange à verser à SFR la somme de 51,38 millions d'euros au titre du manque à gagner résultant de l'absence de revenus liés aux résidences secondaires pour les années 2006 à 2013 ;

- condamné Orange à verser à SFR la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

- condamner Orange à verser à SFR la somme de 61,9 millions d'euros au titre de la perte d'une chance liée aux résidences principales causée par les pratiques de ciseau tarifaire d'Orange ;

- à titre subsidiaire, condamner Orange à verser à SFR la somme de 14 millions d'euros au titre de la perte d'une chance liée aux résidences principales aux résidences principales causée par les pratiques de ventes liées d'Orange ;

Y ajoutant,

- condamner Orange à verser à SFR la somme de 7,9 millions d'euros au titre du manque à gagner résultant, postérieurement au jugement du tribunal de commerce, de l'absence de revenus liés aux résidences secondaires pour l'année 2014 ;

- dire que l'ensemble des condamnations prononcées seront actualisées par application du taux d'intérêt légal depuis le 1er janvier 2006 ;

- condamner Orange à verser à SFR la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société SFR soutient que l'accès au marché des résidences lui est rendu impossible par la société Orange du fait de l'offre de gros VGAST inadaptée et du refus de la société Orange, après un courrier d'avril 2010, de proposer aux opérateurs un service leur permettant de répliquer à son offre RS. La société SFR relève que l'Arcep a choisi d'ignorer sa situation, lors des réunions et dans la synthèse qu'elle lui a soumise.

Elle expose que le raisonnement suivi par le tribunal pour retenir le marché pertinent des résidences secondaires et les différents abus de la société Orange doit être confirmé. Elle ajoute que cette dernière a refusé de lui proposer de nouvelles conditions commerciales, sollicitées après le jugement du tribunal de commerce.

Tout d'abord, la société SFR fait valoir que le marché pertinent des résidences et la position dominante de la société Orange sur celui-ci doivent être confirmés.

La segmentation du marché en fonction des résidences principales et secondaires devra être retenue selon la société SFR, dès lors qu'elle résulte d'une évolution nécessaire n'ayant pas été consacrée en jurisprudence auparavant. Elle ajoute que les marchés pertinents identifiés par l'Arcep au titre de la régulation diffèrent de ceux pertinents au sens du droit de la concurrence.

Elle indique que les résidences secondaires offrent des particularités suffisantes pour pouvoir être isolées dans un marché pertinent du fait des besoins spécifiques des propriétaires de résidences secondaires, différents de ceux des résidences principales. Elle précise que l'offre RS présente une caractéristique unique relative à la suspension possible de l'abonnement qui ne correspond pas à une simple option tarifaire. L'offre RS avec possibilité de suspension de l'abonnement aurait été lancée pour un ensemble de consommateurs définis, afin de répondre à un besoin spécifique. Elle ajoute qu'en prenant en compte les suspensions possibles, l'offre RS est moins chère que l'offre classique et soutient que la société Orange détient une position de monopole sur le marché de téléphonie fixe des résidences secondaires.

La société SFR expose que les pratiques mises en œuvre par la société Orange sont abusives. Elle demande la confirmation de la reconnaissance de la pratique de ciseau tarifaire retenue par le tribunal du fait de l'impossibilité de concurrencer l'offre résidence secondaire. Elle affirme que cette pratique concerne aussi bien le marché de gros que le marché de détail au regard des coûts des différentes offres. Le test de ciseau doit être conduit sur le marché de détail concerné des résidences secondaires selon la société SFR. Elle oppose que la possibilité de commercialiser une offre concurrente à l'offre résidence secondaire dans des conditions économiques viables doit être appréciée, sans considération d'une possible réplicabilité technique. Elle relève que si la branche aval d'Orange ne suspend pas les paiements au profit de la branche amont, la vente à perte devra alors être sanctionnée de la même manière.

Elle fait valoir que la société Orange a mis en œuvre une pratique de ventes liées entre l'offre résidence secondaire et son offre de téléphonie fixe résidence principale, comme le démontrent les mentions sur son site internet et les conditions spécifiques de l'offre RS. Elle précise qu'un abonnement principal chez Orange constituerait ainsi une condition préalable à toute ouverture d'une ligne fixe résidence secondaire, permettant de caractériser la vente liée.

La société SFR relève que l'inaction de l'Arcep ne saurait être invoquée par la société Orange pour justifier ses abus, dès lors que les choix de l'Arcep ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

Ensuite, la société SFR fait valoir que le lien de causalité entre l'absence de réplicabilité de l'offre résidence secondaire et le préjudice qu'elle subit est établi. Les conditions proposées par la société Orange auraient, dès l'ouverture à la concurrence du marché, empêché la société SFR d'entrer sur le marché des résidences secondaires, qui en a subi un préjudice de ce fait.

Elle soutient qu'elle subit un manque à gagner relatif aux résidences secondaires. Elle indique que les différentes étapes du calcul de ce préjudice doivent être retenues concernant les revenus, le scénario contrefactuel, la captation de part de marché, le point de départ du préjudice et la marge commerciale pris en compte. Elle demande ainsi la confirmation d'un manque à gagner lié aux résidences secondaires pour les années 2006 à 2013 à hauteur de 51,38 millions d'euros, devant être actualisé à hauteur d'une somme complémentaire de 7,9 millions d'euros au titre des pratiques mises en œuvre postérieurement au jugement.

Enfin, la société SFR soutient que le jugement attaqué devra être réformé quant au préjudice subi par elle sur le marché des résidences principales à raison des pratiques de ventes liées commises par la société Orange. Elle demande réparation de ce préjudice en le fondant sur la perte de chance de n'avoir pas pu présenter son offre résidence principale à des clients qui auraient souscrits à son offre résidence secondaire du fait des pratiques de ciseau tarifaire. En prenant en compte une captation de 50 % des clients, la société SFR demande réparation de son préjudice à hauteur de 61,9 millions d'euros au titre de la perte de chance de faire souscrire son offre résidence principale résultant des pratiques de ciseau tarifaire.

De la même manière, la société SFR entend obtenir réparation à hauteur de 14 millions d'euros au titre de la perte de chance de faire souscrire son offre résidence principale résultant des ventes liées pratiquées par la société Orange.

SUR CE :

Considérant que SFR entend faire reconnaître qu'il existe un marché pertinent de la téléphonie fixe de la résidence secondaire sur lequel la société Orange détient une position dominante dont elle abuse 1) ; que par ailleurs, elle estime que même si un tel marché n'est pas reconnu, la société Orange se livre à des pratiques abusives de vente à perte et de cizeau tarifaire 2) ;

1) Considérant que l'abus de position dominante reproché à Orange par SFR suppose que soit défini le marché pertinent sur lequel elle peut réaliser cet abus ;

Considérant que la société Orange nie l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe pour la résidence secondaire que la société SFR au contraire entend voir reconnaître,

Considérant que la détermination des marchés pertinents n'est pas immuable et doit, le cas échéant, traduire les évolutions technologiques, quelles qu'aient pu être jusqu'à présent les définitions retenues par les diverses autorités intervenants en la matière, Autorité de la concurrence et Commission Européenne ; que si SFR expose subir un préjudice sur la période qui 's'étend sur une période ne correspondant pas à (cette) tendance à la convergence, certes entrevue mais pas achevée des technologies, elle ne donne pas plus d'explication sur les différences technologiques pouvant justifier la définition d'un marché pertinent de la téléphonie fixe des résidences secondaires sur la période sur laquelle elle estime avoir subi un préjudice,

Considérant que dans le faisceau d'indices qui détermine le marché pertinent, la substituabilité de la demande et celle de l'offre doivent être analysées,

Considérant s'agissant de la demande, que la société Orange rappelle sans être contredite par SFR, que dans le marché de la téléphonie résidentielle, la part de la téléphonie "résidence secondaire" est de 1 %, et précise sans être contredite non plus sur ce point qu'à peine 10 % des propriétaires de résidences secondaires ont souscrit l'offre RS ; que si Orange a commercialisé une telle offre en ayant pensé avoir identifié un besoin spécifique, il apparaît bien que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère interruptible de son abonnement ne présentent aucun intérêt ; que la société SFR se livre à un test "Small but Significant Non transitory Increase in Price" ("SSNIP") pour tenter de déterminer qu'une hausse légère, significative mais non transitoire profiterait à Orange, en ce que les clients ne se détourneraient pas pour autant de l'offre RS ; que ce test réalisé à partir d'hypothèses non vérifiées pour leur représentativité et sans tenir compte de l'incertitude du coût exact de l'offre RS pour le consommateur ne peut être probant et ne peut justifier l'existence d'un marché pertinent,

Considérant s'agissant de l'offre, que la société Orange propose, dans l'offre RS, une modalité tarifaire de consommation permettant aux abonnés de suspendre leur abonnement tout [en] conservant leur numéro mais en payant une somme modique pour chaque suspension ; qu'il s'agit de la seule différence avec les autres offres d'Orange et des autres opérateurs lesquelles ont des caractéristiques (services proposés - accès au réseau par raccordement et acheminement des communications -, réseau utilisé, cadre contractuel - conditions générales de l'abonnement et prestations optionnelles -, offres - avec ou sans forfait -, grilles tarifaires abonnement avec ou sans forfait) identiques et répondent aux même besoins ; que les offres faites (RS et téléphonie fixe) sont interchangeables ; que la différence d'un coût effectif entre l'offre RS et l'offre "classique" invoquée par SFR n'est pas établie avec certitude puisque le coût est calculé en fonction de la fréquence et de la durée variables des séjours dans les résidences secondaires et qu'elle ne peut justifier la définition d'un marché distinct du marché de la téléphonie résidentielle ;

Considérant, en définitive, que la société SFR n'établit pas l'existence d'un marché pertinent limité aux résidences secondaires,

2) Considérant qu'il est soutenu que même si le marché de la résidence secondaire n'était pas reconnu pertinent, la société Orange, en position dominante sur le marché de la téléphonie fixe commettrait un abus en pratiquant des ventes à perte et en pratiquant un squeeze tarifaire ; que SFR expose qu'"une compression de marge ne portant que sur les offres RS constitue un abus de position dominante dès lors que celles-ci visent une clientèle importante d'un point de vue économique et stratégique", que SFR soutient qu'elle ne peut proposer une offre concurrente de l'offre RS dans des conditions économiques viables, ce que l'Arcep a parfaitement identifié sans pour autant contraindre Orange à agir différemment ; qu'elle ajoute qu'en liant l'offre RS et les offres destinées aux résidences principales, la société Orange abuse de sa position dominante sur le marché de la téléphonie fixe résidence secondaire pour conforter encore davantage celle détenue sur le marché de la téléphonie fixe résidence principale,

Considérant cependant que les pratiques invoquées par SFR doivent avoir un effet d'éviction ; que la clientèle concernée par l'offre RS est de faible importance, représentant 1 % du marché de la résidence secondaire et, comme le souligne la société Orange, "on ne voit pas comment des pratiques circonscrites à 330 000 clients auraient évincé SFR", celle-ci demeurant 'libre de commercialiser ses offres à pas moins de 98,8 % du marché des résidences fixes ; qu'à cet égard, la société SFR devrait démontrer, et non seulement affirmer, qu'elle est victime d'une éviction anticoncurrentielle sur le marché de la téléphonie fixe des résidences, ce qu'elle ne fait pas et ce qui n'est pas l'objet du litige et si elle soutient ne pouvoir proposer des offres concurrentes à l'offre RS, elle n'a pas démontré que le marché de la téléphonie fixe de la résidence secondaire était pertinent,

Considérant qu'il apparaît ainsi que la demande de la société SFR n'est pas justifiée et doit être rejetée ; que le jugement du tribunal de commerce sera infirmé,

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré, Déboute la société SFR de ses demandes, Condamne la société SFR à payer à la société Orange la somme de 60 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens dont ceux d'appel seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.